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Présentation du projet Cooptic


Cooptic est une initiative de transfert d'innovation, financée par la Commission européenne dans le cadre du projet Leonardo da Vinci. Quatre partenaires spécialisés dans les pédagogies innovantes - SupAgro Florac et Outils-Réseaux (Montpellier), l'École de la coopération Aposta de Catalogne et le Centre Régional d'Initiative à l'Environnement (CRIE Mouscron) de Wallonie - se sont associés pour travailler sur l'adaptation d'un dispositif de formation destiné aux animateurs de projets collaboratifs.

Durant Cooptic, ont été formées quinze personnes dans trois pays : Belgique, Espagne et France, afin qu'elle deviennent, à leur tour et dans leurs cercles respectifs, formatrices d'animateurs de projets et réseaux coopératifs.

Cooptic, c'est aujourd'hui 60 animateurs de réseaux qui constituent un véritable pool dans trois pays européens. Ce réseau s'est construit sur trois ans :


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Présentation de l'équipe de partenaires


Le programme de Cooptic a relié quatre structures :

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SupAgro Florac : Institut d'éducation à l'agro-environnement, assure depuis des années la formation des animateurs des nombreux réseaux thématiques et géographiques de l'enseignement agricole public ainsi qu'un appui technique. Reconnu nationalement pour l'expertise en sciences de l'éducation et ses activités d'expérimentation pédagogique et de promotion de dispositifs de formation innovants, Supagro Florac partage son savoir-faire avec ses partenaires du projet. Il assure également, le montage et la coordination de l'ensemble du projet.

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Association Outils-Réseaux : Association "référence" en France sur le travail en réseau. Sa mission principale est d'initier et d'accompagner les réseaux et pratiques coopératives en s'appuyant sur des outils méthodologiques et Internet. En 2010, Outils-Réseaux a mis en place le dispositif de formation Animacoop en direction des animateurs et professionnels ½uvrant dans le champ de la coopération et l'animation de réseaux. Ce dispositif Animacooop a fait l'objet d'adaptation du projet européen Cooptic.


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Association Aposta, en Catalogne : École de la coopération chargée du transfert sur le territoire Catalan.




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Association CRIE de Mouscron, en Wallonnie. Association d'éducation à l'environnement chargée du transfert sur le territoire Wallon.



Ces partenaires ont associé les compétences de diverses institutions, universitaires, chercheurs, intervenants et collectivités locales engagées dans des démarches de développement participatif qui concourent activement à la rédaction d'une publication de cet e-book que vous pouvez découvrir maintenant.

Présentation du dispositif d'apprentissage


Le dispositif de formation Cooptic est fondé sur les principes éducatifs qui visent à accompagner le stagiaire vers l'autonomie et à renforcer sa capacité à agir en connaissance de cause. L'apprenant est au centre de l'attention pédagogique. De ces principes découlent les choix de méthodes et moyens pédagogiques qui s'articulent autour de trois idées : le caractère transversal des savoirs et compétences collaboratifs à acquérir, un lien avec le projet professionnel des stagiaires, l'utilisation des potentialités des outils numériques pour innover sur les pratiques pédagogiques.


Qu'apprend-on à la formation Cooptic ?

Les contenus de formation privilégient le développement des compétences opérationnelles liées à l'animation du projet collaboratif : gestion de l'information, coproduction des ressources, démarrage des dynamiques de réseau, animation de collectifs...
Ces contenus sont structurés autour de 12 concepts clés et 12 compétences collaboratives transverses :

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Ces compétences collaboratives sont traitées parallèlement sur trois niveaux :
  • Au niveau individuel, la formation développe l'implication de la personne dans un projet collectif,
  • au niveau du groupe, elle traite de la compréhension des dynamiques de groupes, réseaux, communautés et des compétences de management d'un collectif,
  • un troisième niveau d'environnement concerne les facteurs d'ouverture et de communication "à l'extérieur" de son réseau.


Comment apprend-on ?

Durant 14 semaines de formation les stagiaires travaillent à distance et en présence suivant une progression sur trois parcours parallèles :

  • Parcours individuel :
Les contenus mis en ligne suivent des étapes de la vie d'un réseau.
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  • Formation du réseau : le groupe se forme, un "collectif des individus" prend conscience d'être un groupe d'apprentissage.
  • Le réseau s'informe : les échanges autour des projets conduisent à l'émergence d'expériences et de problèmes communs.
  • Transformation du réseau : les phénomènes individuels et collectifs sont mis en ½uvre dans le travail collaboratif en petits groupes.
  • Rayonnement du réseau : la diffusion des résultats des travaux de coopération en dehors de la communauté valorise le groupe.
  • Consolidation du réseau : cela permet une évaluation et une réflexion sur la façon de faire vivre la dynamique et de l'ouvrir à d'autres.




  • Parcours "collectif apprenant" :
Les stagiaires produisent collectivement de nouveau contenus.


image schema3Cooptic.png (25.2kB)













  • Parcours projet :
La mise en place d'un projet collaboratif par le stagiaire est un pré-requis, et les activités proposées se réfèrent à ce projet tout au long de la formation. En première semaine, les stagiaires présentent le contexte et l'objet de leur projet, puis ils testent les méthodes et outils proposés sur leur projet et relatent le tout sur un espace personnel d'apprentissage. À chacun des trois regroupements, un point d'étape rend compte des apports de la formation sur le déroulement du projet. La formation-action accélère le projet dans son contexte professionnel et réciproquement, les acquis de la formation sont plus "tangibles" car impliqués dans l'action

Pédagogie impactée par les nouvelles technologies

Un écosystème de formation :
Une méthodologie pour pour passer de la posture d'"animateur de réseaux" à "formateur d'animateurs de réseaux".
Une alternance de moments d'échanges en présence et à distance via des outils internet.
Une utilisation des outils et méthodes collaboratifs durant la formation.
Des moments d'échanges de pratiques.
Du travail individuel sur des projets collaboratifs des stagiaires.
Co-production des connaissances : des rubans pédagogiques de formation.


L'ebook de Cooptic

L'ebook que vous avez entre les mains regroupe les ressources utilisées lors de la formation Cooptic. Certaines ont été rédigées spécialement pour l'ebook car les contenus avaient été présentés oralement lors de la formation. Cet ouvrage est un état nos connaissances dans le domaine de coopération et de la collaboration au moment de sa rédaction, fin 2013. Mais c'est un domaine qui commence juste à être étudié et nous continuons à expérimenter, à imaginer, à essayer, à rêver... Bref, même si la publication de cet ebook est l'aboutissement du projet européen Leonardo Cooptic, ce n'est pas une fin mais juste les premières pierres de nos futurs projets : une centre de ressources sur la collaboration ? Un MOOC ? Ou sans doute quelque chose qui n'existe pas encore !
Bonne lecture et bonnes futures petites expériences irréversible de coopération !

Ils ont participé à l'aventure !


Coordination :
Hélène Laxenaire

Auteurs :
Gatien Bataille
Jean-Michel Cornu
Antoine Delarue
FNAMI LR
Mathilde Guiné
Claire Herrgott
Emilie Hullo
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Heather Marsh
Laurent Marseault
Daniel Mathieu
Outils-réseaux
Jordi Picart i Barrot
Manon Pierrel
Frédéric Renier

Violette Roche
Elzbieta Sanojca
SupAgro Florac
Vincent Tardieu
Laurent Tézenas
Françoise Viala
et les stagiaires Animacoop

Dessins :
Eric Grelet

Conception des parcours
Claire d'Hauteville
Hélène Laxenaire
Elzbieta Sanojca

Traduction en français :
Traduction collaborative par des membres du groupe AnimFr (de l'article sur la stimergie)

Traduction en anglais :
Koinos
Suzy Lewis-Vialar
Abdel Guerdane

Traduction en catalan :
Koinos
Jordi Picart i Barrot

Relecture (de la partie française) :
Caroline Seguin

Normalisation des fiches :
Cathy Azema
Gatien Bataille
David Delon
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Christian Resche
Cécile Trédaniel

Développement :
Florian Schmitt

Charte graphique :
Imago design

Montage et suivi du projet Leonardo :
Guy Levêque
Cathy Azema
Martine Pedulla
Stéphanie Guinard


Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre d'un projet de transfert d'innovation (TOI) financé par l'union européenne au travers du programme Léonardo Da Vinci.

Tous les contenus (textes, images, video) sont sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 FR. Cela signifie que vous pouvez librement les diffuser, les modifier et les utiliser dans un contexte commercial. Vous avez deux obligations : citer les auteurs originaux et les contenus que vous créerez à partir des nôtres devront être partagés dans les mêmes conditions, sous licence CC-BY-SA.

Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : animer

Ce qui freine

  • Manque de participation.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animateur.
  • Au niveau du projet.
  • Manque de temps.

Ce qui facilite

  • Au niveau des personnes.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animation.
  • Au niveau des projets.
  • Les neuf lois de la coopération.

1. Ce qui freine


Freins
Eric Grelet - CC By Sa


Principal écueil : manque de participation (situation de non-collaboration).

Au niveau des personnes

  • Manque de temps : pour s'approprier ces outils, pour s'en servir.
  • Peur du regard des autres, du jugement (des pairs), d'être ridicule.
  • Problème d'écrit, de langue.
  • Déconnexion au réel (trop virtuel, quelles personnes et quel(s) projet(s) sont derrière l'outil ?).
  • Difficulté à changer ses pratiques pour s'adapter à celles du groupe (résistance au changement).
  • Problèmes de droits d'auteur, propriété intellectuelle, peur de se faire piller les infos, la perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information.
  • Difficulté d'appropriation des outils, peur de la technique :
    • Peur de la difficulté.
    • Peur des outils internet.
    • Ordinateur = compliqué.
    • Hétérogénéité par rapport à l'appropriation des outils.
  • Accès difficile à internet :
    • Débit lent.
    • Logiciels obsolètes.
  • Difficulté à se loguer :
    • Perte du mot de passe.
    • Perte de l'adresse du site.
  • Manque de motivation par rapport au projet, ne voient pas dans le projet le lien avec leurs intérêts personnels :
    • Peur que les messages soient mal interprétés.
    • Habitude d'un fonctionnement centralisé.
    • Contexte institutionnel.

Au niveau des outils

  • Peur des outils, de la difficulté, interface pas assez ergonomique : l'ordinateur pose problème.
  • Matériel, connexion vétuste.
  • Protection, identification.
  • Pas adaptés aux besoins.
  • Mise en place pas assez progressive, ne prenant pas assez en compte les différentes étapes de la vie du groupe.
  • Difficulté à faire passer par l'écrit tout ce qui relève de l'émotionnel, second degrés.
  • Plusieurs outils pour le même usage.
  • Besoin du support papier, de concret.
  • Des outils trop compliqués.
  • On ne voit pas comment participer.
  • Évolution trop rapide des outils (visuels, fonctionnalités).

Au niveau de l'animateur

  • Trop de sollicitation (Urgent ! à valider, question mal dirigée).
  • Omniprésence ou absence de l'animateur.
  • Messages trop longs, trop d'information, pas clairs.
  • Fondateur = fossoyeur.
  • Salarié : le financement du poste prend le pas sur les objectifs du réseau.
  • Pas assez à l'écoute des besoins du groupe.
  • L'animateur fait au lieu de faire faire.
  • Confusion dans les rôles : animation, leadership, facilitateur.

Au niveau du projet

  • Dérive éthique, risque de rupture.
  • Représentation institutionnelle (perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information).
  • Démobilisation : mauvaise appréhension de l'implication.
  • Difficulté à percevoir concrètement le projet, ses résultats.
  • Pertinence du projet.
  • Vocabulaire : niveau de jargon partagé ?
  • Complexification : les participants ne voient plus la globalité.
  • Réseau qui s'institutionnalise.
  • Niveau d'engagement trop élevé.
  • Manque de visibilité : du temps nécessaire, de l'intérêt du projet, de la finalité du projet.
  • Pas de leader.
  • Pas de traces de l'histoire du projet.

Le temps

  • Manque de temps :
    • pour l'appropriation des outils
    • pour participer au projet.
  • Différences de rythme : salariés / bénévoles.

2. Ce qui facilite

Au niveau des personnes

  • Rencontres physiques, convivialité.
  • Évaluation par l'estime, citer tous les contributeurs
  • Mixer les publics (cf. forum).
  • Réduire les risques à participer, permettre la sortie et la multi-appartenance : procédure d'adhésion simplifiée, possibilité de désengagement !
  • Cercle vertueux de la motivation :
    • Projet / action qui a du sens
    • se sentir capable
  • Contrôlabilité :
    • Engagement cognitif.
    • Persévérance.
    • Réussite.
  • Réconcilier intérêt individuel et intérêt collectif.
  • Rendre visible les mécanismes.
  • Stratégie gagnant/gagnant.
  • Questionner les personnes sur leurs objectifs.
  • Accueil des nouveaux, parrainage.
  • Des supports techniques : savoir où se trouve le référent technique, avoir des modes d'emploi, des rubriques d'aides.

Au niveau des outils

  • Des règles de conduite.
  • Nétiquette.
  • Mise en place progressive.
  • Simplifier !!! Masquer des fonctionnalités.
  • Mode d'emploi, rubrique d'aide, formations...

Au niveau de l'animation

visibilite

  • Rendre visible l'activité du groupe : synthèse, reformulation, historique, rendre visible ce qui se passe dans les sous-groupes, actus régulières : résumés (TST)
  • Incitation forte pour faire évoluer les habitudes : mettre uniquement les CR sur wiki, faire des fautes volontaires dans le nom des gens
  • Des animateurs "professionnels" :
    • Métiers émergents.
    • Séparer les fonctions d'animation et de facilitation.
    • Savoir-être plus que savoir-faire.
    • En éveil permanent.
  • Synthétiser, reformuler, jardiner.

Au niveau du projet

  • Proposer un historique, un carnet des événements.
  • Minimiser les besoins de départ : mettre en ligne des productions inachevées.
  • Maîtrise des tâches critiques : compromis entre souplesse et pérennité du système, le projet doit se suffire d'un minimum de contributions.
  • Fonctionner en attention plutôt qu'en intention : laisser émerger des thèmes, des projets, en étant à l'écoute du groupe, définir des objectifs et non les résultats attendus.
  • Analyse du risque : volonté de réussite ou peur d'échouer ?
  • Définition des finalités et du pilotage (Matrice Sagace).
  • Objectifs clairs, charte.
  • Productions : Licences libres pour en faire des biens communs.

Les 9 lois de la coopération

  • Réduire les risques à participer.
  • Abaisser le seuil de passage à l'acte.
  • Biens non consommables et environnement d'abondance.
  • Les communautés qui durent convergent vers la coopération.
  • L'évaluation par l'estime.
  • Minimiser les besoins de départ .
  • Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques.
  • Le temps des opportunités.
  • N'oublier aucune des règles !

Abaisser le seuil de passage à l'acte

Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal

  • Logiciel libre :
    • Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte. (Jean-Michel Cornu)
  • Tela Botanica :
    • L'inscription est libre, gratuite et facile.
    • Utilisation Forum et Wiki.
  • Incitation à la participation par des exercices simples :
    • Faire une faute volontaire sur un nom de personne pour la faire réagir et l'inciter à corriger par elle-même.

Biens non consommables et environnement d'abondance

  • Tela Botanica : projet Flore de France Métropolitaine.
    • Issu du travail d'une personne : travail de nomenclature et taxonomie sur 75 000 noms.
    • 55 599 fiches modifiées par les membres du réseau.
    • Ajout de 46 794 noms vernaculaires (plusieurs langues).

Les communautés qui durent convergent vers la coopération

convergence

  • S'associer très en amont pour éviter la concurrence en aval.
    • GNU/Linux.
      • GNU et Free Software Foundation : 1985 .
      • Linux : 1991.
    • projet Flore de France Métropolitaine : 2001.

L'évaluation par l'estime

  • Tela : Projet compilation d'articles botaniques (25674 articles).

  • De Boissieu Henri - Un acer hybride nouveau pour la flore française. - 1912 - dendrologie, plante hybride, acer x bormulleri, localité, p. 77-78 - Société Botanique de France, Bulletin de la Société Botanique de France, Bull. Soc. Bot. Fr. (1904), Tome 59 - Fascicule 1 - Saisie : Jean TIMBAL -Art. n°13807.

  • Delahaye Thierry, Henze Gaston, Lequay Arthur - Les orchidées de Monthoux - 1996 - Savoie, Avant-pays, Acéracées, acer monspessulanum, Fabacées, Argyrolobium zanonii, p. 15-19 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°1 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°479.

