Contenu en ligne sur la page : http://ebook.coop-tic.eu/francais/wakka.php?wiki=EbookPourUnBonReseauInfoDoc  .epub

Présentation du projet Cooptic


Cooptic est une initiative de transfert d'innovation, financée par la Commission européenne dans le cadre du projet Leonardo da Vinci. Quatre partenaires spécialisés dans les pédagogies innovantes - SupAgro Florac et Outils-Réseaux (Montpellier), l'École de la coopération Aposta de Catalogne et le Centre Régional d'Initiative à l'Environnement (CRIE Mouscron) de Wallonie - se sont associés pour travailler sur l'adaptation d'un dispositif de formation destiné aux animateurs de projets collaboratifs.

Durant Cooptic, ont été formées quinze personnes dans trois pays : Belgique, Espagne et France, afin qu'elle deviennent, à leur tour et dans leurs cercles respectifs, formatrices d'animateurs de projets et réseaux coopératifs.

Cooptic, c'est aujourd'hui 60 animateurs de réseaux qui constituent un véritable pool dans trois pays européens. Ce réseau s'est construit sur trois ans :


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Présentation de l'équipe de partenaires


Le programme de Cooptic a relié quatre structures :

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SupAgro Florac : Institut d'éducation à l'agro-environnement, assure depuis des années la formation des animateurs des nombreux réseaux thématiques et géographiques de l'enseignement agricole public ainsi qu'un appui technique. Reconnu nationalement pour l'expertise en sciences de l'éducation et ses activités d'expérimentation pédagogique et de promotion de dispositifs de formation innovants, Supagro Florac partage son savoir-faire avec ses partenaires du projet. Il assure également, le montage et la coordination de l'ensemble du projet.

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Association Outils-Réseaux : Association "référence" en France sur le travail en réseau. Sa mission principale est d'initier et d'accompagner les réseaux et pratiques coopératives en s'appuyant sur des outils méthodologiques et Internet. En 2010, Outils-Réseaux a mis en place le dispositif de formation Animacoop en direction des animateurs et professionnels ½uvrant dans le champ de la coopération et l'animation de réseaux. Ce dispositif Animacooop a fait l'objet d'adaptation du projet européen Cooptic.


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Association Aposta, en Catalogne : École de la coopération chargée du transfert sur le territoire Catalan.




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Association CRIE de Mouscron, en Wallonnie. Association d'éducation à l'environnement chargée du transfert sur le territoire Wallon.



Ces partenaires ont associé les compétences de diverses institutions, universitaires, chercheurs, intervenants et collectivités locales engagées dans des démarches de développement participatif qui concourent activement à la rédaction d'une publication de cet e-book que vous pouvez découvrir maintenant.

Présentation du dispositif d'apprentissage


Le dispositif de formation Cooptic est fondé sur les principes éducatifs qui visent à accompagner le stagiaire vers l'autonomie et à renforcer sa capacité à agir en connaissance de cause. L'apprenant est au centre de l'attention pédagogique. De ces principes découlent les choix de méthodes et moyens pédagogiques qui s'articulent autour de trois idées : le caractère transversal des savoirs et compétences collaboratifs à acquérir, un lien avec le projet professionnel des stagiaires, l'utilisation des potentialités des outils numériques pour innover sur les pratiques pédagogiques.


Qu'apprend-on à la formation Cooptic ?

Les contenus de formation privilégient le développement des compétences opérationnelles liées à l'animation du projet collaboratif : gestion de l'information, coproduction des ressources, démarrage des dynamiques de réseau, animation de collectifs...
Ces contenus sont structurés autour de 12 concepts clés et 12 compétences collaboratives transverses :

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Ces compétences collaboratives sont traitées parallèlement sur trois niveaux :
  • Au niveau individuel, la formation développe l'implication de la personne dans un projet collectif,
  • au niveau du groupe, elle traite de la compréhension des dynamiques de groupes, réseaux, communautés et des compétences de management d'un collectif,
  • un troisième niveau d'environnement concerne les facteurs d'ouverture et de communication "à l'extérieur" de son réseau.


Comment apprend-on ?

Durant 14 semaines de formation les stagiaires travaillent à distance et en présence suivant une progression sur trois parcours parallèles :

  • Parcours individuel :
Les contenus mis en ligne suivent des étapes de la vie d'un réseau.
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  • Formation du réseau : le groupe se forme, un "collectif des individus" prend conscience d'être un groupe d'apprentissage.
  • Le réseau s'informe : les échanges autour des projets conduisent à l'émergence d'expériences et de problèmes communs.
  • Transformation du réseau : les phénomènes individuels et collectifs sont mis en ½uvre dans le travail collaboratif en petits groupes.
  • Rayonnement du réseau : la diffusion des résultats des travaux de coopération en dehors de la communauté valorise le groupe.
  • Consolidation du réseau : cela permet une évaluation et une réflexion sur la façon de faire vivre la dynamique et de l'ouvrir à d'autres.




  • Parcours "collectif apprenant" :
Les stagiaires produisent collectivement de nouveau contenus.


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  • Parcours projet :
La mise en place d'un projet collaboratif par le stagiaire est un pré-requis, et les activités proposées se réfèrent à ce projet tout au long de la formation. En première semaine, les stagiaires présentent le contexte et l'objet de leur projet, puis ils testent les méthodes et outils proposés sur leur projet et relatent le tout sur un espace personnel d'apprentissage. À chacun des trois regroupements, un point d'étape rend compte des apports de la formation sur le déroulement du projet. La formation-action accélère le projet dans son contexte professionnel et réciproquement, les acquis de la formation sont plus "tangibles" car impliqués dans l'action

Pédagogie impactée par les nouvelles technologies

Un écosystème de formation :
Une méthodologie pour pour passer de la posture d'"animateur de réseaux" à "formateur d'animateurs de réseaux".
Une alternance de moments d'échanges en présence et à distance via des outils internet.
Une utilisation des outils et méthodes collaboratifs durant la formation.
Des moments d'échanges de pratiques.
Du travail individuel sur des projets collaboratifs des stagiaires.
Co-production des connaissances : des rubans pédagogiques de formation.


L'ebook de Cooptic

L'ebook que vous avez entre les mains regroupe les ressources utilisées lors de la formation Cooptic. Certaines ont été rédigées spécialement pour l'ebook car les contenus avaient été présentés oralement lors de la formation. Cet ouvrage est un état nos connaissances dans le domaine de coopération et de la collaboration au moment de sa rédaction, fin 2013. Mais c'est un domaine qui commence juste à être étudié et nous continuons à expérimenter, à imaginer, à essayer, à rêver... Bref, même si la publication de cet ebook est l'aboutissement du projet européen Leonardo Cooptic, ce n'est pas une fin mais juste les premières pierres de nos futurs projets : une centre de ressources sur la collaboration ? Un MOOC ? Ou sans doute quelque chose qui n'existe pas encore !
Bonne lecture et bonnes futures petites expériences irréversible de coopération !

Ils ont participé à l'aventure !


Coordination :
Hélène Laxenaire

Auteurs :
Gatien Bataille
Jean-Michel Cornu
Antoine Delarue
FNAMI LR
Mathilde Guiné
Claire Herrgott
Emilie Hullo
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Heather Marsh
Laurent Marseault
Daniel Mathieu
Outils-réseaux
Jordi Picart i Barrot
Manon Pierrel
Frédéric Renier

Violette Roche
Elzbieta Sanojca
SupAgro Florac
Vincent Tardieu
Laurent Tézenas
Françoise Viala
et les stagiaires Animacoop

Dessins :
Eric Grelet

Conception des parcours
Claire d'Hauteville
Hélène Laxenaire
Elzbieta Sanojca

Traduction en français :
Traduction collaborative par des membres du groupe AnimFr (de l'article sur la stimergie)

Traduction en anglais :
Koinos
Suzy Lewis-Vialar
Abdel Guerdane

Traduction en catalan :
Koinos
Jordi Picart i Barrot

Relecture (de la partie française) :
Caroline Seguin

Normalisation des fiches :
Cathy Azema
Gatien Bataille
David Delon
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Christian Resche
Cécile Trédaniel

Développement :
Florian Schmitt

Charte graphique :
Imago design

Montage et suivi du projet Leonardo :
Guy Levêque
Cathy Azema
Martine Pedulla
Stéphanie Guinard


Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre d'un projet de transfert d'innovation (TOI) financé par l'union européenne au travers du programme Léonardo Da Vinci.

Tous les contenus (textes, images, video) sont sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 FR. Cela signifie que vous pouvez librement les diffuser, les modifier et les utiliser dans un contexte commercial. Vous avez deux obligations : citer les auteurs originaux et les contenus que vous créerez à partir des nôtres devront être partagés dans les mêmes conditions, sous licence CC-BY-SA.

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Cartographier pour donner une vision d'ensemble

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Vive les antagonismes !

1Que ce soit lors d'une discussion collective avec des points de vue différents, ou a fortiori lors d'un conflit, chacun défend sa position et la répète sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte ou même qu'elle s'impose face aux autres. Ce biais empêche en général chacun d'avoir une vue d'ensemble des points proposés : chacun cherche ce qui justifie sa position et éventuellement ce qui discrédite la position de l'autre. La discussion "tourne en rond".

A y regarder de plus près, il se joue deux choses dans ce type d'échanges : les participants cherchent à atteindre ensemble une vérité ou une solution, mais en remplaçant bien souvent la démarche rationnelle par une justification a posteriori.. des positions prises 2 ; et d'un autre coté se joue un jeu le plus souvent inconscient où chacun cherche à ne pas être mis en défaut mais plutôt à obtenir l'estime des autres. Le plus souvent, il existe également un présupposé qu'une seule solution est vraie ou au moins est la meilleure. Cette situation empêche fréquemment les participants de chercher d'autres propositions que celles qui sont données au début par eux. Les techniques de créativités permettent de sortir de ce cercle vicieux en conservant l'ensemble de ce qui est dit et en proposant aux participants de trouver des solutions nouvelles.

Un antagonisme est "une situation dans laquelle deux phénomènes ou leurs conséquences s'opposent dans leurs effets 3". Dans la fable des aveugles et de l'éléphant 4 , chaque aveugle touche une partie différente de l'animal et en tire une conclusion différente qui semble s'opposer aux autres. Mais un opposé n'est pas un contraire qui lui, est totalement incompatible avec la proposition de départ. Ainsi, on oppose souvent réussir et échouer. Mais ces deux opposés ne sont pas si incompatibles qu'ils le semblent au premier abord. Ceux qui ont réalisé des projets savent bien que dans la vie on rencontre à la fois des réussites et des échecs... Sauf à ne rien faire du tout ce qui permet ni de réussir ni d'échouer.5

Il est donc important de ne pas exclure des propositions dès le départ dans une discussion, mais au contraire de chercher de nouvelles idées pour enrichir la "carte" des possibles avant de chercher à faire un choix. 6

Les limites du discours

Prenons une image pour représenter le discours d'une personne. Il comprend un point de départ - souvent une question - un cheminement et un point d'arrivée qui en est la conclusion. En cela, il ressemble à une promenade par exemple dans une forêt, avec son point de départ, son cheminement et son point d'arrivée. Mais si nous cherchons à nous promener à plusieurs sans que tous acceptent de suivre une seule et même personne, alors les choses commencent à se gâter. Le conflit pourrait être représenté par un même point de départ et deux cheminements dans des sens opposés. Comment représenter ce conflit sous la forme d'un seul et même discours ? Nous pouvons présenter les cheminements l'un après l'autre, mais il n'est plus possible de présenter un seul point de départ, un seul cheminement et un seul point d'arrivée comme lorsque nous raisonnons à l'aide de la parole... De même l'intelligence collective peut être représentée comme plusieurs points de départ (plusieurs points de vue) pour un même point d'arrivée (l'objet à observer). Comme dans le cas des aveugles et de l'éléphant, il n'est plus possible également de représenter cela sous la forme d'un discours unique. La création pour sa part consiste à relier deux idées entre elles pour en créer une nouvelle. Là aussi, un discours unique ne permet pas de partir des nombreux points de départ potentiels vers les nombreux points d'arrivée possibles. Le discours est donc limité dans sa capacité à représenter certains domaines 7. Parfois même nous tournons en rond ! Jacques Monod 8 a montré que c'est notre langage symbolique et notre capacité à former des discours qui constitue notre intelligence. Ainsi, nous les humains disposons d'une intelligence qui nous permet de faire des discours parfois rationnels. Elle nous a permis de développer des civilisations et même d'envoyer des hommes sur la Lune. Mais cette forme d'intelligence ne nous permet ni de résoudre les conflits, ni de traiter l'intelligence collective, ni de faire de la créativité ! C'est sans doute pour cette raison que nous sommes les seuls animaux à avoir été capable de maîtriser l'atome mais que nous avons été assez bête pour nous envoyer des bombes atomiques sur nous même...

Une carte pour ne pas tourner en rond

Heureusement, nous n'avons pas que le discours et le langage classique pour développer notre intelligence. Les sciences cognitives ont montré que nous avons plusieurs mémoires de travail 9 qui nous permettent de conserver ces concepts à l'esprit. Or penser consiste à relier des idées entre elles. Nous faisons cela avec celles que nous avons "à l'esprit", présentes dans nos mémoires de travail. La "boucle phonologique" est une mémoire de travail qui s'intéresse aux idées qui s'enchaînent comme c'est le cas dans notre discours ou, pour reprendre notre analogie, comme les différents pas de notre cheminement durant notre promenade. Nous disposons également d'un "calepin visuo-spatial", une autre mémoire de travail qui elle s'intéresse aux différents concepts non reliés entre eux. Si nous reprenons notre analogie de la promenade dans la forêt, cette mémoire nous permet de constituer un plan rassemblant différents éléments pour nous orienter. Dans ce cas, il est possible de conserver à l'esprit plusieurs idées opposées ou bien simplement différentes. De même que de disposer d'une carte pour notre promenade collective permet de se situer et de situer les autres, il est possible de constituer une carte d'idées pour se situer dans un débat. Cette forme de pensée particulièrement adaptée à la résolution de conflit, à l'intelligence collective ou à la créativité, nous l'avons nommée "pensée-2" en reprenant le terme de Edward de Bono 10. La carte permet de voir tous les chemins en même temps et éventuellement d'en chercher de nouveaux non encore explorés. Nous pouvons la coconstruire en y mettant toutes les idées et les cheminement de chacun au cours d'un échange. Des outils tels que les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) permettent justement de cartographier les débats avec une grande efficacité.

Mais nos mémoires de travail, contrairement à nos mémoires à long terme sont très limitées. La boucle phonologique qui nous permet de conserver l'enchaînement des idées ne permet de conserver à l'esprit que trois concepts 11. Cette limite nous apparaît lorsque nous cherchons à "remonter" le fil d'une discussion que nous venons juste d'avoir. Nous retrouvons facilement les trois dernières idées mais avons du mal à aller au-delà. Avec cette limite, nous devrions être incapable de construire un discours de plus de trois idées. C'est effectivement le cas dans le langage animal. Mais nous les humains, avons réussit à dépasser cette barrière grâce à une augmentation... culturelle. L'invention du langage symbolique nous a permis de stocker dans une de nos mémoire à long terme 12 plusieurs milliers de concepts sous la forme de mots symboliques. Nous puisons dans cette mémoire à long terme pour alimenter notre petite mémoire à court terme en enchaînant les mots les uns à la suite des autres pour constituer des discours. Ainsi, grâce à cette alimentation en continue de concepts pré-empaquetés dans des mots, nous pouvons constituer des discours sans limite. Nous sommes tellement fiers de cette avancée majeure que nous n'arrêtons plus de parler... Même notre inconscient parle nous dit Jacques Lacan !

Notre deuxième mémoire de travail, le calepin visuo-spatial qui nous permet de constituer des cartes d'idées que nous pourrons chercher à relier par la suite, est limitée également. Son "empan mnésique", la taille de ce que nous pouvons conserver en tête à un moment donné, est compris entre cinq et neuf 13. Nous pouvons nous rendre compte de cette limite si on nous présente une photo avec plusieurs personnes et qu'une fois seulement la photo retirée, on nous demande combien de personnes s'y trouvaient. Si le nombre est peu élevé, jusqu'à environ sept, nous pouvons recompter à partir de l'image mentale que nous avons conservée de la photo. Mais si le nombre de personnes est plus important, nous sommes incapable de les compter a posteriori. Une fois de plus, nous avons une limite commune avec la plupart des animaux. Mais sans outils cognitifs nous permettant de la dépasser, nous sommes incapable de nous souvenir de plus de cinq à neuf idées dans un échange et nous perdons toute la richesse du débat. L'humain du XXIe siècle est même désavantagé car il est tout le temps sollicité et doit conserver en mémoire plusieurs choses. Bien souvent, nous ne réagissons plus dans un débat que par rapport à une ou deux idées qui nous ont marquées en oubliant toutes les autres...

Augmenter notre capacité à cartographier les débats

Tout comme nous avons pu augmenter notre capacité à construire des discours en stockant dans notre mémoire à long terme des mots symboliques, il est possible d'augmenter notre capacité de construire des cartes mentales. "L'art de la mémoire" consiste à stocker dans sa mémoire à long terme des lieux symboliques - appelés Loci - puis à les associer aux idées qui apparaissent dans les échanges (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées). Nous pouvons ainsi conserver dans notre mémoire à long terme suffisamment de concepts pour dépasser les limitations de notre mémoire à court terme.

L'art de la mémoire14

Dans le cas de la pensée-2, nous avons vu que nous étions limités par la taille de notre mémoire de travail à court terme. Pour dépasser cela, nous pourrions utiliser une carte déjà conservée dans notre mémoire à long terme (par exemple, un plan de ville) pour y stocker les différents concepts qui seront reliés à un des lieu sur notre carte.

C'est exactement ainsi que fonctionne l'art de la mémoire 15 dont Cicéron attribue l'origine aux Grecs 16. Lors d'un banquet, raconte-t-il, le poète Simonide de Céos fut invité comme il était de tradition pour faire l'éloge du maître des lieux. Mais il y inclut un passage à la gloire de Castor et Pollux. Scopas, le maître de céans, dit alors à Simonide qu'il ne lui paierait que la moitié de son dû et qu'il n'avait qu'à demander le solde aux dieux jumeaux. Un peu plus tard au cours du repas, une personne appelle Simonide pour lui dire que deux jeunes gens l'attendent dehors. À peine sorti de la maison, il voit le toit s'effondrer sur l'ensemble des convives. Les corps sont écrasés à tel point qu'ils sont méconnaissables pour leurs proches venus les identifier. Le poète est alors capable de reconnaître la totalité des victimes en se rappelant les places qu'ils occupaient lors du banquet fatal.

Progressivement, d'un simple système mnémotechnique, l'art de la mémoire s'est transformé en un système qui ambitionnait de catégoriser l'ensemble de la pensée humaine sur un plan spatial. Bien au-delà du simple procédé mnémotechnique, ce système dessinait un art de créer de la pensée 17. Mais l'utilisation même de l'expression "art de la mémoire" a sans doute poussé à oublier ces techniques au moment où l'imprimerie, puis l'ordinateur se substituaient à nos capacités de mémoire. Pourtant ce type de méthode, utilisé dès le Moyen Âge par les moines, permet de penser avec un très grand nombre de concepts simplement en les associant à des parties d'un lieu connu, conservé quant à lui dans notre mémoire à long terme.

On retrouve des traces de ces méthodes de pensée alliant concepts et lieux symboliques -pas toujours des lieux physiques mais des cartes apprises et conservées en mémoire- dans de nombreux domaines : l'utilisation des psaumes 18, les contes oraux 19, les griots africains, le Yi King, la calligraphie chinoise...

Quelle type de carte pour l'intelligence collective ?

Pour permettre le développement de l'intelligence collective par exemple dans la production d'un document collectif ou la résolution des conflits, nous pouvons donc utiliser des cartes afin de montrer les différents cheminements des participants et en découvrir de nouveaux. L'utilisation des schéma heuristiques (mind mapping) est particulièrement puissant. Lors de réunions en présentiel il est possible de projeter la carte sur un mur à la vue de tous afin de permettre à chacun d'avoir une vue d'ensemble et ainsi de changer totalement la façon dont les participants proposent de nouvelles pistes plutôt que de ne répéter que celles dont ils se souviennent... Généralement la leur.

Mais il existe des limitations à cette approche : la carte heuristique devient vite complexe. Quelqu'un qui arrive en cours de route aura du mal à s'y retrouver. Ceux qui suivent la construction de la carte depuis le début, peuvent l'utiliser de façon plutôt très efficace... jusqu'à ce que le projecteur soit éteint. Le nombre d'idées posées sur la carte dépasse le plus souvent les limites de notre mémoire de travail et dès la fin de la séance nous arrêtons de penser et ne conservons plus que quelques conclusions reflétant mal la richesse de la discussion. Nous avons testé avec succès la superposition d'une carte d'idée sur un territoire suivant la méthode de l'art de la mémoire. La bibliothèque francophone du metaverse a créé une île virtuelle 20 contenant les différents concepts de notre livre Prospectic 21 sur les sciences et technologies émergentes (Nanotechnologies, Biotechnologies, Sciences de la complexité, Informatique, Neurosciences, Cognition...). Par ailleurs, dans le cadre d'un débat public sur la biologie de synthèse organisé par Vivagora sur 6 séances réparties sur un an, nous avons cartographié en temps réel les idées et opinions sur une ville imaginaire 22.

Cette méthode utilisant des cartes heuristiques couplées à un territoire construit au fur et à mesure s'est révélé particulièrement puissante lors de séances en présentiel ou même lors de réunions en ligne (rencontres synchrones). Pour les échanges en ligne asynchrones, lorsque chacun réagit à la discussion au moment qu'il choisit, il en va différemment. En effet, dans ce cas, le niveau d'attention des participants est très variable depuis les plus proactifs jusqu'aux observateurs épisodiques23. Il devient difficile de co-construire progressivement une carte en gardant l'attention de chacun. Par ailleurs, il est également difficile de trouver des lieux suffisamment connus de tous pour servir de base pour y placer une ou deux centaines de concepts. Nos maisons et notre environnement sont bien mémorisés dans nos têtes et peuvent servir de support à l'art de la mémoire. Mais ils sont différents pour chacun et ne peuvent être utilisés qu'individuellement. La carte du monde pourrait éventuellement servir de base car nous en avons déjà mémorisé une partie, mais il est délicat de placer des idées souvent subjectives sur des pays ou des territoires habités. Où placer par exemple la notion de déviance ? Le meilleur candidat semble encore la carte du corps humain où une personne même non instruite sait situer des dizaines de lieux différents. Vivian Labrie a expérimenté cette approche avec des "sculptures humaines" constituée de plusieurs participants lors de débats sur la pauvreté au Québec 24. Par ailleurs, lors d'un débat en ligne, les participants qui adoptent une attitude réactive, environ dix fois plus nombreux que les proactifs, reçoivent les contributions et les synthèses dans un outil qu'ils lisent régulièrement plutôt orienté texte (mail, Facebook, Twitter) 25 et ne vont bien souvent pas faire l'effort d'aller chercher sur une page particulière la carte heuristique présentée sous forme graphique. Demander de cliquer sur un lien dans un texte envoyé, réduira à environ la moitié le nombre de personnes qui pourront réagir.

Pour les débats en ligne, il est donc plus intéressant d'avoir une carte constituée exclusivement de texte (même si dans le cas de Twitter, il est toujours nécessaire de cliquer sur un lien si on veut proposer plus de 144 caractères). Le texte, lorsqu'il est formaté, propose effectivement ce type de possibilité avec les listes à point structurée (qui constituent une arborescence comme les schémas heuristiques) et différents artifices qui permettent de naviguer sur le texte comme sur une carte, sans avoir besoin de lire le texte du début à la fin (gras, soulignés...). Si on conserve la "carte heuristique textuelle" courte, de la taille d'un écran moyen d'ordinateur, alors on peut permettre aux participants d'avoir une vision d'ensemble des échanges et d'utiliser la pensée 2 pour produire de l'intelligence collective.

  • 1 Ces idées ont été présentées à l'origine dans Cornu Jean-Michel, « Modes de pensée et conflit d’intérêt » [en ligne], in Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation, ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/files//ProspecTIC_pensee2.pdf>.
  • Disponible dans l'article : « Nous avons non pas un mais deux modes de pensée » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/nous-avons-non-pas-un-mais-deux-modes-de-pensee>, (consulté le 4 février 2014).
  • 2 La démarche rationnelle consiste à émettre une hypothèse et ensuite à chercher à la réfuter. En effet, depuis Aristote, nous savons qu'il n'est pas possible de démontrer qu'une théorie générale - Aristote parle de "proposition universelle"- est vraie (une phrase du type tous les lapins ont une queue ne peut pas être vérifiée totalement car on est jamais sûr d'avoir pu observer tous les lapins...). La démarche rationnelle consiste donc à chercher à démonter que la théorie est fausse. Si on n'y arrive pas alors la théorie est considérée suffisamment bonne pour être considérée comme vraie provisoirement... jusqu'à ce qu'une réfutation l'invalide (voir la théorie vérificationniste de la signification de Karl Popper). La démarche scientifique s'appuie sur la démarche rationnelle mais en tentant de tirer des prévisions vérifiables de la théorie, qui permettent de la réfuter... ou non.
  • 3 « Antagonisme » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Antagonisme>, (consulté le 4 février 2014).
  • 4 Voir "Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes" - la parabole des aveugles et de l'éléphant
  • 5 Pour en savoir plus, voir le carré sémiotique ("square of opposition" en anglais) : « Le carré Sémiotique » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/le-carre-semiotique>, (consulté le 4 février 2014).
  • 6 Voir "Le choix a posteriori"
  • 7 Cela est dû au fait que nous utilisons un langage oral ou écrit mais qui se déroule de façon séquentielle. D'autres formes de langage pourraient permettre de montrer simultanément deux ou plusieurs notions. C'est le cas par exemple de la danse. Les abeilles utilisent cette forme de langage (sans cependant avoir un langage symbolique élaboré comme le nôtre). De même la langue des signes pour les sourds et malentendants, permet certaines choses qui sont impossible avec le langage oral, par exemple dire avec la main gauche une chose et autre chose, même opposée avec la main droite !
  • 8 Monod Jacques, Le hasard et la nécessité: essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Points. Série Essais, ISSN 1264-5524 43, 1 vol., Paris, France, Éd. du Seuil, 1970.
  • 9 Baddeley Alan D., Hitch G.J., « Working memory », in G. H. Bower (éd.), The psychology of learning and motivation : Advances in research and theory Volume 8, vol. 8, New York, Academic Press, 1974, p. 47‑90.
  • 10 Bono Edward De, Conflits: comment les résoudre, trad. Terrier Anne, 1 vol., Paris, France, Eyrolles, 2007.
  • 11 Braddeley, A. D., Hitch, G. J. et Bower, G. ibid.
  • 12 Appelée "mémoire sémantique"
  • 13 Miller George A., « The magical number seven, plus or minus two: some limits on our capacity for processing information. », Psychological review 63 (1956/2), p. 81.
  • 14 Extrait de Jean-Michel Cornu, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, ibid.
  • 15 Yates Frances Amelia, L’art de la mémoire, trad. Arasse Daniel, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, impr. 1987, 1987.
  • 16 Cicéron, De l’orateur, trad. Courbaud Edmond Éditeur scientifique, Collection des universités de France, ISSN 0184-7155, 1 vol., Paris, France, Les Belles Lettres, 1966.
  • 17 Carruthers Mary J., Machina memorialis: méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Age, trad. Durand-bogaert Fabienne, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, 2002.
  • 18 Carruthers, Mary J. ibid.
  • 19 « Des cartes pour décrire des contes : rencontre avec Vivian Labrie » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/des-cartes-pour-decrire-des-contes>, (consulté le 4 février 2014).
  • 20 « Ile Prospectic » [en ligne],  ProspecTIC, disponible sur <http://prospectic.fing.org/texts/ile-prospectic>, (consulté le 4 février 2014).
  • 21 Cornu Jean-Michel, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation (Limoges), ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008.
  • 22 « Biosynth-ville : la ville de la biologie synthétique » [en ligne], Vivagora, disponible sur <http://web.archive.org/web/20130619184123/http://www.vivagora.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=436:biosynth-ville-la-ville-d-ela-biologie-synthetique&catid=21:nos-actions&Itemid=111>, (consulté le 4 février 2014).
  • 23 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"
  • 24 « Collectif pour un Québec sans pauvreté » [en ligne], disponible sur <http://www.pauvrete.qc.ca/>, (consulté le 4 février 2014).
  • 25 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"

En résumé

Dans un échange à plusieurs, et plus encore dans un conflit, chacun à tendance à défendre sa position et à la répéter sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte. Dans les faits, très souvent les différents points de vue ne s'excluent pas mais au contraire se complètent pour donner ensemble une vision plus globale. Pour dépasser cette difficulté, il faut prendre en compte nos deux modes de pensée qui utilisent chacun une mémoire de travail différente.

