La coopération expliquée à mon beauf'
Auteur de la fiche :
Gatien Bataille
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Creative Commons BY-SA
Description :
Par un dimanche ensoleillé de juin
- C'est OK pour vous ? Lance ma belle soeur en s'adressant Ă moi et Ă son mari
- Oui oui on est prĂȘt. Amenez la viande, les braises sont Ă point !
- Ton séminaire à SÚte sur la coopération s'est bien passé ?
- Oui ce fut plutÎt sympa. J'ai pu de nouveau goûter à la puissance de l'intelligence collective.
- Tu m'excuseras mais ça reste encore un peu flou pour moi, cette "coopération".
- Oui, je comprends... MĂȘme pour moi ce n'est pas Ă©vident d'en parler simplement. Faut dire qu'on est en pleine phase d'Ă©mergence et qu'elle ne peut encore s'appuyer sur rien de grande ampleur... Mais ça bouillonne chaque jour un peu plus.
- Pour moi coopérer, ça veut dire faire des choses ensemble mais ça me parait tellement loin du fonctionnement de notre société. J'ai des doutes quant au fait que ça concerne beaucoup de monde...
- DĂ©trompe-toi, il y a vraiment beaucoup d'initiatives qui naissent. MĂȘme les entreprises s'y mettent !
- Les entreprises sont devenues altruistes maintenant ?
- En fait pas vraiment ! L'altruisme c'est quand on oublie son intĂ©rĂȘt personnel pour l'intĂ©rĂȘt collectif. Ăa a des avantages bien connus dans le monde animal par exemple mais c'est vrai qu'au niveau Ă©conomique c'est moins connu ! Enfin de toute façon, il est tout Ă fait possible de coopĂ©rer sans ĂȘtre altruiste.
- Ah bon.
- Ben oui, il suffit de faire converger ton intĂ©rĂȘt personnel avec l'intĂ©rĂȘt collectif.
- En français s'il te plaßt.
- Ben pas compliquĂ©. En gĂ©nĂ©ral l'intĂ©rĂȘt collectif rejoint souvent ton intĂ©rĂȘt personnel quand on le regarde Ă long terme. Mais en Ă©tant astucieux, on peut aussi organiser les choses pour que notre intĂ©rĂȘt rejoigne l'intĂ©rĂȘt des autres Ă court terme cette fois. Par exemple, lĂ on a tous les deux intĂ©rĂȘt Ă ne pas laisser griller les saucisses...
- Sympa ta théorie mais je demande à voir au niveau économique.
- Et bien c'est pas si rare, de plus en plus d'entreprises se lancent dans la collaboration radicale ou la coopĂ©tition, l'idĂ©e Ă©tant de s'associer entre concurrents pour dĂ©velopper certains aspects des produits de demain et prendre ainsi de l'avance sur la concurrence ou sur des lĂ©gislations Ă venir. Comme on dit : y a plus dans deux tĂȘtes que dans une...
- Facile Ă dire, faire converger intĂ©rĂȘt collectif et individuel, je vois pas trop comment en fait...
- Pas trop compliqué en fait, on a les clés mais il reste à les généraliser. Par exemple, partager une vision à long terme aide beaucoup à l'émergence de la coopération, travailler sur de l'abondance est aussi un facteur facilitant.
- Sur l'abondance, on est plutÎt en crise non? Moi je ressens plutÎt la rareté là !
- Oui c'est le cas pour les biens matĂ©riels mais si tu y regardes mieux, il y a une quantitĂ© de plus en plus grande de biens non matĂ©riels autour de toi, ces biens que l'on nomme non rivaux tendent d'ailleurs Ă exploser avec la gĂ©nĂ©ralisation d'internet, des ordinateurs et mĂȘme des imprimantes 3D qui permettent Ă partir de plans numĂ©riques de produire des biens matĂ©riels.
- Oui facile en effet mais on fait quoi si les plans sont sous copyright ?
- Là tu mets le doigt sur une des autres conditions qui facilitent la coopération. Quand ce n'est pas ouvert, libre d'usage, c'est plus compliqué mais l'arrivée des licences ouvertes facilite grandement le travail.
- Et ça marche ?
- PlutĂŽt oui, regarde thegreenxchange par exemple. C'est une plate forme internet oĂč des entreprises parfois concurrentes Ă©changent et partagent leurs avancĂ©es... Ă©tonnant mais bien rĂ©el !
- Ouaip, j'ai du mal Ă croire...
- Tu sais la question n'est plus de savoir si on va y aller car on y est ! Le monde actuel est trop complexe pour ĂȘtre abordĂ© sans l'intelligence collective. Les entreprises et bien d'autres l'ont compris. Et ceux qui ne l'ont pas compris se cassent les dents. Regarde les majors de la musique qui pleurent derriĂšre les copies illĂ©gales et les bĂ©nefs d'Itunes qui vend des morceaux dĂ©matĂ©rialisĂ©s !
- Oui d'accord mais...
- Mais c'est encore naissant, c'est vrai... et on sent bien que ce qui reste à inventer autour de cette coopération c'est tout un ensemble de modÚles économiques qui lui correspondent. La planification tout comme l'économie qui ne s'intéressent qu'à la rareté ne suffisent plus, Il faut qu'on se tourne vers un modÚle qui fait aussi ressortir la valeur de l'abondance et pas seulement de la rareté.
- Et en attendant ?
- En attendant ? ça innove, et ça marche... Regarde dans le monde de l'internet et de l'informatique Linux ou les modÚles Freemium du web2 qui libÚrent les contenus pour se financer sur le service ou encore Sésamath qui produit des livres de math à partir de cours collectifs... L'étape cruciale à franchir maintenant est le passage à l'échelle.
- Et tu crois vraiment que tout le monde a le temps d'apprendre ces trucs nouveaux ?
- C'est comme pour le reste, la coopĂ©ration ça prend du temps ou bien au contraire ça t'en fait gagner si tu sais mutualiser. Et en plus si tu n'apprends pas Ă coopĂ©rer tu n'as plus qu'Ă courir derriĂšre ceux qui savent l'utiliser pour dĂ©fendre leur intĂ©rĂȘt en passant par celui des autres, trouver des modĂšles Ă©conomiques qui crĂ©ent de la valeur par l'abondance et gagnent du temps en mutualisant...
- Et les mecs c'est cuit lĂ ? lance ma femme !
- Oui c'est parfait, on arrive ! répond mon beauf.
- Bon allez à table ! De toute façon, la coopération ça commence toujours par un moment de convivialité !