  • Delahaye Thierry, Lequay Arthur, Prunier Patrice - Les découvertes botaniques de nos sociétaires en 1996 - 1997 - Savoie, violacées, Viola collina, loranthacées, Viscum album, acéracées, acer monspessulanum, joncacées, Juncus arcticus, liliacées, Erythronium dens-canis, p. 31-32 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°2 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°495.

Minimiser les besoins de départ

  • Linux a commencé par réutiliser le code et les idées de Minix (la totalité du code de Minix a été abandonnée ou réécrite complètement depuis).
  • Exemple "Cathédrale et Bazar" : Fetchmail basé sur popclient et Fetchpop.
  • Tela :
    • Récupération d'un travail de synonymie de M. Kerguelen sur 75 000 noms.
    • Récupération de nombreuses base de données constituées par des amateurs.
  • Mettre en ligne des documents inachevés car ils peuvent être améliorés par des contributeurs. Si on attend l'achèvement du document pour le mettre en ligne, la dynamique de réseau ne va pas s'enclencher.

Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques

  • Loi de Brooks : "Le fait d'ajouter des gens à un projet logiciel en retard, le retarde encore d'avantage" : la complexité augmente, quant à elle, comme le nombre d'échanges et donc comme le carré du nombre de personnes.
  • Tela Botanica :
    • L'association contractualise des partenariats et assume les responsabilités.
    • Les salariés fournissent des outils et des services et assurent la permanence.
    • Les membres du réseau montent des projets et donnent du sens au réseau.
    • Le comité de pilotage assure la coordination et valide les décisions.

L'analyse du risque

  • La peur d'échouer fait prendre un minimum de risque. On est alors tenté de tout blinder, c'est d'ailleurs une des caractéristiques actuelles : tout est balisé, verrouillé (notamment juridiquement). Au sein de certaines administrations par exemple, il existe un manque d'ouverture qui est le reflet d'un fonctionnement mental rigide.
  • A l'inverse, vouloir réussir suppose de mettre en oeuvre des moyens pour atteindre le but qu'on s'est fixé. Cette démarche renvoie à un schéma mental beaucoup plus ouvert et dynamique.

Auteurs : Association Outils-Réseaux et tous ses stagiaires
Crédits illustrations sous licence Creative Commons : CC-By Outils-Réseaux - CC-By Éric Grelet - CC-By Ell Brown - CC-By Cea - CC-By Marc Smith

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Cartographier pour donner une vision d'ensemble

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Vive les antagonismes !

1Que ce soit lors d'une discussion collective avec des points de vue différents, ou a fortiori lors d'un conflit, chacun défend sa position et la répète sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte ou même qu'elle s'impose face aux autres. Ce biais empêche en général chacun d'avoir une vue d'ensemble des points proposés : chacun cherche ce qui justifie sa position et éventuellement ce qui discrédite la position de l'autre. La discussion "tourne en rond".

A y regarder de plus près, il se joue deux choses dans ce type d'échanges : les participants cherchent à atteindre ensemble une vérité ou une solution, mais en remplaçant bien souvent la démarche rationnelle par une justification a posteriori.. des positions prises 2 ; et d'un autre coté se joue un jeu le plus souvent inconscient où chacun cherche à ne pas être mis en défaut mais plutôt à obtenir l'estime des autres. Le plus souvent, il existe également un présupposé qu'une seule solution est vraie ou au moins est la meilleure. Cette situation empêche fréquemment les participants de chercher d'autres propositions que celles qui sont données au début par eux. Les techniques de créativités permettent de sortir de ce cercle vicieux en conservant l'ensemble de ce qui est dit et en proposant aux participants de trouver des solutions nouvelles.

Un antagonisme est "une situation dans laquelle deux phénomènes ou leurs conséquences s'opposent dans leurs effets 3". Dans la fable des aveugles et de l'éléphant 4 , chaque aveugle touche une partie différente de l'animal et en tire une conclusion différente qui semble s'opposer aux autres. Mais un opposé n'est pas un contraire qui lui, est totalement incompatible avec la proposition de départ. Ainsi, on oppose souvent réussir et échouer. Mais ces deux opposés ne sont pas si incompatibles qu'ils le semblent au premier abord. Ceux qui ont réalisé des projets savent bien que dans la vie on rencontre à la fois des réussites et des échecs... Sauf à ne rien faire du tout ce qui permet ni de réussir ni d'échouer.5

Il est donc important de ne pas exclure des propositions dès le départ dans une discussion, mais au contraire de chercher de nouvelles idées pour enrichir la "carte" des possibles avant de chercher à faire un choix. 6

Les limites du discours

Prenons une image pour représenter le discours d'une personne. Il comprend un point de départ - souvent une question - un cheminement et un point d'arrivée qui en est la conclusion. En cela, il ressemble à une promenade par exemple dans une forêt, avec son point de départ, son cheminement et son point d'arrivée. Mais si nous cherchons à nous promener à plusieurs sans que tous acceptent de suivre une seule et même personne, alors les choses commencent à se gâter. Le conflit pourrait être représenté par un même point de départ et deux cheminements dans des sens opposés. Comment représenter ce conflit sous la forme d'un seul et même discours ? Nous pouvons présenter les cheminements l'un après l'autre, mais il n'est plus possible de présenter un seul point de départ, un seul cheminement et un seul point d'arrivée comme lorsque nous raisonnons à l'aide de la parole... De même l'intelligence collective peut être représentée comme plusieurs points de départ (plusieurs points de vue) pour un même point d'arrivée (l'objet à observer). Comme dans le cas des aveugles et de l'éléphant, il n'est plus possible également de représenter cela sous la forme d'un discours unique. La création pour sa part consiste à relier deux idées entre elles pour en créer une nouvelle. Là aussi, un discours unique ne permet pas de partir des nombreux points de départ potentiels vers les nombreux points d'arrivée possibles. Le discours est donc limité dans sa capacité à représenter certains domaines 7. Parfois même nous tournons en rond ! Jacques Monod 8 a montré que c'est notre langage symbolique et notre capacité à former des discours qui constitue notre intelligence. Ainsi, nous les humains disposons d'une intelligence qui nous permet de faire des discours parfois rationnels. Elle nous a permis de développer des civilisations et même d'envoyer des hommes sur la Lune. Mais cette forme d'intelligence ne nous permet ni de résoudre les conflits, ni de traiter l'intelligence collective, ni de faire de la créativité ! C'est sans doute pour cette raison que nous sommes les seuls animaux à avoir été capable de maîtriser l'atome mais que nous avons été assez bête pour nous envoyer des bombes atomiques sur nous même...

Une carte pour ne pas tourner en rond

Heureusement, nous n'avons pas que le discours et le langage classique pour développer notre intelligence. Les sciences cognitives ont montré que nous avons plusieurs mémoires de travail 9 qui nous permettent de conserver ces concepts à l'esprit. Or penser consiste à relier des idées entre elles. Nous faisons cela avec celles que nous avons "à l'esprit", présentes dans nos mémoires de travail. La "boucle phonologique" est une mémoire de travail qui s'intéresse aux idées qui s'enchaînent comme c'est le cas dans notre discours ou, pour reprendre notre analogie, comme les différents pas de notre cheminement durant notre promenade. Nous disposons également d'un "calepin visuo-spatial", une autre mémoire de travail qui elle s'intéresse aux différents concepts non reliés entre eux. Si nous reprenons notre analogie de la promenade dans la forêt, cette mémoire nous permet de constituer un plan rassemblant différents éléments pour nous orienter. Dans ce cas, il est possible de conserver à l'esprit plusieurs idées opposées ou bien simplement différentes. De même que de disposer d'une carte pour notre promenade collective permet de se situer et de situer les autres, il est possible de constituer une carte d'idées pour se situer dans un débat. Cette forme de pensée particulièrement adaptée à la résolution de conflit, à l'intelligence collective ou à la créativité, nous l'avons nommée "pensée-2" en reprenant le terme de Edward de Bono 10. La carte permet de voir tous les chemins en même temps et éventuellement d'en chercher de nouveaux non encore explorés. Nous pouvons la coconstruire en y mettant toutes les idées et les cheminement de chacun au cours d'un échange. Des outils tels que les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) permettent justement de cartographier les débats avec une grande efficacité.

Mais nos mémoires de travail, contrairement à nos mémoires à long terme sont très limitées. La boucle phonologique qui nous permet de conserver l'enchaînement des idées ne permet de conserver à l'esprit que trois concepts 11. Cette limite nous apparaît lorsque nous cherchons à "remonter" le fil d'une discussion que nous venons juste d'avoir. Nous retrouvons facilement les trois dernières idées mais avons du mal à aller au-delà. Avec cette limite, nous devrions être incapable de construire un discours de plus de trois idées. C'est effectivement le cas dans le langage animal. Mais nous les humains, avons réussit à dépasser cette barrière grâce à une augmentation... culturelle. L'invention du langage symbolique nous a permis de stocker dans une de nos mémoire à long terme 12 plusieurs milliers de concepts sous la forme de mots symboliques. Nous puisons dans cette mémoire à long terme pour alimenter notre petite mémoire à court terme en enchaînant les mots les uns à la suite des autres pour constituer des discours. Ainsi, grâce à cette alimentation en continue de concepts pré-empaquetés dans des mots, nous pouvons constituer des discours sans limite. Nous sommes tellement fiers de cette avancée majeure que nous n'arrêtons plus de parler... Même notre inconscient parle nous dit Jacques Lacan !

Notre deuxième mémoire de travail, le calepin visuo-spatial qui nous permet de constituer des cartes d'idées que nous pourrons chercher à relier par la suite, est limitée également. Son "empan mnésique", la taille de ce que nous pouvons conserver en tête à un moment donné, est compris entre cinq et neuf 13. Nous pouvons nous rendre compte de cette limite si on nous présente une photo avec plusieurs personnes et qu'une fois seulement la photo retirée, on nous demande combien de personnes s'y trouvaient. Si le nombre est peu élevé, jusqu'à environ sept, nous pouvons recompter à partir de l'image mentale que nous avons conservée de la photo. Mais si le nombre de personnes est plus important, nous sommes incapable de les compter a posteriori. Une fois de plus, nous avons une limite commune avec la plupart des animaux. Mais sans outils cognitifs nous permettant de la dépasser, nous sommes incapable de nous souvenir de plus de cinq à neuf idées dans un échange et nous perdons toute la richesse du débat. L'humain du XXIe siècle est même désavantagé car il est tout le temps sollicité et doit conserver en mémoire plusieurs choses. Bien souvent, nous ne réagissons plus dans un débat que par rapport à une ou deux idées qui nous ont marquées en oubliant toutes les autres...

Augmenter notre capacité à cartographier les débats

Tout comme nous avons pu augmenter notre capacité à construire des discours en stockant dans notre mémoire à long terme des mots symboliques, il est possible d'augmenter notre capacité de construire des cartes mentales. "L'art de la mémoire" consiste à stocker dans sa mémoire à long terme des lieux symboliques - appelés Loci - puis à les associer aux idées qui apparaissent dans les échanges (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées). Nous pouvons ainsi conserver dans notre mémoire à long terme suffisamment de concepts pour dépasser les limitations de notre mémoire à court terme.

L'art de la mémoire14

Dans le cas de la pensée-2, nous avons vu que nous étions limités par la taille de notre mémoire de travail à court terme. Pour dépasser cela, nous pourrions utiliser une carte déjà conservée dans notre mémoire à long terme (par exemple, un plan de ville) pour y stocker les différents concepts qui seront reliés à un des lieu sur notre carte.

C'est exactement ainsi que fonctionne l'art de la mémoire 15 dont Cicéron attribue l'origine aux Grecs 16. Lors d'un banquet, raconte-t-il, le poète Simonide de Céos fut invité comme il était de tradition pour faire l'éloge du maître des lieux. Mais il y inclut un passage à la gloire de Castor et Pollux. Scopas, le maître de céans, dit alors à Simonide qu'il ne lui paierait que la moitié de son dû et qu'il n'avait qu'à demander le solde aux dieux jumeaux. Un peu plus tard au cours du repas, une personne appelle Simonide pour lui dire que deux jeunes gens l'attendent dehors. À peine sorti de la maison, il voit le toit s'effondrer sur l'ensemble des convives. Les corps sont écrasés à tel point qu'ils sont méconnaissables pour leurs proches venus les identifier. Le poète est alors capable de reconnaître la totalité des victimes en se rappelant les places qu'ils occupaient lors du banquet fatal.

Progressivement, d'un simple système mnémotechnique, l'art de la mémoire s'est transformé en un système qui ambitionnait de catégoriser l'ensemble de la pensée humaine sur un plan spatial. Bien au-delà du simple procédé mnémotechnique, ce système dessinait un art de créer de la pensée 17. Mais l'utilisation même de l'expression "art de la mémoire" a sans doute poussé à oublier ces techniques au moment où l'imprimerie, puis l'ordinateur se substituaient à nos capacités de mémoire. Pourtant ce type de méthode, utilisé dès le Moyen Âge par les moines, permet de penser avec un très grand nombre de concepts simplement en les associant à des parties d'un lieu connu, conservé quant à lui dans notre mémoire à long terme.

On retrouve des traces de ces méthodes de pensée alliant concepts et lieux symboliques -pas toujours des lieux physiques mais des cartes apprises et conservées en mémoire- dans de nombreux domaines : l'utilisation des psaumes 18, les contes oraux 19, les griots africains, le Yi King, la calligraphie chinoise...

Quelle type de carte pour l'intelligence collective ?

Pour permettre le développement de l'intelligence collective par exemple dans la production d'un document collectif ou la résolution des conflits, nous pouvons donc utiliser des cartes afin de montrer les différents cheminements des participants et en découvrir de nouveaux. L'utilisation des schéma heuristiques (mind mapping) est particulièrement puissant. Lors de réunions en présentiel il est possible de projeter la carte sur un mur à la vue de tous afin de permettre à chacun d'avoir une vue d'ensemble et ainsi de changer totalement la façon dont les participants proposent de nouvelles pistes plutôt que de ne répéter que celles dont ils se souviennent... Généralement la leur.

Mais il existe des limitations à cette approche : la carte heuristique devient vite complexe. Quelqu'un qui arrive en cours de route aura du mal à s'y retrouver. Ceux qui suivent la construction de la carte depuis le début, peuvent l'utiliser de façon plutôt très efficace... jusqu'à ce que le projecteur soit éteint. Le nombre d'idées posées sur la carte dépasse le plus souvent les limites de notre mémoire de travail et dès la fin de la séance nous arrêtons de penser et ne conservons plus que quelques conclusions reflétant mal la richesse de la discussion. Nous avons testé avec succès la superposition d'une carte d'idée sur un territoire suivant la méthode de l'art de la mémoire. La bibliothèque francophone du metaverse a créé une île virtuelle 20 contenant les différents concepts de notre livre Prospectic 21 sur les sciences et technologies émergentes (Nanotechnologies, Biotechnologies, Sciences de la complexité, Informatique, Neurosciences, Cognition...). Par ailleurs, dans le cadre d'un débat public sur la biologie de synthèse organisé par Vivagora sur 6 séances réparties sur un an, nous avons cartographié en temps réel les idées et opinions sur une ville imaginaire 22.

Cette méthode utilisant des cartes heuristiques couplées à un territoire construit au fur et à mesure s'est révélé particulièrement puissante lors de séances en présentiel ou même lors de réunions en ligne (rencontres synchrones). Pour les échanges en ligne asynchrones, lorsque chacun réagit à la discussion au moment qu'il choisit, il en va différemment. En effet, dans ce cas, le niveau d'attention des participants est très variable depuis les plus proactifs jusqu'aux observateurs épisodiques23. Il devient difficile de co-construire progressivement une carte en gardant l'attention de chacun. Par ailleurs, il est également difficile de trouver des lieux suffisamment connus de tous pour servir de base pour y placer une ou deux centaines de concepts. Nos maisons et notre environnement sont bien mémorisés dans nos têtes et peuvent servir de support à l'art de la mémoire. Mais ils sont différents pour chacun et ne peuvent être utilisés qu'individuellement. La carte du monde pourrait éventuellement servir de base car nous en avons déjà mémorisé une partie, mais il est délicat de placer des idées souvent subjectives sur des pays ou des territoires habités. Où placer par exemple la notion de déviance ? Le meilleur candidat semble encore la carte du corps humain où une personne même non instruite sait situer des dizaines de lieux différents. Vivian Labrie a expérimenté cette approche avec des "sculptures humaines" constituée de plusieurs participants lors de débats sur la pauvreté au Québec 24. Par ailleurs, lors d'un débat en ligne, les participants qui adoptent une attitude réactive, environ dix fois plus nombreux que les proactifs, reçoivent les contributions et les synthèses dans un outil qu'ils lisent régulièrement plutôt orienté texte (mail, Facebook, Twitter) 25 et ne vont bien souvent pas faire l'effort d'aller chercher sur une page particulière la carte heuristique présentée sous forme graphique. Demander de cliquer sur un lien dans un texte envoyé, réduira à environ la moitié le nombre de personnes qui pourront réagir.