Le premier, basé sur le discoursconsiste à placer les idées les unes à la suite de l'autre, un peu comme nous plaçons un pas devant l'autre pour avancer depuis un point de départ jusqu'à un point d'arrivée en suivant un cheminement. Ce mode de pensée permet en particulier l'approche rationnelle mais il prend très difficilement en compte le conflit (un point de départ, deux directions), l'intelligence collective (plusieurs points de vue sur le même point d'arrivée) ou encore la créativité (trouver de nouveaux chemins entre plusieurs points de départ et plusieurs points d'arrivée) qui utilisent tous les trois un autre mode complémentaire.

Le deuxième mode de pensée est basée sur la cartographie. Il consiste à disposer toutes les idées en fonction de leur proximité sur une même carte mentale, sans chercher à les sélectionner a priori pour obtenir une vision la plus complète des idées et des chemins possibles. Les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) co-construits et projetés à la vue de tous lors de séances sont très performants pour donner une vision globale aux membres du groupe et ainsi permettre de chercher de nouvelles idées et de nouveaux points de vue plutôt que chacun ne se focalise que sur une ou quelques idées déjà proposées.
Pour aller plus loin, deux approches sont possibles :
  • L'art de la mémoire : Lors de rencontres synchrones (en ligne ou en présentiel), il est possible de coupler la carte d'idée avec une autre carte souvent territoriale que chacun peut conserver plus facilement dans sa mémoire à long terme. Il peut s'agir d'un lieu connu de tous (leur cathédrale pour les moines du Moyen Âge) ou à défaut d'un lieu co-construit (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées) ;
  • Les cartes textuelles : dans les échanges asynchrones en ligne, les personnes qui adoptent une attitude réactive (dix fois plus nombreux que les proactifs) et les "observateurs" (encore plus nombreux) utilisent des outils qui gèrent mal le mode graphique (mail, Facebook, Twitter). Proposer une carte dessinée nécessite alors de fournir un lien vers une page web qui contient la carte. Mais dans ce cas, une moitié seulement environ des participants vont voir la carte. Il est cependant possible d'utiliser les possibilités de présentation des textes pour permettre une carte textuelle qui ne nécessite pas d'être lue en entier comme un texte mais peut être parcourue comme une carte : listes à points et à sous-points, formulation courte des idées tenant sur maximum une ligne, gras, soulignés, italique pour mettre en valeur certains mots clés.


Mot clé : #cartographier


Crédits photographiques : By วาดโดยบุญศิริ เทพภูธร สพอ. นครหลวง จ.พระนครศรีอยุธยา [Public domain], via Wikimedia Commons

Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : animer

Ce qui freine

  • Manque de participation.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animateur.
  • Au niveau du projet.
  • Manque de temps.

Ce qui facilite

  • Au niveau des personnes.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animation.
  • Au niveau des projets.
  • Les neuf lois de la coopération.

1. Ce qui freine


Freins
Eric Grelet - CC By Sa


Principal écueil : manque de participation (situation de non-collaboration).

Au niveau des personnes

  • Manque de temps : pour s'approprier ces outils, pour s'en servir.
  • Peur du regard des autres, du jugement (des pairs), d'être ridicule.
  • Problème d'écrit, de langue.
  • Déconnexion au réel (trop virtuel, quelles personnes et quel(s) projet(s) sont derrière l'outil ?).
  • Difficulté à changer ses pratiques pour s'adapter à celles du groupe (résistance au changement).
  • Problèmes de droits d'auteur, propriété intellectuelle, peur de se faire piller les infos, la perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information.
  • Difficulté d'appropriation des outils, peur de la technique :
    • Peur de la difficulté.
    • Peur des outils internet.
    • Ordinateur = compliqué.
    • Hétérogénéité par rapport à l'appropriation des outils.
  • Accès difficile à internet :
    • Débit lent.
    • Logiciels obsolètes.
  • Difficulté à se loguer :
    • Perte du mot de passe.
    • Perte de l'adresse du site.
  • Manque de motivation par rapport au projet, ne voient pas dans le projet le lien avec leurs intérêts personnels :
    • Peur que les messages soient mal interprétés.
    • Habitude d'un fonctionnement centralisé.
    • Contexte institutionnel.

Au niveau des outils

  • Peur des outils, de la difficulté, interface pas assez ergonomique : l'ordinateur pose problème.
  • Matériel, connexion vétuste.
  • Protection, identification.
  • Pas adaptés aux besoins.
  • Mise en place pas assez progressive, ne prenant pas assez en compte les différentes étapes de la vie du groupe.
  • Difficulté à faire passer par l'écrit tout ce qui relève de l'émotionnel, second degrés.
  • Plusieurs outils pour le même usage.
  • Besoin du support papier, de concret.
  • Des outils trop compliqués.
  • On ne voit pas comment participer.
  • Évolution trop rapide des outils (visuels, fonctionnalités).

Au niveau de l'animateur

  • Trop de sollicitation (Urgent ! à valider, question mal dirigée).
  • Omniprésence ou absence de l'animateur.
  • Messages trop longs, trop d'information, pas clairs.
  • Fondateur = fossoyeur.
  • Salarié : le financement du poste prend le pas sur les objectifs du réseau.
  • Pas assez à l'écoute des besoins du groupe.
  • L'animateur fait au lieu de faire faire.
  • Confusion dans les rôles : animation, leadership, facilitateur.

Au niveau du projet

  • Dérive éthique, risque de rupture.
  • Représentation institutionnelle (perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information).
  • Démobilisation : mauvaise appréhension de l'implication.
  • Difficulté à percevoir concrètement le projet, ses résultats.
  • Pertinence du projet.
  • Vocabulaire : niveau de jargon partagé ?
  • Complexification : les participants ne voient plus la globalité.
  • Réseau qui s'institutionnalise.
  • Niveau d'engagement trop élevé.
  • Manque de visibilité : du temps nécessaire, de l'intérêt du projet, de la finalité du projet.
  • Pas de leader.
  • Pas de traces de l'histoire du projet.

Le temps

  • Manque de temps :
    • pour l'appropriation des outils
    • pour participer au projet.
  • Différences de rythme : salariés / bénévoles.

2. Ce qui facilite

Au niveau des personnes

  • Rencontres physiques, convivialité.
  • Évaluation par l'estime, citer tous les contributeurs
  • Mixer les publics (cf. forum).
  • Réduire les risques à participer, permettre la sortie et la multi-appartenance : procédure d'adhésion simplifiée, possibilité de désengagement !
  • Cercle vertueux de la motivation :
    • Projet / action qui a du sens
    • se sentir capable
  • Contrôlabilité :
    • Engagement cognitif.
    • Persévérance.
    • Réussite.
  • Réconcilier intérêt individuel et intérêt collectif.
  • Rendre visible les mécanismes.
  • Stratégie gagnant/gagnant.
  • Questionner les personnes sur leurs objectifs.
  • Accueil des nouveaux, parrainage.
  • Des supports techniques : savoir où se trouve le référent technique, avoir des modes d'emploi, des rubriques d'aides.

Au niveau des outils

  • Des règles de conduite.
  • Nétiquette.
  • Mise en place progressive.
  • Simplifier !!! Masquer des fonctionnalités.
  • Mode d'emploi, rubrique d'aide, formations...

Au niveau de l'animation

visibilite

  • Rendre visible l'activité du groupe : synthèse, reformulation, historique, rendre visible ce qui se passe dans les sous-groupes, actus régulières : résumés (TST)
  • Incitation forte pour faire évoluer les habitudes : mettre uniquement les CR sur wiki, faire des fautes volontaires dans le nom des gens
  • Des animateurs "professionnels" :
    • Métiers émergents.
    • Séparer les fonctions d'animation et de facilitation.
    • Savoir-être plus que savoir-faire.
    • En éveil permanent.
  • Synthétiser, reformuler, jardiner.

Au niveau du projet

  • Proposer un historique, un carnet des événements.
  • Minimiser les besoins de départ : mettre en ligne des productions inachevées.
  • Maîtrise des tâches critiques : compromis entre souplesse et pérennité du système, le projet doit se suffire d'un minimum de contributions.
  • Fonctionner en attention plutôt qu'en intention : laisser émerger des thèmes, des projets, en étant à l'écoute du groupe, définir des objectifs et non les résultats attendus.
  • Analyse du risque : volonté de réussite ou peur d'échouer ?
  • Définition des finalités et du pilotage (Matrice Sagace).
  • Objectifs clairs, charte.
  • Productions : Licences libres pour en faire des biens communs.

Les 9 lois de la coopération

  • Réduire les risques à participer.
  • Abaisser le seuil de passage à l'acte.
  • Biens non consommables et environnement d'abondance.
  • Les communautés qui durent convergent vers la coopération.
  • L'évaluation par l'estime.
  • Minimiser les besoins de départ .
  • Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques.
  • Le temps des opportunités.
  • N'oublier aucune des règles !

Abaisser le seuil de passage à l'acte

Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal

  • Logiciel libre :
    • Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte. (Jean-Michel Cornu)
  • Tela Botanica :
    • L'inscription est libre, gratuite et facile.
    • Utilisation Forum et Wiki.
  • Incitation à la participation par des exercices simples :
    • Faire une faute volontaire sur un nom de personne pour la faire réagir et l'inciter à corriger par elle-même.

Biens non consommables et environnement d'abondance

  • Tela Botanica : projet Flore de France Métropolitaine.
    • Issu du travail d'une personne : travail de nomenclature et taxonomie sur 75 000 noms.
    • 55 599 fiches modifiées par les membres du réseau.
    • Ajout de 46 794 noms vernaculaires (plusieurs langues).

Les communautés qui durent convergent vers la coopération

convergence

  • S'associer très en amont pour éviter la concurrence en aval.
    • GNU/Linux.
      • GNU et Free Software Foundation : 1985 .
      • Linux : 1991.
    • projet Flore de France Métropolitaine : 2001.

L'évaluation par l'estime

  • Tela : Projet compilation d'articles botaniques (25674 articles).

  • De Boissieu Henri - Un acer hybride nouveau pour la flore française. - 1912 - dendrologie, plante hybride, acer x bormulleri, localité, p. 77-78 - Société Botanique de France, Bulletin de la Société Botanique de France, Bull. Soc. Bot. Fr. (1904), Tome 59 - Fascicule 1 - Saisie : Jean TIMBAL -Art. n°13807.

  • Delahaye Thierry, Henze Gaston, Lequay Arthur - Les orchidées de Monthoux - 1996 - Savoie, Avant-pays, Acéracées, acer monspessulanum, Fabacées, Argyrolobium zanonii, p. 15-19 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°1 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°479.

  • Delahaye Thierry, Lequay Arthur, Prunier Patrice - Les découvertes botaniques de nos sociétaires en 1996 - 1997 - Savoie, violacées, Viola collina, loranthacées, Viscum album, acéracées, acer monspessulanum, joncacées, Juncus arcticus, liliacées, Erythronium dens-canis, p. 31-32 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°2 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°495.

Minimiser les besoins de départ

  • Linux a commencé par réutiliser le code et les idées de Minix (la totalité du code de Minix a été abandonnée ou réécrite complètement depuis).
  • Exemple "Cathédrale et Bazar" : Fetchmail basé sur popclient et Fetchpop.
  • Tela :
    • Récupération d'un travail de synonymie de M. Kerguelen sur 75 000 noms.
    • Récupération de nombreuses base de données constituées par des amateurs.
  • Mettre en ligne des documents inachevés car ils peuvent être améliorés par des contributeurs. Si on attend l'achèvement du document pour le mettre en ligne, la dynamique de réseau ne va pas s'enclencher.

Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques

  • Loi de Brooks : "Le fait d'ajouter des gens à un projet logiciel en retard, le retarde encore d'avantage" : la complexité augmente, quant à elle, comme le nombre d'échanges et donc comme le carré du nombre de personnes.
  • Tela Botanica :
    • L'association contractualise des partenariats et assume les responsabilités.
    • Les salariés fournissent des outils et des services et assurent la permanence.
    • Les membres du réseau montent des projets et donnent du sens au réseau.
    • Le comité de pilotage assure la coordination et valide les décisions.

L'analyse du risque

  • La peur d'échouer fait prendre un minimum de risque. On est alors tenté de tout blinder, c'est d'ailleurs une des caractéristiques actuelles : tout est balisé, verrouillé (notamment juridiquement). Au sein de certaines administrations par exemple, il existe un manque d'ouverture qui est le reflet d'un fonctionnement mental rigide.
  • A l'inverse, vouloir réussir suppose de mettre en oeuvre des moyens pour atteindre le but qu'on s'est fixé. Cette démarche renvoie à un schéma mental beaucoup plus ouvert et dynamique.

Auteurs : Association Outils-Réseaux et tous ses stagiaires
Crédits illustrations sous licence Creative Commons : CC-By Outils-Réseaux - CC-By Éric Grelet - CC-By Ell Brown - CC-By Cea - CC-By Marc Smith

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Coopération ouverte et/ou fermée ?

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :

Nous sommes "programmés" pour coopérer

Le comportement coopératif de l'homme est du, en partie, à son évolution génétique. Il est lié au degré d'apparentée et aux attentes identitaires.
Selon la théorie de l'évolution, nous aurions, au fil des siècles, développé des comportements altruistes, vis à vis de notre groupe de parentèle et d'appartenance.

Coopération fermée

L'altruisme évolue dans un groupe si celui-ci est en compétition avec d'autres groupes. Plusieurs expériences ont montré une propension à la coopération fermée au sein des groupes de parentèles et d'appartenance. L'enfant va plutôt partager avec les membres de son groupe proche et va se méfier des autres groupes. L'aspect cognitif et émotionnel jouant un rôle important (imitation, langage, croyance, imagination). L'ethnologie nous montre le fait de groupes renforçant leur solidarité face à d'autres, pour garder leurs biens matériels, voire immatériels. Dans de nombreuses langues, les terme utilisé pour le "Nous" et le "Eux" rend vraiment compte d'une distinction linguistique mais aussi comportementale entre "Son" propre groupe, et le groupe des "Autres". A travers l'histoire, et même de nos jours, nous nous affirmons en opposition par rapport aux autres; notre identité se construit en s'opposant à l'autre, et il en va de même pour les groupes. La coopération fermée renforce les liens au sein du groupe d'appartenance, permet un ancrage identitaire fort, valorise les réputations, peut se développer grâce la compétition.

Coopération ouverte

Cependant, la spécificité de l'Homo sapiens, au contraire de Néandertal, a été d'élaborer des formes de coopération de plus en plus ouvertes, à s'intégrer dans de larges réseaux. L'homme, selon les situations, a une inclination à la coopération ouverte. Nous coopérons plus facilement avec des gens qui eux-mêmes coopèrent, et en les observant, nous savons si ce sont de bons coopérateurs. Nous pourrions dire de certains comportements coopératifs qu'ils relèvent d'un "altruisme compétitif", tels que l'action de donner à des oeuvres caritatives. Cela pourrait être interprété comme une recherche de valorisation de soi, d'accroissement de la réputation pour être choisit à son tour par le groupe. Mais que dire de situation où l'individu va sauver une vie au risque de perdre sa propre vie? Il n'est pas dans une situation d'altruisme compétitif.
Quels sont donc les facteurs qui nous poussent à coopérer au sein de la parentèle ou avec d'autres groupes plus élargis?
La coopération ouverte permet l'accueil de nouvelles personnes et donc de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir faire, augmente son exposition au doute (condition nécessaire pour l'innovation).

Les variables pour la promotion d'une coopération ouverte

Tout d'abord quels sont les bénéfices induits par une coopération ouverte? A travers l'histoire et par expérience, il est démontré l'accumulation culturelle et l'apport d'innovation dû à des facteurs géographiques, écologiques, démographiques, linguistiques. L'ouverture aux autres, à une diversité de manières de faire et de penser, ainsi que la taille du groupe influe sur la capacité d'adaptation et à une certaine stabilité politique.
Trois autres variables sont importantes pour comprendre "les bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées":
  • Les sanctions. Elles auront un effet positif si il existe, conjointement, des normes prosociales puissantes, une légitimité des acteurs et la confiance dans les dispositifs institutionnels.
  • La notion d'identité collective au sens de créer du lien, de faire partie d'un "Nous"; la coopération est liée aux motivations et aux émotions sociales, et non pas à des motivations instrumentales et à un objectif utilitariste.
  • Le pouvoir politique, bien qu'il y ait des risques; c'est une affaire de choix moral et d'assumer de passer d'un "Nous" exclusif à un "Nous" inclusif, de tendre vers un processus agrégatif de toujours plus de complexité et de diversité sociales.

Coopération fermée et coopération ouverte s'expriment de manière simultanées, et chacune présentent des avantages et des inconvénients. Pour répondre aux attentes identitaires de chacun, il faudrait d'abord mettre en avant la nécessité de comportements coopératifs. "Au principe "Identifiez-vous, puis coopérez", on opposerait alors un tout autre principe "Coopérez, puis vous vous identifierez".
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage : Joël Candau : Professeur au Département de Sociologie-Ethnologie de l'Université de Nice-Sophia Antipolis.
Il est membre élu au Conseil National des Universités, membre de la section "Anthropologie sociale, ethnologie et langues régionales" du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, CTHS (2006-), membre de la Société d'Ethnologie Française, membre du Comité de rédaction de la revue Le monde alpin et rhodanien, expert pour l'AERES et directeur du Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie "Mémoire, Identité et Cognition sociale" (LASMIC, EA 3179).
Référence bibliographique : Dussaux Maryvonne, « «Pourquoi coopérer», Terrain, n° 58, 2012 » [en ligne], Lectures (2012), disponible sur <http://lectures.revues.org/9185>, (consulté le 4 février 2014).

Grossir ou s'archipéliser ?

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Croître sans cesse est-il une bonne idée ?

Si on écoute le discours dominant, la réponse est oui mais une bonne idée peut-elle résister à la croissance ?

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Historique de l'approche francophone de la coopération

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Jusqu'en 1990, la très grande majorité des personnes pensaient qu'il était impossible de travailler de façon efficace à plus d'une douzaine de personnes (à moins de mettre en place une hiérarchie pour faire des "groupes de groupes" ou de faire du travail à la chaîne qui ne demande une relation qu'avec ceux avant et après soi).

En 1991, Linus Torvalds, un étudiant finlandais, lance le développement du noyau du système d'exploitation Linux1. A la suite d'une annonce le 26 août 1991 sur le forum Usenet, plusieurs centaines de passionnés et d'entreprises de toute taille rejoignent le projet et travaillent ensemble au développement du système.

En 1997, Eric Raymond publie en ligne la première version de son texte "La Cathédrale et le Bazar2." qui donne des pistes pour comprendre comment le phénomène Linux a été possible dans le monde du logiciel libre. Il propose 19 règles pour le développement de façon collaborative de logiciels libre.

En 2000, Jean-Michel Cornu publie en ligne la première version de "la coopération nouvelles approches3." qui propose les neuf lois de la coopération en s'appuyant sur la cathédrale et le bazar d'une part, et sur des expériences personnelles en dehors du développement logiciel : l'association Vidéon (télévision participative et centre de ressources pour les autres télévisions participatives) et l'Internet Fiesta (fête mondiale de l'Internet qui s'est appuyée en 1999 et 2000 sur les principes du logiciel libre appliqués à la réalisation d'événements).

Vers 2001, un groupe informel naît de structures environnementales (Tela Botanica, Ecole et Nature, les écolos de l'Euzière). OCTR travaille à l'élaboration d'outils méthodologiques et informatiques pour le travail en réseau, le nom sera vite oublié mais ce groupe organise en 2003 une rencontre inter-réseaux "réseaux, mythes et réalités" dans le sud de la France.

En 2001 également, se crée l'association Créatif, réseau d'acteur de l'accès public, qui va produire de manière collaborative une série de guides animés par Philippe Cazeneuve. Cette même année est crée le collectif I3C de l'internet créatif coopératif et citoyen4. qui organise des rencontres Haillan (33) en novembre 2001, puis une rencontre régionale "en Bretagne armorique " en novembre 2002 à Brest du réseau I4C ou le 4eme C est rajouté pour convivial 5.

En 2002, le réseau Ecole et Nature, sous la houlette de Marc Lemonnier publie son guide "Fonctionner en réseau"6, synthèse d'analyses de pratiques des réseaux territoriaux d'éducation à l'environnement : écriture coopérative en 1995 de son premier guide pratique professionnel, expérience irréversible de coopération, organisation de rencontres régionales et nationales participatives.
Le réseau Tela-botanica des botanistes francophones 7 , créé en 1999 par Daniel Mathieu, s'appuie alors sur le livre la coopération nouvelles approches et sur les réflexions du réseau Ecole et Nature pour le mode de participation de ses membres. En 2013, le réseau atteint 20000 membres.

En 2004, la Fondation Internet Nouvelle Génération monte un groupe sur l'Intelligence Collective8. qui rassemble 130 spécialistes et praticiens francophones à la suite d'une conférence donnée par Pierre Levy. Pendant 3 ans, par l'intermédiaire d'échanges en ligne sur une liste de discussion, les membres croisent leurs savoirs et aboutissent à une première synthèse de l'intelligence collective sous la forme de 12 facettes. Ce travail permet d'aboutir en 2007 à un questionnaire "comprendre par vous même ce qui se passe dans un groupe9."

Toujours en 2004, à l'initiative de Michel Briand, le forum des usages coopératifs10. réuni à Brest plus de 250 acteurs impliqués dans les usages innovants et l'appropriation sociale. Il se déroule ensuite tous les deux ans. D'autres rencontres se créent en France autour de la coopération comme les étés TIC11 à Rennes à partir de 2009 devenus en 2013 "tu imagines ? Construits !12" ou bien encore les rencontres Moustic13 à Montpellier à partir de 2005. Elles sont l'occasion de croiser les expériences et de continuer de développer la compréhension des mécanismes de coopération (très grands groupes, recettes libre pour reproduire les projets coopératifs...). A cette même époque, les rencontres des acteurs de l'internet francophone, plus ancienne manifestation française de l'internet crées en 1997, accueillent une série d'ateliers faisant le point sur les avancées dans le domaine de la coopération. Le croisement des réseaux s'organise autour du site Intercoop14.

En 2010, l'association Outils Réseaux, lance la formation Animacoop15, "animer un projet collaboratif" en s'appuyant sur les résultats précédents. Plus d'une centaine de personnes sont formées à ce jour avec des sessions à Montpellier, Brest et Caen.

En 2011 se crée Imagination for People, une plate-forme internationale et une communauté dont le but est de repérer et soutenir les projets sociaux créatifs. Dans ce cadre, elle aide de nombreux groupes entre 100 et 1000 personnes à se créer et se développer. Le groupe Imagine produit le 12 mai de cette année une version plus aboutie de la méthodologie de production collective, développée au départ dans le cadre du groupe intelligence collective.

Toujours en 2011, le nouveau groupe sur l'innovation monétaire de la Fondation Internet Nouvelle Génération applique cette méthodologie avec 160 participants qui aboutie à des pistes radicalement innovantes qui sont publiées sous la forme d'un livre l'année suivante.

Le groupe des animateurs de groupe, AnimFr, est créé en 2011 à l'initiative de Outils Réseaux, Brest Métropole Océane et Imagination for People. Il rassemble 250 personnes parmi ceux qui ont fait la formation Animacoop de Outils Réseaux et ceux qui animent des groupes dont Imagination for People est partenaire.

Entre le 2011 et 2013, le projet européen CoopTIC, piloté par SupAgro Florac permet de former des formateurs en coopération en Belgique, Catalogne et France. Il abouti à des premières formations dans les différents pays et un livre en ligne rassemblant l'état actuel des connaissances sur le sujet.

En 2012, la méthode de production collective de documents dans des grands groupes commence à être appliquées par d'autres personnes que ses initiateurs. C'est le cas en particulier du groupe Question Numérique de la Fondation Internet Nouvelle Génération (travail coordonné par Amadou LO) et du document "La coopération expliquée à mon beauf" produit par le groupe AnimFr (travail coordonné par Gatien Bataille dans le cadre de la formation CoopTIC).

Toujours en 2012, les différentes facettes pour comprendre la coopération, produites par le groupe Intelligence collective de la Fing et les compétences développées dans le cadre de la formation Animacoop de Outils Réseaux sont actualisées et rassemblées pour conduire à la présentation d'ensemble "la coopération en 28 mots clés" qui est exposée dans le cadre d'Animacoop et du premier MOOC francophone ITYPA (Formation massivement en ligne et ouverte sur le thème "Internet, tout y est pour Apprendre").

En 2013, le groupe Adeo rassemblant 13 enseignes de bricolage dans le monde, définit sa stratégie produits, achats et supply chain pour les dix prochaines années, à l'aide de groupes de travail, d'une rencontre internationale, mais également d'un travail en ligne qui rassemble 1500 personnes en 7 langues pendant deux mois.

La même année, un document de synthèse décrit en détail la méthode pour produire des documents à plusieurs centaines de personnes pour être utilisée dans différents cadres.

Également en 2013 sort le logiciel en ligne Assembl développé par Imagination for People en partenariat avec l'Institut du Nouveau Monde au Québec pour faciliter la réalisation des cartographies textuelles proposées par la méthode.


Introduction aux biens communs

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Biens communs ?

Appelés traditionnellement "ressources communes" (les choses qui nous appartiennent en commun), les biens communs ont été quelque peu oubliés.
Ils ont été supplantés par :
  • Les biens privés organisés par le marché.
  • Les biens publics mis à disposition par l'état.

Dès lors les biens communs sont devenus les "choses de personne"... dont personne ne s'occupe
Pourtant les biens communs (commons en anglais) ne sont pas des biens "sans maîtres".
Chacun de nous peut légitimement faire état de droits sur eux.
Ils sont les choses qui nous nourrissent, qui nous permettent de communiquer ainsi que nous déplacer, qui nous inspirent... voire nous permettent de rejeter nos déchets (dans l'air ou l'eau).

Un bien commun se caractérise par le fait

  • Qu'une ressource, par exemple l'eau ou le savoir, soit durablement utilisée en commun, plutôt que consommée individuellement ou en excluant d'autres personnes.
  • Qu'un groupe spécifique s'occupe de la ressource et en prenne soin, plutôt que de la laisser à la merci de profiteurs.
  • Que ce groupe se soit mis d'accord sur des règles appropriées et transparentes, plutôt que d'accepter l'absence de régulation.
  • Que l'accès aux ressources soit largement auto-organisé, plutôt que déterminé de l'extérieur.
  • Que tous les utilisateurs aient droit de cité et voix au chapitre, plutôt que d'être systématiquement représentés par d'autres.
  • Que les avantages soit partagés, plutôt que concentrés.

Cette conception interroge fortement la notion de propriété privée sur des biens que l'on pourraient qualifier de communs... Pourtant c'est peu débattu actuellement.

Biens communs
Eric Grelet - CC By Sa


Quelles seraient les conséquences d'une redéfinition des terres comme biens communs ?
Il faut renforcer les biens communs, au-delà et de manière complémentaire au marché et à l'état. Chacun est appelé à assumer ses responsabilités en tant que copossesseur des "choses qui nous sont communes", afin d'en tirer davantage de liberté et de communauté. Les biens communs ont besoin d'hommes et de femmes, non seulement de marchés, d'aides gouvernementales ou de régulation étatique. La richesse qui se dispense à travers les biens communs doit être partagée de manière nouvelle et équitable dans toutes les sphères de notre vie.

Car les biens communs sont le secret bien gardé de notre prospérité.
Chacun les rencontre quotidiennement, en tous lieux. Chacun y a constamment recours dans ses activités économiques, en famille, en politique ou au cours de son temps libre. Ils font partie des présupposés tenus pour évidents de la vie sociale et économique, et demeurent pourtant largement invisibles.

Les choses qui sont utilisées en commun constituent la charpente interne d'une société florissante.
Au sein de la nature, les hommes et les femmes dépendent tous de l'eau, des forêts, de la terre, des pêcheries, de la biodiversité, du paysage, de l'air, de l'atmosphère, ainsi que de tous les processus vitaux qui y sont liés. Chaque individu est en droit d'avoir part aux ressources naturelles, indépendamment de la propriété privée de ces ressources.
Dans le domaine social, parmi les conditions pour que s'épanouissent les relations sociales figurent les places, parcs et jardins publics, les soirées, les dimanches et jours fériés, ainsi que les transports en commun, les réseaux numériques, les moments de sport et de loisir. Ces biens communs sociaux peuvent être directement pris en charge et cultivés, de manières très diverses, par les communautés concernées et à l'initiative des citoyens. Ils peuvent également relever pour partie du domaine public, où les services publics jouent un rôle important.
Il va sans dire, en ce qui concerne la culture, que la langue, la mémoire, les usages et la connaissance sont indispensables à toute production matérielle ou immatérielle. Autant les biens communs de la nature sont nécessaires à notre survie, autant les biens communs culturels le sont à notre activité créative. De la même manière, les acquis d'aujourd'hui doivent continuer à servir librement les générations futures.
Dans la sphère numérique, les productions et les échanges fonctionnent d'autant mieux que l'accès aux objets et aux données est moins entravé. Il est indispensable que les codes sources des logiciels, de même que toute la richesse des textes, sons, images et films disponibles en ligne, ne soient pas clôturés par des droits de propriété intellectuelle restrictifs.

Bon à savoir

Bien commun n'est pas égal à bien public
Une différence essentielle avec la typologie classique des biens publics tient à ce que les biens communs sont hérités : soit ils représentent des dons de la nature et sont entretenus en tant que tels, soit ils ont été produits par des personnes ou des groupes (pas forcément toujours clairement identifiés), et ensuite transmis. Cette transmission peut être un processus de longue durée (paysages culturels, langue) ou très court (Wikipédia, logiciels libres). Des biens communs peuvent également se former lorsqu'ils ont été produits par une personne et destinés par elle à une utilisation en commun (par exemple le langage html).
Aucun politicien, aucun état n'en a décidé ainsi.
Bien entendu, les biens communs ou les droits humains qui leur sont associés sont souvent dépendants de la protection de l'État. Ainsi, la préservation et la revendication des biens communs planétaires pourraient difficilement être atteints sans accord entre les différents états.
Les biens communs sont gérés équitablement et durablement lorsque les choses dont la disponibilité est limitée pour tous sont partagées, et lorsque tout le monde a accès aux choses qui sont abondantes.

Bien commun n'est pas égal à propriété commune
La propriété commune est une forme de propriété collective. Il peut s'agir de coopératives, de communautés d'héritiers ou encore de sociétés anonymes par actions. Comme la propriété privée, la propriété commune implique l'exclusion de certaines personnes (les non-propriétaires) de l'accès et de l'utilisation du bien. En cela, elle se différencie des biens communs.

Tout n'est pas un bien commun, mais beaucoup de choses peuvent le devenir.

Architecture des biens communs

Les biens communs sont constitués de trois briques fondamentales : les ressources, les gens, et enfin les règles et normes qui permettent de lier entre elles toutes ces composantes.

La première brique est matérielle. Elle se réfère aux ressources proprement dites : l'eau, la terre, le code génétique, celui des logiciels, les connaissances, les algorithmes et les techniques culturelles; elle se réfère aussi au temps dont nous disposons, et naturellement à l'atmosphère. Tout cela constitue les "ressources communes" (common pool resources en anglais). Chacun dispose d'un droit équivalent à les utiliser.

La deuxième brique est sociale. Elle renvoie aux êtres humains qui usent de ces ressources. Le concept de biens communs est impensable s'il n'est pas rapporté à des individus concrets agissant dans un espace social défini. Les connaissances sont utilisées, par exemple, pour émettre un diagnostic ou pour soigner. Les techniques culturelles sont utilisées afin de produire des innovations. La communauté, c'est-à-dire tous ceux qui collectivement utilisent les ressources, transforment ces ressources en biens communs.

La troisième brique est régulatrice. Elle englobe les règles et les normes qui régissent le rapport aux biens communs. À l'évidence, ce n'est pas la même chose de réguler les bytes et l'information et de réguler des ressources naturelles telles que l'eau ou les forêts. Les rapports avec ces choses prennent des formes différentes. Ce que ces rapports ont néanmoins tous en commun est qu'ils doivent être déterminés par chaque communauté étendue d'utilisateurs. Ce qui n'est possible à son tour que lorsqu'un groupe humain développe une compréhension commune de ses rapports aux ressources.

Ressources + Communautés + Règles et normes = Biens communs

Les biens communs font la qualité de vie

Les biens communs sont sources de valeur et ceci en dehors ou en complément du marché. Pour tout un chacun, la possibilité de recourir aux biens communs, en plus des services offerts par le marché et l'état, a de multiples avantages.

La chose est manifeste partout où les ressources naturelles utilisées en commun, comme les pâturages, l'eau, les mers, les forêts, les champs et les semences, forment la base de la subsistance. Les droits communautaires assurent un accès gratuit à ces ressources indispensables à la vie, payé en monnaie de coopération et de solidarité. Dès que les services assurés par ces ressources - alimentation humaine et animale, matériaux de construction, médicaments, chauffage et matières premières - doivent être achetés avec de l'argent, les hommes sont réduits à la misère, car ils sont dépourvus de pouvoir d'achat.
La véritable tragédie des biens communs est que les gens ne prennent conscience de leur valeur (non monétaire) qu'au moment où ils sont sur le point de disparaître.
Ainsi, la densité urbaine est une forme de richesse qui ne devient apparente que lorsqu'elle est perdue. Les courtes distances :
  • Permettent les économies de temps nécessaires pour effectuer ses courses à pied,
  • ou pour que les enfants puissent se rendre à l'école sans emprunter les transports.
  • Encourage les réseaux de socialisation et le travail en commun, et par là l'organisation de crèches autonomes, l'entraide entre voisins ou le jardinage collectif.

Ressources communes + Communautés + Coopération = Création de valeurs non monétaire

Les biens communs : outils de créativité et de coopération

Que la coopération soit un puissant facteur de productivité est une vérité admise depuis longtemps. La sphère numérique a permis le développement de formes de coopération tout à fait innovantes.

Dans le monde des sciences, les modes de travail collaboratifs, globalement partagés et auto-organisés sont devenus une évidence.
La créativité revêt à l'âge numérique une nouvelle signification, au-delà de l'individu.
Il s'avère souvent que l'enthousiasme et la compétence cumulés des amateurs n'a rien à envier aux professionnels, bien au contraire. Grâce aux applications toujours plus nombreuses du Web 2.0, comme Twitter, les wikis ou les blogs, de nouvelles formes de travail en commun et de partage des connaissances sont expérimentées. L'Internet a le potentiel de développer des plate-formes pour l'intelligence collaborative et l'ingéniosité décentralisée, et de les mettre à disposition de tous.
Les "communautés en ligne" sont en mesure, grâce à une large participation, de proposer des produits et des services de haute qualité, qui peuvent aussi avoir une valeur monétaire.

Presque toutes les sociétés humaines sont fondées sur un mélange de concurrence, de planification et de solidarité. Cependant, leurs rapports respectifs se modifient au cours de l'histoire. L'échange de marchandises sur le marché - aussi évident qu'il soit devenu pour nous - ne représente qu'une manière parmi d'autres de s'approvisionner en biens.
Les voies pour s'approvisionner en biens sont :
  • La production organisée par le marché (principe de concurrence).
  • La production organisée par l'État (principe de planification).
  • La production et la distribution au sein de communautés (principe de réciprocité).
Le sentiment de communauté et de coopération libre semblent acquérir une nouvelle signification et une nouvelle importance en se conjuguant au désir d'indépendance. Le renforcement des biens communs répond à ce besoin.

La solution aux problèmes d'aujourd'hui ne réside pas dans un repli de l'État visant à faire de la place au marché, mais plutôt en ce que l'État s'efforce de sécuriser les droits des communautés sur leurs biens communs.

Les atouts des biens communs

Ce qui apparaît aujourd'hui encore comme une faiblesse des biens communs pourrait bien dans un avenir proche se révéler une force : l'argent y joue un rôle secondaire. Ce qui distingue les biens communs, c'est la coopération en vue de la possession partagée plutôt que la concurrence dans la recherche de l'enrichissement personnel. Généralement, les incitations monétaires y jouent un rôle très marginal.
Les motifs qui comptent réellement sont plutôt :
  • L'utilité commune,
  • le développement des compétences,
  • la sociabilité ou la réputation.
En ce sens, la sphère des bien communs est un espace démarchandisé. Il s'agit d'une économie du partage et de la participation, et non de l'accumulation et de l'exclusion.
Sans une telle économie du partage, une économie libérée de la pression de la croissance est inconcevable. En effet, tout ce qui est réalisé par sens de l'intérêt général, par passion pour le sujet ou par solidarité permet de satisfaire les besoins avec un investissement monétaire moindre. Ainsi, la réalisation de Wikipédia aurait représenté un coût inabordable si chaque collaborateur avait dû être rémunéré.

En d'autres termes, ce qui est produit dans la sphère des biens communs - souvent caractérisé comme du capital social - pourrait être qualifié de manière plus pertinente encore de "monétairement efficient". Un moindre investissement de capital monétaire est requis pour un même niveau de performance.
C'est précisément là le défi central d'un système économique qui devra se passer de croissance économique, mais qui devra aussi continuer à fonctionner. Parce que l'efficience monétaire ainsi comprise peut représenter le pilier d'une économie post-croissante, la redécouverte des biens communs est la condition d'émergence d'un ordre économique capable d'avenir pour le XXIe siècle.
Un nouveau modèle à créer : la production par les pairs basée sur les communs
Contrairement à la production pour le marché, la production par les pairs basée sur les communs n'a pas lieu en vue de la vente, mais en vue de l'utilisation directe. Les projets de pairs ont un but commun - créer des logiciels, faire de la musique, s'occuper d'un jardin - et tous les participants et participantes contribuent d'une manière ou d'une autre à cette fin. La plupart ne le font pas pour gagner de l'argent, mais parce qu'ils partagent l'objectif du projet et souhaitent qu'il réussisse - ou simplement parce qu'ils aiment faire ce qu'ils font. Une telle production par les pairs basée sur les communs produit de nouveaux biens communs, ou bien prend soin de ceux qui existent déjà et les améliore. Les structures hiérarchiques y sont largement inconnues. Cela ne signifie en aucun cas qu'ils soient non structurés mais personne ne peut ordonner à un autre ce qu'il a à faire. Les relations qui se nouent autour de ces biens communs ne sont pas dépourvues de règles. Les règles sont le fruit du consensus des "pairs". Dans l'économie égalitaire des biens communs, il n'y a ni contrainte ni commandements. Il en résulte une coopération libre entre contributeurs égaux en droits.

Une production par les pairs basée sur les communs a toujours lieu au sein de "communautés" (communities), là où se retrouvent des personnes partageant des intérêts communs ou ayant simplement une relation de voisinage. Les mondes virtuels rendent également possible l'émergence des formes nouvelles de communauté, sans attache territoriale.
Il est vrai que la production par les pairs basée sur les communs s'est développée surtout dans la production de savoir et de logiciels, mais ses principes peuvent être transposés à la production de biens matériels. Cela signifie que :
  • Le savoir et les ressources naturelles sont des biens communs qui fondamentalement appartiennent à tous. Pour leur utilisation, il existe des règles qui garantissent l'équité.
  • La production de biens physiques est basée sur des designs (plans de construction) libres, que chacun peut continuer à développer ou adapter à ses propres besoins.
  • L'organisation de la production physique est décentralisée. Pour l'essentiel, elle a lieu localement.
  • La production est orientée vers l'utilisation et l'utilisateur : on produit pour la vie !
  • L'engagement de chaque participant découle de son "libre choix" : chacun choisit par lui-même où et comment il souhaite prendre part. Cela exige un important effort de mise en harmonie, mais cela apporte aussi davantage de satisfaction.
  • La production parles pairs est basée sur l'intégration et non sur l'exclusion. Il y a bien sûr des règles, dont les communautés se dotent elles-mêmes et auxquelles chacun doit se tenir, mais les barrières à l'entrée sont faibles. La participation est facilitée.

Alors que dans l'économie de marché, les biens communs - bien que d'importance vitale - sont devenus quasiment invisibles, dans une économie des biens communs les rapports devraient être inversés : les marchés, tels qu'ils sont organisés dans l'économie marchande d'aujourd'hui, joueront à l'avenir un rôle minime, alors que les biens communs, les commons et les communautés de commoners seront au centre de la vie.

Les pistes pour agir

  • Nous pouvons directement vouer notre énergie, nos institutions et nos talents aux biens communs et à ce qui constitue leur essence : la diversité de la vie.
  • Nous pouvons nous demander systématiquement, à propos de tout projet, de toute idée ou de toute activité économique, s'il apporte plus aux communautés, à la société et à l'environnement qu'il ne leur retire.
  • Nous pouvons inverser la tendance actuelle : en nous fixant des limites et en utilisant de manière durable les ressources naturelles, mais en étant prodigues en matière de circulation des idées. Ainsi nous bénéficierons au mieux des deux.
  • Nous pouvons trouver des moyens intelligents de promouvoir la progression de tous, au lieu de nous concentrer exclusivement sur l'avancement individuel.
  • Nous pouvons reconnaître et soutenir matériellement en priorité les activités qui génèrent, entretiennent ou multiplient des biens à la libre disposition de tous.
  • Nous pouvons faire en sorte que la participation collective et équitable aux dons de notre terre ainsi qu'aux réalisations collectives du passé et du présent soit institutionnalisée et devienne la norme.
  • Nous pouvons recourir à des processus décisionnels, des moyens de communication et des technologies transparents, participatifs et libres, ainsi que les améliorer.


Dessins : Éric Grelet - CC-BY-SA

Je suis devenu fan de l'accélérateur de projet

Auteur de la fiche : Laurent Tézenas - Montpellier SupAgro
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Je suis enseignant à Montpellier SupAgro, dans la filière Ingénieur, mais aussi en Master et en Licence professionnelle. Dans le domaine de la communication écrite et orale, les travaux sont individuels ou collectifs.
Quel que soit le type de travail demandé, l'individu doit montrer sa capacité à mobiliser son réseau pour réfléchir à des solutions, résoudre des problèmes, contourner des difficultés. Travailler en autonomie n'exclut pas de faire confiance aux autres, de leur donner l'occasion de montrer leur disponibilité et leur intérêt à notre travail. C'est dans ce contexte que l'accélérateur de projet est opérationnel.
L'accélérateur de projet n'est pas un logiciel ni un outil informatique : c'est une méthode qui contraint les échanges entre cinq individus. Cette mise en situation dure 60 minutes. Un individu expose un problème qu'il confie au groupe. Le groupe y réfléchit pendant 30 minutes sans que le questionneur n'intervienne.

Je l'ai utilisé avec des ingénieurs en 2e année. De retour d'un stage ouvrier, une séance de débriefing en octobre a permis de faire parler les ingénieurs sur les fonctions, missions, activités dont ils ont eu la responsabilité lors du stage. Puis, d'évoquer les compétences qu'il leur semble avoir exprimées. Ensuite, de partager en groupe de cinq leurs expériences et des difficultés rencontrées. Chaque groupe décide ensuite de choisir un problème ou une difficulté rencontrée, pour la traiter avec la méthode "accélérateur de projet".
Les étudiants ont beaucoup apprécié ce moment, car c'est un vrai moment structuré d'échanges régulés. La méthode permet à chacun de s'exprimer même les plus discrets ou timides, et surtout elle permet d'éviter les recadrages intempestifs du questionneur qui doit se taire pendant la réflexion collective. À la fin de l'exercice, un enseignement particulier lié à la séance doit être formulé, c'est une pépite. Parmi les dernières d'entre elles : "c'était vraiment bien qu'il se taise après avoir exposé sa question" ; "développer l'écoute enrichit vraiment la réflexion".

Petite expérience irréversible de coopération !

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L'écriture collaborative

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Conçu comme un support à la construction d'un savoir collectif, le Web 2.0 a profondément amené à concevoir l'information de manière différente. Libérant l'écriture de l'univers clôt du support imprimé, il a engendré une profonde modification dans ce domaine. Il est désormais possible d'écrire à plusieurs sur le même document et en même temps ! Le succès rencontré par l'Encyclopédie Wikipédia, l'un des sites les plus consulté au monde, a ouvert la voie à de nouvelles pratiques d'écriture. Se définissant elle-même comme un "projet d'encyclopédie libre, écrite collectivement", elle a démontré combien la collaboration était porteuse de qualité et pouvait doter l'écrit d'une plus grande richesse. Richesse pour la communauté qui bénéficie de la rencontre de points de vue différentes sur un même sujet. Richesse également pour l'individu qui participe à un projet qui va le conduire à élaborer de nouvelles stratégies d'écriture et à se nourrir de nouvelles idées.

Co-écrire, un processus difficile

La réalisation d'un écrit collaboratif est le fruit d'un processus souvent jugé complexe et difficile. Dans l'article A Taxonomy of Collaborative Writing to Improve Empirical Research, Writing Practice, and Tool Development, paru en 2004, Lowry P.B., Curtis A. et Lowry M.R. expliquent cette difficulté par le fait qu'à la démarche d'écriture individuelle (qui a pour fondement, selon eux, la planification, la traduction et la révision), l'écriture collective ajoutent trois niveaux de complexité supplémentaire :
1. Intellectuelle
2. Sociale
3. Procédurale
Ceux-ci correspondent à trois questions que pose l'écriture collaborative :
1. Comment mutualiser et harmoniser des connaissances individuelles pour produire un savoir collectif ?
2. Comment coordonner les membres et leurs différents avis pour mener à bien ce projet ? Comment dépasser les conflits socio-affectifs générés par cet exercice collectif ?
3. Comment mettre en place une planification et une finalisation commune ?

La dynamique de groupe : la clé de voûte de l'écriture collaborative

En réalité, au-delà de la dimension intellectuelle et procédurale évoquées précédemment, ce qui apparaît véritablement comme la clé de voûte de l'écriture collaborative est la dimension sociale de laquelle va découler le "bon fonctionnement" du reste. Par "dimension sociale", on entend la capacité à créer une dynamique de groupe qui va fédérer chaque membre autour d'un objectif commun (la production d'un texte) et au sein duquel chacun va trouver sa place. Une dynamique qui va faciliter au maximum l'implication de ses membres et sans laquelle tout projet coopératif est voué à l'échec.
L'écriture collaborative peut en effet générer des conflits socio-affectifs (points de vue divergents, sentiment d'être jugé etc.) qui peuvent s'avérer difficiles à dépasser. L'acte de co-écriture nécessite ainsi :
  • Un haut niveau d'interaction réciproque entre les membres alimenté par des échanges fréquents.
  • La prise en compte des différents points de vue, la valorisation des apports de chaque membre à la communauté, l'encouragement de chacun à participer, en gardant en tête cette phrase de Paul Ricoeur "La tolérance n'est pas une concession que je fais à l'autre, elle est la reconnaissance du principe qu'une partie de la vérité m'échappe."
  • La capacité de l'animateur à réguler les conflits sociaux-cognitifs générés par les idées et natures divergentes.
Le travail de l'animateur de réseau va justement être d'apporter une convergence au sein de la communauté et de créer ainsi une dynamique constructive de travail propice à l'implication de chacun :


J-M Cornu - 4. Convergence et conflit

Faciliter la contribution de chacun par la méthode des 6 chapeaux

Afin de favoriser l'implication de chacun et l'émergence de nouvelles idées au sein d'un groupe, le psychologue spécialiste des sciences cognitives Edward de Bono a développé en 1987 la méthode dite des "6 chapeaux". Partant du postulat que la recherche de solutions passe par six phases bien distinctes, celle-ci invite chaque membre du groupe à explorer lors d'une réunion six modes de pensée spécifique, symbolisés par six chapeaux de couleurs différentes.
En résumé, les objectifs sont de :
  • permettre à chaque membre de percevoir une idée, de la penser, sous un angle différent et ainsi de faire évoluer son point de vue sur une question ;
  • empêcher la censure d'idées nouvelles au sein d'un groupe ;
  • créer un climat favorable aux échanges et à la créativité, favoriser la liberté de parole ;
  • résoudre collaborativement des problèmes ;
  • offrir une vision globale et approfondie de la situation.
Concrètement, une fois le problème posé, chaque membre endosse tour à tour une stature différente en revêtant virtuellement un chapeau et commence à explorer de nouvelles solutions :
  • Le Chapeau blanc symbolise la neutralité. Lorsqu'elle le porte, la personne doit s'attacher à énoncer simplement les faits, en laissant de côté tout ce qui peut relever de l'interprétation.
  • Le Chapeau rouge : l'émotion. La personne énonce librement ses sentiments et ses intuitions.
  • Le Chapeau vert : la créativité. Elle cherche des alternatives, en essayant de considérer le problème sous un angle nouveau.
  • Le Chapeau jaune : la critique positive. Elle "admet ses rêves et ses idées les plus folles".
  • Le Chapeau noir : la critique négative, le jugement. Elle énonce les faiblesses et les risques que comporte selon elle cette idée.
  • Le Chapeau bleu : l'organisation, la canalisation des idées, le processus. Elle s'attache à prendre du recul sur le sujet énoncé.
Cette méthode, qui pousse les participants à sortir de leur mode de pensée habituel, peut s'avérer très utile dans le cadre de la réalisation d'un écrit collectif.

Trois approches pour réaliser un écrit collaboratif

Réaliser un écrit collectif peut se faire de différentes manières, selon trois niveaux de collaboration :
  • Un membre commence par rédiger un article qui est ensuite modifié et enrichi par un autre membre et ainsi de suite jusqu'à obtenir un "document" jugé complet par le groupe et faisant l'objet d'un consensus.
  • Une approche plus coopérative que collaborative consiste à ce que chaque membre travaille sur une partie de l'article. Les diverses parties produites sont ensuite reliées entre elles et harmonisées pour former un seul et même article.
Une variante à cette coopération consiste à ce que chaque membre, selon ses compétences et ses appétences, effectue une partie du travail. Par exemple, un membre rédige, l'autre corrige, le troisième relit etc.
  • Enfin, l'approche la plus collaborative est peut-être celle qui inclut tous les membres de la conception à la réalisation de l'écrit, celle où il n'y pas véritablement de distinction de rôle. Chacun participe ainsi aux différents phases. Nous allons nous arrêter sur les phases d'élaboration que pourrait recouvrir cette dernière.

Les phases d'élaboration : trucs et astuces pour l'écriture participative

Chaque groupe peut trouver sa propre méthode, celle qui lui correspond. Cependant, pour avoir quelques points de repère, voici quelques trucs et astuces pour initier une écriture participative :

1. Faire vivre "une expérience irréversible de coopération"

Rien de mieux pour préparer un groupe à la réalisation d'un écrit collectif que de commencer déjà par lui faire vivre une "Petite Expérience Irréversible de Coopération" (PEIC). Ceci afin de résoudre des points de blocage éventuels, faire naître les premiers échanges et donner du sens à la démarche collaborative. L'une des grandes astuces consiste à utiliser Etherpad, un service en ligne qui permet de prendre des notes à plusieurs personnes simultanément, sur lequel est mis du contenu imparfait, à corriger ou comportant de nombreuses fautes d'orthographe. Ce simple fait va pousser instinctivement les personnes, malgré les barrières qu'elles pourraient avoir, à corriger les fautes. Cette astuce est encore plus efficace quand la faute porte sur le nom d'une personne : au souci de l'orthographe irréprochable, s'ajoute l'ego... Le mal est fait : la personne vit sa première expérience de collaboration !

2. Le brainstorming

Ce premier pas réalisé, une deuxième étape peut être franchie par l'organisation d'un brainstorming collectif c'est-à-dire d'une réunion de collecte d'idées qui permet de rassembler tous les points de vue et les propositions d'écriture du groupe. Cette technique incite les membres à verbaliser les idées, à les confronter entre eux et à les reformuler. Elle stimule en outre la créativité. L'utilisation d'une carte heuristique s'avère très efficace pour recueillir toutes ces données, les hiérarchiser entre elles et offrir une vue d'ensemble. Le principe est simple : l'animateur fabrique une carte mentale qui reprend les points énoncés par chaque membre et les classe par thèmes et sous-thèmes. Projetée à l'écran, celle-ci permet à chacun de voir s'il manque une donnée et d'intervenir ainsi plus facilement. Cela permet de rapidement faire fuser les idées et de prendre en compte chaque point de vue !
De nombreux outils de carte heuristique existent, parmi eux se distingue Freeplane par sa facilité d'utilisation.

3. La rédaction

Une fois ce travail effectué, le groupe est en mesure d'établir un plan de l'écrit à réaliser. A partir de ce plan, le vrai travail de rédaction va commencer. En amont, il peut être utile de tester différentes modalités d'écritures (individuelles ou directement en groupe, dans quel cadre etc.) pour trouver la configuration qui conviendra le mieux au groupe. Une réflexion sur ce qu'induit la publication (= exposition) est également nécessaire.
La rédaction peut se faire au travers d'outils en ligne qui permettent à chaque membre d'éditer et de modifier le document, d'améliorer le travail commun d'écriture et d'avoir une vision en temps réel de l'état du document.
Google Document se prête bien à la rédaction en petit groupe. Il permet de rédiger à plusieurs et en même temps un document en ligne que chacun peut modifier et dont toutes les modifications sont automatiquement intégrées à l'écrit de base. L'avantage de cet outil est que le travail n'est jamais isolé et que les membres peuvent voir la construction au fur et à mesure de l'écrit et par là-même faire évoluer leurs idées sur le sujet.
Pour un plus grand groupe, le wiki peut être une bonne option. Tout comme Google Doc et Etherpad, il permet de publier instantanément toute création ou modification de page et d'avoir une vue d'ensemble mais possède d'autres options intéressantes. Il offre en effet la possibilité de commenter les pages, d'avoir une mise en page des contenus plus visuelle, de décider du moment de l'édition du travail en ligne et de gérer l'historique des rédactions. Il permet ainsi un travail collaboratif peut-être plus structuré.

Petit retour d'expérience d'Animacoop sur la rédaction collective

Lors de la formation Outils-Réseaux "Animer un réseau collaboratif" (Montpellier, octobre-décembre 2010), les formateurs ont proposé au groupe de stagiaires d'Animacoop de rédiger collectivement et à distance, trois articles pour leur newsletter. Les membres du groupe avaient l'habitude de travailler ensemble et écrire un article permettait de valoriser un bien commun, une création. "Pour les formateurs, cet exercice d'écriture était une sorte de défi méthodologique", expliquent les responsables de la formation : "Comment tester la capacité collective de synthèse des contenus transversaux produits durant la formation ? Deuxième défi : comment motiver les stagiaires pour un travail complémentaire et peu anticipé ?"
Le témoignage des stagiaires sur cette expérience (méthode employée, étapes de réalisation, gestion du temps) est à lire en ligne : http://animacoop.net/formation2/wakka.php?wiki=PageArticlerc

Lowry Paul, Curtis Aaron, Lowry Michelle, « A taxonomy of collaborative writing to improve empirical research, writing practice, and tool development », Journal of Business Communication (JBC) 41 (2004/1), p. 66‑99., (consulté le 4 février 2014).

Crédits illustrations sous licence Creative Commons : by bgblogging, by Yves Guillou.

Pour aller plus loin

ECRITURE COLLABORATIVE dans TRAVAIL COLLABORATIF / ACTIVITES TICE / denisreynaud (denisreynaud)

L'ergonomie éditoriale ou l'art de bâtir une architecture de l'information

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Nombreuses sont encore les personnes qui négligent l'ergonomie éditoriale et concentrent tous leurs efforts sur les techniques d'écriture, pensant que celles-ci suffisent pour partager et publier un contenu de qualité sur Internet. Pourtant, la spécificité de la lecture sur l'écran amène à repenser la mise en valeur de l'information et la manière de la structurer pour la rendre accessible à l'internaute. C'est justement à cela que s'attache l'ergonomie éditoriale : à réfléchir à la meilleure tactique à emprunter pour s'adapter aux "contraintes" techniques du web et faciliter au maximum la navigation du lecteur en travaillant notamment sur l'organisation des contenus. En somme, à mettre en place une scénarisation du texte afin de pousser l'internaute à approfondir sa lecture.

Les enjeux de l'ergonomie éditoriale

Eve Demange, auteur du blog Plume Interactive et spécialiste de ce domaine en France, explique quelles sont les spécificités et les enjeux de l'ergonomie éditoriale : "L'ergonomie améliore l'utilisation des sites Internet en repensant un certain nombre d'éléments comme la structure de l'information, l'enchaînement des pages, le design. L'ergonomie éditoriale s'assure que les termes utilisés pour guider la navigation sont suffisamment clairs, suffisamment courts, qu'ils permettent aux visiteurs de trouver leur chemin facilement. Il ne s'agit pas de rédiger ou réécrire un texte en l'adaptant à la lecture web (même si cela améliore aussi l'ergonomie éditoriale), il s'agit de peser les mots. C'est un travail différent, spécifique au média web. Un bon rédacteur web peut faire ce travail, mais également un designerd'expérience ou un ergonome sensible à l'éditorial."

Les spécificités de la lecture à l'écran

eyetracking
Source illustration : site du zéro


Cette discipline repose sur le constat que les internautes lisent et appréhendent l'information différemment en ligne. Eyetracking a mené une étude, sous la direction de Jakob Nielsen, afin de capturer les mouvements de l'oeil de l'internaute sur l'écran et d'analyser ce qu'il regarde vraiment lorsqu'il est en train de lire une page web. Ces mouvements sont représentés graphiquement ci-contre par des zones colorées. Ainsi, les zones rouges sont celles qui ont été les plus regardées par l'internaute, les zones jaunes ont fait l'objet de moins d'attention, les zones bleus encore moins. Quant aux zones grises, elles n'ont tout simplement pas été vues. Si l'on en croit cette étude, les internautes auraient dont tendance à scanner la page, a effectuer une "lecture en diagonale"en s'arrêtant sur le haut de la page, le premier paragraphe et le début des paragraphes suivants.

D'autres études ont montré que bien avant les illustrations, l'internaute remarquait les titres et le texte. Ce qu'il ressort des différentes études menées c'est que ce sont les mots qui guident l'action des internautes.