Pour les débats en ligne, il est donc plus intéressant d'avoir une carte constituée exclusivement de texte (même si dans le cas de Twitter, il est toujours nécessaire de cliquer sur un lien si on veut proposer plus de 144 caractères). Le texte, lorsqu'il est formaté, propose effectivement ce type de possibilité avec les listes à point structurée (qui constituent une arborescence comme les schémas heuristiques) et différents artifices qui permettent de naviguer sur le texte comme sur une carte, sans avoir besoin de lire le texte du début à la fin (gras, soulignés...). Si on conserve la "carte heuristique textuelle" courte, de la taille d'un écran moyen d'ordinateur, alors on peut permettre aux participants d'avoir une vision d'ensemble des échanges et d'utiliser la pensée 2 pour produire de l'intelligence collective.

  • 1 Ces idées ont été présentées à l'origine dans Cornu Jean-Michel, « Modes de pensée et conflit d’intérêt » [en ligne], in Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation, ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/files//ProspecTIC_pensee2.pdf>.
  • Disponible dans l'article : « Nous avons non pas un mais deux modes de pensée » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/nous-avons-non-pas-un-mais-deux-modes-de-pensee>, (consulté le 4 février 2014).
  • 2 La démarche rationnelle consiste à émettre une hypothèse et ensuite à chercher à la réfuter. En effet, depuis Aristote, nous savons qu'il n'est pas possible de démontrer qu'une théorie générale - Aristote parle de "proposition universelle"- est vraie (une phrase du type tous les lapins ont une queue ne peut pas être vérifiée totalement car on est jamais sûr d'avoir pu observer tous les lapins...). La démarche rationnelle consiste donc à chercher à démonter que la théorie est fausse. Si on n'y arrive pas alors la théorie est considérée suffisamment bonne pour être considérée comme vraie provisoirement... jusqu'à ce qu'une réfutation l'invalide (voir la théorie vérificationniste de la signification de Karl Popper). La démarche scientifique s'appuie sur la démarche rationnelle mais en tentant de tirer des prévisions vérifiables de la théorie, qui permettent de la réfuter... ou non.
  • 3 « Antagonisme » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Antagonisme>, (consulté le 4 février 2014).
  • 4 Voir "Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes" - la parabole des aveugles et de l'éléphant
  • 5 Pour en savoir plus, voir le carré sémiotique ("square of opposition" en anglais) : « Le carré Sémiotique » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/le-carre-semiotique>, (consulté le 4 février 2014).
  • 6 Voir "Le choix a posteriori"
  • 7 Cela est dû au fait que nous utilisons un langage oral ou écrit mais qui se déroule de façon séquentielle. D'autres formes de langage pourraient permettre de montrer simultanément deux ou plusieurs notions. C'est le cas par exemple de la danse. Les abeilles utilisent cette forme de langage (sans cependant avoir un langage symbolique élaboré comme le nôtre). De même la langue des signes pour les sourds et malentendants, permet certaines choses qui sont impossible avec le langage oral, par exemple dire avec la main gauche une chose et autre chose, même opposée avec la main droite !
  • 8 Monod Jacques, Le hasard et la nécessité: essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne, Points. Série Essais, ISSN 1264-5524 43, 1 vol., Paris, France, Éd. du Seuil, 1970.
  • 9 Baddeley Alan D., Hitch G.J., « Working memory », in G. H. Bower (éd.), The psychology of learning and motivation : Advances in research and theory Volume 8, vol. 8, New York, Academic Press, 1974, p. 47‑90.
  • 10 Bono Edward De, Conflits: comment les résoudre, trad. Terrier Anne, 1 vol., Paris, France, Eyrolles, 2007.
  • 11 Braddeley, A. D., Hitch, G. J. et Bower, G. ibid.
  • 12 Appelée "mémoire sémantique"
  • 13 Miller George A., « The magical number seven, plus or minus two: some limits on our capacity for processing information. », Psychological review 63 (1956/2), p. 81.
  • 14 Extrait de Jean-Michel Cornu, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, ibid.
  • 15 Yates Frances Amelia, L’art de la mémoire, trad. Arasse Daniel, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, impr. 1987, 1987.
  • 16 Cicéron, De l’orateur, trad. Courbaud Edmond Éditeur scientifique, Collection des universités de France, ISSN 0184-7155, 1 vol., Paris, France, Les Belles Lettres, 1966.
  • 17 Carruthers Mary J., Machina memorialis: méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Age, trad. Durand-bogaert Fabienne, Bibliothèque des histoires, ISSN 0768-0724, 1 vol., Paris, France, Gallimard, 2002.
  • 18 Carruthers, Mary J. ibid.
  • 19 « Des cartes pour décrire des contes : rencontre avec Vivian Labrie » [en ligne], Le blog de Jean-Michel Cornu, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/des-cartes-pour-decrire-des-contes>, (consulté le 4 février 2014).
  • 20 « Ile Prospectic » [en ligne],  ProspecTIC, disponible sur <http://prospectic.fing.org/texts/ile-prospectic>, (consulté le 4 février 2014).
  • 21 Cornu Jean-Michel, Nouvelles technologies, nouvelles pensées ?, Innovation (Limoges), ISSN 1961-8328, 1 vol., Limoges, France, FYP éditions, 2008.
  • 22 « Biosynth-ville : la ville de la biologie synthétique » [en ligne], Vivagora, disponible sur <http://web.archive.org/web/20130619184123/http://www.vivagora.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=436:biosynth-ville-la-ville-d-ela-biologie-synthetique&catid=21:nos-actions&Itemid=111>, (consulté le 4 février 2014).
  • 23 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"
  • 24 « Collectif pour un Québec sans pauvreté » [en ligne], disponible sur <http://www.pauvrete.qc.ca/>, (consulté le 4 février 2014).
  • 25 Voir "La taille des groupes et les rôles des membres"

En résumé

Dans un échange à plusieurs, et plus encore dans un conflit, chacun à tendance à défendre sa position et à la répéter sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte. Dans les faits, très souvent les différents points de vue ne s'excluent pas mais au contraire se complètent pour donner ensemble une vision plus globale. Pour dépasser cette difficulté, il faut prendre en compte nos deux modes de pensée qui utilisent chacun une mémoire de travail différente.

Le premier, basé sur le discoursconsiste à placer les idées les unes à la suite de l'autre, un peu comme nous plaçons un pas devant l'autre pour avancer depuis un point de départ jusqu'à un point d'arrivée en suivant un cheminement. Ce mode de pensée permet en particulier l'approche rationnelle mais il prend très difficilement en compte le conflit (un point de départ, deux directions), l'intelligence collective (plusieurs points de vue sur le même point d'arrivée) ou encore la créativité (trouver de nouveaux chemins entre plusieurs points de départ et plusieurs points d'arrivée) qui utilisent tous les trois un autre mode complémentaire.

Le deuxième mode de pensée est basée sur la cartographie. Il consiste à disposer toutes les idées en fonction de leur proximité sur une même carte mentale, sans chercher à les sélectionner a priori pour obtenir une vision la plus complète des idées et des chemins possibles. Les schémas heuristiques (mind mapping en anglais) co-construits et projetés à la vue de tous lors de séances sont très performants pour donner une vision globale aux membres du groupe et ainsi permettre de chercher de nouvelles idées et de nouveaux points de vue plutôt que chacun ne se focalise que sur une ou quelques idées déjà proposées.
Pour aller plus loin, deux approches sont possibles :
  • L'art de la mémoire : Lors de rencontres synchrones (en ligne ou en présentiel), il est possible de coupler la carte d'idée avec une autre carte souvent territoriale que chacun peut conserver plus facilement dans sa mémoire à long terme. Il peut s'agir d'un lieu connu de tous (leur cathédrale pour les moines du Moyen Âge) ou à défaut d'un lieu co-construit (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées) ;
  • Les cartes textuelles : dans les échanges asynchrones en ligne, les personnes qui adoptent une attitude réactive (dix fois plus nombreux que les proactifs) et les "observateurs" (encore plus nombreux) utilisent des outils qui gèrent mal le mode graphique (mail, Facebook, Twitter). Proposer une carte dessinée nécessite alors de fournir un lien vers une page web qui contient la carte. Mais dans ce cas, une moitié seulement environ des participants vont voir la carte. Il est cependant possible d'utiliser les possibilités de présentation des textes pour permettre une carte textuelle qui ne nécessite pas d'être lue en entier comme un texte mais peut être parcourue comme une carte : listes à points et à sous-points, formulation courte des idées tenant sur maximum une ligne, gras, soulignés, italique pour mettre en valeur certains mots clés.


Mot clé : #cartographier


Crédits photographiques : By วาดโดยบุญศิริ เทพภูธร สพอ. นครหลวง จ.พระนครศรีอยุธยา [Public domain], via Wikimedia Commons

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Changement de posture pour les association : tournez vous vers la coopération

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche et Claire Herrgott - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Mise en place d'une formation d'une journée sur l'animation de réseau, à destination d'associations locales.

Pourquoi CoopLoc ?

Suite à la formation CoopTic, nous devions transmettre ce que nous avions appris à une quinzaine d'animateurs, ce qui fut nommé "phase de démultiplication". Habitantes de Lozère où le tissu associatif est dense, nous souhaitions partager nos expériences avec les associations locales. Nous entendions souvent : on retrouve les mêmes personnes dans les différentes associations, les gens ne participent pas,...alors comment faire pour favoriser la participation ? comment "outiller" les salariés ou les bénévoles pour optimiser leur façon d'animer ces réseaux associatifs ?

La formalisation du projet

Au départ, nous nous interrogions sur la durée de la formation, sur le nombre de participants, sur le contenu ; nous voulions aborder tellement de choses entendues et vécues à Cooptic.
Lors des Rencontres Moustic, nous nous sommes inscrites à l'atelier sur la méthode Accélérateur de projet. En quarante cinq minutes, nous avions enfin notre trame et des réponses à notre question "Concevoir un dispositif de formation sur 6 heures pour 15 personnes avec 3 objectifs : vivre une expérience irréversible de coopération, découvrir des outils collaboratifs, et appréhender un changement de posture pour faciliter la participation des membres à un réseau ou une association".
Grâce à cette méthode, une dizaine de personnes a débroussaillé le terrain et nous a ouvert des pistes d'action.

Quels outils pour l'organisation?

Selon les tâches à réaliser, les outils utilisés étaient différents:
  • Un wiki : dans lequel, nous avons créé une rubrique Organisation (ruban pédagogique, questionnaire), une rubrique Formation (une page participants où chacun pouvait se présenter, une page déroulé de la journée , une page pique-nique pour l'organisation d'un pique nique collaboratif), une rubrique Ressources (des liens sur des réseaux et des formations d'animateur, des sites, des articles, des outils, une bibliographie)
  • Un dossier partagé sur Google drive : un formulaire pour l'inscription des participants, un pour le bilan envoyé une semaine après; un fichier texte pour écrire à deux le courrier à envoyer aux participants; un fichier texte pour rédiger, suite à la formation, l'article de presse sur lequel les participants pouvaient contribuer ;
  • Un pad : pour l'écriture collaborative pendant la journée ;
  • Un freeplane : un pour une présentation synthétique du programme de la journée, avec des liens internet ; et un autre rempli, en direct, en fin de journée, rendant compte des remarques des stagiaires ;
  • Un doodle : pour l'organisation du pique-nique, envoyé à chaque participant pour susciter un peu de partage
  • Une dropbox : pour y stocker des documents finalisés (le courrier finalisé en pdf, le freeplane, le modèle de la feuille d'émargement, le tableau pour le déroulé des barcamps).

Le fait d'avoir mutualiser sur la plate-forme CoopTic des ressources, pendant notre propre formation, nous a permis de récupérer certaines parties de cours, (notamment le cours de Jean-Michel Cornu sur La coopération en 28 mots clés)

Au sein de l'établissement, il a été demandé de remplir un tableau, en ligne, sur les différentes associations connues de chacun, avec mail, adresse, pour élargir notre offre.

L'utilisation de ces outils permet de réduire le nombre de réunions, de pouvoir travailler sur des documents en ligne, voire à distance, à plusieurs (d'en améliorer le contenu), et d'impliquer les stagiaires en amont de la formation, ainsi qu'en aval.

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Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes ? (1ère partie)

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Comment passer du café du commerce à l'intelligence collective ?

La parabole des aveugles et de l'éléphant 1

Six hommes d'Inde, très enclins à parfaire leurs connaissances, allèrent voir un éléphant (bien que tous fussent aveugles) afin que chacun, en l'observant, puisse satisfaire sa curiosité. Le premier s'approcha de l'éléphant et perdant pied, alla buter contre son flanc large et robuste. Il s'exclama aussitôt : "Mon Dieu ! Mais l'éléphant ressemble beaucoup à un mur!". Le second, palpant une défense, s'écria : "Oh ! qu'est-ce que cet objet si rond, si lisse et si pointu? Il ne fait aucun doute que cet éléphant extraordinaire ressemble beaucoup à une lance !". Le troisième s'avança vers l'éléphant et, saisissant par inadvertance la trompe qui se tortillait, s'écria sans hésitation : "Je vois que l'éléphant ressemble beaucoup à un serpent !". Le quatrième, de sa main fébrile, se mit à palper le genou. "De toute évidence, dit-il, cet animal fabuleux ressemble à un arbre !". Le cinquième toucha par hasard à l' oreille et dit : "Même le plus aveugle des hommes peut dire à quoi ressemble le plus l'éléphant ; nul ne peut me prouver le contraire, ce magnifique éléphant ressemble à un éventail !". Le sixième commença tout juste à tâter l'animal, la queue qui se balançait lui tomba dans la main. "Je vois, dit-il, que l'éléphant ressemble beaucoup à une corde !". Ainsi, ces hommes d'Inde discutèrent longuement, chacun faisant valoir son opinion avec force et fermeté. Même si chacun avait partiellement raison, tous étaient dans l'erreur.

Du café du commerce 2 ...

Habituellement, nous considérons que si une idée est vraie, alors l'idée contraire est fausse. C'est ce que l'on appelle le principe de non-contradiction qui est à la base de notre logique telle que l'a définie Aristote. Cependant Eubulide de Millet, qui en était un adversaire a montré grâce au paradoxe du menteur 3 que cela n'était pas nécessairement juste : "Un homme disait qu'il était en train de mentir. Ce que l'homme disait est-il vrai ou faux ?". Cette phrase ne peut être ni vraie... ni fausse ! De même, comme dans la parabole de l'éléphant, il y a des affirmations qui peuvent sembler contradictoire mais sont toutes vraies 4 . On parle alors d'antinomie. C'est particulièrement le cas, lorsque l'on cherche à avoir plusieurs points de vue différents sur un sujet.

Comment produire un doc
Eric Grelet - CC By Sa


Armé du principe de non-contradiction, nous passons beaucoup de temps, non pas à chercher ce qui est vrai ou faux, mais à justifier ce que nous avons dit précédemment ... Et donc que les autres qui proposent des arguments différents sont dans l'erreur. Une très grande majorité du temps de discussion est ainsi consacré pour chacun à répéter sa propre affirmation pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte et à la justifier. Le fond de la discussion bien souvent, ne consiste plus à chercher ce qui est vrai, mais à ne pas être mis en défaut et même si possible à obtenir la reconnaissance des autres pour avoir dit quelque chose considéré comme vrai.

...A l'intelligence collective

Pour sortir du "café du commerce", il est nécessaire de chercher dans un premier temps non pas ce qui est vrai mais les différents points de vue sur un sujet. Plus le nombre de personnes qui proposerons un point de vue sera grand, plus la vision aura des chances d'être plus complète. A ce stade, la discussion peut s'accommoder de visions approximatives, voire apparemment fausses, l'objectif étant de rassembler le plus grand nombre de point de vue différents et d'en susciter de nouveaux pour compléter ceux déjà rassemblés.

Mais nous devons également composer avec nos propres limitations cognitives. Ainsi, nous ne pouvons garder à l'esprit que les trois derniers éléments d'une discussion 5. Lorsque nous prenons du recul par rapport au discours, nous pouvons avoir une vue d'ensemble des différents affirmations ou arguments, mais là encore nous sommes limités et ne pouvons conserver à l'esprit qu'entre 5 et 9 idées 6. Pour permettre de traiter un sujet par l'intelligence collective, nous allons donc devoir avoir une méthode pour travailler avec un très grand nombre de personnes, cartographier l'ensemble des idées proposées tout en s'interdisant dans un premier temps de sélectionner certaines idées et d'en éliminer d'autres.

Les trois principes pour construire des idées à plusieurs

Pour arriver à lever les difficultés de la discussion collective, il est nécessaire de prendre en compte trois principes de l'intelligence collective qui sont assez contre intuitifs mais qui vont servir de base à la construction d'une méthode qui permet de produire des idées et des contenus avec plusieurs centaines de personnes.

La taille des groupes et les rôles des membres 7

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante (principe du 90-9-1) : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte.

Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes présentent un intérêt particulier : ils sont un passage obligé pour les groupes qui ont vocation à devenir très grands, et surtout ils représentent une taille qui correspond bien au nombre de personnes que l'on peut rassembler sur beaucoup de thèmes assez précis. Ils nécessitent cependant de bien prendre en compte les membres qui ont adoptés une attitude réactive (que l'on peut atteindre dans les système en ligne par des outils push comme le mail, Facebook ou Twitter plutôt que par des outils pull comme le web ou les forums) et pas seulement les proactifs qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.

Le choix a posteriori 8

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance ;
Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (grand groupe, information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités ;
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quelque soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies.

Par exemple, dans un grand groupe au-delà de cent personnes, il est possible, grâce au nombre suffisant de membres adoptant un rôle réactif, de faire ressortir le maximum de points de vue et de ne choisir qu'a posteriori ceux que l'on souhaite conserver : "Étant donné suffisamment d'observateurs, toutes les pistes applicables à un problème donné sautent aux yeux". Mais si le groupe est plus petit que un ou deux milliers de personnes, le nombre de membres qui adoptent une attitude proactive et a fortiori le nombre de personnes qui participent à la coordination du groupe est faible. La coordination de groupes inférieur à quelques milliers doit donc faire appel à des stratégies de planification et/ou de négociation.

Cartographier pour donner une vision d'ensemble 9

Dans un échange à plusieurs, et plus encore dans un conflit, chacun à tendance à défendre sa position et à la répéter sans cesse pour être sûr qu'elle soit bien prise en compte. Dans les faits, très souvent les différents points de vue ne s'excluent pas mais au contraire se complètent pour donner ensemble une vision plus globale. Pour dépasser cette difficulté, il faut prendre en compte nos deux modes de pensée qui utilisent chacun une mémoire de travail différente.

Le premier, basé sur le discours consiste à placer les idées les unes à la suite de l'autre, un peu comme nous plaçons un pas devant l'autre pour avancer depuis un point de départ jusqu'à un point d'arrivée en suivant un cheminement. Ce mode de pensée permet en particulier l'approche rationnelle mais il prend très difficilement en compte le conflit (un point de départ, deux directions), l'intelligence collective (plusieurs points de vue sur le même point d'arrivée) ou encore la créativité (trouver de nouveaux chemins entre plusieurs points de départ et plusieurs points d'arrivée) qui utilisent tous les trois un autre mode complémentaire.

Le deuxième mode de pensée est basée sur la cartographie. Il consiste à disposer toutes les idées en fonction de leur proximité sur une même carte mentale, sans chercher à les sélectionner a priori pour obtenir une vision la plus complète des idées et des chemins possibles. Les schémas heuristique (mind mapping en anglais) co-construits et projetés à la vue de tous lors de séances sont très performants pour donner une vision globale aux membres du groupe et ainsi permettre de chercher de nouvelles idées et de nouveaux points de vue plutôt que chacun ne se focalise que sur une ou quelques idées déjà proposées.

Pour aller plus loin, deux approches sont possibles :
L'art de la mémoire : Lors de rencontres synchrones (en ligne ou en présentiel), il est possible de coupler la carte d'idée avec une autre carte souvent territoriale que chacun peut conserver plus facilement dans sa mémoire à long terme. Il peut s'agir d'un lieu connu de tous (leur cathédrale pour les moines du Moyen Âge) ou à défaut d'un lieu co-construit (il est plus facile de mémoriser à long terme un territoire que des idées) ;
Les cartes textuelles : dans les échanges asynchrones en ligne, les personnes qui adoptent une attitude réactive (dix fois plus nombreux que les proactifs) et les "observateurs" (encore plus nombreux) utilisent des outils qui gèrent mal le mode graphique (mail, Facebook, Twitter). Proposer une carte dessinée nécessite alors de fournir un lien vers une page web qui contient la carte. Mais dans ce cas, une moitié seulement environ des participants vont voir la carte. Il est cependant possible d'utiliser les possibilités de présentation des textes pour permettre une carte textuelle qui ne nécessite pas d'être lue en entier comme un texte mais peut être parcourue comme une carte : listes à points et à sous points, formulation courte des idées tenant sur maximum une ligne, gras, soulignés, italique pour mettre en valeur certains mots clés ;

Appliquer ces principes pour produire de l'intelligence collective

A partir des principes présentés dans les parties précédentes, nous pouvons commencer à poser quelques règles pour permettre de produire des idées et des contenus avec plusieurs centaines de personnes. Nous traiterons ici plus particulièrement d'échanges en ligne asynchrones qui peuvent être enrichis ponctuellement par des rencontres synchrones en présentiel ou en ligne.

1. Le groupe doit avoir au minimum une centaine de membres.
Ceux-ci ne vont plus contribuer systématiquement comme dans un petit groupe. Tant que le groupe ne dépasse pas plusieurs milliers, voir plusieurs dizaine de milliers il est important de se focaliser sur les personnes qui adoptent une attitude réactive (cette taille de groupe est la plus courante. Même dans les très grands groupes de dizaine de milliers de personnes, seul un sous-groupe va s'intéresser à un contenu spécifique). Selon la règle des 90-9-1, les réactifs seront au moins une dizaine ce qui est suffisant pour démarrer une dynamique et éventuellement encourager d'autres participations.

2. Le ou les animateurs ont un rôle particulièrement critique.
En effet les animateurs doivent être par définition proactifs. Or ceux-ci, dans un groupe entre une centaine et un ou deux milliers de membres, ne représentent que quelques personnes. Les erreurs ou le manque de proactivité d'un animateur peuvent entraîner une inaction de tout le groupe. Dans un groupe jeune (en général moins de deux ans), l'animateur ou le petit groupe d'animation a un rôle central. On parle même dans le logiciel libre de "dictateur bienveillant". Pour un groupe plus mature, il est possible d'avoir des personnes différentes qui, suivant les thèmes abordés, prennent un rôle d'animation. Dans ce cas si l'animation d'une discussion est toujours un rôle contraint, il l'est moins pour l'ensemble du groupe qui pourra avoir des discussions qui aboutissent et d'autres non.

3. Laisser exprimer toutes les idées sans faire choix dans un premier temps.
Il faut au contraire "ouvrir les possibles" pour identifier toutes les idées qui pourraient être ajoutées, plutôt que de supprimer celles déjà émises. Des idées qui semblent a priori moins intéressantes peuvent se révéler extrêmement riches bien qu'a priori contre intuitives. Même si une idée proposée se révèle effectivement stupide, elle peut en susciter d'autres tout à fait intéressantes.

4. Une synthèse sous forme de carte donne une vision d'ensemble des échanges.
Dans le cas des échanges en ligne asynchrone, il vaut mieux utiliser une "carte textuelle" qui peut être reçu par pratiquement tout le monde. Elle ne nécessite pas d'être lue en entier comme un texte mais peut être parcourue comme une carte (avec des listes à points et sous points, des gras et des soulignés pour faire ressortir des mots...). C'est ce point qui demande le plus de travail d'animation. Des outils et des méthodes doivent permettre de réduire ce temps au mieux.

5. Au moins quelques informations doivent être envoyés en "push".
Pour toucher les réactifs il faut fournir au moins certaines information en push (l'information est envoyée directement sur un compte que lit la personne régulièrement : mail, Facebook ou Twitter). Mais suivant le nombre de membres, l'activité de la discussion et l'acceptation plus ou moins grande pour chacun de recevoir directement des informations, il faut également pouvoir offrir l'accès à l'ensemble de l'information avec des outils pull pour ceux qui le veulent (la personne va chercher elle même l'information en allant sur un forum, les archives mail ou d'autres pages web). Il faut donc trouver le juste équilibre entre ce qui est envoyé à tout le monde et ce qui n'est pas envoyé mais doit aller être cherchée par ceux qui le veulent (depuis la liste de discussion ou tout est reçu par tout le monde jusqu'à l'envoi des seules synthèses, en passant par l'envoi en plus d'une sélections de quelques contributions stimulantes incitant les lecteurs à réagir).

6. Ce sont les itérations de contributions/synthèses qui apportent l'intelligence collective 10.
La cartographie des différents points de vue permet d'obtenir une meilleure vision d'ensemble (comme dans la parabole des aveugles et de l'éléphant). Mais l'intelligence collective commence réellement lorsque les participants s'appuient sur ce qu'ont dit les autres (ou plus précisément sur la cartographie d'ensemble de ce qui a été dit) pour proposer des idées nouvelles qu'ils n'auraient pas eu autrement. Ainsi chaque cycle de contributions puis de synthèse augmente le niveau d'intelligence collective et permet d'arriver à des propositions qui pour certaines sont particulièrement innovantes et pertinentes.

Méthode pour produire un texte collectif jusqu'à quelques milliers de participants

L'objectif de cette méthode est de produire du contenu de façon collaborative, non seulement en y intégrant les contributions initiales de chacun mais aussi et surtout les contributions issues des échanges. Elle s'appuie sur des synthèses régulières sous la forme de cartographies textuelles (un texte qui peut être parcouru comme une carte plutôt que lu de bout en bout avec des listes à point et à sous point, des gras et des soulignés pour faire ressortir des mots, etc.). Il s'agit de donner une vision d'ensemble de ce qui a été déjà proposé pour concentrer les contributions sur des idées nouvelles.

Cette méthode se concentre sur les "grands groupes" en ligne, suffisamment grands pour avoir des réactions sans trop d'effort (une centaine ou plus de membres) tout en n'atteignant pas la taille suffisante pour pouvoir se concentrer uniquement sur les proactifs (au-delà de plusieurs milliers). Cela représente une très grande partie des groupes en ligne souhaitant produire en commun des contenus sur un thème plus particulier. Dans ce cas, l'accent est mis sur les personnes ayant adoptés une attitude réactive qui sont en général dix fois plus nombreux que ceux qui ont adoptés une attitude proactive.

Les deux premières parties présentées ci-après, se concentrent sur les outils et la constitution du groupe pour ceux qui créent leur groupe ou bien qui ont des groupes encore trop petits. La partie suivante sur la veille, la compréhension commune et l'idéation constitue le coeur de la méthode pour constituer une vision d’ensemble structurée d’idées collectives. Les deux dernières parties sur le choix dans les idées et la rédaction permettent d’obtenir un texte qui peut être lu facilement par des personnes n’ayant pas participé au sujet et le connaissant peu.

Mise en place des outils en ligne

Les outils de la discussion
La première étape est de faire le choix des outils push (l'information est apportée jusqu'au participant : mail, Facebook, Twitter...) et pull (le participant va chercher l'information : forum, pages web...). Pour un groupe relativement petit jusqu'à quelques centaines de personnes qui utilisent toutes le mail, une simple liste de discussion mail suffit. Les archives de la liste permettent aux proactifs d'aller retrouver les informations anciennes et facilitent le travail des animateurs qui doivent faire des cartographies.

Mais de plus en plus souvent, les participants lisent régulièrement leurs messages à l'aide d'outils qui ne sont pas les mêmes pour chacun : certains suivent Facebook mais ne lisent plus leurs mails très régulièrement, d'autres suivent Twitter mais ne vont plus sur Facebook. Certains ne suivent qu'un de ces trois outils parfois deux mais rarement les trois. D'autres groupes utilisent un réseau social général (Linkedin, Viadeo) ou spécifique à leur communauté (basé sur les logiciels Elgg, Diaspora, Movim, Daisychain...). Il faut donc pouvoir s'adapter aux différents outils utilisés par les membres du groupe... ou réduire celui-ci aux seuls membres utilisant fréquemment tel ou tel outil.

De plus, lorsqu'un groupe devient grand, le nombre de contributions grandit également et peut dépasser le taux acceptable pour un participant. Dans un mode en ligne ou la plupart souffrent de "l'infobésité" (trop d'information), même pour un groupe relativement peu nombreux, certains peuvent être gênés par les mails suscités par la discussion. Pour éviter des désabonnement ou des désaffections (des mails classés automatiquement sans être lus, voire classés comme spam...), il est nécessaire de n'envoyer à tout le monde ou à ceux qui le souhaitent que les informations les plus importantes : cartographies régulières des discussions, sélection de quelques contributions groupées dans un même message pour stimuler la participation, etc. Dans ce cas, il est encore plus important que l'ensemble des contributions soit disponible (de façon pull) pour permettre à ceux qui le souhaitent et bien sûr aux animateurs qui font la cartographie, de retrouver le détail des contributions. C'est donc par une alliance entre des outils push et pull que la discussion peut permettre d'envoyer certains messages à tout le monde (pour toucher les réactifs) tout en gardant le nombre de messages reçu raisonnable (pour éviter la surinformation).


Pour en savoir plus : la Fing, lien entre le mail et un réseau social sous Elgg 11
Après avoir testé de nombreux outillages en ligne pour ses travaux collaboratifs (listes mail, blogs, forums), la Fing a mis progressivement en place depuis 2010 son réseau social, une plateforme Elgg qui permet d'unifier les environnements collaboratifs de ses contributeurs : certains, en effet, s'intéressent à plusieurs sujets d'affilés et la gestion de nombreuses inscriptions sur des plateformes et listes mail éparses était un problème.

Dans un premier temps, le choix a été fait de combiner la plateforme web (pour publier) et le mail (pour échanger). Au lancement de Questions numériques, mi-2012, la Fing a choisi d'interfacer les deux modes. Chaque forum de son réseau permet l'interaction web ou mail : par exemple, un sujet de forum est publié sur le web, et notifié par mail aux 260 inscrits du groupe Questions numériques, qui peuvent y réagir indifféremment par retour de mail ou en se connectant à la plateforme. Il semble que les utilisateurs choisissent le mail pour des réponses rapides, le web pour les réponses plus élaborées.

Cette modalité permet aussi de mener, comme sur tout forum, plusieurs fils de discussion en parallèle, à condition de prendre soin des titres. Elle facilite l'accès aux nouveaux entrants et le travail à ciel ouvert, et baisse les barrières à l'entrée. Activée sur les forums, cette fonctionnalité est aussi activable facilement sur les commentaires d'autres publications : blogs, partage de documents, événements...



Pour en savoir plus : groupe ADEO, utilisation des Google groups en push et en pull 12
Groupe ADEO est une entreprise de 70000 personnes réparties dans 13 pays et 27 Business Units (BU). Très décentralisé, orienté vers le partage du Savoir et du Pouvoir, ADEO s'est lancé depuis près de 20 ans dans de nombreuses démarches de Vision partagée avec l'ensemble des collaborateurs de certaines de ses BU.

La Communauté Produit, Achat et Supply-Chain (PAS), regroupant les Centrales d'Achats et département logistiques des BU et la Direction PAS Groupe, a initié mi 2011 une démarche transverse : VisionPAS 2023, la Vision de la Coopération PAS de Groupe ADEO en y associant ainsi plus de 2000 collaborateurs. Différentes techniques collaboratives ont été utilisées pour extraire la "substantifique moelle": groupes de travail, séminaire de créativité, prototypes en mode Design Thinking, ... mais aucune n'impliquant plus de 150 personnes ensemble.