Quelques bonnes pratiques

Sans entrer dans les détails des diverses études menées sur ce sujet, il ressort quelques principes de base pour optimiser la navigation de l'internaute, favoriser sa lecture et l'inciter à revenir. Schématiquement, ils tiennent compte de deux aspects principaux : le confort visuel et l'accessibilité du contenu (c'est-à-dire la manière d'en faciliter la compréhension).

En ce qui concerne le confort visuel, quatre pratiques sont recommandées :
  • Veiller à ne pas augmenter la charge informationnelle de son article en utilisant trop de couleurs et de typographies différentes ou en mettant des images de fond/des animations trop envahissantes.
  • Optimiser les couleurs employées en préférant un contraste positif (fond clair/caractères sombres) plutôt que négatif (fond sombre/caractères clairs). Le contraste positif se révélant moins fatigant pour la vision.
  • Écrire en minuscules plutôt qu'en majuscules pour les mêmes raisons évoquées.
  • Créer des décrochages visuels pour capter l'oeil en ayant recours aux listes à puces, aux balises d'en-tête (h1, h2, strong...) qui donnent de la signification au texte, aux blocs de citations (blockquotes) etc.

Pour améliorer l'accessibilité du contenu, il est conseillé de :
  • Organiser son contenu de façon à ce que l'internaute délimite facilement le début et la fin des différents thèmes traités.
  • Aérer sa page web en hiérarchisant l'information : paragraphes, titres courts mais descriptifs (ils doivent renseigner le visiteur sur ce qu'il va trouver) etc.
  • Faire des liens externes pertinents et explicites pour proposer des axes d'approfondissement au sujet traité et enrichir ainsi son contenu.
  • Placer les titres et les informations importantes en début de ligne.
  • Préférer plusieurs articles relativement courts à un article trop long et trop riche en informations ou proposer un format imprimable (PDF par exemple) pour les textes longs.
  • Illustrer son article car une image accolée à un texte a le pouvoir d'améliorer sensiblement la mémorisation de l'information. Elle stimule l'apprentissage des données.
  • Varier les constructions de phrase pour mettre en valeur les mots porteurs de sens.

Pour aller plus loin

Ergonomie éditoriale dans Rédaction web / (emilielf)

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L'implication

Auteur de la fiche : Jean Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Les motivations pour faciliter l'implication

Livre "la coopération, nouvelles approches" version 1.0

Paradoxe : Le système EPM

Un projet ne se développe pas simplement parce que les participants font bien ce qu'on leur dit de faire, mais aussi parce qu'ils s'impliquent.

Au début de l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française), les équipes travaillaient dans une grande émulation. De nombreuses premières ont ainsi été rendues possibles grâce à des groupes de personnes passionnées qui inventaient la télévision (la façon de filmer une dramatique, le mécanisme d'incrustation qui permet d'ajouter un fond derrière un présentateur...). Il y eut des innovations merveilleuses et bien sûr également de nombreuses erreurs commises.

Pour financer la télévision qui devenait de plus en plus chère, la publicité fut introduite. Petit à petit, un effet pernicieux apparut : Au moment de la publicité, il fallait que le maximum de personnes regardent la télévision. Il ne devenait plus possible de prendre le risque d'un flop. Les orientations des émissions étaient clairement définies et choisies AVANT par les gestionnaires. L'innovation et la créativité devenaient des facteurs de risque. Les personnes qui réalisaient les émissions devinrent les exécutants de projets entièrement définis et calibrés. Ils perdaient au passage le plaisir de la découverte et la reconnaissance lorsqu'ils inventaient quelque chose d'extraordinaire. Une autre forme de reconnaissance était accordée non plus aux innovateurs mais à ceux qui avaient une place visible grâce à la diffusion grandissante du média. Il devenait intéressant de lutter contre les autres pour obtenir les meilleures places, les meilleurs titres et même la célébrité.

Ceux qui ont voulu continuer à innover ou faire de belles choses se sont vus de moins en moins reconnus, se sont découragés et sont tombés dans le système que François de Closet appelle le système EPM ("Et Puis Merde...")1.

Laissez les meilleurs contributeurs s'approprier des morceaux du projet

Lorsque les émissions de télévisions sont devenues des événements critiques, il a fallut supprimer le droit à l'erreur. Mais l'innovation et la créativité sont des processus non robotisés. Elles imposent souvent de nombreux échecs pour arriver à une idée géniale. Une planification précise prévoyant ce qui doit se passer tue l'innovation. Ainsi, Norbert Alter2 explique que les innovateurs ne sont pas reconnus au début et même souvent rejetés.

A l'inverse, une des particularités des projets coopératifs est que le coordinateur-propriétaire ne détient finalement que le droit de modifier comme il le souhaite son projet. Chacun peut aller et venir sur son "territoire". Plus les passants auront envie de s'y arrêter et de s'y établir et plus le projet s'enrichira. Pour retenir les meilleurs contributeurs et les plus actifs, il est bon de leur laisser un petit morceau de la propriété sous la forme d'un sous-projet qu'ils peuvent ensuite coordonner, même si ce qu'ils en font n'est pas prévu au départ.

La clé est d'adopter un "laisser-faire actif" tant que les propositions vont dans le sens du projet. Par exemple, il vaut mieux autant que possible que chacun puisse choisir son rôle, cherchant alors à s'investir dans les fonctions non ou mal remplies pour "trouver sa place", plutôt que d'affecter des rôles à l'avance. La théorie des files d'attente présente bien ce genre de rééquilibrage3.

La contrepartie du don

Comme nous l'avons vu, coopérer à un projet, et même s'investir et donner sans attendre de contrepartie immédiate n'est pas forcément un acte altruiste mais une façon de concilier son intérêt personnel avec l'intérêt collectif en différant et globalisant la contrepartie reçue.

Les biens consommables (ou leur équivalent en argent) sont assez mal adaptés pour constituer une contrepartie efficace, car on se retrouve alors avec un simple échange basé sur une évaluation unitaire de chaque don. Cela montre qu'il est difficile de vivre uniquement du don car nous avons également besoin, entre autre, de biens de consommation pour assurer nos besoins vitaux. Nous verrons cependant que par un effet de ricochet, les gains plus immatériels obtenus dans un système de don peuvent dans un deuxième temps grandement faciliter l'obtention de ces biens matériels.

Les gains que l'on peut s'attendre à recevoir à la suite de ses dons sont de trois ordres :

  • Le savoir-faire
  • Le plaisir
  • La reconnaissance

Dans l'économie d'échange, on obtient en contrepartie de son travail le développement d'un savoir-faire et de l'argent qui permet indirectement de satisfaire ses besoins vitaux et d'acheter ce qui peut faire plaisir (même s'il est possible et souhaitable de prendre du plaisir directement dans son travail).

Dans l'économie du don, on obtient en contre partie de son travail le développement de savoir-faire et du plaisir, ainsi que de la reconnaissance qui permet éventuellement d'obtenir indirectement une valorisation du statut social pour mieux satisfaire ses besoins vitaux.

Le sentiment du travail bien fait constitue également une gratification pour ceux qui y sont sensibles. Il s'agit d'un sentiment personnel indépendant des réactions collectives, nous ne le détaillerons donc pas ici.

Première contrepartie :Le savoir-faire

Toute participation à un projet doit permettre d'acquérir des savoir-faire dans les domaines opérationnels où nous nous impliquons, mais également le sens de la participation et de la gestion de projets. De ce point de vue, on peut comparer l'acquisition de savoir-faire à ce qu'une société dans l'économie d'échange cherche à obtenir avec son budget formation et son budget recherche et développement.

Deuxième contrepartie : Le plaisir

Cela pourrait sembler un bien faible résultat que l'on peut obtenir de bien d'autres façons. Pourtant, dans l'économie d'échange également, une fois nos besoins vitaux remplis, l'argent sert principalement à contenter notre besoin de plaisir et même notre besoin de paraître et notre besoin de montrer à autrui notre réussite sociale au travers de biens plus luxueux et de voyages, spectacles, etc. Dans les projets coopératifs le plaisir n'est plus apporté indirectement grâce aux gains en argent, mais directement par le projet lui-même. Il s'agit même d'un critère primordial dans la gestion du projet : celui-ci doit permettre aux participants d'y trouver du plaisir et en contrepartie, le plaisir agit comme un moteur pour susciter l'implication qui est une des clés de la réussite de tout projet.

Troisième contrepartie : La reconnaissance

Il s'agit d'un gain fondamental dans un projet coopératif libre. De la même façon que l'économie d'échange n'apporte pas directement la satisfaction des besoins vitaux mais apporte l'argent qui permet de les prendre en charge, la reconnaissance apporte par ricochet plusieurs avantages :

  • Un moyen très efficace pour attirer la coopération des autres dans les projets que nous pourrions proposer.
  • La satisfaction du besoin de reconnaissance que nous avons tous.
  • L'augmentation des moyens (embauche, promotion) qui résulte de façon indirecte de l'estime que nous suscitons ou des titres que nous avons acquis.

Les deux dernières contreparties sont souvent reniées par les purs et durs des projets bénévoles. Le besoin de reconnaissance fait trop penser à sa version pervertie : l'égocentrisme. Quant à l'augmentation des moyens, il n'est possible de l'ignorer que si l'on a résolu tous ses besoins vitaux et obtenu la sécurité. Si cet avantage est souvent nié c'est qu'il comporte des risques importants de déviations comme nous le verrons plus loin. Pour donner une comparaison, la reconnaissance permet d'obtenir ce qu'une société dans l'économie d'échange recherche grâce à son budget marketing ou communication.

De nouveau, quelque chose qui peut sembler négatif dans notre environnement où l'intérêt individuel est antinomique avec l'intérêt collectif, devient un fondement du projet coopératif lorsque l'intérêt individuel et l'intérêt collectif sont réconciliés.

Les déviations de la reconnaissance

La reconnaissance joue dans l'économie du don le rôle de l'argent avec les différences que nous avons déjà identifiées : évaluation globale a posteriori sur tous les dons. La contrepartie n'est pas demandée mais reçue de l'ensemble de la communauté.

Il faut plus de temps pour " toucher " sa première paye, ce qui explique qu'une économie du don marche d'autant mieux que les acteurs ont déjà résolu leurs besoins vitaux et peuvent se concentrer sur d'autres besoins moins urgents (besoin de reconnaissance, plaisir, acquisition de savoir-faire, faciliter la coopération des autres dans des projets futurs...).

Nous avons vu cependant que deux de ces gains au moins (la satisfaction du besoin de reconnaissance et l'augmentation des moyens) comportent des déviations possibles.

En particulier, la satisfaction du besoin de reconnaissance peut pousser à l'égocentrisme. Dans ce cas la reconnaissance n'est plus reçue des autres mais considérée comme un dû. Cependant, grâce à un mécanisme de régulation naturel, la personne qui tombe dans ce travers et qui ne dispose pas de pouvoir de contrainte sur les autres voit ses pairs se détourner d'elle.

Les différents types de reconnaissance

Pour ce qui est de l'augmentation des moyens par l'intermédiaire de l'augmentation du statut social, il faut distinguer plusieurs formes de reconnaissance. Si chacune apporte une forme de pouvoir, il est là aussi nécessaire de voir s'il y est associée ou non une possibilité de contrainte sur les autres.

  • Le titre honorifique n'est normalement obtenu qu'après la fin de sa participation à un projet. Pour que ce type de reconnaissance fonctionne bien, il faut qu'il n'y ait plus d'implication ensuite dans le projet. Le titre apporte alors une mesure de la reconnaissance obtenue sans apporter de pouvoir. Les seules déviations possibles sont de continuer à avoir une implication et la mauvaise évaluation de la récompense. Celle-ci risque particulièrement d'arriver si seul une personne ou un petit groupe décide d'attribuer le titre. Il est alors possible d'influencer la personne chargée de l'attribution pour obtenir un titre non mérité ou à l'inverse le faire refuser à quelqu'un.
  • L'estime est obtenue pendant le déroulement du projet et permet à celui qui la reçoit de continuer à agir en attirant plus facilement encore la coopération des autres. Son grand inconvénient est qu'elle n'est pas mesurable (il n'y a pas " d'unité d'estime "), même si elle peut être...estimée. Mais cette forme de reconnaissance apporte de nombreux avantages. L'évaluation se fait en continu et peut augmenter ou diminuer par un phénomène d'autocorrection permanent. L'évaluation est distribuée car elle est réalisée par tous. Elle se fait sur ce que l'on a réalisé et non sur ce que l'on annonce. Elle apporte un pouvoir non contraignant : il sera plus facile d'attirer la coopération des autres mais l'estime ne permet pas d'obliger à coopérer. Enfin dernier avantage, le nombre de personnes qui peuvent recevoir de l'estime n'est pas limité, nous sommes dans une économie d'abondance qui facilite la redistribution de l'estime aux autres.
  • Le titre opérationnel est obtenu avant de remplir le rôle qui lui est associé. Cette fois, il s'agit d'une mesure facilement identifiable. Mais l'évaluation se fait à un moment donné par une personne ou un petit groupe sur la base de l'estime obtenue dans d'autres rôles. Le titre peut également être obtenu à partir de l'annonce de ce qui va être fait (comme par exemple dans les appels d'offres pour obtenir un contrat). Nous sommes alors complètement dans le domaine du principe de Peters 4 : " Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence ". C'est une des conséquences de ce système d'évaluation " a priori ". Un des points important est que le titre opérationnel donne la plupart du temps un pouvoir de contrainte sur des " subalternes " que l'on voudrait faire coopérer. Enfin, le nombre de postes disponibles est limité et pour pouvoir donner un titre opérationnel, il faut bien souvent en libérer un.

Première règle : faciliter les mécanismes de contrepartie

L'un des rôles fondamentaux du coordinateur d'un projet est de faire en sorte que chacun trouve son intérêt dans la coopération avec les autres. Pour cela il est important d'être attentif de façon continue pour faciliter l'apprentissage de choses nouvelles et les moments de plaisir surtout si ceux-ci sont collectifs.

Le coordinateur doit également être attentif au fait que chacun récolte l'estime qu'il mérite. Faire circuler l'information sur les réalisations de chacun, conserver un historique des réalisations sont des moyens efficaces de faciliter l'autorégulation par l'estime.

Deuxième règle : Permettre à chacun de se voir en construisant par étape

Avant même de réaliser de grandes choses, le membre de la communauté va tester inconsciemment la capacité de la communauté à reconnaître ses résultats.

Nous avons vu que plus la taille des groupes était grande et plus il générait d'opportunités. Cela semble aller à l'inverse de la capacité à recevoir de la reconnaissance, les actions étant noyées dans la masse. Pourtant, il est possible d'être visible même dans les grands groupes car c'est le nombre de contributeurs et non le nombre total de personnes qui compte.

Le nombre de contributeurs réguliers est lui limité. Pour permettre à plus de personnes de s'impliquer, il faut alors progressivement segmenter le projet en sous-projets. Tout l'art du coordinateur consiste à faire progresser son projet au bon rythme depuis une idée unifiée jusqu'à la ramification en sous projets, pour permettre à chaque étape à la fois un nombre minimum de contributeurs et que ce nombre ne soit pas un frein à ce que les contributeurs se voient et soient reconnus.

Troisième règle : Ne donnez pas des titres mais des rôles non exclusifs aux participants

La subtilité entre le titre et le rôle est importante. Le titre apporte une concrétisation d'une reconnaissance. Il est souvent exclusif, ce qui bloque la possibilité d'avoir d'autres personnes qui assument le rôle ouvertement si le niveau d'incompétence est atteint. Par ailleurs le titre s'accompagne souvent d'un pouvoir coercitif qui va à l'encontre des mécanismes de régulations par les participants proposés pour les projets coopératifs.

Le rôle non exclusif lui, permet d'orienter et d'inciter un membre à contribuer (en particulier au début lorsque le nombre des contributeurs est faible ou nul). Mais le rôle doit se conquérir à chaque moment pour recevoir de l'estime en contrepartie. S'il ne s'accompagne pas d'un pouvoir coercitif, la personne ayant un rôle devra motiver d'autres contributeurs s'il veut démultiplier ses résultats suivant un processus proche de celui de la mise en place d'un projet complet. La distribution d'un rôle non exclusif à une personne est une motivation à s'impliquer et peut mener par la suite à la coordination d'un sous-projet fructueux.

Résumé

Pour que les contributeurs les plus innovants s'impliquent de plus en plus et restent motivés il faut faciliter les mécanismes naturels de contrepartie :
  • Le développement de savoir-faire
  • Le plaisir
  • La reconnaissance

Pour cela le coordinateur doit suivre les règles suivantes :
  • Faciliter les mécanismes de contrepartie (savoir-faire, plaisir, reconnaissance).
  • Permettre à chacun de se voir en construisant le projet par étape.
  • Ne pas donner des titres mais des rôles non exclusifs aux participants pour qu'ils s'approprient des morceaux du projet.

Réduire les risques à s'impliquer dans un groupe

Paradoxe : seuls ceux qui ne font rien ont du temps

Sans doute, si vous avez déjà cherché à rassembler des personnes, êtes-vous tombés sur ce curieux paradoxe : Ceux qui pourraient apporter le plus à une communauté sont soit déjà impliqués dans d'autres groupes, soit ils sont en train de monter leur propre projet. Ils n'ont donc pas le temps nécessaire pour s'investir dans votre projet.

D'autres encore n'ont pas la sécurité matérielle suffisante pour s'engager.

Il reste une troisième classe de personnes qui participent à de très nombreux projets. Ils se joindront avec joie au votre. Mais s'ils peuvent apporter la richesse des liaisons avec d'autres groupes, ils n'auront ni le temps ni l'intérêt de contribuer fortement à votre projet.

Le paradoxe pourrait s'énoncer ainsi : "Sauf exception, les meilleurs contributeurs n'ont pas le temps de s'investir dans votre projet."

Réduire les risques lors de l'engagement

Ceux qui sont sollicités souvent pour participer aux projets ont pris l'habitude de d'abord dire non et éventuellement de réfléchir ensuite. Pour n'avoir que très mal suivi cette règle, je me suis souvent retrouvé surchargé par de trop nombreux engagements. Cela ne peut se faire qu'au détriment de son implication dans les projets auxquels on participe ou que l'on monte.

Cette fois encore, il est nécessaire de faire jouer les mécanismes de régulation. Quelqu'un qui arrive dans un projet ne peut jamais être certain que celui-ci est réellement intéressant pour lui ou même qu'il le restera. Il faut donc minimiser le risque de s'engager dans un nouveau projet.

Pour cela il existe deux critères :

  • L'un dépend de la personne elle-même : On peut s'impliquer lorsque l'on a réglé ses besoins de sécurité matérielle.
  • L'autre dépend du groupe : L'entrée dans un groupe ne doit pas être un engagement à y contribuer ou même à y rester.

Première Règle : chacun doit disposer d'une sécurité matérielle

Il est nécessaire que chacun ait résolu ses problèmes de sécurité matérielle :

  • Soit en participant au projet dans le cadre de son travail si l'organisation à laquelle il appartient y voit son intérêt,
  • soit en ayant une marge de manoeuvre suffisante pour participer bénévolement.

Le financement direct des personnes pour un projet pose des problèmes d'acceptation par les autres personnes non rémunérées et d'obligation de résultats qui imposent d'autres méthodes de travail. Une personne peut cependant être salariée par une organisation participante au projet. Elle est alors payée pour son rôle de lien avec le projet plutôt que directement pour le travail qu'elle fait dans le cadre du projet.

Les communautés ouvertes et fermées

Un domaine important dans la mise en place des projets coopératifs concerne l'aspect ouvert ou fermé des groupes.

Si un coordinateur constitue une communauté d'utilisateurs qui ne peuvent que difficilement faire le choix de sortir de la communauté, alors la communauté est dite fermée. Si au contraire la communauté permet à tout utilisateur de sortir aisément, si les contributions peuvent venir de toute personne, alors la communauté est ouverte. Il semble que quelques règles se détachent pour former un groupe ouvert :

  • Chaque membre de la communauté peut sortir de lui-même à tout moment de la communauté. Si un membre perturbe le fonctionnement de la communauté, le coordinateur garde la possibilité de l'exclure. Il n'a cependant pas le pouvoir de maintenir dans la communauté quelqu'un qui veut en sortir.
  • Il est possible et même très positif de faire partie de plusieurs communautés. Chacun peut choisir librement les groupes auxquels il souhaite participer.

La mise en place d'une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs est un choix préférable à celui d'une communauté fermée.

Les sectes sont des groupes fermés. L'appartenance à d'autres groupes tout comme la sortie de la secte sont fortement découragés. Le gourou dispose de plus d'un pouvoir de contrainte sur ses membres.

Les critères que nous avons donnés ne concernent pas le mode d'entrée dans la communauté. Il existe des cas où des communautés mettent des freins à l'entrée en utilisant la cooptation ou d'autres mécanismes. Il en existe plusieurs types tels que le noyau de coordination d'un projet lorsqu'il comporte plusieurs personnes ou la communauté des coordinateurs de projet.

Noyau de coordination et groupe de pilotage

Nous avons vu que la grande différence entre les contributeurs et les coordinateurs résidait dans le côté critique ou non critique des tâches exécutées. Ainsi le noyau de coordination d'un projet peut parfois comprendre plusieurs personnes. Dans ce cas, il est préférable de choisir très soigneusement l'équipe de coordination dont chaque membre prendra en charge des tâches critiques. La cooptation est alors le meilleur système. C'est au coordinateur principal de choisir ses partenaires et d'assurer la cohérence de l'équipe.

Les utilisateurs ne choisissent pas chaque membre du noyau de coordination mais sanctionnent l'efficacité de l'équipe de coordination en contribuant ou au contraire en sortant de la communauté. L'information dont ils disposent est un critère clé pour éviter les déviations. Paradoxalement, le fonctionnement est similaire à une bourse de valeurs ou d'un marché financier : On "parie" sur une idée, sur une stratégie, sur une équipe et la sanction est l'accroissement de la demande du titre.

Dans tous les cas, il est préférable que le noyau de coordination (et également le nombre de tâches critiques) reste le plus petit possible pour éviter la complexité grandissante imposée par la loi de Brooks. Dans l'idéal, le coordinateur est seul.

Une solution consiste à former un groupe de pilotage. Celui-ci rassemble des membres de la communauté auxquels on a donné des rôles (non exclusifs et non critiques) pour qu'ils prennent en charge des tâches dont aucune n'est vitale pour le projet. Un tel groupe de pilotage non critique permet alors de disposer de contributeurs particulièrement actifs qui peuvent même prendre en charge la coordination d'un sous projet sans que la défaillance de l'un d'eux ne mette le reste du projet en péril.

La communauté des pairs

La communauté des coordinateurs de projets est un cas de communauté par cooptation : les personnes rentrent dans la communauté lorsqu'elles sont reconnues par leurs pairs. Ici, la communauté n'a qu'un but d'échanges. N'ayant rien à produire en commun, il n'y a pas de tâches critiques. Elle sert principalement à apporter des échanges et de la reconnaissance entre ses membres. Une telle communauté fermée est cependant dangereuse si la reconnaissance n'est basée que sur ses membres et non sur une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs.

Ainsi, dans les logiciels libres, il existe deux types de communautés. Les hackers (également appelés hackers éthiques pour les distinguer des autres) : Il s'agit souvent de personnes qui mettent en place des projets coopératifs de développement de logiciels libres. Ils tiennent leur reconnaissance (et donc leur statut de hackers), non seulement de la communauté des hackers, mais également des utilisateurs-contributeurs de leurs communautés ouvertes.

Les communautés d'intérêt comme celles des hackers protègent leur cohérence de l'extérieur par des mécanismes de sélection :

  • Le vocabulaire ou le contexte social permet la reconnaissance entre les membres.
  • La nécessité d'un temps d'initiation permet d'acquérir des qualités nécessaires pour être reconnu comme membre du groupe (compétences techniques, patience, sens du compromis...). Les secrets doivent être découverts progressivement.

A l'inverse, les " crackers " sont des pirates informatiques qui développent en secret des virus ou piratent des sites Internet. La communauté des crackers est formée des personnes qui se reconnaissent entre eux comme crackers. S'ils ont l'équivalent d'utilisateurs (qui le sont bien malgré eux !), ils n'ont pas de communauté ouverte de contributeurs. La régulation par l'implication des utilisateurs-contributeurs ne peut pas se faire.

Une communauté dont l'entrée n'est pas ouverte n'est donc pas nécessairement une mauvaise chose si elle permet de constituer un noyau de coordination cohérent par cooptation ou permet des échanges entre des personnes ayant une culture commune. Cependant elle doit permettre la sortie et la multi-appartenance pour rester ouverte et elle doit être basée sur d'autres communautés ouvertes pour permettre les mécanismes de régulation de la reconnaissance et ainsi éviter les déviations.

Deuxième règle : Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester

Cette "ouverture" peut apparaître comme un inconvénient, et il semblerait plus intéressant à court terme de rendre ses utilisateurs "captifs". Mais la véritable évaluation du projet passe par l'estime qu'en ont les utilisateurs qui choisissent de contribuer ou au contraire de partir. Les remises en questions imposées par cette évaluation permanente poussent le projet vers un cercle vertueux de qualité. Bien sûr le coordinateur garde cependant le pouvoir d'exclure un membre qui perturberait le fonctionnement d'ensemble.

Résumé

Pour que les bons contributeurs ne perçoivent pas la participation à votre projet comme un engagement à risque, il faut à la fois qu'ils aient une certaine sécurité matérielle mais aussi que le groupe soit ouvert.
Un groupe ouvert permet à chacun de sortir à tout moment et encourage la multi-appartenance à l'initiative du membre.

Pour minimiser le risque de s'engager dans un projet il faut :

  • Disposer d'une sécurité matérielle pour chacun.
  • Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester.


L'implication : abaisser le seuil de passage à l'acte

Paradoxe : le train est parti

Si vous arrivez juste à temps pour attraper votre train, vous pourrez monter dedans et voyager comme prévu. Si vous arrivez 20 minutes à l'avance, vous avez une marge de sécurité et la durée totale de votre voyage (attentes comprises) sera allongée de 20 minutes. Mais si vous arrivez quelques secondes après le départ du train, alors tout votre voyage est chamboulé car vous avez raté votre train !

Nous avons souvent une vision linéaire des choses. Mais de nombreux phénomènes se produisent de façon non linéaire en fonction d'un seuil. Un domaine où l'on rencontre souvent ce genre de seuil et de basculement est la psychologie.

Abaisser le "seuil de passage à l'acte"

Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal. La théorie mathématique du chaos exprime bien le seuil qui fait passer de l'attitude passive à la coopération5. Ce seuil dépend de chaque personne mais aussi de l'environnement.

Exemple : inciter à l'action en envoyant un message électronique

Prenons par exemple un message Internet demandant aux utilisateurs de regarder une page spécifique de votre site web. Si l'adresse de la page est dans le message et que l'utilisateur n'a plus qu'à cliquer, vous aurez bien plus de personnes qui iront voir votre page que si vous considérez qu'ils ont déjà l'adresse de votre site et qu'ils peuvent très bien se débrouiller pour la retrouver. L'ennemie dans ce cas est la phrase que l'on entend beaucoup trop dans des projets : "c'est leur problème !".
Si le coordinateur propose dans un message à ses utilisateurs de contribuer activement, il doit redonner tous les éléments afin que ceux qui reçoivent son message n'aient pas à rechercher des informations supplémentaires pour contribuer. Sinon il ne pourra que se lamenter du manque de dynamisme de ses utilisateurs. Il en sera pourtant le premier responsable. Réfléchissez un instant aux différentes fois dans votre vie où vous vous êtes impliqués et à celles où finalement vous n'avez rien fait. Votre attitude dépendait de votre intérêt direct pour ce qui est proposé, de la dynamique du groupe, mais aussi de petits détails apparemment insignifiants qui ont facilité ou non votre première action.


Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte.

Première règle : KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)

Un projet trouvera des contributeurs si ceux-ci arrivent à comprendre ce qu'a voulu faire l'initiateur. A chaque étape, les choix doivent être simples et compréhensibles. Ce sont d'ailleurs le plus souvent les solutions simples qui sont les meilleures.

Il existe une règle d'or pour faciliter les actions des contributeurs. Elle tient en 4 lettres :
K.I.S.S (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple).

Ne considérez surtout pas que tous les participants à votre projet ont une compréhension aussi bonne que vous qui en êtes au coeur. Il y a plusieurs raisons pour cela :

Les informations que vous communiquez à vos participants doivent probablement être plus facilement compréhensibles avec votre tournure d'esprit qu'avec la leur.
Vos participants n'ont pas eu accès à l'ensemble des informations, en particulier celles qui vous ont semblé suffisamment évidentes pour que vous ne leur transmettiez pas.
Enfin, même si certains contributeurs peuvent être très impliqués, ils le seront toujours moins que vous et donc sélectionnent et assimilent mieux le sous-ensemble des informations qui les concerne dans le projet.

Deuxième règle : Soyez réactif avant tout

A l'opposé, un projet présenté de longue date et qui ne démarre pas laisse le participant potentiel dans une attitude de non-participation qu'il sera difficile de lui faire quitter. Attention donc aux promesses d'actions qui sont retardées. Ces retards au démarrage sont fréquents dans les projets traditionnels basés sur des contraintes (par exemple financières). Ils tuent la motivation et l'opportunité de faire basculer les participants potentiels vers la coopération.