Afin de réaliser l'écriture de notre cible à 10 ans, nous avons décidé de découper notre réflexion suivant 8 grands axes et avons fait travailler chaque équipe BU, Centrale d'Achat ou Logistique, et chaque synergie Produit sur un des 8 sujets selon la structure suivante: Benchmark, MOFF (Menaces, Opportunités, Forces, Faiblesse), Vision à 10 ans. Ce sont ainsi près de 50 groupes de travail d'une quinzaine de personnes qui nous ont permis de constituer une matière très riche et complémentaire (cf: La parabole des aveugles et de l'éléphant) . Nous avons ensuite réalisé une 1ère synthèse sur chaque thème. L'important était alors de trouver un moyen de faire réagir l'ensemble de la Communauté sur cette V0 pour profiter de l'intelligence Collective. Mais très vite dans un groupe international sans langue de référence, la problématique linguistique se posait à nous. Nous ne disposions pas non plus d'outil de CRM, d'annuaire enrichi, ni de réseau social d'entreprise. Nous avons donc mis en place un Débat Numérique sur 6 semaines sur une cible de 1500 personnes, à l'aide des Google Groups.

Le besoin :
  • Forum multilingue pour favoriser l'expression individuelle.
  • Possibilité d'envoyer des messages du Forum vers les boîtes mails en masse avec option de réponse directe du mail vers le Forum sans nécessairement devoir y entrer (ce critère nous a fait exclure l'outil Nabble qui ne permet pas de faire des envois en masse).
La solution :
  • 7 Forums = 7 Google Groups (1 par langue: français, anglais, espagnol, italien, polonais, portugais, russe) faisant appel à un ensemble de traducteurs.
  • Traitement intense d'un thème sur une durée d'une semaine avec des push différents et cohérents, suivant un schéma identique d'un thème à un autre :
  • 1. Lancement du débat par envoi d'une synthèse sur le thème
  • 2. Envoi d'inspirations sur le même thème : ouverture d'esprit, proposition de perspectives extérieures
  • 3. Publication des dernières contributions : le message que l'on veut faire passer : "le débat avance, tes collègues participent, il y a de nouvelles idées, n'attends plus pour contribuer !"
  • 4. Publication d'une nouvelle synthèse enrichie grâce au débat : les contributeurs retrouvent leur "patte" dans la rédaction du livrable final et constatent bien l'enrichissement de la synthèse initiale grâce au débat collectif.
  • Système simple pour contribuer : réponse par mail et la réponse vient automatiquement alimenter le fil de discussion du forum OU contribution directement sur le forum en postant un commentaire. Sur le forum, on voit de façon indifférenciée toutes les contributions faites sur un sujet.

Les points forts :
  • Des sujets stratégiques abordés dans 7 langues : richesse des contributions car facilitation de l'expression individuelle.
  • Des traducteurs "volontaires" en interne a rendu les opérations de traductions réactives et flexibles, indispensables pour coller à nos délais assez courts.
  • Pas de schéma hiérarchique : toutes les idées sont conservées et exploitées de la même façon dans l'écriture du livrable final. D'ailleurs, les contributions mises en avant dans les mails "Flash" reprennent seulement le prénom du contributeur, pas son nom.
  • push par mail quotidien : sollicitation des collaborateurs via le canal qu'ils utilisent le plus aujourd'hui. Les contributions sont, elles, stockées en un même endroit : le Google Group (1 groupe par langue). Chacun reçoit donc "obligatoirement" l'information mais est libre ensuite de suivre le fil de discussion sur un outil annexe, dans notre cas le Google Group. Pour ne pas manquer les "meilleures contributions", nous "pushons" une sélection de ces dernières par mail à tous.

Les difficultés :
  • Un forum par langue mais pas de transversalité entre les 7 forums : ce qui est posté dans le forum Polonais n'était pas visible pour les Espagnols. SAUF : La diffusion des "meilleurs commentaires" dans les flash pouvait provenir des 7 forums et les synthèses étaient communes dans toutes les langues.
  • Pour que les participants reçoivent les mails de synthèse mais pas les différentes contributions, seul la coordinatrice était abonné au Google Group. En l'absence de CRM, les envois étaient fait depuis un compte Gmail avec une adresse de retour qui était celle du Google Group. Le Google Group lui-même était ouvert pour que les participants puissent y accéder s'ils le désiraient, sans avoir besoin d'avoir un compte Gmail pour accéder aux Google Groups.
  • Besoin d'outils adaptés (annuaire enrichis, CRM, ...) pour ce volume d'envois.
  • La nécessité pas toujours facile à mettre en oeuvre de la participation de "complices" permettant d'activer les débats.

Les résultats et quelques chiffres :
  • Un débat vivant de 6 semaines autour de 8 thèmes stratégiques.
  • Un taux de participation d'environ 13% avec plus de 400 commentaires multi-lingues, qui ont enrichi la base des cahiers de Vision.
  • Des contributions faites dans les 7 langues : "seulement" 55% des commentaires sont en français.
  • 8 Cahiers Vision V1 en input de notre Rencontre Internationale réunissant en février 2013 700 managers de la Communauté PAS de Groupe ADEO pendant 3 jours pour notamment en faire une relecture collective 13 .

En conclusion, ce premier Débat Numérique à grande échelle chez ADEO a été très riche d'enseignements. Il nous a permis de suivre les principales étapes évoquées dans la partie "Appliquer ces principes pour produire de l'intelligence collective". Il nous a permis de valider cette méthode participative et en appellera certainement d'autres.


Les outils de capture et de cartographie textuelle
Pour créer une synthèse sous la forme de cartographie virtuelle afin de donner une vision d'ensemble au groupe, il faut dans un premier temps "capturer" les contributions intéressantes dans les différents messages (il peut y en avoir deux ou plusieurs dans un même message), éventuellement leur donner un titre plus court (moins d'une ligne) et plus explicite, et ordonner les contributions sous la forme d'une hiérarchie. Cette dernière action peut nécessiter de créer une nouvelle entrée dans la hiérarchie pour rassembler plusieurs idées qui peuvent s'y trouver.


Pour en savoir plus : réorganiser les niveaux au fur et à mesure de la discussion
Imaginons une discussion sur la mise en place de cette méthode où la vision actuelle est décrite par la carte textuelle suivante :
  • Outils de discussion
  • Mail (outil push : information envoyée directement aux participants)
  • Prendre en compte ceux qui préfèrent Facebook au mail
  • Forum (outil pull : le participant va chercher lui-même l'information si il le souhaite)

Des contributeurs proposent d'y ajouter l'idée d'utiliser également Twitter ainsi que d'autres réseaux sociaux. La carte pourrait alors être réorganisée sous la forme suivante :
Outils de discussion
  • Outils push (information envoyée directement aux participants)
  • Mail
  • Facebook
  • Twitter
  • Autres réseaux sociaux
  • Permettre plusieurs outils push pour laisser le choix aux participants ?
  • Outils pull (le participant va chercher lui-même l'information si il le souhaite)
  • Forum
  • Autres ?

Dans ce cas, non seulement l'idée de "Mail" se décale d'un niveau pour avoir une catégorie "outils push" comprenant également Facebook, Twitter et d'autres réseaux sociaux, mais la personne qui fait la cartographie a eu l'idée d'y ajouter la possibilité de mixer les outils et a également procédé à la même réorganisation pour les outils pull pour laisser la place à d'autres choix. En cela, il ne s'agit pas véritablement d'une synthèse de la discussion mais plutôt de la cartographie de la compréhension actuelle du problème. Réorganiser une carte donne très souvent des idées supplémentaires et même le cartographe peut ajouter des idées, qui peuvent être complétées ou corrigées par les participants lors de l'itération suivante.


La cartographie des échanges peut se faire à la main avec éventuellement des post-it collés sur un mur pour plus facilement réorganiser le tout. Mais lorsque la discussion est importante, une seule itération de la cartographie peut demander environ 5 heure et cela se reproduit une à deux fois par semaine pendant la phase d'idéation... L'animation d'une telle discussion demande alors un temps assez important pour les animateurs et particulièrement pour celui ou ceux qui font les cartographies et les complètent.

Pour réduire la durée de cartographie et ainsi permettre l'animation de groupes y compris par des personnes dont cela ne fait pas parti du travail "officiel 14", il faut réduire ce temps à une ou maximum deux heures par semaine. L'objectif de l'application Assembl développée par Imagination for People en partenariat avec l'Institut du Nouveau Monde au Québec, est de faciliter la capture des contributions pertinentes, d'aider à les renommer et à les réorganiser facilement malgré la taille réduite d'un écran d'ordinateur.

Pour en savoir plus : Assembl un outil pour cartographier les contributions 15
Assembl est un système de discussion en ligne qui s'adresse aux groupes de personnes ayant à produire collectivement un livrable (opinion, consensus, document, modèle, alternatives, etc.) autour d'un sujet quelconque. Bien qu'à l'ère des réseaux sociaux il soit "relativement" facile de mobiliser de grands groupes sur un enjeu, pour une multitude de raisons la qualité du livrable n'augmente pas souvent avec le nombre de participants. C'est principalement à ce problème qu'Assembl s'attaque.

Tout d'abord en combinant la discussion chronologique (nécessaire pour faciliter l'implication, le sentiment d'appartenance et la dynamique de groupe) et une présentation plus structurée et résumée de la discussion (nécessaire pour permettre à chaque participant, quelque soit le niveau de temps et d'attention qu'il peut y consacrer, d'avoir une vision d'ensemble des échanges et propositions)

Assembl permet à des humains de jouer le rôle de facilitateurs en équipe. Avec l'aide d'outils qui rendent ces tâches productives, ils identifient les idées clés, les communiquent de façon synthétique et guident les participants vers des pratiques de discussion constructives.

Assembl tente de ne pas répéter ce que nous percevons comme des faiblesses des systèmes précédents, ainsi, Assembl:
  • Ne force pas les participants à écrire leur contributions dans un format quelconque (la structure doit servir la discussion, pas la remplacer)
  • Reconnaît que certains participants préféreront toujours un modèle push (ex: listes de diffusion) et d'autres un modèle pull (ex: forums web, groupes Facebook), et leur permet de discuter ensemble en brisant ces "îlots" de discussion 16.
  • Ne brise pas les communautés existantes en forçant des migrations. Il peut par exemple être implanté progressivement sur la liste de diffusion existante d'une communauté déjà active.
  • Ne "déconnecte" pas les représentations cartographiques des discussions qui y ont donné naissance. Les réactions à la discussion sont accessibles à partir de la représentation synthétique et vice-versa.
  • N'impose pas une structure de discussion (de nombreux systèmes sont centrée sur un débats polarisé pour/contre) et impose beaucoup moins de contraintes aux méthodes d'animation.


La suite de ce texte est disponible ici : http://ebook.coop-tic.eu/francais/wakka.php?wiki=CommentProduireUnDocumentAPlusieursCentai2


  • 1 Parabole du Jaïnisme, rendue célèbre par le poète américain John Godfrey Saxe au milieu du XIXe siècle. Source, Gérard Huet, The Sanskrit Heritage Dictionary http://sanskrit.inria.fr/DICO/index.html cité par Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Anekantavada
  • 2 L'expression équivalente en anglais pourrait être "bar-room politics" ou mieux "armchair philosophy" pour renvoyer à des personnes cultivées mais désœuvrées, parlant beaucoup mais agissant peu (plutôt qu'à des personnes ayant trop bu et ne sachant plus ce qu'elles disent) : http://forum.wordreference.com/showthread.php?t=70335&highlight=comptoir
  • 3 Un paradoxe qui aurait été inventé par Eubulide de Millet (IVe siècle) à partir du paradoxe du crétois de Epiménide. Source Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_du_menteur
  • 4 Alfred Korzybski, auteur de la sémantique générale, a pris conscience au cours de la première guerre mondiale que les mécanismes de pensée qui avaient provoqués cette guerre reposaient sur les postulats de la logique d'Aristote (principe d'identité, de non contradiction et de tiers exclu). Il formula alors une nouvelle logique, non-aristotélicienne, basée sur de nouveaux postulats correspondants à l'évolution scientifiques du XXe siècle : http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9mantique_g%C3%A9n%C3%A9rale
  • 5 Il s'agit d'une limitation d'une de nos mémoire de travail appelée boucle phonologique, qui ne permet de "conserver en tête" que trois items dans une chaîne d'idée. Pour le modèle des différentes mémoires de travail, voir A. D. Baddeley and G. Hitch, Working Memory, in G. H. Bower (ed), The psychology of learning and motivation: Advances in research and theory, vol. VIII, Academic Press, New York, 1974
  • 6 Cette deuxième mémoire de travail concerne l'ensemble des objets ou des idées que nous pouvons conserver à l'esprit à court terme. Elle porte le nom de calepin visuo-spatial. Elle nous permet par exemple de compter a posteriori les fenêtres d'une maison alors que nous n'en avons plus l'image devant les yeux... à condition que leur nombre soit limité. C'est également cette même mémoire de travail qui nous permet de créer de nouvelles idées en reliant deux idées anciennes que nous avons à l'esprit. Georges A. Miller, The Magical Number Seven, Plus or Minus 2: Some limits on our Capacity for Processing Information, The psychological review, vol. III, 1956, http://www.musanim.com/miller1956/
  • 7 Pour en savoir plus, voir le texte complet "La taille des groupes et les rôles des membres" : http://ebook.coop-tic.eu/LaTailleDesGroupesEtLesRolesDesMembres
  • 8 Pour en savoir plus, voir le texte complet "Le choix a posteriori" : http://ebook.coop-tic.eu/LeChoixAPosteriori
  • 9 Pour en savoir plus, voir le texte complet "Cartographier pour donner une vision d'ensemble" : http://ebook.coop-tic.eu/CartographierPourDonnerUneVisionDensemble . Ces idées ont été présentées à l'origine dans Jean-Michel Cornu, Prospectic, nouvelles technologies nouvelles pensées, FYP édition 2008 - chapitre 9 modes de pensée et conflit d'intérêt. Disponible dans l'article : Nous avons non pas un mais deux modes de pensée : http://www.cornu.eu.org/news/nous-avons-non-pas-un-mais-deux-modes-de-pensee
  • 10 Voir également la méthode Delphi qui permet d'améliorer la prévision de personnes ayant une connaissance du sujet par une approche itérative qui met en évidence les domaines de convergence et d'incertitude : Harold A. Linstone & Murray Turoff, The Delphi Method, Techniques and applications, New Jersey Institute of Technology 2002, http://is.njit.edu/pubs/delphibook/
  • 11 Cette partie a été rédigée par Jacques-François Marchandise de la Fing
  • 12 Cette partie a été rédigée par Victoria Masson et Jean Duclos de groupe ADEO
  • 13 Voir la partie "Rédaction du texte : relecture collective"
  • 14 L'animation d'une discussion doit pouvoir être faite par des bénévoles mais aussi par des personnes professionnelles qui vont trouver un intérêt à être au cœur de la discussion pour mieux en saisir toutes les idées et les subtilités, sans que ce travail d'animation soit pris en compte officiellement dans leur temps de travail
  • 15 Cette partie a été écrite par Benoît Grégoire de Imagination for People
  • 16 Voir la partie "La taille des groupes et les rôles des membres" sur la différence entre participant proactif et participant réactif : http://ebook.coop-tic.eu/LaTailleDesGroupesEtLesRolesDesMembres


Dessin : Éric Grelet - CC By-Sa

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Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes ? (2ème partie)

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : La première partie de ce texte est disponible ici

Constitution du groupe

Invitation à participer
Pour constituer un groupe il faut commencer par y inviter des personnes. Cela peut se faire de façon collective et de façon individuelle. Les deux sont complémentaires. Une invitation n'est pas une inscription, il faut demander l'autorisation à une personne pour l'inscrire au groupe. Par contre, si celle-ci est intéressée, son inscription doit être la plus simple possible : cliquer sur un simple lien dans un mail en n'ayant à remplir qu'un minimum d'information (en général le prénom et le nom, parfois l'organisation. Le mail peut souvent être détecté directement). Il est possible de proposer en plus de cette première méthode, de répondre simplement au mail envoyé afin d'abaisser encore le seuil de passage à l'acte17. La réponse peut être traitée soit manuellement, soit mieux de façon automatique avec une adresse de retour qui pointe vers un robot qui permette d'inscrire directement la personne (en détectant dans l'adresse d'envoi son mail ou son compte sur le réseau social, ainsi que son nom).

Pour l'invitation collective, il faut tout d'abord choisir les créneaux de diffusion de l'information : listes mails de discussion ou de diffusion, réseaux sociaux, newsletters... Il faut prendre garde de ne pas spammer des groupes où une telle invitation ne ferait pas partie de l'objet. Des endroits naturels où une telle invitation peut être envoyée seraient la liste des membres, les newsletters et les réseaux sociaux de la ou des organisations qui animent le nouveau groupe. Avec un CRM (Customer Relationship Management, système de gestion des profils et des envois dans une organisation), il est même possible de personnaliser le message d'invitation avec en particulier le prénom et/ou le nom de la personne.
Pour ceux que l'on souhaite particulièrement avoir dans le groupe
Pour la partie individuelle, il faut tout d'abord constituer une liste des personnes que l'on souhaiterait avoir dans le groupe. Cela peut être fait par exemple avec un tableur où on trouve pour chaque personne à inviter une champ au format "Prénom Nom" <adresse_mail> (format qui permet un envoi facile avec non seulement le mail mais aussi le nom). D'autres colonnes peuvent comprendre l'organisation, un champ commentaire montrant l'intérêt d'avoir la personne dans le groupe ou encore des champ avec la date d'envoi, la réponse, la date éventuelle de première et de deuxième relance, etc. Ce tableau (ou une application qui ferait cela de façon plus efficace) permet de suivre les invitations individuelles 18. Si la personne, au bout d'une semaine environ n'a pas répondu, il est possible de faire une relance puis éventuellement une deuxième relance une semaine encore après. Il ne faut pas aller plus loin, on peut considérer qu'une personne qui ne répond pas deux ou trois fois ne souhaite pas être dans le groupe. Les messages d'invitation et de relance doivent être personnalisés avec le nom et/ou le prénom au moins au début du message, même si le reste est un message type. Il peut être également utile de prévoir deux types de messages : l'un avec le tutoiement et l'autre avec le vouvoiement (il faut alors indiquer dans le tableau la façon dont on s'adresse à la personne : tu ou vous) 19. Le message doit être le plus court possible tout en restant clair et complet (il doit tenir dans maximum un écran habituel d'ordinateur) et la fin du message doit être signée par une ou deux personnes avec éventuellement leur titre plutôt que de façon plus anonyme par un groupe ou une organisation. Une telle approche des invitations individuelles, lorsque elles est bien réalisée et que l'on connaît au moins un peu les personnes invitées (il peut être utile de faire signer le message par des personnes qui connaissent le destinataire) permet un très bon taux de retour (jusqu'à entre 80 et 90%).

Il peut être judicieux également de montrer dans l'invitation qu'il n'est pas nécessaire de contribuer pour participer au groupe (entre 60 et 90% des membres d'un groupe sont observateurs voire totalement inactifs 20), que le nombre de messages restera raisonnable (par exemple seules les synthèses et une sélection groupée de contributions seront envoyées avec au maximum cinq messages par semaine, le détail restant disponible sur une page web), et qu'il est possible de se désinscrire à tout moment 21.


Pour en savoir plus : exemple de messages d'invitation individuel personnalisé
Exemple de message d'invitation individuel (pour un homme et utilisant le tutoiement)
Sujet : démarrage d'un travail sur l'innovation monétaire

Cher <prénom>,

Je lance au sein de la Fondation Internet Nouvelle Génération (Fing) une "expédition" (un travail collectif de quelques mois) sur l'"Innovation monétaire" : Plus de 5000 "monnaies complémentaires" existent aujourd'hui dans le monde. La crise, la recherche de nouveaux modes de développement, l'internet et le mobile enfin, en accélèrent le développement. Et si les mêmes facteurs contribuaient aussi à réinventer les fonctions même de ces monnaies, et ce qu'elles rendent possible ?

Tous les résultats de l'expédition seront publics et librement réutilisables. L'objectif est d'ouvrir des opportunités nouvelles et d'inviter à l'action. Au regard de tes connaissances sur les monnaies, je te propose de nous rejoindre pour participer à cette réflexion. Si tu en es d'accord, il te suffit de cliquer sur le lien suivant : <lien vers l'inscription> ou si tu le préfères, tu peux me répondre et je m'occuperai moi-même de ton inscription.

En attendant d'avoir le plaisir d'échanger avec toi.

Amicalement.

Jean-Michel Cornu

Exemple de message de relance (pour un homme et utilisant le tutoiement)

Cher <prénom>,

Les premiers échanges commencent ces jours-ci dans le groupe Innovation Monétaire. Si tu souhaites suivre ce qui va se dire sur une redéfinitions des fonctions de la monnaie et de ce qu'elles rendent possible (voir à y contribuer si tu en as le temps), je te propose de cliquer sur le lien suivant : <lien vers l'inscription> ou si tu le préfères, de répondre à ce mail et je m'occuperai moi-même de ton inscription.

Bien amicalement

Jean-Michel Cornu

[copie du mail précédent d'invitation]


Le premier tour d'échanges
Une fois que le nombre des participants se rapproche de la centaine, la première chose à faire est de proposer à chacun de se présenter brièvement en une ou deux lignes en y ajoutant ce qu'elle attend du groupe et éventuellement ce qu'elle peut y apporter. Ce premier "tour de table" peut sembler inutile en particulier dans les réseaux sociaux où chacun dispose d'un profil, mais il a avant tout pour fonction de faire parler le maximum de personnes une première fois avec une question très simple à laquelle il est possible de répondre immédiatement. Ceux qui ont déjà posté un message ont beaucoup plus de chance de contribuer par la suite, permettant un nombre plus important de contributeurs (outre ceux qui ont tendance à contribuer systématiquement...). Il permet de montrer aux membres du groupe qu'ils sont nombreux et que beaucoup d'autres personnes contribuent, ce qui est également un facteur pour faciliter la participation. Pour lancer ce premier tour de table, il peut être nécessaire de faire appel à des "complices" qui vont répondre très rapidement pour se présenter et ainsi monter une première activité qui incitera les autres participants à se présenter également. Ce type de tour de table peut permettre jusqu'à 40% de participation sur les grands groupes.

Ce premier mail d'invitation à se présenter est également l'occasion de proposer des règles simples et courtes pour le fonctionnement du groupe qui sont facilement acceptables par tous et qui permettront ensuite d'être légitime à faire des remarques à des contributeurs qui ne les respecteraient pas.


Pour en savoir plus : exemple de trois règles courtes de fonctionnement
Petit rappel des règles pour nos échanges:
  • Soyez court : un mail égal au plus à un écran (sauf pour les synthèses...).
  • Soyez constructif : personne n'a toute les solutions, chaque contribution enrichit le débat.
  • Osez contribuer et accueillez les nouveaux contributeurs : il n'y a pas d'idées inutiles.


Si la constitution du groupe prend beaucoup de temps (au-delà de quinze jours), il peut être nécessaire avant le tour de table, d'envoyer un premier message d'attente indiquant que d'autres personnes s'inscrivent en ce moment et que les discussions vont bientôt commencer. Par contre, il n'est pas nécessaire d'attendre que la totalité des personnes soient inscrites pour commencer le tour de table (il peut rester après quinze jours d'invitation quelques relances individuelles).

Une fois dépassé la centaine de participants et le premier tour de table ayant permis au maximum de personnes de parler, le groupe est maintenant prêt pour faire un travail d'intelligence collective. Souvent le cycle de présentation se continue alors que la première question thématique est posée. Cela est normal, au fur et à mesure que les participants voient que de plus en plus de personnes se présentent et contribuent, il y a une certaine pression qui les incite à se présenter à leur tour. D'autres ne se présenteront pas. Il est important alors dans les messages d'animation de faire comprendre que l'on ne doit pas se sentir coupable de ne pas avoir participé (dans un grand groupe, la non participation est la norme), mais que ceux qui veulent apporter une idée, même simple et à n'importe quel moment, sont les bienvenus, qu'ils aient contribué auparavant ou non.
Par ailleurs, dans le groupe, identifiez un ensemble de "complices" : des personnes que vous connaissez bien et que vous pourrez contacter individuellement pour leur demander de contribuer afin "d'amorcer la pompe" et ainsi créer un effet d'entraînement pour les réactifs du groupe.

Veille, compréhension commune et idéation : une cartographie itérative

Cette phase comporte une alternance de périodes de contributions puis de synthèses sous la forme d'une carte textuelle donnant une vision d'ensemble de la compréhension du problème à un instant donné. Elle peut se décomposer en 3 grandes fonctions : la veille, la construction d'une compréhension commune et l'identification de nouvelles idées. Il peut être intéressant de les introduire l'une après l'autre mais elles continuent ensuite souvent en parallèle. Ainsi, une compréhension plus fine de certaines ramifications de la question initiale va pousser certains à citer des sources de veille et de nouvelles idées vont souvent obliger à réorganiser le savoir antérieur avec une classification améliorée.
La question initiale
La phase commence par l'énoncé de la question ou mieux, lorsqu'un travail préparatoire à été fait, par une première cartographie. Le débat est d'autant plus motivant pour les contributeurs qu'il est déjà suffisamment avancé tout en laissant de nombreux domaines à explorer. A partir de cette question ou de cette carte textuelle, il s'agit maintenant de demander aux membres du groupe les notions qui leur semble manquer et dans un premier temps de citer des sources pertinentes de travaux dans ces différents domaines (veille).

Comme à chaque mail étape, les règles peuvent être rappelées brièvement (voir plus haut "exemple de trois règles courtes de fonctionnement").
Les contributions : des "complices" aux "réactifs"
Pour susciter les premières contributions qui vont ensuite déclencher les suivantes, il est possible de faire appel à des "complices" : contactez directement en dehors des messages collectifs quelques personnes du groupe que vous connaissez bien en leur demandant de réagir à votre message le plus rapidement possible pour "amorcer la pompe". Bien sûr, vous ferez cela juste avant d'envoyer le mail initial ou les cartographies intermédiaires. Même si tous vos complices ne réagiront pas, le fait de les contacter en direct augmente très significativement le pourcentage de ceux qui enverront une contribution. En contactant ainsi entre 6 et 10 personnes, vous vous assurerez environ 3 à 5 premières contributions qui permettront de faire réagir les autres participants.

Laissez également un peu de temps (en général une semaine ou un peu moins si il y a beaucoup de contributions) pour que ceux qui le souhaitent puissent réagir. Dans les groupes où tout le monde voit toutes les contributions (liste de discussion par exemple), les réponses des autres a un effet d'entraînement. Pour les groupes ou seuls certains messages sont reçus par tous, il peut être utile de construire rapidement un message contenant une sélection de contributions reçus juste après votre envoi (un ou deux jours après la question initiale ou la carte intermédiaire). Ces contributions contiendront bien sûr celles de vos "complices", mais aussi peut être d'autres contributions plus spontanées.

Il est possible également de relancer en indiquant des domaines moins bien couverts. Vous pouvez aussi proposer d'identifier des éléments de veille (avec des références ou des URL), d'améliorer les différenciations entre deux concepts proches (et portant parfois le même nom) pour aboutir à une meilleure compréhension commune ou encore de proposer de développer des idées nouvelles non encore identifiées. Souvent les participants se concentrent sur certaines approches en continuant les discussions dans le même sens. Socrate, dans les écrits de Platon, appelait la maïeutique 22 "l'art de faire accoucher les esprits" en posant des questions. En proposant au groupe de développer plus particulièrement telle partie ou telle approche, vous améliorerez la qualité du résultat final.


Pour en savoir plus : la méthode des 6 chapeaux
La méthode des 6 chapeaux d'Edward de Bono 23 permet d'identifier les angles des différentes contributions. Il devient ainsi possible de relancer le groupe vers des approches insuffisamment développées :
  • chapeau blanc : quelles idées peut-on proposer d'un point de vue rationnel ?
  • chapeau rouge : que peut-on y ajouter d'un point de vue émotionnel et intuitif ?
  • chapeau noir : quels problèmes cela pose d'un point de vue négatif ?
  • chapeau jaune : quelles opportunité nouvelles d'un point de vue positif ?
  • chapeau vert : reprenons l'ensemble d'un point de vue créatif
  • chapeau bleu : quelle organisation pour développer le contrôle du processus ?


Des méthodes plus complètes permettent d'identifier les domaines mal couverts dans un débat afin d'en assurer une qualité optimale 24.
Cette partie de l'itération peut aussi se faire lors de séances en ligne ou en présentiel, en complément des échanges en ligne asynchrones. Nous avons ainsi soumis la carte en cours sur le sujet de l'innovation monétaire 25 dans deux ateliers de travail à Marseille et Paris dans le cadre des rencontres Lift en demandant aux participants ce qui leur semblait manquer. Bien que l'assistance comprenne à la fois des participants au groupe et des personnes qui découvraient le travail, la présentation de chaque partie de la carte a permis à chaque fois une discussion avec des pistes nouvelles et des nouveaux concepts distingués. Ces rencontres ont permis à chaque fois de mettre à jour la carte qui a ensuite été resoumise au groupe en ligne. Une troisième rencontre a été organisée au lieu du design à Paris en y invitant trois intervenants de disciplines différentes (anthropologie, économie et philosophie) à réagir à la carte résultant des travaux collectifs. Dans un autre groupe, une phase de contribution a été testée lors d'une séance en ligne portant sur la stigmergie 26 (un mécanisme de coordination indirecte entre les acteurs qui permet un mode d'auto-organisation distribuée) en y ajoutant des éléments de la méthode SECI d'animation de séance proposée par Nonaka et Takeushi 27. Il est ainsi possible de mixer des itérations lors d'échanges asynchrones en ligne (d'une durée d'une demi semaine à une semaine) et des séances en ligne ou en présentiel (d'une durée comprise entre 1h30 et 3h), afin d'avoir un maximum de diversité parmi les contributeurs. Même parmi ceux qui assisteraient à la fois aux séances et aux échanges en ligne, certains sont plus à l'aise avec des contributions écrites ou orales.
La cartographie textuelle
Une fois par semaine, ou deux fois si les contributions sont nombreuses, améliorez la carte qui synthétise les différents éléments de veille, de compréhension et d'idées nouvelles proposés par le groupe.
La première étape consiste à attraper les éléments de contribution dans les différents messages du groupe. Un message peut comprendre deux ou plusieurs contributions. Pour faciliter leur utilisation, il est possible de les caractériser par une phrase reformulée, tenant sur une ligne maximum. Gardez également le nom du contributeur afin de faciliter les mécanismes d'estime dans le groupe 28.
L'étape suivante consiste à compléter la carte textuelle du débat (ou la créer si c'est la première fois) en y insérant les nouvelles contributions aux endroits judicieux. Cette opération nécessite souvent de réorganiser la carte en ajoutant des niveaux pour distinguer des concepts qui étaient confondus auparavant.
La carte a pour but de donner une vision d'ensemble des échanges. Elle se présente sous la forme d'une liste à point structurée contenant différents niveaux. Les contributions sont exprimées à raison d'une idée par ligne afin de conserver la carte la plus courte possible et éviter au maximum l'utilisation des ascenseurs pour la dérouler sur l'écran. A la fin de chaque ligne peut être ajouté le prénom du contributeur. L'objectif est de permettre de circuler sur la carte textuelle comme on déplace notre regard sur une carte graphique : plutôt que de nécessiter la lecture complète de la carte, nous devons pouvoir identifier rapidement les éléments clés et ensuite regarder plus en détail uniquement les parties qui nous intéressent. Pour cela, l'utilisation des gras, soulignés, italiques ainsi que les parties à la fois en gras et souligné permettent de faire ressortir certains mots ou groupes de mots importants. Il est également possible d'utiliser des couleurs telles que le rouge pour indiquer des éléments particuliers.


Pour en savoir plus : exemple d'une carte sur la façon de présenter la coopération
Quelle coopération vendre ?
  • 1) Défendre l'intérêt général en oubliant l'intérêt particulier à court terme. (altruisme) (Mathieu)
    • Il existe des fondements mais complexes (théorie des barbes vertes...).
  • 2) Faire converger sur le long terme l'intérêt collectif et particulier. (Michel)
    • C'est le fondement de la coopération. (Jean-Michel)
    • Il existe des modèles économiques : collaboration radicale, coopetition. (Gatien)
    • Quels exemples simples pour comprendre facilement ?
Comment faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif.
  • Donner une vision à long terme. (Mathieu)
    • "L'ombre du futur" dans le jargon des économistes. (Gatien)
  • Développer l'abondance plutôt que la rareté. (Jean-Michel)
  • Favoriser des mécanismes d'estime.
  • Participer à une oeuvre collective et la mettre en commun. (Michel)
  • Transformer les mécanismes de soutien aux projets. (Michel)
La coopération peut nous faire gagner du temps... ou en perdre...
  • Par les contacts qu'elle apporte. (mise en réseau)
  • Appartenir à une communauté créée de la confiance et de la légitimité. (Richard)
  • La production du groupe peut nous faire gagner du temps (mutualisation). (Philippe Olivier)
  • Mais il faut savoir rendre la coopération moins consommatrice en temps.
    • Pour les participants : méthode d'échange en ligne. (Jean-Michel)
    • Pour les animateurs : en étant "fainéant intelligent" comme Linus Torvarld. (Michel)
La coopération peut nous faire gagner de l 'argent... ou en perdre. (C'est cet aspect que j'aimerais voir étoffer)
  • Mieux vivre collectivement : rediriger des fleuves pour irriguer des terres. (Mathieu)
  • Des modèles économiques innovants (cf. libre, web 2, musique...). (Jean-Michel)


La carte n'est pas simplement une synthèse de la discussion. En effet, en la réorganisant, l'animateur voit souvent le premier des distinctions supplémentaires qui "sautent aux yeux". Il ne doit pas se priver de les ajouter sur la carte, car la prochaine itération de commentaires pourra éventuellement invalider son choix ou le compléter.
La fin de la phase
Au bout d'un certain nombre d'itérations, les contributions se tarissent et les participants n'ajoutent plus de nouvelles idées. Cela peut arriver dès la première itération (mais dans ce cas, les idées des contributeurs ne se sont pas croisées) mais on observe des échanges qui comprennent jusqu'à sept itération 29. Si par ailleurs, l'animateur estime que suffisamment d'angles sont couverts (voir par exemple la méthode des six chapeaux plus haut), alors une carte finale peut être diffusée au groupe. Il s'agit alors de faire éventuellement des choix et surtout de présenter les résultats sous une forme qui soit accessible à des personnes qui ne connaissent pas le sujet.