Être réactif... Cette règle peut sembler toute simple mais c'est souvent elle qui fait la réussite ou l'échec de l'implication des personnes. Il faut bien comprendre que le mécanisme qui permet d'agir évolue dans le temps. Plus le temps passe et plus il devient difficile d'agir. A chaque instant le seuil se met à remonter.

En gestion du temps, il est toujours recommandé de commencer tout de suite ce que l'on a à faire. Sinon il faudra encore plus de volonté pour le faire plus tard. La "maladie" qui consiste à reporter à plus tard s'appelle la "procrastination".

Si vous souhaitez coordonner un projet, ne cherchez pas à être simplement réactif : cherchez à surprendre vos membres en étant hyper-réactif ! Vous verrez qu'ainsi, non seulement vous habituerez vos contributeurs à être eux-mêmes réactifs, mais également ils se sentiront plus reconnus, si vous réagissez promptement à leurs suggestions et vous sauverez également un temps énorme simplement en réagissant souvent et rapidement.

Résumé

Outre l'augmentation de la motivation et la minimisation des risques, le secret de l'implication est dans l'abaissement du seuil de passage à l'acte.

Deux règles sont indispensables pour abaisser le seuil
  • KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)
  • Le secret : soyez hyper-réactifs


1 François de Closet, "Le système EPM. Et puis merde", Paris, Ed. Grasset
2 Norbert Alter, "Sociologie de l'entreprise et de l'innovation, Paris, PUF, 1996
3 Théorie des files d'attentes (queeing theory) en recherche opérationnelle, voir par exemple http://chronomath.irem.univ-mrs.fr/LudoMath/ro.html "methods of operations research", par P.M. Morse et G.E. Kimball, Chapman et Hall, Londres, 1950
4 Laurence J. Peters & Raymond Hull, "The Peter Principle : why things always go wrong", Morrow William & Co (1969) "in a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." Voir également une interview de Peters sur http://www.reasonmag.com/9710/int.peters.html
5 Voir par exemple sur http://www.ping.be/chaoflight/pageen/bookchaos.htm et en particulier : Ilya Prigogine, "les lois du Chaos", Flammarion, Paris 1997

Source : Jean-Michel Cornu - La coopération, nouvelles approches. [en ligne]. [Consulté le 29 janvier 2014]. Disponible à l’adresse : http://www.cornu.eu.org/texts/cooperation

Crédits photo : Via catalana by SBA73 sur Flickr - CC-BY-SA

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La convergence

Auteur de la fiche : Jean Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Faciliter la convergence par les biens communs et un environnement d'abondance

Le paradoxe de la tragédie des biens communs

Dans un texte devenu célèbre " La tragédie des biens communs " 1, Garret Hardin présente les trois seules solutions pour vivre ensemble avec un ensemble de biens à partager. Il y décrit un champ, propriété collective d'un village. Des paysans y font paître leur bétail. Ce dernier consomme l'herbe et dégrade ce bien commun en laissant derrière lui des portions boueuses. En l'absence d'une politique réellement appliquée, l'intérêt de chaque paysan est de profiter le plus vite possible du champ en y envoyant le maximum de bêtes en retirer le maximum de valeur avant que l'ensemble du champ ne se transforme en mer de boue.
La tragédie des biens communs ne prévoit que trois issues possibles à cette situation :
  • Le champ devient un immense champ de boue.
  • Une personne qui dispose d'un pouvoir de contrainte alloue les ressources au nom du village.
  • Le champ est découpé en espaces gérés par chaque paysan disposant alors d'un droit de propriété.
Eric Raymond 2 reprend cet exemple pour montrer combien la coopération n'est a priori pas si simple.

Tragédie don
Eric Grelet - CC By Sa


Les limites de la tragédie

Réconcilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif ne semble pas évident dans le cas de figure décrit dans la tragédie des biens communs (sinon, nous vivrions mieux depuis longtemps !). Pourtant, si Hardin conclut dans son ouvrage que les seules solutions à l'absence de responsabilités des hommes sont dans la privatisation des biens communs et/ou dans l'interventionnisme de l'état, il reconnaît plus tard que son postulat de départ n'est pas toujours valide. Son collègue Gary Warner indique : "Hardin a reconnu plus tard que la caractérisation des aspects négatifs des bien communs... était basée sur une description... un régime ouvert, non régulé par une autorité externe ou un consensus social." 3

Sans destruction le territoire n'est plus limité

Il existe d'autres cas encore qui mènent à des conclusions différentes : Dans la tragédie des biens communs, le bétail consomme l'herbe et détruit progressivement le champ. Dans le domaine des biens immatériels tels que les logiciels informatiques, les contenus, l'art ou la connaissance, la règle du jeu est intrinsèquement différente : la lecture d'un texte ne le détruit pas, donner une information à quelqu'un ne veut pas dire que l'on n'en dispose plus.
Cette simple différence est lourde de conséquence. Cela veut dire que l'échange conduit à une multiplication de la valeur et que le territoire n'est plus aussi limité qu'avant. Comme le dit très joliment Jean-Claude Guédon, professeur au département de littérature comparée de l'université de Montréal : " Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage".

Une nouvelle notion de la propriété

La notion de propriété ne disparaît pas pour autant. Par exemple dans le développement de logiciels libres, assez souvent, une personne détient le droit d'intégrer les modifications proposées par tous. Raymond l'appelle le "dictateur bienveillant." Mais tout le monde peut venir utiliser, copier ou redistribuer librement le logiciel produit collectivement. Tout le monde peut circuler librement sur le territoire du propriétaire et c'est justement cela qui lui donne de la valeur.

Une nouvelle notion de l'économie

L'économie elle-même a été basée sur les échanges entre deux protagonistes (la transaction), et la consommation in fine par celui que les experts appellent " le destructeur final " (le consommateur.) Si nous voulons comprendre au mieux les règles du domaine des biens immatériels, nous devrons étendre les analyses actuelles pour prendre en compte : les échanges collectifs (avec un équilibrage global et non plus élémentaire) et l'utilisation sans consommation de biens.

L'économie du don

Un des exemples d'économie qui ne soit pas basé sur la transaction, ressemble fort a priori à une utopie. Il s'agit de l'économie du don telle qu'on la trouve dans quelques environnements très spécifiques.
L'expression " économie du don " ne doit pourtant pas être comprise comme une sorte d'utopie qui pousserait chacun à devenir altruiste même si cela va à l'encontre de son intérêt personnel. Il s'agit plutôt d'un mode d'échange asymétrique. Lorsque monnayer un bien n'a plus de sens car il est abondant et facile à trouver, et lorsque l'on a satisfait ses besoins minimaux de survie, la seule chose que l'on puisse encore rechercher est l'estime de la communauté. Le fait que la contrepartie du don passe par l'ensemble des autres personnes aide à faire converger les intérêts individuels et collectifs.

L'abondance source du don

L'un des éléments clés qui favorise le basculement d'une économie d'échange vers une économie du don est le passage de la pénurie à l'abondance. L'abondance signifie que les acteurs ont résolu leurs besoins de sécurité et qu'ils recherchent autre chose comme par exemple de la reconnaissance. L'abondance peut exister, nous l'avons vu, dans le domaine des biens immatériels et dans le domaine du savoir...

Quelques exemples d'économie du don

Il existe différentes communautés qui bénéficient à la fois de la sécurité matérielle et de l'abondance. Dans ces différents cas, ces communautés ont vu émerger naturellement une économie du don.
Dans certaines îles tropicales, la nourriture est abondante. Marcel Mauss a étudié la mise en place du don et ses différentes caractéristiques4.
Plus près de nous, la communauté scientifique a depuis très longtemps une habitude du partage de toutes ses découvertes. Les colloques sont l'occasion de présenter à tous ses résultats et d'en retirer considération et estime.
La communauté des développeurs de logiciels libres a suivi un chemin similaire. Il s'agissait au début de chercheurs travaillant dans divers laboratoires et universités (ils bénéficiaient donc d'une relative sécurité matérielle.) Ils ont appliqué avec succès les mêmes méthodes que les scientifiques dans le domaine apparemment plus industriel du logiciel.
Enfin, la petite communauté des personnes particulièrement riches passe beaucoup de temps à s'investir dans de grandes causes humanitaires pour gagner l'estime de ses contemporains.

L'abondance est...abondante

Le champ touché est bien plus vaste qu'on ne peut l'imaginer. Si les biens matériels semblent limités pour une majorité de personnes, il peut en aller autrement avec les biens immatériels. Ainsi le proverbe de Kuan-Tseu " Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois; si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie ". Le poisson est un bien de consommation qui peut être rare s'il vient à manquer ou si peu de personnes pêchent. Apprendre à pêcher est au contraire un savoir qui devient de plus en plus abondant à chaque fois qu'une personne apprend à pêcher à une autre.

Les règles du don

Tout n'est pourtant pas rose dans le monde de l'abondance et du don. Le changement des règles du jeu ne fait pas de tout le monde un altruiste.
Des dérives sont ainsi observées lorsqu'une ou plusieurs des caractéristiques qui forment le don ne sont pas respectées. L'économie du don est simplement régie par des règles propres différentes de celles de l'économie basée sur la consommation.

Première déviation : entretenir la pénurie

Une des premières déviations consiste à fabriquer artificiellement de la pénurie pour revenir aux règles mieux connues de l'économie de la consommation. Cela est courant sur des biens matériels tels que le pétrole. Il est également possible de rendre "usables" ou plus précisément "obsolètes" des biens immatériels. L'industrie du logiciel y a tellement bien réussit que l'administration fiscale considère en France que la durée d'amortissement d'un logiciel est de 1 an, soit beaucoup moins que le matériel informatique !
Si les brevets, les droits de propriété intellectuelle et la mode ont pour objectif de protéger la création, ils doivent cependant être étudiés avec beaucoup de soin pour ne pas devenir une arme contre l'abondance et... la création.

Première règle : l'abondance préservée et bien répartie

Le projet doit porter sur un bien qui peut devenir abondant pour favoriser une économie du don. Cela devrait être le cas des biens immatériels non consommables (la connaissance, les logiciels, les contenus...). Dans ce cas, l'échange conduit à une multiplication de la valeur. Souvent le passage à une économie d'abondance ou de pénurie ne dépend pas seulement de l'abondance du bien au départ mais également des mécanismes de répartition et de protection.

Deuxième déviation : Donner pour écraser l'autre

Malgré le sens altruiste que peut sembler avoir " l'économie du don ", il s'agit simplement d'une économie avec des règles ni meilleures ni pires, simplement différentes. Ainsi Maurice Godelier, décrit les règles d'un don particulier : le potlatch. Il s'agit d'un don ou d'une destruction à caractère sacré, constituant un défi à l'autre de faire un don équivalent. " Dans le potlatch, on donne pour écraser l'autre par son don. Pour cela on lui donne plus qu'il ne pourra rendre ou on lui donne beaucoup plus qu'il n'a donné "5.

Deuxième règle : L'évaluation est globale et décentralisée

L'autre grand changement réside dans l'évaluation. Elle se fait de façon décentralisée, par tous et sur l'ensemble des dons réalisés. Cela est très différent de l'économie d'échange qui évalue chaque transaction de façon unitaire. Une des conséquences est que l'évaluation est empirique et dépend de chacun. Elle n'est pas mesurable car il n'est pas possible de comparer de façon certaine la reconnaissance obtenue avec une unité donnée.

L'exemple des benchmarks

Dans l'économie d'échange, les "benchmarks" (critères communs de référence) sont de plus en plus communs et répandus dans les marchés mondiaux, chacun peut plus ou moins en appréhender l'évolution. Dans l'économie du don chacun a son propre "benchmarking system" en fonction de ses critères subjectifs propres. Mais le phénomène de groupe pourrait générer l'apparition de benchmarks localement reconnus.


Nous verrons plus loin les règles à respecter pour mettre en place un mécanisme d'évaluation auto-régulé.

Troisième déviation : réclamer son dû

Une autre déviation est de demander un retour pour son don à la personne qui en a bénéficié ou à sa famille, au lieu d'attendre de le recevoir de l'ensemble de ses pairs. Cette déviation est souvent observée dans les familles africaines qui ont par ailleurs une grande tradition de solidarité et de coopération.

Troisième règle : Une contrepartie non demandée-le mécanisme à deux temps

Une troisième chose qui change dans l'économie du don, est ce que gagne le donneur. Dans l'économie basée sur la transaction individuelle, celui qui donne un bien demande en échange un autre bien équivalent ou une représentation de la valeur du bien (de l'argent). Lors d'un don, le donneur n'attend pas de retour de celui qui reçoit et n'attend pas même de retour immédiat. Il reçoit ultérieurement de la reconnaissance par l'ensemble de la communauté qui évalue non pas chaque don mais l'ensemble de ce qu'il a apporté. Cette reconnaissance lui apporte dans un deuxième temps des avantages comme nous le verrons plus loin.

Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre de tous de l'altruisme pour mettre en place des projets faisant appel à la coopération. Les donateurs retirent des avantages qui sont simplement plus subtiles à comprendre car ils s'inscrivent dans une logique en deux temps qui apporte des bénéfices dans la durée.
Unité donnée.

Résumé

Une économie du don émerge lorsque les biens communs sont abondants. Celle-ci implique de nouvelles notions de propriété et d'économie.

Les échanges de bien immatériels conduisent normalement à une multiplication de la valeur et à leur abondance. Il est souvent possible de faire des choix qui poussent vers la pénurie ou vers l'abondance.

Il existe des règles du don qui si elles ne sont pas respectées conduisent à des déviations :

  • L'abondance doit être préservée et bien répartie pour éviter le retour à une économie de la consommation.
  • L'évaluation doit être globale et décentralisée pour ne pas qu'un don particulier serve à écraser l'autre.
  • La contrepartie ne doit pas être demandée à celui qui reçoit pour éviter les dettes...

Faciliter la convergence en donnant une vision à long terme

Le dilemme du prisonnier

L'exemple du " dilemme du prisonnier " présente un paradoxe où des personnes peuvent agir à l'encontre de leur propre intérêt. Un malfaiteur et son complice sont pris par la police. Chacun a le choix de trahir ou de ne pas trahir l'autre mais ne connaît pas à l'avance la réaction de son complice. Dans cette situation si les deux s'entendent, ils s'en tireront globalement mieux. Mais l'un peut être tenté de trahir son complice pour ne pas être le seul inculpé pour le cas où l'autre le trahirait. Il peut également dans ce cas bénéficier par sa dénonciation d'une peine allégée. Très souvent, dans le doute, les deux prisonniers se dénoncent l'un l'autre et se retrouvent tous les deux perdants 6.

Ce type de situation se rencontre assez fréquemment dans la vie. Ne sachant pas comment va réagir l'autre nous envisageons le cas où il nous trahit (ou plus simplement le cas où il ne coopère pas). Dans ce cas où l'autre ne joue pas le jeu, la situation la moins mauvaise pour nous est de ne pas jouer le jeu nous même. Pourtant, d'un point de vue plus global, le gain est bien plus important pour chacun si les deux coopèrent.

La méthode CRP

Le "dilemme du prisonnier" a été étudié dans le cadre de la théorie des jeux.. En l'absence d'information sur la réaction de l'autre, la réponse individuelle la moins mauvaise va à l'encontre de l'intérêt collectif. Pourtant, les résultats changent lorsqu'il ne s'agit plus d'un événement unique mais de plusieurs itérations. Dans ce cas, chacun peut obtenir au fur et à mesure des informations sur la façon dont l'autre va réagir.

Les simulations qui ont été faites montrent que la solution la plus efficace est de commencer par coopérer puis de calquer son attitude sur les réponses de l'autre : S'il coopère, on coopère également, s'il trahit, on fait de même.

Plus précisément, la stratégie la plus efficace a été découverte en 1974 par le philosophe et psychologue Anatol Rapaport cité par Bernard Werber 7 : il s'agit de la méthode CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon). Dans ce cas, on commence par coopérer, puis en fonction de ce que fait l'autre personne on calque son attitude sur la sienne, et enfin on remet les compteurs à zéro en étant prêt à coopérer de nouveau. Cette façon de faire est la plus efficace pour qu'une personne qui a trahi comprenne à la fois que vous ne vous laisserez pas faire, mais que vous êtes prêt à repartir sur une base de coopération.

Permettre le maximum d'occasions d'interactions dans la durée

De ces deux exemples, nous pouvons constater que lorsque l'expérience est unique, la tendance est à la trahison, alors qu'après des essais répétés, il devient possible d'avoir une stratégie qui converge vers la coopération.

Pour permettre à ces différentes interactions de s'opérer, il faut avoir passé suffisamment de temps ensemble. Mettre des personnes ensemble dans la durée et créer entre elles un lien de confiance est la définition même d'une communauté.

Une communauté pour une coopération dans la durée

Une des façons la plus efficace de faire coopérer des personnes est de créer un esprit de communauté. Cela implique un sentiment d'appartenance et une confiance réciproque entre les membres.

De nouveau, en proposant des nouvelles règles du jeu, cela ne veut pas dire que chacun est devenu altruiste. Il existe donc des risques pour les communautés qui peuvent produire un résultat inverse de celui attendu.

Premier danger : La communauté meurt avant d'avoir une histoire

Le démarrage de la communauté est le moment le plus sensible. Lorsque les interactions entre les membres de la communauté se développent, il y a naturellement des trahisons qui conduisent à des conflits.

Le démarrage d'une communauté est un passage obligé. Les avantages de la communauté ne sont pas encore là, et les étapes multiples qui pourraient permettre de sortir du dilemme du prisonnier n'ont pas encore pu s'opérer.

Première règle : Donnez aux personnes une vision à long terme

Nous avons vu que la méthode optimum était de commencer à coopérer (quitte à agir ensuite à l'inverse suivant les réactions de l'autre). Il est donc possible de favoriser la coopération entre des personnes qui n'ont pas de passé commun si ces personnes ont la perception qu'il y aura d'autres moments en commun dans le futur.

Les sociologues appellent distance d'horizon 8, la durée pendant laquelle des personnes pensent qu'ils seront ensemble. Cette notion, très subjective, est un facteur clé pour que les acteurs coopèrent ou non. Il y a ainsi nettement moins de vol dans les petits magasins de quartier même lorsque le magasin vient de s'installer, que dans les grandes surfaces anonymes et indifférenciées. Les conséquences perçues d'un acte sont différentes suivant l'histoire que l'on pense avoir par la suite avec les personnes concernées.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Tout le monde n'agit pas au mieux de ses intérêts car la méthode CRP n'est pas assimilée par tout le monde. Mais la vision d'un futur commun favorise la coopération alors que le manque d'horizon à long terme favorise les comportements inverses.

Plus les personnes ont eu des expériences positives de coopération en voyant autour d'elles d'autres personnes commençant par coopérer, plus elles assimilent la méthode CRP et plus il est facile de mettre en place une communauté.

Deuxième danger : Le passé perdu

Lorsque l'on a passé un certain temps avec des personnes, de nombreuses épreuves basées sur le dilemme du prisonnier ont eu lieu. Si le groupe n'est pas mort de ces tribulations, il se renforce au fur et à mesure. Mais l'une des particularités de l'être humain est sa capacité d'oubli. Cette fonction est indispensable pour ne pas encombrer le cerveau de toutes les expériences non utilisées. Mais au fur et à mesure que la coopération s'instaure, la notion de danger s'éloigne et la mémoire considère les souvenirs des différentes épreuves passées comme moins prioritaires.

Si les expériences passées sont oubliées, le groupe revient à la situation bien plus périlleuse du début de la communauté.

Deuxième règle : L'histoire est la base du futur

L'héritage du groupe est un élément fondamental pour lui permettre de continuer de bâtir sa cohésion plutôt que de revenir au dangereux point de départ.

Avec les échanges que nous avons étudiés au chapitre précédant, l'héritage constitue le deuxième fondement d'une société humaine selon Maurice Godelier 9 : "Nos analyses nous amènent à conclure qu'il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines, celui des échanges, quel que soit ce que l'on échange et quelle que soit la forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l'achat, au marché, et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour eux-mêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l'on garde constitue toujours des "réalités" qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l'origine.

Nous verrons qu'une des tâches fondamentale du coordinateur est de développer un historique qui capitalise l'héritage commun

Outre les relations de confiances qui s'établissent progressivement au sein de la communauté, la communauté est également basée sur le sentiment d'appartenance. La mise en place de "rites" et de références communes constituent également un socle sur lequel se bâtit l'héritage collectif.

Troisième danger : le cycle mimétique

Nous avons beaucoup de mal à admettre qu'en plus de nos comportements individuels que nous avons l'impression de contrôler, nous sommes soumis à des comportements collectifs. Les mouvements de foules et les réactions de panique nous sont familières pour ce que nous en avons vu dans les films ou parfois vécut dans nos vies. Mais il nous semble impossible que nous puissions faire nous même des choses qui nous semblent aussi insensées par simple mimétisme.
René Girard 10 dépeint un comportement collectif ancré dans les comportements humains qui sauvegarde l'intégrité de la communauté grâce au sacrifice d'un "bouc émissaire". Le cycle mimétique qu'il décrit se passe en plusieurs étapes.
Un conflit commence souvent par un "désir mimétique" qui consiste à vouloir ce que l'autre détient.
Lorsqu'un conflit arrive (et il en arrive bien sûr plus ou moins fréquemment), la personne qui se sent trahie a assez souvent une attitude agressive. Que nous le reconnaissions ou non nous avons une tendance naturelle au mimétisme et nos attitudes se calquent sur celle de l'autre (même si vous ne le reconnaissez pas, les publicitaires l'ont eux, bien compris). Par mimétisme, l'autre personne adopte une attitude agressive et s'engage alors dans ce que les psychologues appellent parfois du "ping-pong verbal" où l'objectif est d'abattre l'entêtement de l'autre avec obstination, chacun pompant l'énergie de l'autre.

La troisième étape est l'extension, toujours par mimétisme, à toute la communauté de l'état d'agressivité et les conflits se multiplient. Ce mécanisme est fort bien décrit et de façon amusante dans la bande dessinée "Astérix et la Zizanie". Au fur et à mesure que les réactions agressives se multiplient, le groupe influence les comportements et produit un effet auto-cumulatif.
Lorsque la tension dans le groupe atteint un niveau dangereux qui met en péril son intégrité, soit il y a scission, chacun prenant parti dans un camp ou un autre, soit le groupe évacue l'ensemble de l'agressivité au travers d'un "bouc émissaire". Celui-ci est choisi de préférence en dehors des multiples conflits qui n'ont d'autres liens entre eux que l'effet mimétique. Il s'agit souvent d'une personne plus faible et surtout différente sur laquelle vont s'acharner de façon irrationnelle toutes les agressivités.
Une fois le trop plein d'agressivité déversé, le bouc émissaire est "diabolisé" comme la source de tous les maux pour justifier la réunification du groupe autour de son anéantissement et oublier les circonstances du "sacrifice". Le groupe réconcilié a sauvegardé son intégrité en sacrifiant un bouc émissaire innocent. L'oubli permet au groupe de reprendre son cours jusqu'au prochain cycle.

Troisième règle : Rendre visible le mécanisme du bouc émissaire

Une des difficultés pour comprendre le mécanisme du cycle mimétique est justement dû au fait qu'il ne peut fonctionner que s'il est inconscient. Les participants à ce cycle ne peuvent accepter ni le mimétisme de leur comportement, ni son paroxysme irrationnel jusqu'au déversement de toute l'agressivité sur un innocent et encore moins le mécanisme d'oubli de cette atrocité.

René Girard poursuit en montrant que le mécanisme de victimisation qui place les victimes au centre de notre attention est très ancré dans notre civilisation judéo-chrétienne. Nos informations se concentrent fortement sur les conséquences sur les victimes, ce qui n'était pas le cas dans des temps plus reculés. Ce processus à un effet bénéfique car il rend plus difficile l'aveuglement et l'oubli nécessaire au fonctionnement du cycle mimétique.
Rendre visible le mécanisme de "bouc émissaire" permet de casser le cycle mimétique. Il n'empêche cependant pas la montée de la tension et il est nécessaire de trouver une nouvelle soupape de sécurité plus acceptable. Le chapitre sur la résolution des conflits présente quelques réflexions supplémentaires.
Le mimétisme de l'être humain n'a pas que des effets négatifs. Il est aussi possible de le prendre en compte de façon positive, comme par exemple dans la possibilité de disséminer la méthode CRP dans la communauté "par l'exemple".

Quatrième danger : la communauté fermée

Le quatrième danger qui guette une communauté est de se refermer sur elle-même. Le groupe peut continuer sa progression mais en se coupant de l'extérieur, il risque d'adopter des comportements sectaires préjudiciables à ses membres.

Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté. Le sentiment d'appartenance et l'existence de particularités spécifiques au groupe sont indispensables pour qu'une communauté existe. Mais elle ne peut s'enrichir qu'en restant ouverte sur l'extérieur.

Quatrième règle : Permettre la sortie et la multi-appartenance

Il n'est pas toujours facile de trouver des critères objectifs pour qualifier un groupe d'ouvert ou de fermé. Le rapport parlementaire français sur les sectes 11 propose de faire un contrôle fiscal sur les mouvements suspects car ils ont souvent pour but d'apporter richesses et pouvoir à un présumé gourou.

Il existe cependant deux critères qui favorisent l'ouverture du groupe vers l'extérieur :
  • Chaque participant doit pouvoir en sortir à tout moment.
  • L'appartenance à d'autres groupes doit être autorisée et même encouragée pour enrichir le groupe au travers de ces liaisons informelles.

Résumé

Si la stratégie dominante dans le cas d'une rencontre unique est souvent la trahison, c'est la méthode CRP (Coopération, Réciprocité, Pardon) qui est la plus efficace lorsqu'il y a de nombreuses expériences itératives communes.

Une communauté permet de multiplier les occasions d'expériences et donc de favoriser une convergence vers la coopération.

Il existe des règles pour éviter que la communauté ne dévie:
  • Donner à chacun une vision à long terme.
  • Pour permettre le développement de comportements du type CRP.
  • Développer un historique pour préserver l'héritage commun.
  • Pour éviter les "retours à zéro".
  • Rendre visible le mécanisme du cycle mimétique et trouver une autre soupape.
  • Pour briser la focalisation sur un "bouc émissaire".
  • Permettre à tous de sortir à tout moment et encourager l'appartenance à d'autres groupes.
  • Pour éviter la sectarisation d'un groupe fermé.

Faciliter la convergence par la mise en place de mécanismes d'estime

Le principe de Peter

Laurence J. Peter a étudié les paradoxes qui poussent une organisation à toujours aller de plus en plus mal. Son principe le plus connu indique que "Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence" 12

En effet, lorsque quelqu'un est nommé à un poste et qu'il remplit correctement sa tâche, il est promu à un nouveau poste. Le processus se poursuit, lui permettant de mettre ses compétences au service de tâches toujours plus complexes jusqu'à ce qu'il arrive à un poste où il a atteint son "niveau d'incompétence". Il n'est alors plus capable de remplir aussi bien son rôle et n'est donc plus promu. Il reste alors bloqué au poste où il est le moins compétent.

principe de Peter
Eric Grelet - CC By Sa


Ce cas n'est qu'un des multiples paradoxes qui apparaissent lorsque l'on souhaite évaluer le travail humain de façon aussi objective que les faits concrets et scientifiques. De ce point de vue, les travaux de Taylor qui ont rendu la planification plus scientifique sont plus adaptés aux machines qu'aux hommes. A l'époque ou ils ont été publiés, de nombreuses personnes faisaient le travail de machines. Aujourd'hui, les machines se sont perfectionnées suffisamment pour prendre en charge la plupart des travaux répétitifs et planifiables. En contrepartie, les tâches de création, ainsi que celles demandant une très grande adaptabilité et une estimation subjective se développent fortement.

Il ne s'agit absolument pas de refuser toute évaluation mais au contraire de trouver de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les spécificités humaines : subjectivité, motivation ou démotivation, bonne ou mauvaise foi. Ces différents critères ont comme particularité de ne pas être mesurables même si on peut les estimer dans une certaine mesure. Il s'agit donc d'une véritable révolution des systèmes d'évaluation dans un monde basé depuis le XVIIe siècle sur des mesures objectives. Nous verrons cependant que des évaluations mêmes subjectives peuvent produire des phénomènes de régulation et d'autocorrection qui sont leur véritable raison d'être.

L'évaluation dans les projets classiques

Le but de l'évaluation dans une gestion classique de projet est triple :
  • Savoir à l'avance si un projet peut être confié à quelqu'un ou à une équipe.
  • Faire en sorte de corriger le projet pendant son déroulement pour améliorer ses résultats.
  • Juger après le projet s'il s'est déroulé correctement.
Habituellement, dans les projets industriels soumis à un appel d'offre par exemple, ce sont les premiers et derniers buts qui priment. L'investissement d'un mandataire étant lourd, il cherche à savoir à l'avance si son argent est bien placé. Pendant le projet, il cherche à le corriger pour que la suite du projet se déroule bien. A la fin, il juge ensuite si le résultat peut servir pour des étapes ultérieures (diffusion des résultats ou apport de base à un autre projet suivant une chaîne "taylorisée").

Première Déviation : l'Évaluation a priori

Souvent, pour attirer des contributeurs, on leur propose un "titre" au sein du projet. Celui-ci sert bien souvent à motiver la personne en lui apportant dès le départ des éléments de reconnaissance. Attention cependant, les titres présentent trois dangers :
  • Il s'agit d'une reconnaissance a priori : qui nous replace dans le principe de Peter.
  • Ils donnent souvent un pouvoir hiérarchique coercitif.
  • Ils présentent un danger lorsqu'ils sont opérationnels car ils bloquent un rôle qui ne peut être repris facilement par un autre si nécessaire.
L'idéal est que le titre donné ne soit pas exclusif et ne donne pas de pouvoir spécial. Il vaut mieux un "agent de liaison avec le monde hispanophone" (ce qui n'empêche pas d'en avoir d'autres) qu'un "responsable des traductions en espagnol".

Première règle : Évaluer a posteriori

Faisons l'hypothèse qu'un projet s'applique dans un milieu d'abondance, que les besoins minimums nécessaires à sa survie soient remplis et qu'il y ait suffisamment de temps pour permettre au groupe mis en place de mûrir à son rythme. Dans ce cas, l'évaluation a priori prend beaucoup moins d'importance (sauf peut être pour le porteur du projet qui doit décider ou non de le lancer). Il est dans ce cas plus utile d'apporter des corrections par itérations successives.

Même, dans le cas de l'évaluation finale, il s'agit souvent de juger la réalisation de ce qui a été prévu a priori plutôt que de juger de son utilité et de l'utilisation qui en est faite a posteriori.

L'évaluation pendant le déroulement du projet peut au contraire permettre un mécanisme d'autocorrection après coup pour maximiser l'usage qui est fait des résultats déjà obtenus par le projet. Les contributeurs potentiels s'impliqueront en fonction de leur évaluation personnelle du projet, du coordinateur et de ce qu'ils peuvent en retirer.

Deuxième déviation : L'évaluation ponctuelle

L'évaluation se fait habituellement à des moments précis, telle une photographie du projet, parfois même seulement avant et après le projet. Dans ce cas, elle prend mal en compte les évolutions humaines qui même petites au début peuvent enfler rapidement pour basculer ensuite brutalement vers la coopération ou la trahison. Elle ne permet pas non plus de saisir les opportunités suffisamment tôt à la source.

Deuxième règle : l'évaluation en continu

En permettant une évaluation en continu, il devient possible de "voir apparaître" les cercles vicieux ou vertueux" qui prendront de l'ampleur jusqu'au basculement brutal des changements de comportement. Suivant la perspicacité des observateurs (et nous verrons dans le point suivant que plusieurs personnes valent mieux qu'une dans ce cas de figure), les divergences peuvent être détectées suffisamment tôt pour agir en conséquence.

Troisième déviation : L'évaluation par un nombre réduit de personnes

Souvent, le projet est évalué par des mandataires pour savoir si leur argent est bien placé. L'évaluation se fait par une personne extérieure (un mandataire) qu'il "suffit" de convaincre avec un rapport bien présenté sur ce qui sera fait ou bien à quoi serviront les résultats. Bien sûr en cours et à la fin du projet, les résultats concrets obtenus entrent également dans la balance mais de façon indirecte.

Troisième règle : L'évaluation par l'ensemble de la communauté

L'évaluation des projets coopératifs ne doit pas être faite par celui qui en facilite le démarrage, mais par l'ensemble de la communauté qui va se focaliser tout naturellement vers les projets utiles, bien réalisés et présentés de façon compréhensible. Si le projet a été initié ou soutenu par un mandataire, il pourra connaître la valeur du projet en fonction de son utilisation de plus en plus grande par la communauté ciblée.

Quatrième déviation : L'évaluation objective

Un autre danger d'une évaluation traditionnelle est de devoir définir des critères d'évaluation objectifs qui par définition cherchent à s'approcher de ce que l'on désire sans jamais l'atteindre. Seuls les éléments objectifs sont pris en compte correctement. Les éléments subjectifs non mesurables tels que la bonne foi ou bien la motivation pendant le cours du projet sont négligés, ou pire, ils sont soumis à une accumulation de règles objectives de plus en plus complexes qui favorisent l'effet inverse.

Exemple de l'évaluation des pays : Les indicateurs de rating

Beaucoup d'évaluations sont faites pour les pays sur des moyennes financières (les indicateurs de rating) telles que le Produit Intérieur Brut. La tentation est grande pour les décideurs de tenter d'agir directement sur les critères évalués plutôt que sur leurs causes. Le PIB ne montrera pas par exemple la différence entre un pays où la majorité des richesses est entre les mains d'un petit groupe de dirigeants et un pays où les richesses sont mieux réparties. On cherche alors à rajouter toujours plus de critères financiers "correctifs", mais sans jamais pousser réellement les dirigeants évalués à agir sur les causes et non sur les critères évalués.

Une approche très intéressante a été initiée par le Programme des Nations Unis pour le Développement avec un Indicateur de Développement Humain basé sur plusieurs critères qui se rapprochent au mieux de l'objet que l'on cherche à évaluer.

Ces critères prennent en compte : L'état de santé, l'éducation et l'économique.

Il s'agit probablement de ce que l'on peut faire de mieux aujourd'hui pour évaluer par un indicateur objectif le développement humain dans un pays, mais chaque taux est lui-même une moyenne et seuls les critères objectifs mesurables sont pris en compte. Il est alors possible de mieux scolariser une partie privilégiée de la population ou de scolariser sans recherche de résultats scolaires pour augmenter les indices. Multiplier encore les critères ne fait que rendre la tâche plus subtile pour ceux qui ne s'attachent qu'à adapter leurs résultats pour optimiser la valeurs de chaque critère. Mais cela donne moins de chance de remplir au mieux les critères spécifiques à l'indicateur pour ceux qui s'attachent avant tout aux causes en toute bonne foi.

Les méthodes traditionnelles de mesures objectives issues de l'avancée scientifique du XVIIe siècle nécessitent en elle-même des développements pour aller au delà des simples moyennes : parfois on ajoute aux taux moyens des écarts types (la moyenne des écarts par rapport à la moyenne). Si cela donne une idée de l'ampleur des différences, certains points plus subtils ne sont pas pris en compte tels que par exemple la répartition homogène d'une population ou la répartition en deux ou plusieurs groupes plus ou moins favorisés avec peu de chance de pouvoir passer d'un groupe à l'autre.

Les effets de bord (aux limites extrêmes) peuvent également perturber les lois objectives simples (dans le cas, par exemple, des situations de monopole). Il faut avoir une idée de ce qui se passe loin de l'équilibre et même aux limites et non pas seulement au point d'équilibre.

Quatrième règle : Réintroduire l'évaluation subjective

Si les critères d'évaluation sont indispensables, en particulier lorsque des personnes extérieures doivent analyser objectivement des résultats, ils sont cependant insuffisants. A contrario, l'évaluation collective dans la durée permet de favoriser directement l'expansion d'un projet en attirant chaque jour de nouveaux utilisateurs contributeurs mais est mal adaptée à une évaluation objective.

Le problème vient de l'impossibilité de mesurer de façon objective la bonne foi. Il n'est possible d'obtenir une évaluation objective mesurable qu'a posteriori et avec une marge plus ou moins grande entre le résultat mesuré et les critères d'évaluation.

Accepter de réintroduire une évaluation subjective, telle que celle apportée par l'estime dont jouit un projet, est indispensable. Pour en atténuer les difficultés, il est important qu'elle soit décentralisée et globale en l'obtenant de l'ensemble de la communauté et du monde extérieur.

La fin du pouvoir de contrainte permet une évaluation auto-régulée

Bien sûr, la mise en place d'une évaluation a posteriori, en continu, subjective par l'ensemble de la communauté semble insoluble si on conserve une approche traditionnelle de l'évaluation. Pour sortir des paradoxes apparemment insolubles de Peter, il nous faudra, comme dans les précédents chapitres, proposer un environnement différent qui n'impose plus les mêmes limites.

Dans un projet coopératif, nous cherchons à obtenir la coopération des membres et à coordonner leurs travaux pour obtenir un résultat. Le pouvoir de contrainte (pouvoir hiérarchique ou contractuel), n'est plus au centre de la gestion du projet.
La suppression pure et simple du pouvoir coercitif (du pouvoir de contrainte) peut sembler une hérésie poussant vers le "champ de boue" de la tragédie des biens communs. Nous allons voir au contraire que dans un environnement approprié, celui-ci permet de sortir des paradoxes habituels.
Lorsqu'on ne peut plus "imposer" à personne de "coopérer", chacun s'implique ou utilise les résultats en fonction de l'image qu'il se fait du projet. Si, globalement, le projet jouit d'une grande estime, il se développera de plus en plus. L'évaluation est alors subjective, a posteriori et en continu par l'ensemble de la communauté des contributeurs et celle des utilisateurs. L'ensemble construit un cercle vertueux.

Le pouvoir du coordinateur se limite à la possibilité d'intégrer ou non les modifications proposées par les contributeurs et éventuellement d'exclure une personne de la communauté qu'il a mise en place. Pour le reste, il ne peut qu'inciter les personnes à devenir utilisateur ou contributeur, sans pouvoir les y contraindre.

Les projets coopératifs sont bien adaptés aux projets entre les structures ou les projets inter-services. Le fonctionnement des associations permet parfois de mettre en place des projets non hiérarchisés de ce type.

D'autres approches

Une des difficultés de l'abandon du pouvoir de contrainte est qu'il nécessite des projets demandant un très faible investissement de départ, un milieu d'abondance et pas de délais contraints ni d'attente d'un résultat particulier. Il s'agit là justement des critères qui permettent la mise en place d'un projet coopératif, comme nous avons commencé à le voir.

L'abandon total du pouvoir coercitif donné par le titre hiérarchique ou le contrat d'engagement est remplacé par l'incitation à coopérer par les résultats et l'estime obtenus. Il s'agit d'une différence majeure avec la gestion classique de projets. Il n'est donc pas facile de suivre les deux approches en même temps. Nous verrons dans le chapitre sur le mixage des méthodes que des projets utilisant totalement ou partiellement le pouvoir coercitif peuvent simplement bénéficier de quelques avantages en favorisant le plus possible une évaluation a posteriori, en continue et subjective par la communauté.

Résumé

L'évaluation d'un projet doit se faire :

  • A posteriori
  • En continu
  • En prenant en compte le subjectif
  • Par l'ensemble de la communauté des contributeurs et des utilisateurs

Cela peut être obtenu en abandonnant le pourvoir coercitif pour laisser l'estime envers le projet et ses membres faire son travail d'autorégulation.



1 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968/3859), p. 1243‑1248.
2 Raymond Eric S., « Homesteading the noosphere » [en ligne], First Monday 3 (1998/10), disponible sur <http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/viewArticle/621>, (consulté le 30 janvier 2014). Raymond Eric S., « A la conquête de la noosphère », Hors collection (2000), p. 279‑336., (consulté le 30 janvier 2014), également sur Raymond Eric S., « À la conquête de la noosphère » [en ligne], linux-france, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/noosphere/homesteading-fr_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
3 Gary Warner : "Hardin later recognized that much of his characterization of the negative aspects of the commons, which according to his analysis 'remorselessly generates tragedy'... was based on a description, not of a commons regime in which authority over use of the resources resides within the community, but of an open access regime, unregulated by any external authority or social consensus" dans : Warner Gary, « Participatory Management, Popular Knowledge, and Community Empowerment: The Case of Sea Urchin Harvesting in the Vieux-Fort Area of St. Lucia », Human Ecology 25 (1997/1), p. 29‑46., (consulté le 30 janvier 2014).
4 Mauss Marcel, Lévi-strauss Claude, Gurvitch Georges, Sociologie et anthropologie, Quadrige. Grands textes, ISSN 1764-0288, 1 vol., Paris, France, Presses universitaires de France, 2004.
5 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
6 Voir la revue Pour la Science qui publie un article sur le dilemme du prisonnier tous les six mois : « Pour la Science - Le magazine de référence de l’actualité scientifique » [en ligne], disponible sur <http://www.pourlascience.fr/>, (consulté le 30 janvier 2014).
Voir aussi « Le dilemme du prisonnier » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20050302205551/http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
7 Werber Bernard, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1 vol., Paris, France, Albin Michel, 2000.
8 Glance Natalie, Huberman Bernardo, « La dynamique des dilemmes sociaux », Pour la science (1994/199), p. 26‑31., (consulté le 30 janvier 2014).
9 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
10 Girard René, Je vois Satan tomber comme l’éclair, 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1999.
11 Guyard Jacques, Brard Jean-Pierre, France. assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Les Documents d’information - Assemblée nationale (Texte imprimé), ISSN 1240-831X ; 1999 33, 1 vol., Paris, France, Assemblée nationale, 1999.
12 "In a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." dans Peter Laurence J., Hull Raymond, The Peter principle: why things always go wrong, New York, Bantam, 1969.
Voir également une interview de Peters « The Peters Principles » [en ligne], Reason.com, disponible sur <http://reason.com/archives/1997/10/01/the-peters-principles>, (consulté le 30 janvier 2014).


Source : Cornu Jean-Michel, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], http://www. cornu. eu. org/texts/cooperation (2004), disponible sur <http://fing-unige.viabloga.com/files/cooperation2.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).

Crédit photo : StephanieHobson sur Flickr - CC-BY-SA. Dessins : Éric Grelet CC-BY-SA

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La coopération en 28 mots-clés

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Une coopération à multiple facettes

Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique1" : focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !

Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction

La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share

Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
  • La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
  • La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
  • Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;

Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.

La taille des groupes et les rôles des membres

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;


Convergence et conflit

On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations. La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ; les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.

Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.

S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.


Les trois types d'influence dans un groupe

Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :
  • La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
  • La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
  • L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.

Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.


Implication et désimplication

On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.

Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
  • La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
  • Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
  • Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)

Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
  • " Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
  • " C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)


Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe

Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication. Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.

Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.

Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.

Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...


Les autres aspects spécifiques au groupe

Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.

Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.

Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.

Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).


Les autres aspects qui dépendent de l'environnement

Outre la notion de choix a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.

L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.

La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.

L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement

#contraintes28 #legitimite28 #echanges28

Les compétences de la coopération

Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.

Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).

Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).

Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.

Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération

Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28

La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?

La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre13. Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.

Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.

S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.





La propriété intellectuelle

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Description : Attention : cet article concerne la propriété intellectuelle en droit français. Même si certains concepts sont transposables dans le droit d'autres pays, il ne s'applique que dans le cadre législatif français.
La propriété intellectuelle est l'ensemble des droits exclusifs accordés sur les créations intellectuelles. Elle est composée de deux branches :
  • la propriété industrielle qui regroupe les créations utilitaires (brevets d'invention) et les signes distinctifs (marque commerciale, appellation d'origine).
  • la propriété littéraire et artistique qui s'applique aux oeuvres de l'esprit et comprend le droit d'auteur (ou copyright aux États-Unis) et les droits voisins (droits des interprètes).

La propriété industrielle

Trois modes de protection :
  • brevets
  • marques
  • dessins et modèles
Pour être protégés, les brevets d'invention, les marques et les modèles doivent :
  • ne pas avoir été précédemment divulgués.
  • faire l'objet d'une procédure de dépôt auprès de l'INPI.
  • la protection dure pendant 20 ans, sous réserve de payer les droits de maintien.
Il est possible d'utiliser les technologies sous brevet ou les marques protégées sous réserve de payer une licence aux ayants-droits.

La propriété littéraire et artistique

  • droit d'auteur : protection des oeuvres de l'esprit de toutes natures (texte, musique, théâtre, oeuvre graphique, plan...). Les titres des oeuvres sont aussi protégés, sous réserve d'originalité.
  • droits voisins : relative aux interprètes et producteurs (musicien ou chanteur interprétant une oeuvre qu'il n'a pas créé, producteur de disque...)
  • bases de données : listes ou collections d'informations organisées. C'est la structure de la base qui est protégée.
En d'autres termes, une oeuvre est protégée par la loi du seul fait de son existence en France (mais aussi aux États-Unis). Sans que l'auteur n'ait la moindre démarche à faire, le droit d'auteur s'applique à son oeuvre.

La nature de l'oeuvre

  • L'oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur. (Extrait du Code de La propriété Intellectuelle français).

Des limites :
  • L'auteur doit pouvoir prouver l'authenticité de sa création pour assurer sa protection (# usurpation). C'est pourquoi, le dépôt de l'oeuvre auprès d'une instance reconnue (SACEM, etc...) permet de renforcer la protection de l'oeuvre (au delà de la protection légale de base) en permettant d'établir l'authenticité de sa création.
  • Une oeuvre doit être empreinte de la personnalité de l'auteur qui l'a réalisée. Ainsi le droit d'auteur ne s'applique pas au recensement de données objectives : descriptions naturalistes, données, bibliographies...
  • Une oeuvre doit faire preuve d'originalité (# plagiat).
  • Les idées, les principes, les concepts ne sont pas protégés par le droit d'auteur (par exemple E=mc²).

Des exemples : livres, oeuvres théâtrales, conférences, compositions musicales, oeuvres cinématographiques, peintures, dessins, photographies, illustrations, cartes géographiques, plans, croquis, logiciels (sous certaines conditions), etc...

Les droits de l'auteur

Le droit d'auteur est l'ensemble des prérogatives exclusives dont dispose un créateur sur son oeuvre de l'esprit originale.

Pour approfondir ce sujet, un diaporama très détaillé qui décrit différentes facettes du droit d'auteur :

Michèle Battisti : Droit d'auteur et enseignement supérieur

Les oeuvres collectives

L'article L 113.2 du code français de la PI reconnaît trois types d'oeuvres collectives :
  • Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. Chaque contribution pouvant être identifiée. Exemple : ouvrage de compilation.
  • Est dite composite l'oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l'auteur de cette dernière. Exemple : traduction d'un ouvrage.
  • Est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé. Exemple : ouvrage édité par une association.

Titulaires du droit d'auteur (Articles L 113.3, 4 et 5 du code français de la PI)
  • L'oeuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs.
  • L'oeuvre composite est la propriété de l'auteur qui l'a réalisée, sous réserve des droits de l'auteur de l'oeuvre préexistante.
  • L'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

Ressources externes


« Carte heuristique : cartographie des différents droits de Propriété intellectuelle » [en ligne], toolinux, disponible sur <http://www.toolinux.com/lininfo/toolinux-information/communaute/article/carte-heuristique-cartographie-des>, (consulté le 30 janvier 2014).
« Guides » [en ligne], CNIL, disponible sur <http://www.cnil.fr/documentation/guides/>, (consulté le 30 janvier 2014).
« Le droit pour les professionnels de l’information » [en ligne], disponible sur <http://www.netvibes.com/universdroitadbs#Droit_d%27auteur>, (consulté le 30 janvier 2014).
« Propriété intellectuelle » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Propri%C3%A9t%C3%A9_intellectuelle>, (consulté le 30 janvier 2014).

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La tragédie des 3 C

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Une régulation complète et cohérente dans un monde complexe ?

Notre monde est complexe. Cela ne veut pas dire qu'il est compliqué, mais plutôt que c'est un ensemble d'éléments qui interagissent ensemble. Que ceux-ci soient des citoyens, des consommateurs, des sociétés, des gouvernements ou n'importe quel autre organisme, le tout forme un réseau complexe de personnes et de groupes qui échangent entre eux.

Les lois de la complexité ont une particularité, elles s'appliquent à tous les domaines. Que le système soit formé de personnes, de machines ou de molécules, certaines règles s'exercent de la même façon. Les sciences de la complexité sont jeunes, mais elles peuvent ainsi s'enrichir des travaux réalisés dans différents domaines scientifiques : économie, sociologie, biologie ou physique par exemple. L'une de ces règles a été découverte en 1931 par le mathématicien et logicien Kurt Gödel. Il souhaitait savoir si les mathématiques (un système complexe où des "postulats" de départ interagissent entre eux) sont complètes et cohérentes, ce qui est la moindre des choses apparemment. Pourtant il arriva au résultat exactement inverse !

Nous pourrions résumer les deux théorèmes d'incomplétude et de cohérence limitée de Gödel en langage commun de la façon suivante : quand un système dépasse un certain seuil de complexité, il ne peut être à la fois complet et cohérent. Ce résultat produisit une véritable onde de choc. Mais pour en prendre la mesure, nous devons admettre qu'il s'applique à n'importe quelle sorte de système complexe, y compris les réseaux humains utilisés en économie, sociologie, politique...

Il n'est pas possible d'avoir à la fois de la complexité, de la cohérence et de la complétude. Les systèmes que nous mettons en place manqueront au moins un de ces trois objectifs. Si nous n'en sommes pas conscients, nous ne pourrons pas choisir celui auquel nous sommes prêt à renoncer. Nous pourrons même faillir sur deux d'entre eux ou sur la totalité.
  • Nous risquons ainsi de transformer un réseau complexe en un système "simpliste". Pour réguler, il suffirait d'établir des liens entre un pouvoir central et chacune des personnes concernées sans prendre en compte les liens ENTRE les personnes. Mais dans le même temps nous perdrons une des caractéristiques les plus importantes des systèmes complexes : sa capacité d'auto-adaptation. L'adaptation, et donc la survie du système, ne dépendent alors plus que de la personne ou de l'organisme qui se retrouve au centre de ce système en étoile. Un tel système n'est plus complexe car tous les échanges se font uniquement entre le point central et un des participants. Une telle organisation ne peut fonctionner correctement que si on élimine toute possibilité d'échange entre les membres. Supprimer la complexité dans notre "société en réseau" est cependant encore moins facile que dans n'importe quelle période précédente.
  • Nous risquons également de mettre en place une régulation qui n'est pas complète. Comment s'appliquent les règles que détermine un comité décisionnel à ses propres membres ? Les représentants peuvent-ils se représenter eux-mêmes ? Ils font pourtant partie du "peuple" dont ils ont la représentation. Si nous souhaitons, pour être complet, que la régulation proposée s'applique à celui qui la met en oeuvre, ce dernier se trouve alors face à une incohérence : son intérêt individuel peut se trouver en conflit avec l'intérêt général alors même qu'on lui a délégué la capacité de préserver cet intérêt général. Pour résoudre cette difficulté, nous présupposons que le décideur choisira systématiquement l'intérêt général. Pour en être plus sûr, nous mettrons en place une forme de surveillance du fonctionnement du système que nous espérerons... complète.

Fermer les yeux sur l'incohérence des intérêts, sur l'incomplétude de notre surveillance du système ou sur la tendance à supprimer les échanges entre membre pour réduire la complexité ne résout pas notre problème. Nous devons accepter que lois de la complexité interdisent aux systèmes que nous mettons en place d'être à la fois complexes, complets et cohérents.

Dans toutes nos réflexions sur la gouvernance et les différents modes de régulation, nous devons prendre en compte que le monde dans lequel nous vivons est intrinsèquement complexe. Nous pouvons tenter de le simplifier pour qu'il puisse être concevable par un très petit nombre de ses membres. Nous pouvons également choisir de profiter de cette complexité et de sa capacité d'auto-adaptation. Dans ce cas, il nous appartient d'opter en toute conscience sur laquelle de ces notions, la cohérence ou la complétude, nous sommes prêts à faire des concessions.

Texte originel : Cornu Jean-Michel, « Annexe 5 du rapport Vox Internet 2005 : Une régulation complète et cohérente : la théorie des 3 C » [en ligne], Vox Internet, disponible sur <http://www.csi.ensmp.fr/voxinternet/www.voxinternet.org/article72ac.html?id_article=11&lang=fr>, (consulté le 30 janvier 2014).


Crédits photo : jean-louis Zimmermann sur Flickr - CC-BY

La veille partagée et collaborative sur Internet

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

1. La veille c'est quoi ?

C'est une surveillance. En terme militaire, c'est une sentinelle en garde de nuit.

1.1 Définitions

"Savoir pour prévoir afin de pouvoir", détection des signaux faibles.
Les différentes phases de la veille :
  • Collecter l'information .
  • Trier, traiter l'information.
  • Diffuser à un public donné.
  • Décider en fonction de l'information récoltée.
Mais en fonction du type de veille, toutes les phases ne sont pas forcément réalisées (la diffusion, par exemple dans le cadre d'une veille purement personnelle) ou formalisées (la prise de décision le plus souvent).
Il existe différents types de veille qui varient en fonction de l'objet (juridique, informative,...) et de l'objectif (veille stratégique où l'on surveille la concurrence afin de pouvoir positionner son entreprise et ses produits en fonction, veille créative surveillant les travaux des designers afin de détecter les prochaines tendances,...)
Dans tous les cas, la veille est un processus itératif et continu
  • Itératif : allers et retours réguliers entre les résultats et les sources (et outils) afin d'améliorer les résultats de la veille par rapport à ses objectifs. Cet aller-retour permet également de faire évoluer sa veille en fonction de l'évolution des objectifs ou de l'évolution propre au sujet que l'on surveille (émergence de nouvelles thématiques dans son champ de veille par exemple).
  • Continu : une veille n'est pas un état des lieux à un moment donné ou un état de l'art mais un processus continu suivant l'actualité et l'évolution des objets de la veille.

1.2 Une veille informative... et collaborative

Dans le cadre de ce cours, nous nous intéresserons à la veille dite "informative".
Exemples de contenus surveillés :
  • Actualité de la thématique.
  • Calendrier des manifestations, colloque.
  • Initiatives de groupes semblables mais dans un autre contexte (ça aère).
  • Actualité de la recherche.
  • Veille sur les nouvelles parutions (bibliographie).
  • Initiatives collaboratives.
  • Veille réglementaire (light).
  • ....
Les phases de la veille collaborative sont les mêmes que celles de la veille purement personnelle mais elles sont effectuées par tous les participants à cette veille collaborative.
  • Collecter l'information (ensemble).
  • Trier, traiter l'information (ensemble).
  • Diffuser à un public donné (le groupe et au delà).
  • Décider en fonction de l'information récoltée (rarement formalisé pour la veille informative).
Ces tâches sont effectuées par tous et non réparties.
Le point le plus important est la diffusion : on se met d'accord ensemble avec les participants à la veille collaborative sur le contenu, sur les critères de tri de ce que l'on va amener à la veille collaborative. Ce peut être la veille qui intéresse le groupe et/où la veille à destination d'un public précis.
C'est la différence entre une veille partagée et une veille collaborative :
  • veille partagée : je fais ma veille, selon mes propres critères et je la partage.
  • veille collaborative : le groupe se met d'accord ensemble sur l'objet de la veille et approvisionne la veille collaborative uniquement sur cet objet.

2. La veille sur internet, ça change quoi ?

La veille c'est le traitement du flux

2.1 Avant Internet

Les flux : la radio, la télévision, les journaux.
Les phases de la veille :
  • Collecter : abonnement à des journaux, des lettres d'information.
  • Trier, traiter : revue de presse, dossier documentaire.
  • Diffuser : la revue de presse, mise à disposition du dossier.
  • Décider : note de synthèse, rapport.

2.2 Maintenant

Des flux d'information nouveaux et qui s'ajoutent aux anciens :
  • Flux RSS
  • Réseaux sociaux
  • Newsletter, liste de diffusion
  • E-Mail
  • Système d'alertes (service en ligne qui avertit via un mail ou un flux RSS quand un nouvel article parait sur des mots-clés que l'on a choisi).
  • Surveillance de site (permet de suivre l'actualité des sites qui n'ont pas de flux RSS.
Et on se retrouve souvent seul : pas de sélection, pas d'éditorialisation.

3. Mettre en place une veille

3.1 Définir le champ et les thématiques

3.2 Trouver les sources

Trouver les bonnes sources est la première gageure devant le foisonnement d'information disponible sur internet !
La prospection se fait via des moteurs de recherche, des outils de social bookmarking (Diigo, Pearltrees,...), des revues papier, des recommandations de collègues, etc... Mais il y a ensuite une réévaluation constante des sources (ajout, suppression) en fonction des résultats de la veille : va et vient constant.
Dans le modèle proposé par Jean-Michel Cornu : abondance/rareté/opportunité/contrainte, la veille se situe du coté de l'abondance, l'abondance de l'information disponible sur Internet.

Modèle rareté abondance

(Crédit : Marc Lanssens - SupAgro Florac - CC By-Sa )
La stratégie gagnante est donc celle de l'opportunité et non celle de la planification : je ne peux savoir à l'avance ce que je vais trouver comme information, puisque la veille est justement la surveillance de l'actualité et des signaux faibles. Il faut donc "essayer" des sources et en fonction du résultat, les modifier.
La difficulté est de savoir par où commencer, de trouver le bon bout de l'écheveau. En effet, au fur et à mesure que la veille se structure et devient de plus en plus pertinente, les différentes sources font références à d'autres sources pertinentes. Il y a une sorte de prime au gagnant : plus la veille a évolué et s'est structurée et plus c'est facile de l'améliorer encore ! Et les algorithmes de suggestion proposés par différents outils de veille (Google reader, Twitter) renforcent ce paradoxe : plus les sources qui constituent déjà notre veille sont pertinentes et plus les sources proposées automatiquement le sont. Afin de limiter cet effet pervers, il est intéressant, plutôt que de partir d'un moteur de recherche, de commencer à repérer les sources utilisées par des veilles proches de notre sujet. C'est tout l'intérêt de la veille partagée. Ce veilleur a mis en ligne un agrégateur de flux RSS sur une thématique proche de la mienne, qu'elles sont les sources qu'il a utilisé ? Je trouve pertinent la veille de cet utilisateur de Twitter, qui suit-il ? Qui le suit ? Ainsi de proche en proche, en tâtonnant, on se constitue sa propre sélection en bénéficiant du travail de sélection déjà effectué par d'autres veilleurs et à l'adaptant à ses propres besoins.