Choix : le consensus approximatif

Pas toutes les discussions nécessitent de faire des choix. Il est parfois plus utile de tout conserver pour montrer un maximum d'approches par exemple lorsque l'on souhaite produire un guide sur comment mettre en place un projet 30. Dans d'autres cas au contraire, il faut choisir collectivement parmi la diversité des idées proposées, les actions qui seront mises en oeuvre par le groupe ou les propositions qui seront retenues. La méthode utilisée pour la phase précédente permet d'atténuer le problème posé par la tendance de chacun à d'abord défendre son point de vue en opposition de celui des autres. Les idées les plus intéressantes sont souvent celles qui émergent au bout de plusieurs itérations. Même si elles sont proposées par un des participants, elles sont le fruit de nombreux croisements et ne peuvent plus être attribuées à une personne unique (même si on met en général le prénom de la personne qui a fait la proposition dans la carte textuelle). Il est plus facile de faire choisir à des personnes parmi des idées collectives que parmi les idées de ces mêmes personnes.
Une approche qui a montré son efficacité est celle du rough consensus. Il ne s'agit ni d'un consensus (difficile voir impossible à atteindre) ni d'un vote qui par définition laisse de coté les choix d'une partie des participants. Dans le rough consensus (consensus approximatif), la question posée est "quelqu'un a-t-il une objection majeure au choix proposé". Tout comme dans les grands groupes où la participation est l'exception et la non contribution la majorité, le rough consensus ne demande la réaction que de ceux qui auraient une véritable difficulté avec le choix proposé. Il est ainsi possible d'arriver à une situation où les choix faits, même s'ils ne sont pas ceux qu'auraient fait chacun des membres du groupe, sont suffisamment acceptables pour tous.
Le rough consensus est une des bases de l'IETF, Internet Engineering Task Force, la communauté qui depuis 1986, défini les standards de l'Internet. Malgré les enjeux importants que représentent le choix d'un standard plutôt qu'un autre pour beaucoup d'acteurs industriels, les méthodes de l'IETF ont permis de développer des standards acceptés par tous 31.

Rédaction du texte : relecture collective

Une fois tous les éléments de référence, les concepts et les idées identifiés par le groupe - et une fois éventuellement des choix opérés dans ces idées - il reste à transformer le tout en un document lisible par une personne extérieure au groupe ne connaissant pas le sujet. Cette phase se fait de façon plus traditionnelle avec un ou quelques "scribes" qui font la rédaction et l'ensemble du groupe qui relit et commente.

La relecture par le groupe est nécessaire car même avec la meilleure volonté du monde, personne ne comprend l'ensemble des subtilités inscrites dans la cartographie finale, pas même l'animateur qui l'a réalisée ! Ainsi, en rédigeant l'ensemble sous une forme plus littéraire, il n'est pas rare d'utiliser ce que l'on peut prendre comme des synonymes pour alléger le style. Mais un des contributeurs pourra faire remarquer que si le terme utilisé dans la cartographie est juste, cela n'est plus le cas dans le texte proposé. Il reste donc beaucoup d'éléments implicites dans la cartographie finale. Si celle-ci est acceptée par tous les membres du groupe, une formulation légèrement différente qui pourrait ne pas prêter à conséquence pour la majorité des personnes, peut ne s'avérer plus acceptable par certains.

La cartographie réalisée par le groupe peut engendrer un texte d'une ou deux pages ou bien un document important. Ainsi, dans le cas du groupe sur l'innovation monétaire, les six semaines de débat en ligne et les trois séances de travail ont permis 7 versions de la cartographie et ont abouti à un livre de 160 pages 32. La méthodologie Book sprint 33 utilisée par Floss Manuals 34 pour réaliser des livres collectifs en une semaine peut être utile. Un ensemble de personnes est réuni pendant cinq jours. Chacun rédige des parties du livre. Dans notre cas, il ne s'agit pas tant d'experts d'un domaine qui vont apporter leur connaissance que de personnes ayant participé aux échanges et qui vont chercher à transcrire le plus fidèlement possible la cartographie finale sous une forme accessible. Le sommaire est réparti entre les différents participants (suffisamment nombreux pour pouvoir rédiger leur partie en quelques jours) et chaque partie rédigée est mise en ligne et soumise aux commentaires du groupe. Des outils qui permettent de commenter en ligne tels que Co-ment 35 ou Google Drive 36 sont utiles à cette étape.

Une fois la rédaction terminée et validée par le groupe, il reste encore un travail d'édition pour traquer les fautes, améliorer le style et homogénéiser le tout. A ce stade, il est important d'éviter d'ajouter des erreurs. Aussi, il est intéressant d'avoir le texte final proposé avec les modifications apparentes par rapport au texte proposé par les rédacteurs (texte ajouté souligné et texte retiré barré), afin de permettre une dernière relecture plus aisée par le groupe en se concentrant uniquement sur les changements.

Une fois le travail entièrement terminé, il reste encore à diffuser largement le résultat en ligne et/ou sous la forme d'un livre imprimé. L'utilisation d'une licence Creative commons de type "cc - by -sa 3.0" 37 permet de faciliter sa diffusion et son appropriation par une large communauté.


Crédits photo : AJC1 sur Flickr - CC-By-SA

Comprendre par vous-même ce qui se passe dans votre groupe

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Il n'y a pas une façon unique de bien faire fonctionner un groupe qui pourrait vous être apportée par l'extérieur. Au contraire, c'est aux participants du groupe de se poser les bonnes questions - sans en oublier - pour trouver les réponses adaptées. Ce questionnaire vous permet d'étudier votre groupe sous toutes ses coutures. Il peut être rempli par le ou les animateurs mais encore mieux, par tous les membres, même ceux qui sont peu ou pas actifs.

Note : avant d'utiliser ce questionnaire, lisez au préalable La coopération en 28 mots-clés

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Coopération ou collaboration : quelles différences ?

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Entre la coopération et la collaboration, la différence est nuancée.
F. Henri et K. Lundgren-Cayrol analysent de manière très éclairante la différence entre ces deux notions.
La présentation qui suit reprend largement cette analyse.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

De manière générale, les groupes collaboratifs et coopératifs travaillent ensemble sur un but commun ou partagé.
C'est dans la manière de partager le travail que la différence est la plus visible :

En coopérant

cooperatio




Le groupe est divisé en équipes spécialisées qui réalisent une partie de tâche. Les membres de chaque équipe ont des responsabilités spécifiques. L'ensemble est réalisé seulement quand tous les membres ont fait leur part de travail.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

En collaborant


cooperatio



Les membres du groupe travaillent pour un but commun. Mais chacun, individuellement, cherche à atteindre par lui-même le but consensuel. Deux productions se font en parallèle : une production collective et les productions individuelles de chaque participant.

Autres différences

De cette manière de réaliser la tâche commune, découlent d'autres différences :
  • La maturité des groupes
  • Les interactions entre les personnes
  • La manière de considérer le but

La maturité des groupes

  • La démarche coopérative est plus structurée et encadrante. L'animateur organise et "contrôle" le travail. Ce type de travail convient davantage au "groupe-enfant";
  • La démarche collaborative est plus souple et les membres du groupe disposent de plus de liberté, Elle convient davantage au "groupe-adulte".

maturité groupe

On peut voir la démarche coopérative comme une méthode d'initiation et de préparation à une réelle collaboration.

Les interactions entre les personnes

Les interactions entre les membre des groupes jouent un rôle central :
  • En coopérant la complémentarité des tâches crée un sentiment de dépendance réciproque, les interactions sont de ce fait très fortes mais "hiérarchisées".
  • En collaborant c'est la mise en commun des idées qui priment, les interactions ont plutôt un caractère "associatif", elles sont donc plus riches et plus intenses.

La manière de considérer le but

Pourquoi travaillons-nous ensemble ?

coop



En coopérant, chaque membre est responsable d'une action ou sous-tâche. Le but est une production collective, c'est le groupe en tant qu'entité qui atteint un but.

coll



Dans les démarches collaboratives chacun utilise l'ensemble des ressources dans le groupe.

En conclusion


Coopération collaboration
Eric Grelet - CC By Sa


Ces deux notions ne sont pas encore "stabilisées" bien que on s'accorde sur le fait que la collaboration implique un processus plus "démocratique" : les rapports sont plus égalitaires.

Les filtres culturels sont forts et dans les deux cas peuvent avoir une connotation "négative" :
  • "Collaborer" renvoie à l'histoire sombre de la guerre 39-45.
  • "Coopération" s'associe avec la politique abusive des pays riches en Afrique.


En réalité la différence entre ces deux manières de faire n'est pas si tranchée : on passe facilement d'une démarche à l'autre.

Dessin : Éric Grelet - CC-BY-SA

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Coopération ouverte et/ou fermée ?

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :

Nous sommes "programmés" pour coopérer

Le comportement coopératif de l'homme est du, en partie, à son évolution génétique. Il est lié au degré d'apparentée et aux attentes identitaires.
Selon la théorie de l'évolution, nous aurions, au fil des siècles, développé des comportements altruistes, vis à vis de notre groupe de parentèle et d'appartenance.

Coopération fermée

L'altruisme évolue dans un groupe si celui-ci est en compétition avec d'autres groupes. Plusieurs expériences ont montré une propension à la coopération fermée au sein des groupes de parentèles et d'appartenance. L'enfant va plutôt partager avec les membres de son groupe proche et va se méfier des autres groupes. L'aspect cognitif et émotionnel jouant un rôle important (imitation, langage, croyance, imagination). L'ethnologie nous montre le fait de groupes renforçant leur solidarité face à d'autres, pour garder leurs biens matériels, voire immatériels. Dans de nombreuses langues, les terme utilisé pour le "Nous" et le "Eux" rend vraiment compte d'une distinction linguistique mais aussi comportementale entre "Son" propre groupe, et le groupe des "Autres". A travers l'histoire, et même de nos jours, nous nous affirmons en opposition par rapport aux autres; notre identité se construit en s'opposant à l'autre, et il en va de même pour les groupes. La coopération fermée renforce les liens au sein du groupe d'appartenance, permet un ancrage identitaire fort, valorise les réputations, peut se développer grâce la compétition.

Coopération ouverte

Cependant, la spécificité de l'Homo sapiens, au contraire de Néandertal, a été d'élaborer des formes de coopération de plus en plus ouvertes, à s'intégrer dans de larges réseaux. L'homme, selon les situations, a une inclination à la coopération ouverte. Nous coopérons plus facilement avec des gens qui eux-mêmes coopèrent, et en les observant, nous savons si ce sont de bons coopérateurs. Nous pourrions dire de certains comportements coopératifs qu'ils relèvent d'un "altruisme compétitif", tels que l'action de donner à des oeuvres caritatives. Cela pourrait être interprété comme une recherche de valorisation de soi, d'accroissement de la réputation pour être choisit à son tour par le groupe. Mais que dire de situation où l'individu va sauver une vie au risque de perdre sa propre vie? Il n'est pas dans une situation d'altruisme compétitif.
Quels sont donc les facteurs qui nous poussent à coopérer au sein de la parentèle ou avec d'autres groupes plus élargis?
La coopération ouverte permet l'accueil de nouvelles personnes et donc de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir faire, augmente son exposition au doute (condition nécessaire pour l'innovation).

Les variables pour la promotion d'une coopération ouverte

Tout d'abord quels sont les bénéfices induits par une coopération ouverte? A travers l'histoire et par expérience, il est démontré l'accumulation culturelle et l'apport d'innovation dû à des facteurs géographiques, écologiques, démographiques, linguistiques. L'ouverture aux autres, à une diversité de manières de faire et de penser, ainsi que la taille du groupe influe sur la capacité d'adaptation et à une certaine stabilité politique.
Trois autres variables sont importantes pour comprendre "les bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées":
  • Les sanctions. Elles auront un effet positif si il existe, conjointement, des normes prosociales puissantes, une légitimité des acteurs et la confiance dans les dispositifs institutionnels.
  • La notion d'identité collective au sens de créer du lien, de faire partie d'un "Nous"; la coopération est liée aux motivations et aux émotions sociales, et non pas à des motivations instrumentales et à un objectif utilitariste.
  • Le pouvoir politique, bien qu'il y ait des risques; c'est une affaire de choix moral et d'assumer de passer d'un "Nous" exclusif à un "Nous" inclusif, de tendre vers un processus agrégatif de toujours plus de complexité et de diversité sociales.

Coopération fermée et coopération ouverte s'expriment de manière simultanées, et chacune présentent des avantages et des inconvénients. Pour répondre aux attentes identitaires de chacun, il faudrait d'abord mettre en avant la nécessité de comportements coopératifs. "Au principe "Identifiez-vous, puis coopérez", on opposerait alors un tout autre principe "Coopérez, puis vous vous identifierez".
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage : Joël Candau : Professeur au Département de Sociologie-Ethnologie de l'Université de Nice-Sophia Antipolis.
Il est membre élu au Conseil National des Universités, membre de la section "Anthropologie sociale, ethnologie et langues régionales" du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, CTHS (2006-), membre de la Société d'Ethnologie Française, membre du Comité de rédaction de la revue Le monde alpin et rhodanien, expert pour l'AERES et directeur du Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie "Mémoire, Identité et Cognition sociale" (LASMIC, EA 3179).
Référence bibliographique : Dussaux Maryvonne, « «Pourquoi coopérer», Terrain, n° 58, 2012 » [en ligne], Lectures (2012), disponible sur <http://lectures.revues.org/9185>, (consulté le 4 février 2014).

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Coopérer, entre efficience et résilience

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Robert Ulanowicz est un écologiste empiriste connu pour ses recherches sur la mesure de la biomasse dans les écosystèmes naturels. Ses découvertes dans ce domaine ont des implications philosophiques importantes dans d'autres domaines complexes, comme celui des réseaux. Il a constaté que les systèmes totalement optimisés ne sont pas durables1. Ainsi, si nous choisissions le plant le plus optimisé de maïs, par exemple, et ne plantions que celui-là, il y a fort à parier qu'au premier parasite, l'ensemble de la récolte serait perdu. Le professeur à l'université de Maryland, aujourd'hui à la retraite, s'est alors intéressé à la durabilité des systèmes et a montré que celui-ci était maximal lorsque l'on trouve le bon équilibre entre l'efficience et la résilience (qui nécessite une plus grande diversité au détriment de l'efficience, afin d'augmenter la capacité d'adaptation aux problèmes qui peuvent survenir). Cet optimum se situe un peu plus près de la résilience que de l'efficience (sur un rapport approximativement de un tiers/deux tiers).
C'est à ce point d'équilibre entre optimisation et adaptabilité, entre ordre et désordre2, qu'émergent de nouvelles possibilités : en un mot, que la possibilité d'innovation est maximale. Ce résultat, sur les dangers de seulement optimiser sans développer l'adaptabilité, n'est pas seulement un constat sur les systèmes biologiques, mais plutôt une règle profonde de tous les systèmes complexes. Il peut ainsi être appliqué au domaine de l'innovation, du fonctionnement en réseau, aux choix complexes et aux civilisations elles-mêmes3.