3.3 Évaluer ses sources

3.3.1 Problématique de l'évaluation
3.3.1.1 Le monde en dur : un monde connu où l'autorité prime
La matérialité du support en dur (papier, bande magnétique, DVD,...) implique la "rareté" de la ressource : on ne peut éditer un million de livres à chaque fois ! L'information passe par des canaux bien définis et limités (par la matérialité et/ou par la réglementation : le CSA attribue les fréquences aux radios et aux télévisions car elles sont en nombre limités, pour diffuser efficacement un livre, il faut passer par un éditeur (qui prendra un risque financier), et qui passera lui-même par un diffuseur qui transportera les ouvrages dans des points de vente bien définis. Et l'ouvrage devra avoir un dépôt légal à la BNF. En conclusion, le faible nombre des canaux de diffusion plus un paysage informationnel qui n'a pas trop bougé en 30 ans permet d'avoir des repères pour facilement évaluer l'information : le nom de l'éditeur, de l'auteur, de la station de radio, le type de périodique et même la maquette du périodique suffisent bien souvent.
L'évaluation se fait à partir de l'autorité : que ce soit celle accordée à l'auteur proprement dit ou bien souvent son éditeur, le périodique qui le publie ou la chaîne de télévision ou de radio auquel il appartient.
3.3.1.2 Le web 2.0 ou la dilution de l'autorité et des repères classiques
Sur internet, il n'y a plus d'éditorialisation pour une bonne part des contenus. La hiérarchisation de l'information est souvent laissée à des algorithmes : hiérarchie des résultats dans les moteurs de recherche, vidéos associées sur Youtube, etc...
De plus, le support, sorti de la matérialité, n'est plus contraint à une seule source, identifiée. Sur une même page web on peut trouver des informations venant automatiquement de plusieurs sources extérieures (flux RSS, pages imbriquées) sans que cela soit forcément visible pour le visiteur.
Le support numérique permet l'écriture collaborative, où on ne sait plus qui est l'auteur (Wikipedia) mais également des contenus générés automatiquement via des bases de données : pour une même recherche, une page Amazon sera différente en fonction des recherches précédentes, des achats déjà effectués, des achats effectués par les autres utilisateurs, etc...
Les facilités offertes par le copier-coller contribue à cette dilution de l'autorité. Certains textes pouvant être composés d'assemblage (plus ou moins réussis, d'autres textes).
3.3.2 Les critères d'évaluation des sources sur le web 2.0
3.3.2.1 Évaluation des sources primaires
Sources primaires : sites qui contiennent les articles. On les surveille via le flux RSS de site, un agent de surveillance de page, l'inscription a une newsletter publiant les nouveautés.
Critères d'évaluation :
  • Autorité : l'auteur, l'éditeur du site : je surveille le blog de tel auteur qui est spécialiste de..., je suis les flux RSS du site de l'Institut de ...
  • Critères extérieurs (quand on ne connaît ni l'auteur, ni l'éditeur du site).
  • Qualité intrinsèque du texte.
  • Cohérence avec ce que l'on sait déjà.
  • Vocabulaire, construction du texte.
  • Sources.
Quand on évalue via les critères extérieurs, il faut faire attention à "la cosmétique de la crédibilisation" qui consiste à donner toutes les apparences de crédibilité à un site. (cf. Fogg, B. J. 2002. Persuasive Technology : Using Computers to Change What We Think and Do. 1ère éd. Morgan Kaufmann)
3.3.2.2 Évaluation des sources secondaires
Sources secondaires : articles repérés et signalés par d'autres via Twitter, Facebook, une veille partagée, un bulletin de veille...
Critères d'évaluation : la confiance que l'on accorde à celui qui vous a signalé le lien.
(Petite parenthèse à caractère informationnel et historique :
Nous avons été habitué à faire confiance aux documentalistes et aux bibliothécaires pour le choix des documents sélectionnés et disponibles : on vérifie rarement le sérieux ou la fiabilité d'un ouvrage du centre de documentation partant du principe que le document a été sélectionné. Quand le web est devenu grand public au milieu des années 90, on a d'abord appliqué ce modèle au web sous la forme d'annuaire répertoriant et classant des sites webs sélectionnés par des êtres humains (et néanmoins documentalistes). Devant l'ampleur de la tâche et l'amélioration des sélections effectuées par les moteurs de recherche, les annuaires généralistes ont disparu au profit des moteurs de recherche. C'est le début de l'ère Google où l'on a transféré la confiance accordée jusqu'alors à des êtres humains à un algorithme de recherche. Puis le web 2 avec les outils de social bookmarking ou de curation mais aussi la veille via les réseaux sociaux (notamment Twitter) a réaffirmé la plus-value de la sélection.
Dans ce contexte, la veille partagée et/ou collaborative montre toutes sa force, car la sélection des informations se fait au sein même de la communauté d'intérêt et donc outre la pertinence, c'est le niveaux de confiance dans la sélection qui est élevé et qui donne toute sa valeur ajoutée à ce type de veille.

3.4 Classer et ordonner sa veille

Nous sommes abreuvés de flux d'informations, les sources se multiplient grâce au web 2, cela déborde, on est inondé, alors pour éviter la noyade, il faut faire un peu de plomberie...
Repérer les sources pertinentes puis grâce aux outils, les filtrer, les rassembler et les faire venir jusqu'à nous.
3.4.1 En pratique : agréger ses sources au même endroit : niveau Padawan
Des outils pour agréger les flux RSS et/ou ceux des de réseaux sociaux :
  • L'ensemble des flux : iGoogle, Google reader.
  • Editorialisation automatisée : Paper.li, Feedly.
Cela permet d'optimiser le moment dédié à la veille et de le sortir du mail, car le moment où on lit ses mails n'est pas forcément le moment que l'on a dédié pour sa veille.
3.4.2 En pratique : filtrer, recomposer les sources : niveau Jedi
  • Rassembler plusieurs flux en un seul.
  • Filtrer un ou plusieurs flux pour en recomposer un (Yahoo Pipes).
  • Créer un flux à partir d'une veille partagée (Delicious, Diigo).
  • Connecter plusieurs services web 2 entre eux (Itttf).
3.4.3 Se recréer un espace informationnel à échelle humaine dans l'océan du web
Le risque de ce tri c'est de ne plus accéder qu'au connu, qu'au confortable sans être confrontés à d'autres avis ou d'autres visions. Mais de nouveau, la veille collaborative nous sort de cet écueil :
  • Les sources sont multiples (toutes les sources de tous les participants).
  • Mais les informations sont sélectionnées.
  • C'est la chance de la multiplicité des sources (intelligence extérieure, aération) sans le poids de l'infobésité !
  • Même principe sur les réseaux sociaux mais avec moins de pertinence (donc plus de bruit).
  • Sérendipité accrue sur internet que dans le monde en dur.
Et il faut l'accepter !

3.5 Trier pour ne pas couler !

Pour s'y retrouver sans être noyé, il faut apprendre à évaluer les informations que l'on reçoit à partir des données secondaires : on ne doit pas tout lire !
3.5.1 Critères de tri
  • Données secondaires : titre, commentaire, etc...
D'où l'importance de les rendre le plus explicite possible.
  • Redondance.
Ce n'est plus un ennemi (bruit) mais ce peut être une alerte sur l'importance d'une information.
  • Je lis ou pas / je garde ou pas / je transmets ou pas.

3.6 Diffuser sans noyer les autres !

Attention au syndrome "Dieu reconnaîtra les siens". Ne pas tout envoyer, à tout le monde en se disant, "ils trieront" ou "ça intéressera bien quelqu'un". Il faut trier ce que l'on diffuse et à qui on le diffuse. Le contraire est contre-productif. C'est là le grand avantage d'une veille collaborative, on connaît bien son public, qui est identifié. Il ne transmettre que ce qui intéresse le groupe
Sur les réseaux sociaux, il faut diffuser ce qui nous intéresse nous et non ce qui pourrait potentiellement intéresser ceux qui vous suivent car ce choix subjectif, cette éditorialisation est la plus-value de votre veille. Les réseaux sociaux sont le lieu de la subjectivité assumée, sa force même.
Comment diffuser sa veille ?
  • Réseaux sociaux : re-tweet, partage.
  • Création d'un flux RSS (Diigo, Delicious).
  • Bulletin PDF généré automatiquement depuis un flux : Zinepal.
  • Éviter le mail sauf sous forme de newsletter.
  • Veille collaborative : utilisation d'un mot clé spécifique au groupe pour rediriger les informations plus spécialement dédiées au groupe : Diigo, Scoop.it.

4. Capitaliser

4.1 On ne doit pas tout garder ! Changement de posture

Les deux logiques :
  • Logique du fonds : dans un monde de rareté, on essaye de tout rassembler dans un même endroit (bibliothèque). C'est le monde du support papier.
  • Logique du flux : dans un monde d'abondance, on met en place des outils et des méthodes pour repérer l'information intéressante. C'est le monde du support en ligne
De plus, la valeur de l'écrit a changé. Dans le monde en dur, on parle plus que l'on écrit. Le document écrit est le plus souvent une trace, une sauvegarde. Sur le web, on écrit plus qu'on ne parle mais c'est un écrit qui a souvent la même valeur que l'on donnait à la parole, c'est notamment le cas des mails, beaucoup moins formels et beaucoup plus éphémères qu'un courrier papier. On ne garde pas un mail disant "Tu viens samedi ?", pas plus qu'on enregistrerait la voix de la personne nous le demandant en direct. De même, la valeur de l'écrit sur Twitter ressemble plus à la valeur que l'on donne aux informations à la radio : on n'enregistre pas le journal de France Inter parce qu'on ne l'a pas entendu. Si je ne vais pas consulter Twitter une semaine, je ne vais pas relire tous les tweets qui sont passés depuis une semaine, ni culpabiliser car je les ai loupés. et inversement, la valeur de l'audio change aussi. Par le podcast, je peux écouter une émission de radio plusieurs mois après.

4.2 Comment ?

Nous savons parfaitement gérer les informations qui nous arrivent par les canaux "anciens" : courrier papier, téléphone, etc.. Nous ne savons pas encore gérer celles qui arrivent, dans des proportions sans communes mesures, de manière électronique. Il faut donc mettre en place une méthode de gestion des connaissances. Il en existe de nombreuses, la méthode GTD par exemple peut servir à cela. Peu importe la méthode choisie mais il faut absolument en mettre une en place. Une fois cette méthode choisie, il existe des outils permettant de la mettre en place.

5. Mais j'ai pas le temps!

  • Automatiser tout ce qui est automatisable.
Les machines sont justement là pour décharger les humains des tâches répétitives et leur permettre de bénéficier de plus de temps pour les choses vraiment intelligentes. Par exemple, prenez le temps de mettre des filtres sur votre messagerie pour évacuer des spams ou ranger automatiquement dans des dossiers les mails des newsletters que vous lirez plus tard. Chaînez vos applications web 2 afin de n'avoir à poster votre veille qu'à un seul endroit pour qu'ensuite elle soit envoyer automatiquement sur d'autres médias. La plupart des services le proposent mais vous pouvez le faire de façon plus large avec des services comme IFTTT. Exemple : j'ajoute une actualité sur ma veille partagée sur Diigo, elle est publié automatiquement sur Facebook, Twitter et sur le flux RSS de ma veille.
  • Définissez un moment dans votre agenda pour la veille et tenez-vous y ! (c'est-à-dire, refusez si possible des réunions sur ce créneau : "non, je ne suis pas disponible") Si vous décidez de faire votre veille juste quand vous n'avez plus d'autres choses à faire, vous ne ferez jamais votre veille.
  • Bénéficiez de la veille des autres grâce à la veille partagée !!

Focus sur la veille collaborative

Collecte : signaler

  • En faisant sa veille repérer ce qui peut intéresser le réseau
    • Mots-clés : Delicious, Diigo.
    • Hashtag : Twitter.
    • Partage à un groupe : Facebook.
  • Utiliser la redondance : Yahoo Pipes.

Diffusion

  • Flux RSS : agrégateur, site internet.
  • Scoop.it, Paper.li.
  • Page Facebook.
  • Mail (peut être généré automatiquement depuis le flux).
  • PDF (peut être généré automatiquement depuis le flux).

Capitalisation

  • Scoop.it : mot clé.
  • Delicious : stack.
  • Pearltrees.
  • Zotero.

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Les réseaux qui durent sont sous licence CC BY SA

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Introduction : Un monde à la dérive Un peu de fiction pour débuter...

Consigne : Imaginez le monde actuel à la lumière de ces données
  • Nous sommes il y a quelques millénaires, pour utiliser un "e" il faudra me verser des royalties... Et si vous tentiez votre premier discours ? (préparez votre portefeuille !! Il y a des milliers d'années, l'humain passe un cap majeur : c'est l'invention de l'écriture et des alphabets. Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger la lettre "e" par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez utiliser cette lettre, payez ou réduisez vos ambitions ;-)
  • Nous sommes dans un atelier en Mésopotamie, 3500 ans avant Jésus Christ. Par un coup de génie (surtout inspiré de la nature mais chuuut) je viens d'inventer la roue ! Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger cette invention par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez utiliser une roue il faudra me verser des royalties... Imaginez votre vie actuelle !
  • Il y a 350000 ans, en bordure d'une grotte, voilà des jours et des jours que je tente de reproduire ce feu que nous chérissons et entretenons lorsqu'il tombe du ciel. Et voilà que je tombe enfin sur la "méthode reproductible" à souhait pour faire du feu. Un peu en avance sur mon temps, j'entrevois rapidement l'intérêt de protéger cette invention par une licence restrictive. Dorénavant, à chaque fois que vous désirez faire du feu il faudra me verser des royalties... Imaginez votre vie actuelle !
Maintenant passons dans la réalité
  • Une société australienne est parvenue à placer une licence sur un gène humain lié à un type précis de cancer. Résultat : Pour pouvoir étudier ce gène afin de trouver un médicament, il faut payer...
  • "A" est une société polonaise qui vend des livres online. Apple a attaqué cette société en justice pour utilisation abusive de sa "marque"... et oui, le site internet de "A" était a.pl.
  • Une institutrice avait lancé un blog sur lequel elle échangeait avec ses élèves. Elle s'est vue attaquée par le quotidien "Le Figaro" pour violation du droit de sa marque... Et oui, le blog de l'enseignante se nommait "La classe de Madame Figaro" (par ailleurs le vrai nom de cette femme).
  • Monsanto retente une fois encore de placer ses semences de soja sous le contrôle d'une licence, ce qui empêcherait à terme tout personne n'ayant pas payé de royalties de resemer les semences de soja produite dans son champ.
  • Plusieurs sociétés de journaux (canadiennes ou allemandes) tentent de faire passer ou ont fait passer des lois afin d'interdire le droit de faire des liens vers leurs contenus sans avoir préalablement versé des royalties.
  • Ainsi, une société irlandaise demande 200 euros par lien hypertexte pointant vers son contenu.
  • Une société canadienne demande quant à elle 150 euros par utilisation d'un simple extrait de son contenu (ce qui revient à faire disparaître un droit reconnu, celui de la citation).
  • Les chaussures I will ont déposé le terme "i will" comme marque. Sur cette base légale, elle attaque maintenant en justice ceux qui utilisent ce terme... Il signifie pourtant "je veux" en anglais... Pour l'instant, elle n'attaque que des concurrents directs (comme Nike par exemple) mais qu'en sera-t-il après ?
  • Le robot censeur (content ID) qui scanne en permanence les vidéos déposées sur Youtube a entraîné le retrait de plusieurs vidéos sous prétexte de violation du droit d'auteur une vidéo d'un amateur de nature s'est vue retirée car les chants d'oiseaux en arrière fond (le son pris en direct dans la nature) car reconnu par le robot censeur comme violant le droit d'auteur (par erreur bien sûr),
    • la vidéo amateur des météorites de Russie a été considérée comme violant le droit d'auteur car sur l'autoradio on entendait au loin une chanson...
    • pas mal d'auteurs alertés par le robot censeur sur des violations possibles de leur droit d'auteur préfèrent ne pas intervenir afin de partager les recettes publicitaires générées par Google.
  • Des discussions portent actuellement pour placer des DRM sur le langage html5. Ceci empêcherait l'utilisation "gratuite" de ce langage pourtant universel et qui fonde la base de l'Internet.
- Audi a déposé une revendication de propriété intellectuelle (marque) sur la lettre "Q" pour protéger sa voiture l'Audi Q... On atteint là des limites qui posent question : la protection d'une simple lettre soulève le devenir de notre "droit" à l'écriture !

Les DRM (Digital Rights Management)
Les DRM ont pour objectif de contrôler l'utilisation qui est faite des œuvres numériques. Ces dispositifs peuvent s'appliquer à tous types de supports numériques physiques (disques, DVD, Blu-ray, logiciels, etc.) ou de transmission (télédiffusion, services Internet, etc.) grâce à un système d'accès conditionnel.
Limiter la copie n'est qu'une raison superficielle à l'ajout de DRM à une technologie. Les DRM échouent complètement lorsqu'il s'agit d'empêcher la copie, mais sont remarquablement efficaces pour éviter toute innovation. En effet les DRM sont couverts par les lois anti-contournement telles que la célèbre DMCA de 1998 (US Digital Millennium Copyright Act) et l'EUCD de 2002 (EU Copyright Directive) ; chacune d'elle fait du contournement de DRM un crime, même si vous n'enfreignez aucune autre loi.

Pourquoi en sommes-nous là ?

L'arrivée des licences ouvertes ou facilitant la diffusion, la virtualisation toujours plus facile et large des données et du savoir, et les imprimantes 3D qui permettent de réaliser à peu près tout, ont fortement raidi la position des gouvernements (sous la pression du lobbying des entreprises) en ce qui concerne le droit d'auteur et la propriété intellectuelle.

Un mouvement de fond important est en marche pour restreindre la liberté...
  • Les gestionnaires de droits qui voient ceux-ci mis sous "contrainte" par l'arrivée du web et de la numérisation exercent un lobbying important auprès des états.
  • Les états quant à eux sont incapables d'organiser un réel débat public sur la question et se laissent influencer par le lobbying.
Enfin, les intermédiaires techniques (serveur web, plate-forme de partage...) sont mis sous pression pour utiliser des outils de protection du droit d'auteur des œuvres circulant sur leur serveur. En voulant se protéger, ils participent en fait au durcissement généralisé du droit d'auteur.
On en arrive donc à des situations inquiétantes de limitation des droits qui auront des conséquences terribles à l'échelle du monde !
La réaction s'organise, mais elle doit être soutenue car les opposants sont féroces et bien outillés.

Copyfraude
Wikipédia : Revendication de copyright frauduleuse, comme par exemple prétendre avoir des droits sur des œuvres du domaine public.
On assiste de plus en plus à la pose de droit d'auteur sur des œuvres ou objets qui ne devraient pas en faire l'objet (par exemple la peinture de la Joconde non photographiable dans le musée). Ces droits sont illégaux mais non contestés car actuellement personne ne défend le domaine public (peu explicité dans le droit).

Et pourtant

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Un cas concret : Protégeons Mickey

Le succès de Walt Disney ne repose-t-il pas dans une large mesure sur le fait d'avoir puisé librement dans le patrimoine des contes et des légendes, devenus entre temps des modèles littéraires du domaine public ? Disney a, parmi d'autres, redonné vie à des personnages emblématiques comme Blanche Neige, la petite Sirène ou la Belle et la bête. Il les a modifiés, "remixés", réincarnés. Le résultat lui a fait gagner de l'argent. Ce succès commercial repose donc lui aussi sur le recours à un héritage culturel commun.
Il en résulte un "devoir de restitution" envers la collectivité.
Ou bien doit-il être possible de revendiquer des droits exclusifs d'exploitation pour 120 ans, c'est-à-dire bien au-delà de la mort du créateur sur quelque chose qui tire origine de notre culture commune ?
Disney devrait bien plutôt laisser Mickey Mouse et Donald Duck à la libre disposition du public, les investissements ayant déjà été plusieurs fois couverts.

Une société doit pouvoir compter sur sa capacité créatrice illimitée de produire de nouvelles œuvres. Les créateurs doivent pouvoir puiser librement dans les richesses du patrimoine culturel. Notre culture est un réservoir inépuisable d'histoires, d'images, de musiques et de bien d'autres choses encore, pourvu que l'accès à ces biens ne soit pas entravé ou raréfié. La culture dépend de ce que chacun reverse au pot commun et ne cherche pas à se prévaloir de manière inéquitable "pour l'éternité moins un jour" de droits privés sur les biens culturels.

Les licences ouvertes : rappel succinct

Les licences libres ne sont que des outils construits par l'homme pour organiser un cadre de coopération. De ce fait, elles ont un impact sur nos pratiques autant que nous en avons sur elles et risquent donc d'empêcher - ou de favoriser - l'apparition de nouveaux usages.
Ces licences libres fondent le support juridique d'un mouvement qu'on appelle "le libre".
Il existe plusieurs types de licences, certaines plus ouvertes que d'autres, certaines plus spécifiques à des types d’œuvres que d'autres...
On en compte près d'une centaine ! Certaines normes se sont néanmoins imposées grâce à des organisations comme la fondation Creative Commons ou l'Open Source Initiative

Deux licences importantes

La licence GNU GPL (General Public Licence)
C'est la première licence libre. Elle est apparue avec les premiers logiciels libres afin de faciliter l'accès aux codes sources. Historiquement réservée aux logiciels, elle est de mieux en mieux documentée et voit son champ d'action s'élargir !

Cette licence accorde 5 libertés :
1 : La liberté de recourir au programme pour quelque fin que ce soit.
2 : La liberté de rechercher comment fonctionne le programme et de l'adapter à ses propres besoins.
3 : La liberté de transmettre le programme à d'autres et d'en effectuer des copies pour d'autres.
4 : La liberté d'améliorer le programme et de rendre ces améliorations accessibles pour le bénéfice de tous.
Les libertés 2 et 4 impliquent d'avoir accès au code source.
Ceci revêt une importance capitale pas toujours réellement "d'application" via les autres licences (comme les licences Creatives Commons par exemple - voir plus bas - )
Ainsi, il est obligatoire de fournir le "code source" de l'oeuvre sous un format lisible par tous et ce sans contrainte. Le partage du "code source" sous format PDF ne convient pas ici car il n'est pas lisible et copiable sans la possession d'un programme particulier (lui même non libre)
Et les libertés 3 et 4 ignorent le droit des auteurs, dans la mesure où le consentement explicite de l'auteur du programme n'a pas été sollicité. Avec cette licence, il n'y avait plus besoin de demander l'autorisation des auteurs : elle est déjà accordée.
Cependant ces quatre libertés ne suffisent pas, dès lors que chaque personne qui modifie un programme ou le développe en devient ipso facto coauteur. De sorte que les utilisateurs devraient solliciter leur accord afin de pouvoir travailler sur la version améliorée et la transmettre à d'autres. Dans le cas où le nouvel auteur refuserait son autorisation, la liberté des utilisateurs se trouverait à nouveau mise à mal.
5 : L'obligation du copyleft ou l'obligation de partager son oeuvre sous les 5 libertés ci-dessus évoquées.

Le copyleft renverse l'intention d'origine du copyright (c'est-à-dire des droits d'auteur). Alors que normalement le droit d'auteur n'implique aucune obligation pour l'auteur et ne permet quasiment rien à l'utilisateur, le copyleft procède à l'inverse : il permet beaucoup de choses aux utilisateurs, au sens où il leur garantit les quatre libertés, et oblige les futurs auteurs à accorder aux utilisateurs de leurs propres versions améliorées les mêmes droits que ceux dont ils ont eux-mêmes profité.
Le caractère libre de l'oeuvre publiée sous GNU GPL est ainsi sécurisé pour un avenir indéfini et pour tout nouveau développement.

Les licences Creatives Commons

Ce qui fonctionne pour les logiciels (via la licence GNU GPL) peut aussi avoir du sens pour d'autres types d'oeuvres, comme les textes, les images ou la musique. C'est là l'idée sous-jacente au Creative Commons Project (CC), qui propose pour ces oeuvres toute une palette de licences, parmi lesquelles chaque auteur peut choisir celle qui convient le mieux à ses besoins.
Il peut ainsi décider si le principe du copyleft, nommé ici "Share Alike" (ou "partage selon les conditions initiales" en français), est important ou non, et s'il veut permettre ou interdire une utilisation commerciale. Il y a aussi l'option d'interdire complètement toute transformation de l'oeuvre. De sorte que toutes les licences Creative Commons n'accordent pas forcément les cinq libertés dans leur totalité.
Si l'on souhaite garder à l'esprit la réelle ouverture prônée par le licence GNU GPL via les licences Creatives commons, on veillera dès lors :
  • A placer ses oeuvres en CC BY SA,
  • à veiller à les rendre accessibles et modifiables via des programmes "ouverts" eux aussi (format open office ou autres).

Un exemple pour illustrer

Sésamath le réseau l'enseignement actuel des Mathématiques : http://www.sesamath.net/
Créée en 2001, Sésamath est une association reconnue d'intérêt général et à but non lucratif.
Son but est de favoriser :
  • L'utilisation de l'informatique dans l'enseignement des mathématiques ;
  • Le travail coopératif et la co-formation entre enseignants ;
  • Les services d'accompagnement des élèves dans leurs apprentissages.
Inscrite dans une démarche de service public, Sésamath est attachée aux valeurs du logiciel libre. En 2007, Sésamath a reçu le 3e prix UNESCO sur l'usage des TICE parmi 68 projets issus de 51 pays.
Sésamath diffuse des manuels scolaires et des cahiers d'exercices libres et collaboratifs pour tous les niveaux du collège.
Sur le site dédié à ces ouvrages, chacun peut les télécharger gratuitement et les adapter s'il le souhaite.

Dès le départ, Sésamath a fait le choix d'utiliser les licences
  • La GNU FdL (pour permettre un réel accès au "code source" des oeuvres et permettre donc leur adaptation/modification).
  • La CC-BY-SA (pour assurer la viralité : le maintien des oeuvres dans le bien commun).

Grâce à ce choix volontairement très ouvert, Sésamath a pu capitaliser sur les apports individuels des membres du réseau, produire des contenus plus élaborés (on parlera de richesse de niveau 2 voir plus bas) qui ont ensuite pu être valorisés financièrement. Cette valorisation ayant permis à l'association de pérenniser son activité sans perdre le sens premier de son action : proposer un espace de coopération et de mutualisation des compétences entre enseignants de mathématique.
A contrario, un réseau de profs de français a voulu tenter l'expérience Sésamath et a échoué car les licences choisies (ou plutôt non choisies) au départ ne leur a pas permis de valoriser leurs productions collectives.

Pourquoi les licences non ouvertes empêchent la valorisation financière des productions du réseau ?

Avant d'aller plus loin, il faut expliciter la notion de niveaux de richesse dans un réseau.
Les niveaux de richesse dans un réseau.
Dans la vie d'une réseau, on observe l'apparition de plusieurs niveaux de richesse :
  • Les richesses de niveau 1 : c'est la juxtaposition des richesses individuelles apportées par chacun des membres
  • Les richesses de niveau 2 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le réseau à partir des richesse individuelles de ses membres
  • Les richesses de niveau 3 : Ce sont les productions dérivées et coproduites par le réseau ET les réseaux avec qui ils échangent en mutualisant leurs richesses de niveau 2 respectives.
A partir du niveau 2, les richesses produites sont en général de qualité suffisante que pour envisager une valorisation financière.

Organigramme de vie d'un réseau

Richesse de niveau 1 : Le réseau s'organise et compile les apports individuels de ses membres

Situation 1

SOIT les membres discutent du statut des apports de chacun et choisissent consciemment de placer leurs apports sous licence ouverte (vraiment ouverte donc sans restriction d'utilisation commercial - le NC des licences Creatives Commons - )
Ce qui sous-entend que celui qui n'est pas d'accord retire ses apports.

Situation 2

SOIT ce point n'est pas discuté clairement et les apports individuels sont placés sous licence ouverte mais sans que les membres-auteurs n'en soient pleinement conscients.

Situation 3

SOIT les membres préfèrent protéger leurs apports par un licence moins ouverte (genre licence Creative Commons BY SA NC) donc pas d'usage commercial possible sans l'accord de l'auteur.


Richesse de niveau 2 : Le réseau grandit et produit des oeuvres collectives en s'appuyant sur les richesses de niveau 1 (les apports personnels des membres). Ces productions collectives sont suffisamment "riches" que pour lancer une valorisation financière.

Situation 1

Grâce à la licence ouverte, les productions collectives sont valorisables facilement et ce même si certains membres du réseau ne sont plus présents ! Chacun ayant préalablement autorisé la valorisation de ses apports moyennant la mention de son nom et le maintien sous licence ouverte. Ceci étant valable aussi si un membre du réseau s'empare des richesses de niveau 2 et les vend... Il est vrai que cela créera des tensions au sein du réseau et que ce membre risque fort de ne plus l'être longtemps... ;-)
VIE

Situation 2

Un membre (ou quelques membres) s'empare des productions de niveau 2 et les vend.
Les membres-auteurs se sentent trahis et cherchent à empêcher la vente... Ce qui n'est pas possible vu que les apports de niveau 1 ont été placés sous licence ouverte.
Le réseau explose !
MORT

Situation 3

La licence n'étant pas complètement ouverte, le réseau doit recontacter chaque membre (auteur) pour lui demander son accord quant à l'utilisation commerciale de celle-ci.
La plupart du temps, cette étape est si compliquée que la valorisation tombe à l'eau et que le réseau se "dissout" déçu de n'avoir pu rentrer pleinement dans la phase intéressante du réseau (à savoir la production collective et sa valorisation vers l'extérieur).
DANGER.... MORT


La force des licences ouverte Share Alike

Les réseaux ayant fait le choix des licences ouverte Share Alike(partage à l'identique) ont un effet de spirale important.

Leurs productions étant souvent importantes et de qualité (car ils atteignent le niveau 2 de richesse plus facilement, voir Sésamath), ils sont régulièrement sollicités pour échanger des contenus avec d'autres réseaux proches ou similaires.
Si ces réseaux proches ont eux fait le choix d'une licence plus fermée (Non commerciale par exemple) l'échange est très difficile car les productions du réseau "ouvert" (réseau 1) nécessite pour leur utilisation ou adaptation par le réseau "moins ouvert" (réseau 2) d'être partagée à l'identique... à savoir sous licence ouverte ! Ce qui oblige le réseau "moins ouvert" (2) à un choix.
  • soit je profite des richesses du réseau ouvert (1) mais alors je dois quitter ma licence "moins ouverte" pour adopter la licence "plus ouverte" du réseau 1.
  • soit je ne veux pas quitter ma licence et je regarde avec envie et désespoir toutes les richesses que j'aurai pu partager et les richesses de niveau 3 (hautement valorisables celle-là) qu'on aurait pu faire ensemble ;-)

Les questions qui reviennent souvent

On va tout me piquer si je ne place la clause Non Commercial (NC)
Il semble pourtant que cette clause non commercial soit flou et difficilement interprétable.
Du coup, chaque litige débouche presque sur une solution particulière.
De plus, la plupart de nos réseaux n'ont pas les moyens de se lancer dans un guerre juridique coûteuse...
Sans compter la question du sens de son action... Si je ne veux pas que mon travail soit utilisé à des fins commerciales, peut-être vaut-il mieux choisir clairement de ne pas le placer sous une licence de type Creative Commons...
Enfin, protéger son contenu et l'exploiter commercialement peut s'avérer contre productif.
En effet, en démontrant au secteur privé que vos productions sont rentables, vous leur faites un appel du pied. Vos productions étant sous licence Creative Commons, ces sociétés peuvent reprendre et modifier vos productions pour les adapter (avec l'aide de gros moyens que vous ne possédez pas... Voire même en investissant à perte pendant quelques années). Une fois modifiée, ces productions peuvent être exploitées par ces sociétés avec l'aide de leurs juristes et commerciaux et absorber tout votre marché (et vous laisser donc sur la paille, ce qui est l'inverse de votre premier objectif à savoir vivre de votre production ;-)
Mieux vaut donc jouer sur le terrain des licences ouvertes, terrain qui met mal à l'aise les sociétés et sur lequel votre association et son agilité (le coup d'avance) est plus efficace.
Par ailleurs, votre travail, librement accessible et adaptable, s'il est bon, intéressera des gens qui, content d'utiliser votre travail, veilleront sur celui-ci et vous aideront aussi peut-être en cas de besoin par "renvoi d'ascenseur" (en ce y compris des commerciaux qui se servent de vos travaux et qui ne souhaitent pas votre mort)
Exemple : Outils réseaux
Les licences ouvertes ne conviennent pas pour tout
Et c'est bien vrai !
Avant d'envisager telle ou telle licence, réfléchissez clairement à vos objectifs !
Si celui-ci est de vivre le plus longtemps possible sur une production, les licences ouvertes ne sont pas un bon choix.
Si votre objectif n'est pas l'ouverture et la diffusion de vos productions, les licences ouvertes ne sont pas un bon choix.
Si votre objectif est de participer à l'avancée du monde, à la diffusion des idées, de la connaissance, au développement de services autour de connaissances... Alors les licences ouvertes sont à explorer ! (car elles seront un bon outil).
Pourquoi dès lors rémunérer le savoir faire du plombier ?
C'est vrai ? Pourquoi payer le savoir-faire du plombier puisqu'il tire celui-ci d'un savoir ancestral ?
Premièrement, quand on paie le plombier on paie surtout du temps !
Mais il est vrai qu'on paie aussi de la compétence.
Le fait que le savoir faire du plombier soit disponible librement par chacun car "tiré" d'un savoir ancestral ne le rend pas pour autant "accessible".
  • Imaginons que votre plombier vous rédige une fiche explicative pour remplacer votre siphon sous l'évier... Elle est bien rédigée et très complète.
  • Imaginons qu'il vous livre cette fiche gratuitement (puisque tirée d'un savoir ancestral) et qu'il ne vous facture que le matériel.
  • Vous voilà au travail, vous suivez la fiche scrupuleusement mais un imprévu survient. Le robinet lâche et l'inondation menace...
  • Imaginez la somme que vous êtes maintenant prêt à payer pour faire revenir en urgence ce même plombier ;-)
Ce dont on parle ici, c'est la rémunération d'un niveau de compétence que seul votre plombier possède (en tout cas dans le domaine de la plomberie).

Il existe plusieurs niveaux de compétences
  • Niveau 1 : je sais que ça existe.
  • Niveau 2 : je suis capable de le faire aussi.
  • Niveau 3 : je peux aussi expliquer ce que je fais.
  • Niveau 4 : je suis même agile dans ce que je fais, je m'adapte.
  • Niveau 5 : je suis critique sur ce que je fais et j'invente à partir de ce que je sais.
La fiche de votre plombier vous amène au niveau 2.
Votre plombier est quant à lui au niveau 4 ou 5.
Ce qui lui permet de faire face aux imprévus et c'est ce niveau de compétence que vous rémunérez, pas le savoir-faire ancestral de niveau 1.

Dessins : Creatives Commons et David John Goodger - CC-BY-NC-SA

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Mr Cloud au service de mes réseaux

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Le cloud ou stockage en ligne des données se démocratise de plus en plus. Chaque mois de nouveaux outils apparaissent. Très pratique pour accéder à ses données partout dans le monde via un simple accès internet, les services "cloud" offrent aussi de nouvelles perspectives pour l'animation des réseaux.

Dans la vie des réseaux, il devient rapidement essentiel :
  • De rendre accessible à tous les informations (fichiers, images, sons...),
  • de permettre la collecte d'informations par les membres (fichiers, photos, sons...),
  • de favoriser le travail collectif (notamment par la partage de documents).
Les outils "cloud" le permettent assez simplement.

Quelques exemples :
  • Le réseau des CRIE (Centres Régionaux d'Initiation à l'Environnement en Belgique) partage divers documents de travail via le service Google Drive. Via cet espace partagé, les ordres du jour sont co-construits, les PV des réunions sont élaborés à plusieurs mains lors des réunions, et divers documents "ressources" sont compilés. L'utilisation de ce service a considérablement facilité le travail collectif au sein du réseau et à fortement développé la co-construction des contenus. Une petite formation a été nécessaire mais il n'a pas été rencontré de problèmes majeurs d'utilisation. Le seul souci technique rencontré a porté sur la "disparition temporaire" de certains fichiers (simplement déplacés par un membre dans un dossier Google Drive personnel). Les questions soulevées par ce service sont plutôt d'ordre méthodologique. Tous les membres de ce dossier partagé peuvent en effet modifier le contenu du dossier... Effacer des fichiers, modifier des PV. La mise à disposition de tous les contenus a complètement décentraliser le "pouvoir" ce qui bouscule considérablement le fonctionnement traditionnel de certaines structures.
  • Le réseau des CRIE (Centres Régionaux d'Initiation à l'Environnement en Belgique) gère sa revue de presse via le service box.com. Ce service de stockage en ligne permet à chacun d'alimenter un dossier partagé via une simple adresse mail dédiée. Ce dossier peut par ailleurs être intégré sur un site internet assez facilement. Chaque CRIE alimente la revue de presse régulièrement en envoyant par mail en pièce attachée l'article de presse. Cette revue de presse est mise à disposition du public via les sites internet des différentes structures.
  • La communauté des utilisateurs du Parc des Dominicaines à Tournai (Belgique) s'est vue proposée un espace partagé afin de collecter facilement les photos prises sur le site. Pour ce faire, il a été utilisé le service yogile. Ce service de stockage en ligne permet la création et la gestion d'un album photos collectif. Chacun peut alimenter. cet album via un bouton de téléversement directement sur l'album ou via une adresse mail dédiée. L'alimentation de l'album est volontairement ouverte à tous (il ne faut pas être "membre"). Ceci afin de minimiser au maximum les freins à l'utilisation du service. Seul un contrôle (par quelques membres) "avant publication" des photos est actif afin d'éviter les dérives douteuses. Plusieurs questions restent en suspens quant à l'utilisation possible des images proposées par les membres. Actuellement, les photos restent bien sûr propriété des auteurs mais le choix de la licence CC BY SA reste à expliciter plus clairement.

D'autres exemples assez similaires à ceux évoqués ci-dessus utilisent d'autres services de stockage en ligne comme dropbox ou Copy par exemple.

Crédits photo : King Cloud by Akakumo on Flickr - CC-BY-SA
Lien internet : http://www.criemouscron.be

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Outils conviviaux

Auteur de la fiche : Laurent Marseault
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Mais quel outil utiliser ? Quel est l'outil idéal ? Avez-vous des modèles de cahiers des charges d'outils coopératifs parfaits ?
Ces questions nous sont très souvent posées.
Il nous semble que la notion d'outils conviviaux nous aide à penser un peu plus la question fondamentale de l'outil.

Cette notion est proposée par Ivan Illich, penseur de l'écologie politique. Pour lui, les outils (compris au sens large, incluant moyens techniques, institutions) aliènent les individus et les privent d'autonomie. Leurs utilisations généralisées pouvant aller jusqu'à la contre-productivité.

3 conditions pour des outils conviviaux

Illich propose alors un cahier des charges simple et clair à ce qu'il nomme outil-convivial :
  • Il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle.
  • Il ne doit susciter ni esclaves ni maîtres.
  • Il doit élargir le rayon d'action personnel.

Ces trois conditions appliquées aux organisations et aux moyens techniques redonnent place aux individus, leurs permettent d'être acteurs dans des systèmes sur lesquels ils ont prise. Les humains en ont besoin, l'humanité en a besoin.

La bibliothèque anxiogène

Dans une bibliothèque du Sud de la France, les salariés ont maintenant comme poste de travail un "client léger", il s'agit d'un terminal, connecté à un serveur central. Toutes les nuits, l'ordinateur est remis à neuf, seuls sont sauvegardés les dossiers personnels. Les logiciels installés par les utilisateurs (quand cela est possible) sont effacés dans la nuit, toutes personnalisations sont effacées... Ce système estimé très efficace par la direction des services informatiques est vécu comme insupportable par les bibliothécaires, générant une souffrance psychique palpable. Les tentatives d'évolution vers plus de convivialité ont été systématiquement rejetées provoquant la dés-implication de ceux qui, sans compter, amélioraient leur institution pour le bien des usagers.

La carte qui donne des idées

Freeplane est un petit logiciel de carte mentale ou carte heuristique. Utilisé devant un groupe pour l'aider à synthétiser la richesse de ses échanges, il permet de rendre visible les idées et leurs complémentarités. Il donne assez systématiquement des envies et idées d'utilisations auprès des personnes qui en ont vécu l'expérience. Logiciel libre facile à prendre en main, il est simple de se l'approprier et de le détourner pour de nouveaux usages. Il est proche de l'outil convivial par excellence.

Coopération, réseaux et convivialité

Un réseau, un groupe qui coopère s'inscrit dans un processus qui devra s'outiller et faire évoluer son outillage en fonction des étapes de son processus. Garder en tête les conditions des outils conviviaux lors de l'élaboration organisations et outils pour les servir permettra d'élaborer un système vivant, évolutif et apprenant. Le réseau, groupe coopératif ou collaboratif deviendront des lieux d'apprentissages, d'innovations et d'émancipations.
N.B. Les outils libres ne sont pas forcément conviviaux

Pour aller plus loin :

Illich Ivan, La convivialité [en ligne], Points (Paris), ISSN 0768-0481 ; 65 Points. Civilisation, Paris, Éd. du Seuil, 1990
« Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 3 février 2014).

Crédits photos : outils en chocolat JanneM sur Flickr - CC-BY-SA

Pearltrees

Auteur de la fiche : Frédéric Renier, Supagro florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
En introduction : Pearltrees permet d'organiser ses signets sous forme d'arbre. Il permet de partager ses favoris internet sur le web. Il permet de bénéficier de la veille d'autres internautes mais aussi d'organiser des groupes de veille collaboratives.
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Site officiel : http://www.pearltrees.com
Famille d'outils : Outils de veille
Présentation :
Pré-requis : Compétences
  • savoir naviguer sur le net.
  • savoir installer une extension dans son navigateur.
Technique
  • lecteur flash sur son ordi.
Quelques applications :
  • Partage de signets web.
  • Veille collaborative.
  • Bookmarking social.
  • Organiser ses signets.
Prise en main :
Avantages :
  • Présentation originale.
  • Lié à Twitter et Facebook.
  • Génération de widgets.
Inconvénients :
  • on ne peut pas importer ou exporter ses données.
  • pas de flux RSS.
Licence : Logiciel propriétaire, Freemium
Utilisation : Facile
Installation : Ne s'installe pas

Quels outils pour quoi faire ? (selon l'évolution du réseau)

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Il existe de nombreux outils pour fonctionner en réseau, les outils collaboratifs, dont de nombreux sont disponibles en logiciels libres. Ils offrent des champs d'application très ouverts. Mais il est parfois difficile de s'y retrouver dans cette profusion d'outils et de fonctionnalités.

Vie d'un Réseau

La création des réseaux : 5 processus fondamentaux

image Etapes réseau


Ces processus sont simultanés. Ils guident le cheminement des nouveaux arrivants.

Des outils pour chaque étape de la vie du réseau


Processus Fonction "Petites flèches" Outils privilégiés
Formation Création de l'identité du réseau Regroupement des flèches de même couleur Liste de discussion générale et cartographie dynamique des membres du réseau
Information Échanges d'informations entre les membres du réseau Regroupement des flèches ayant la même direction Listes de discussion thématiques, forums, news
Transformation Montage de projets collectifs Émergence des "grosses flèches" des projets Ateliers et outils de support des projets
Rayonnement Interaction avec le monde environnant Action des flèches projets sur les autres flèches de l'entour Diffusion des données sur un site Internet (avec les CMS : intégration dynamique de contenu)
Consolidation Ouverture et poursuite de la dynamique Perméabilité (tirets) à de nouveaux membres et conservation d'une dynamique interne (spirale) Accueil des nouveaux, classement des infos, présence d'un historique

Formation du réseau

Cette première étape consiste à rendre visible l'appartenance au réseau. Il importe en effet que tout nouvel acteur soit immédiatement visible, à la fois pour lui-même (existe bien dans le réseau et celui-ci me reconnaît) et pour les autres.
Les outils indispensables pour cette première étape correspondent, lors d'une rencontre physique, au traditionnel "tour de table".

Description : des outils pour réaliser des questionnaires en ligne. Certains traitent les réponses statistiquement (réalisation de graphiques, pourcentages).

Information du réseau

Il ne suffit pas de dire "j'appartiens au réseau" pour en être partie prenante, il faut aussi dire ce qui nous passionne, ce que l'on veut y faire, avec qui on veut le faire ; Pour cela, il faut que les membres du réseau puissent échanger efficacement des informations, discuter entre eux, se regrouper par affinité et rendre visible les thèmes de discussion qui pourront être à l'origine des futurs projets.
Réseaux sociaux :

Transformation du réseau

Cette étape - en fait il s'agit d'un processus permanent - est identifiée à l'émergence, à la création et au montage des projets. Il s'agit bien d'une transformation au sein du réseau, puisque celui-ci se met à créer de l'organisation et à devenir opérationnel au travers de ses projets.
Les outils nécessaires lors de cette étape sont ceux qui permettent de travailler en commun sur des projets, ils correspondent donc à toute la batterie des outils collaboratifs, pour partager des documents et de l'information, co-rédiger, échanger, se synchroniser et réfléchir ensemble.
Partage de document :
Wiki :
Bureautique en ligne :
Agenda
Carte heuristique :
Chat :
Bookmarking social :

Rayonnement du réseau

Le réseau est maintenant perçu au travers des projets qu'il héberge et anime et il entre en interaction avec son environnement.
Ces interactions peuvent se faire à différents niveaux : interaction avec le public dans le cadre des projets, interaction avec les partenaires institutionnels qui soutiennent et encouragent les projets, interaction avec d'autres réseaux pour échanger ou transférer des compétences, des expériences...
CMS : content management system
RSS :

Consolidation du réseau

Cette étape vise en fait à garantir que, même si le réseau a vécu avec certains de ses membres les 4 premières étapes, il reste ouvert à de nouveau membres.
Dans cette étape, les outils sont plutôt méthodologiques (historique du réseau, charte, guide du nouveau membre, mode d'emploi pour participer...).
Mais certains outils techniques aident à visualiser plus facilement l'activité d'un réseau ayant beaucoup de contenu.
Nuage de tags :


Crédits illustrations sous licence creativecommons : by Outils-Réseaux

Un pad dans un foyer rural. Pour quoi faire ?

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Mise en place d'un pad au sein d'un bureau associatif

Pourquoi avoir voulu utiliser un outil d'écriture collaborative lors des réunions ?

Faisant partie du bureau d'un foyer rural, je recevais plusieurs mails pour élaborer l'ordre du jour, et je ne savais plus quel était le bon, à la fin. De plus, il est arrivé que le compte rendu, envoyé quinze jours après la réunion, annonçait un événement qui avait lieu trois jours avant. N'ayant pas été présente à la réunion, l'information était obsolète. Un autre fait me posait problème : je culpabilisais de ne pouvoir me rendre physiquement à une réunion et de ne pas pouvoir y participer.
J'ai donc proposé de créer un espace d'écriture collaboratif en ligne, sur Framapad ou Piratepad.

Avant la réunion

Dix jours avant, j'ai envoyé par mail l'adresse du pad, avec un début d'ordre du jour, et demandant aux membres du bureau de le compléter. Chacun pouvait y inscrire présent/excusé, au lieu d'envoyer un mail à chacun pour dire si oui ou non il serait là. Les personnes l'ont remplis, et parfois des discussions se sont amorcées avant la réunion, ou des points ont pu être traité avant, et de fait, réduire le temps de la réunion.

Pendant la réunion

Bloquée, ce jour là, à mon domicile, j'ai pu participer à la réunion, à distance. Je lisais le fil de la discussion, tapé par deux personnes présentes, et je pouvais intervenir en posant des questions, ou demandant des précisions, en tapant directement, à la suite de la ligne déjà écrite. J'ai apprécié le fait de pouvoir participer malgré des contraintes personnelles, et de sentir que j'étais présente grâce au chat et à l'implication de ceux qui étaient à distance. Ça m'a permis de me dire que même si je n'étais pas présente physiquement à toutes les réunions, je pouvais en être informé et suivre le fil de chez moi. La culpabilité était amoindrie, et mon envie de participation comblée en partie.

Après la réunion

Le lendemain même, j'ai exporté les notes prises en ligne en fichier texte et l'ai enregistré dans mon dossier "CR Foyer rural". L'animatrice n'a pas eu besoin de m'envoyer par mail le compte rendu.
Lien internet : http://framapad.org/

Un wiki au service d'un groupe de travail sur l'animation

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : De puis 2012, un groupe de travail (GT) s'organise en Belgique francophone autour de l'animation "dehors".
Ce Gt visent les professionnels de l'éducation à l'environnement, enseignants, bénévoles, sympathisants...
Il vise à créer les conditions favorables à un travail collectif pour favoriser la pratique de la sortie nature en Wallonie, pour les grands et les petits.

Après une gestion "traditionnelle" du GT (échange de mails), l'animateur du réseau a opté pour la mise en place d'un site internet wiki (yeswiki) couplé à une mailing list.
Ce passage a permis la création d'une dynamique plus participative et décentralisée du GT.

Dans un premier temps, le wiki a été créé et customisé par un membre du réseau maîtrisant l'outil technique.
Les pages du wiki ayant été placées comme "modifiable par tous", l'animateur de réseau garde la main complète sur le contenu du wiki et ne dépend de personne pour modifier et faire vivre le wiki.
Afin de diminuer encore les freins à la participation sur ce wiki(certains membres du réseau ayant une appréhension par rapport aux outils TIC et donc aussi par rapport à l'utilisation d'un wiki -bien que très simple-) il a été décidé d'intégrer dans certaines pages du wiki (construction des ordres du jour, PV des réunions...) des "pad" (espace d'écriture direct ne nécessitant pas de compte ou de connaissances techniques).

L'utilisation de ce wiki a permis :

L'utilisation de ce wiki a soulevé les remarques suivantes :
  • Une clarification de la licence utilisée pour les productions collectives (CC BY SA) a rencontré une enthousiasme étonnant.
  • La pratique de co-construction des ordres du jour ou des PV ravis divers membres peu habitués à ce genre de pratique dans leur structure.
  • Il conviendra de mettre en place une formation sur le wiki afin de que TOUS les membres soient capables de modifier à leur guise le wiki.
Lien internet : http://www.tousdehors.be

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Vous ne le savez pas, mais vous aidez à la numérisation des ouvrages anciens !

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Grâce au reCapcha, projet créé par l'université américaine Carnegie-Mellon, chaque fois que vous vous crevez les yeux pour décrypter un texte tout tordu afin de valider une inscription ou poster un commentaire, vous participez à l'amélioration d'un programme de numérisation des livres anciens.

On reprends depuis le début : les capchas c'est quoi ?

Les capchas se sont ces mots tous déformés que l'on vous demande de recopier afin de valider une inscription ou une action sur un site internet. Le principe du capcha c'est de trouver une opération plus facile à effectuer par un être humain que par un robot, l'objectif étant d'éviter que l'on puisse effectuer automatiquement (via des programme-robots) l'action que vous êtes en train de réaliser. Notamment pour éviter que l'on puisse créer automatiquement des milliers de comptes mail ou Facebook ou submerger de commentaires un blog afin de vendre du faux Viagra. En retapant le texte déformé, vous prouvez ainsi que vous êtes un être humain (uniquement d'un point de vue biologique, hein).

La problématique de numérisation des livres anciens

Les livres anciens, tombés dans le domaine public, pourraient facilement être mis à disposition du plus grand monde sur internet mais pour faciliter la recherche parmi ces ouvrages, il faut transformer le scan de la page (qui est une photographie) en texte numérisé dans lequel on peut rechercher. Ce sont les logiciels de reconnaissance de caractères (OCR) qui s'en chargent mais ils rencontrent des difficultés particulières avec ces ouvrages. En effet, ceux-ci sont imprimés avec des caractères typographiques particuliers et le temps a souvent abîmé les pages. Pour améliorer leur taux de reconnaissance, les logiciels de reconnaissance de caractère (OCR) ont besoin "d'apprendre". C'est-à-dire qu'ils ont besoin que leurs résultats soient confrontés à des résultats obtenus par des humains pour augmenter peu à peu le nombre de signes qu'ils peuvent reconnaître. Or la transcription par les humains est longue et rébarbative.

Et si on joignait l'utile à ... l'utile ?

Luis Van Ham est professeur à l'université Carnegie-Mellon à Pittsburgh, il travaille sur l'human computation, c'est-à-dire sur des programmes faisant intervenir la puissance de raisonnement humain et la vitesse de calcul des ordinateurs pour résoudre des problèmes que ni les humains, ni les machines ne pourraient résoudre seuls (le cas des logiciels OCR est un exemple typique). Il a développé le concept de jeux à objectifs, où tout en jouant les êtres humains effectuent des opérations utiles. Même s'il ne s'agit pas d'un jeu, le reCapcha qu'il a développé, reprend ce principe. A chaque fois que vous décodez des mots déformés, issu de la numérisation de livres anciens, pour prouvez au site internet que vous êtes bien un être humain, vous augmentez la base de données utilisée par les logiciels de reconnaissance de caractères et donc leur efficacité à reconnaître les caractères numérisés des livres anciens.

reCapcha, ça marche comment ?

Les scans des livres anciens sont lus par deux logiciels de reconnaissance de caractères différents. Dès qu'un mot est lu différemment par les deux logiciels, il est noté comme suspicieux et ajouté à la base de reCapcha.
Quand on vous demande de prouver le fait que vous êtes un être humain et non une machine via un reCapcha, il y a toujours 2 termes, l'un plus déformé que les autres. L'un deux a déjà été identifié avec certitude avec le logiciel OCR (c'est celui qui sert effectivement à vérifier que vous êtes un humain) et l'autre non (c'est celui que vous allez aider à identifier). À partir du moment où un certain nombre d'internautes ont identifié de la même façon un mot suspicieux, il est validé. Il est intégré dans la base de données des mots validés de reCapcha et dans la base de données que le logiciel d'OCR utilise pour reconnaître les caractères des livres numérisés. Actuellement le logiciel de reconnaissance de caractère de reCapcha a atteint un niveau d'erreur semblable à celui de l'être humain.

C'est une bonne oeuvre alors ?

Google a racheté reCapcha en 2009 et l'a installé sur ses pages demandant ce type de validation. Vu la puissance de Google cela a donné une très grande visibilité au projet et un nombre accru de participants. L'objectif premier de Google est la numérisation des livres de Google Books afin de faciliter leur référencement et la recherche plein texte parmi les pages. Mais il semblerait que Google adapte reCapcha à d'autres projets, on a ainsi vu apparaître sur certains reCapcha des numéros de plaques de rue provenant de Google Street View.

Ce que nous avons appris de Cooptic


Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d'excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.

Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.

La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.

La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.

Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :
  • Formateur "expert" : il est le référent sur les sujets traités, il transfert les connaissances.
  • Accompagnateur : il structure et accompagne la progression du groupe dans un environnement d'apprentissage fondé sur la communication et l'échange.
  • Tuteur : il établit un lien individualisé avec chaque apprenant en aidant à surmonter l'effet d'isolement que les formations à distance induit.
  • "Technicien" : il est garant du fonctionnement des dispositifs techniques.

Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :
  • Reconsidérer la "distance" comme un espace-temps de possibles interactions et apprentissages. On peut apprendre, créer des liens, travailler ensemble, produire une ressource dans des configurations multiples :
    • À distance asynchrone en contribuant selon ses disponibilité sur un espace d'écriture, en partageant des ressources... En échangeant par mail ou forum,
    • À distance synchrones durant des conférences vidéo, ou échanges de pratique entre les groupes,
    • En présence et à distance à la fois... Il est possible d'organiser des cours en visio-conférence avec deux groupes en parallèle sur deux sites différents.
  • Rendre la relation plus horizontale entre les formateurs, les stagiaires et le savoir. Dans les flux des informations et des échanges, le formateur est un élément parmi d'autres.
  • Adopter la méthode "surf "1 ....accepter les incertitudes et oser expérimenter durant le processus. Le formateur est garant de la méthodologie : il crée des conditions d'équilibre et ne maîtrise pas nécessairement la forme des résultats de coproduction.

Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération

Ce que Cooptic innove L'effet sur la formation L'effet sur l'apprentissage de la coopération.
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net.
Un espace collectif et des espaces individuels La plate-forme wiki/ permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel).
Contenus ouverts Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges.
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours La mise en ligne des cours "libère" du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. Acquisition des savoirs-faire : "apprendre à apprendre" et "apprendre à faire avec les autres".
Structure modulaire Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. La construction d'un parcours plus personnel est possible.
Approche systémique Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs.
Pluralité des parcours structurés Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours "projet professionnel" (environnement collaboratif). Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif.
Changement progressif des tailles des groupes de travail Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle).
Mise en réseaux et échange des pratiques L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir. Le formateur est garant de la méthodologie. Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi.
Coproduction des contenus Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. Posture active face au savoir. Sentiment de créer un "bien commun".
Notion de "présence" à distance Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement "à distance" est systématisé (points fixes avec le formateur). L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures.



Pour en savoir plus : les communautés épistémiques


Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.

Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux.
Revue française de gestion, n° 146, 99-121.


  • 1 Rosnay, Joël. Surfer la vie : vers la société fluide. Paris : Les liens qui libèrent, 2012