1 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.
2 Benoît Mandelbrot :"Entre le domaine du désordre incontrôlé et l'ordre excessif d'Euclide, il y a désormais une nouvelle zone d'ordre fractal". Voir également la notion de "dialogique" d'Edgar Morin qui "unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité".
3 Tainter Joseph Anthony, The collapse of complex societies, New studies in archaeology [Texte imprimé] / ed. Wendy Ashmore, Clive Gamble, John O’Shea,... [et al.]. - Cambridge : Cambridge University press, 1976-, Cambridge, Etats-Unis, Etats-Unis, , 2000. L'idée que le manque d'adaptabilité conduit à l'extinction a été reprise et appliquée à l'économie par Clay Shirky dans l'article "The collapse of complex business models" accessible sur son blog (il aurait mieux valu parler de modèle économique compliqué et peu adaptable plutôt que complexe).

Débat mouvant

Auteur de la fiche : Frédéric Renier, Supagro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
En introduction : Le débat mouvant est un outil d'animation qui permet une prise de parole publique plus facile dans un groupe.
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Famille d'outils : Animation
Présentation : Le débat mouvant (encore appelé Jeu de positionnement) est une forme de débat dynamique qui favorise la participation.
  • Un animateur raconte une histoire volontairement polémique. Il propose à certains moments clés de l'histoire aux participants de se positionner physiquement dans la salle, "ceux qui ne sont pas d'accord avec ce qui vient d'être dit d'un côté, ceux qui sont d'accord de l'autre".
  • Personne n'a le droit de rester au milieu (sans avis), le fait de se déplacer réellement pousse à choisir un camp et des arguments.
  • Une fois que tout le monde a choisi "son camp", l'animateur demande qui veut prendre la parole pour expliquer son positionnement.
  • Pour initier le débat, il peut commencer par demander qui est fortement positionné par rapport à ce qu'il vient de dire.
  • Quand un camp a donné un argument, c'est au tour de l'autre camp d'exprimer un argument. C'est un ping-pong. Mais si un argument du camp opposé est jugé valable par un participant, il peut changer de camp.
  • Quand l'animateur le choisit, il clôt le débat et poursuit son histoire jusqu'à la prochaine affirmation ou situation polémique de l'histoire et le débat reprend.
Pré-requis :
  • Un minimum de participants (une dizaine).
  • Une histoire polémique dans laquelle les participants peuvent se projeter.
  • Une salle avec de l'espace.
  • Des affiches pour marquer les différentes zones (d'accord, pas d'accord).
  • Exposer les règles du jeu (personne n'est obligé de prendre la parole, mais tout le monde doit choisir un camp).
  • Durée de l'activité : 1h30 semble une bonne durée.
Quelques applications :
  • Briser la glace très rapidement au sein d'un groupe, le fait d'avoir à se positionner devient vite un jeu et contribue à la participation.
  • Favoriser la participation d'un maximum de personnes, si l'animateur favorise la prise de parole de ceux qui n'ont pas encore parlé.
  • Clarifier la position de chacun, donner à voir la diversité d'opinion des uns et des autres.
Prise en main :
Un exemple de débat mouvant organisé par la SCOP Le Pavé
Pour aller plus loin :
  • Possibilité de collecter les arguments au fur et à mesure du débat et d'en faire une carte mentale.
  • Possibilité de donner 5 min ou plus à chaque camp pour peaufiner collectivement ses arguments.
Avantages :
  • Activité qui ne nécessite pas de matériel.
  • Très rapide à mettre en place.
  • Possible de la vivre en extérieur, ce qui aère les participants.
  • Dans cette forme le débat redevient un moment de plaisir.
Inconvénients :
  • Il n'y a pas de garantie que le débat "prenne".
  • Certains participants peu à l'aise en groupe ou avec la logique argumentaire peuvent se sentir exclus, cette méthode débat doit être complétée avec d'autres formes de débat en fonction du temps, des participants et des objectifs.
Licence : Gratuit
Utilisation : Facile
Installation : Ne s'installe pas

Écrire pour le web

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

La rédaction web : une écriture journalistique potentialisée par le numérique

Contrairement à une idée encore trop largement répandue, écrire pour le web ne s'improvise pas. En dehors d'une capacité à structurer l'information et à la retranscrire, commune à tous les journalistes, cet exercice nécessite une bonne connaissance des enjeux du Net et une méthodologie propre à cet outil, prenant notamment en compte le fait que la lecture de l'internaute est différente que sur un support papier. Il faut veiller à capter son attention, guider sa visite, lui permettre d'aller et venir facilement dans les différentes strates du site au travers de liens et lui fournir directement ce qu'il est venu chercher : une donnée claire, structurée et actualisée.

Des règles d'écriture journalistiques transposées au web

D'une manière générale, la rédaction web reprend les règles de base de l'écriture journalistique de la presse papier. On y retrouve ainsi les mêmes éléments principaux et les mêmes techniques d'écriture que dans un média traditionnel. A savoir :

Le chapô et la "titraille"

Les éléments centraux autour desquels s'organise l'article sont :

  • Le titre qui se divise en deux catégories :
  • Informatif : qui n'a pas d'effet de style et se veut simple et clair.
  • Incitatif : qui s'attache à donner envie de voir l'information. Par exemple : "Cet infiniment petit qui suscite le grand débat" (Article sur les nanotechnologies).

  • Le chapô : qui vise à obliger le lecteur à lire l'article jusqu'au bout ("ferrer le lecteur").
  • sa forme s'attache à être vive pour retenir l'attention, aiguiser la curiosité et l'intérêt et être originale (dans le contenu et dans la forme).
  • le vocabulaire se compose de mots-clés (pour le référencement) et de verbes expressifs.

  • Les intertitres qui servent à structurer le contenu, à offrir plus de clarté au texte et à augmenter la visibilité par les moteurs de recherche.

La règle des "5 W + H"

La règle des "5 W + H" est un moyen mémo technique pour ne pas oublier les informations essentielles qui doivent transparaître dans l'article. Elle consiste à répondre aux questions suivantes :
  • Qui : le sujet de l'action ;
  • Quoi : l'action, les faits proprement dits ;
  • Quand : la période pendant laquelle se sont déroulés/ou vont se dérouler l'action, les faits ;
  • Où : le lieu où ils se sont ou vont se produire ;
  • Pourquoi : leurs raisons d'être ;
  • Comment : leur manière d'être.

Le principe de la pyramide inversée

Pyramide inversee


Récurrent dans le journalisme papier, le principe de la pyramide inversée repose sur le développement des faits par ordre d'importance décroissante. On commence par les informations générales pour aller aux spécifiques. Les informations capitales se trouvent au début suivant le postulat que le lecteur décroche au fur-et-à-mesure. Cette technique amène naturellement à hiérarchiser et structurer les informations. Très utilisée dans le monde de la rédaction web, elle n'est cependant pas, comme on le prétend souvent, incontournable. Le web permet en effet d'utiliser les liens hypertextes pour aller vers le plus spécifique et avoir différents niveaux de lecture.

  • Source : Own work

Ou la "méthode champagne" ?

Aujourd'hui la technique de la pyramide inversée est remise en cause par certains rédacteurs web au profit de la méthode champagne. Proposée par Mario Garcia, un célèbre graphiste, cette méthode consiste à structurer l'information de manière à relancer l'attention du lecteur toutes les vingt et une lignes environ. Le but recherché est que l'internaute reste intéressé par l'article et concentré.

Concevoir des textes lisibles et attractifs : travailler le style

Comme sur le support papier, il est nécessaire de concevoir des textes lisibles et attractifs pour engager la lecture de l'internaute et le fidéliser, en :

Rédigeant des textes agréables. Pour cela il est recommandé de :
  • Humaniser le propos, le rendre vivant : toujours privilégier les descriptions, les ambiances.
  • Mettre en scène son information, la scénariser.
  • Diversifier les angles d'approche.

Acquérant et développant un style. Pour cela il est conseillé de :
  • Lire beaucoup. Apprendre à lire avec un oeil de spécialiste : ce qui est efficace, ce qui nous plaît.
  • Se créer un univers, en "piochant", en s'inspirant, en écrivant.
  • S'entraîner avec des exercices courts : mini portraits, ambiance, situation, écho, billets...
  • Vaincre son amour-propre : faire lire ses textes (même en ébauche), accepter les critiques, les conseils...
  • Débrider sa sensibilité. Un bon rédacteur ne trahit pas l'impératif d'objectivité mais laisse transparaître son ressenti, son enthousiasme, son indignation... Il rend son article vivant.

Pour disposer de plus d'éléments sur les règles de base de l'écriture journalistique, découvrez le cours qui lui est consacré "Améliorer ses écrits en intégrant méthode et principe journalistique".

Une écriture optimisée par les développements du numérique

Si la rédaction web reprend à son compte les méthodes du journalisme traditionnel, elle ne peut se limiter à transposer simplement des contenus du papier à Internet. Cela ayant en soi peu de valeur ajoutée. Le développement des technologies numériques a permis à l'écriture de s'affranchir de nombreuses limites (le temps, l'espace restreint de diffusion, le nombre de lecteurs etc.) et d'entrer en relation directe avec le lecteur...

Transformer le lecteur en acteur !


Ce qui caractérise l'écriture web de l'écriture journalistique papier est sans nul doute la place accordée à l'internaute. Autrefois simple lecteur, il est devenu avec le Web 2.0 un acteur à part entière qui peut désormais générer du contenu via les commentaires faits sur un article, les discussions dans les forums, les chats ou encore son blog. Il peut également "qualifier" l'information reçue en la relayant et en l'annotant (voir par exemple, la pratique des hashtags sur Twitter). L'interaction est au coeur même de la rédaction web ! C'est elle qui va permettre au contenu d'exister, de s'approfondir et de se propager sur la Toile.

Cette interaction avec l'internaute peut être impulsée puis alimentée par la mise en oeuvre de différentes actions :

S'assurer que le message perçu est bien celui que l'on veut transmettre


nuage
L'interaction avec l'autre suppose une proximité. Celle-ci ne peut exister si les propos développés dans les écrits du rédacteur ne sont pas en adéquation avec ce qu'il veut vraiment signifier et la ligne éditoriale qui a été annoncée. Il peut ainsi être nécessaire de contrôler la cohérence de ses propos en utilisant par exemple les nuages de mots-clés (tag cloud en anglais) qui permettent, au travers d'une représentation visuelle, de faire ressortir les mots les plus utilisés sur un site ou une page web. Généralement, ceux-ci s'affichent dans des polices de caractères d'autant plus grandes qu'ils sont utilisés ou populaires. Ces outils sont ainsi utiles pour prendre de la distance vis-à-vis de ses écrits en ayant une vue globale des concepts les plus traités et en rectifiant au besoin le tir pour faire coller ses propos au plus près de l'idée de départ.

Parmi les générateurs de mots-clés, se distinguent :

Tagcrowd
Wordle

Permettre à l'internaute d'approfondir sa lecture

L'utilisation des liens hypertextes (dirigés vers l'extérieur) permet de relier ses écrits à d'autres pages qui portent sur le même sujet. Cela offre à l'internaute la possibilité d'approfondir les propos énoncés en ayant accès à des ressources complémentaires et instaure un nouveau dialogue entre les auteurs et les lecteurs. Internet a changé radicalement notre rapport à l'information : celle-ci n'est désormais plus isolée, elle s'insère dans un champ vaste de connaissances ! Faire des liens hypertextes offre ainsi de nombreux avantages :
  • contextualiser le propos et le doter ainsi de plus de matière,
  • fidéliser le lecteur qui appréciera la richesse du contenu,
  • offrir une visibilité supplémentaire à ses écrits en l'inscrivant dans un réseau plus vaste (les sites faisant l'objet d'un lien, pouvant en faire un sur votre page en retour),
  • capter l'internaute en l'incitant à rester se balader sur sa page (voir à ce sujet "L'ergonomie éditoriale ou l'art de bâtir une architecture de l'information").

Susciter la participation

La communication numérique s'attache moins à produire un contenu qu'à le partager en encourageant les internautes à donner leur avis, à construire une relation inter-lecteurs et à le relayer. Cela passe notamment par :

  • la mise en place de commentaires qui apparaissent de plus en plus comme une prolongation de l'article. Les internautes ajoutant de nouvelles données, apportant un autre point de vue ou renvoyant sur d'autres contenus pertinents qui abordent le même sujet,
  • la mise en place de boutons de partage sous l'article qui invite le lecteur à le relayer,
  • le lancement d'une discussion sur un forum,
  • l'appel à contribution etc.

Ces techniques permettent en outre d'améliorer le contenu en fonction des feedbacks des lecteurs et de fédérer une véritable communauté autour de ses écrits. Allant encore plus loin, un outil comme Wiki offre la possibilité à l'internaute d'ajouter ses propres données à celles existantes et de modifier ces dernières. D'une écriture individuelle, le numérique marque ainsi le passage à une écriture collaborative !

Dépasser les frontières du temps

Écriture immédiate...

Internet permet d'avoir non seulement une relation directe avec son lecteur mais en plus de manière instantanée...Il est aujourd'hui possible grâce aux réseaux sociaux de diffuser du contenu et d'avoir des retours et tout cela en direct ! Twitter, Facebook, CoveritLive...Tous ces outils de "live-blogging" amènent à mettre en place de nouvelles pratiques d'écriture au sein desquelles le contenu est pensé comme un support vers une information plus vaste plutôt que comme une fin en soi. L'écrit s'inscrit désormais dans un univers plus collaboratif où l'auteur assiste en direct à la diffusion se sa production : elle est reprise sur certains blogs, tweeté, scoopé, retweetée, commentée...Une véritable chaîne éditoriale se met naturellement en place pour faire vivre cet écrit, pour peu que celui-ci soit de qualité. Cela ne peut que modifier profondément le rapport entre l'auteur et son écrit, celui-ci étant de plus en plus amené à lâcher prise sur sa production, en acceptant d'avoir moins de contrôle sur sa diffusion, en acceptant également d'être jugé, parfois sévèrement...Cet état de fait nécessite pour celui qui veut publier en ligne de mener une réflexion préalable à son rapport non seulement à l'écriture mais aussi à ce qu'il accepte de montrer de lui. Le passage de l'écrit privé à l'écrit public peut être difficile...

... écriture d'analyse

Parallèlement à cette écriture de l’instantané, le numérique permet une écriture/lecture d'analyse. En effet, l'apparition des tablettes, smartphones et autres outils de communication nomades a amené à un comportement différent de lecture, l'internaute pouvant sélectionner puis stocker les sources qui l’intéressent pour ensuite s'y plonger plus tard, dans un contexte plus favorable. Tout l'enjeu du rédacteur web va être ainsi d'adopter de nouvelles stratégies éditoriales qui poussent le lecteur à récupérer le contenu et à le lire plus tard, en approfondissant sa lecture. Des outils consacrés à cette fin ont vu le jour : par exemple Pocket (anciennement Read It Later) ou Evernote qui permettent de mettre de côté les contenus sélectionnés sur le Web, de les archiver et de les classer à l’aide de filtres ou d'étiquettes.

Enrichir l'information en ligne

Le numérique permet également d'enrichir son article de contenus variés et de mélanger les formats au profit d'un parcours plus riche pour le lecteur ! Loic Hay, spécialiste des services et usages des technologies de l'information, passe en revue quelques widgets (= applications) qui permettent d'enrichir l'information en ligne : création et personnalisation d'un album photos, intégration de modèles 3D, intégration de vidéos etc. Ces extraits vidéos proviennent de l'Explorcamp organisé par la Mitic (Mission des Technologies de l'Information pour la Corse) les 26 et 27 juin 2008 et ayant pour sujet le Web 2.0 :


explorcamp - enrichir contenu par mitic20


explorcamp - enrichir contenu multimedia 2 par mitic20

Rédiger pour le web : halte aux idées reçues !

Enfin, en matière de rédaction web, les idées reçues sont légion et tenaces : il faudrait rédiger des phrases de moins de 15 mots, simplifier le message au maximum, éviter l’emploi de la négation et de la voix passive, favoriser une structure sujet-verbe-complément, écrire en mode scan... En réalité, comme pour le support papier, la rédaction doit s’adapter au plus près à l’auditoire, aux propos servis, au contexte particulier dans lequel elle s’inscrit. Un texte destiné à une revue de sciences humaines ou un site consacré à la philosophie ne peuvent en aucun cas suivre les mêmes règles qu’un document conçu pour mettre en valeur une entreprise ou des produits commerciaux.

L'étude Eyetrack, menée par le Poynter Institute en 2007, démontre bien que les internautes lisent en profondeur sur les magazines en ligne, voire même plus longtemps que sur les magazines papier. Le blog juridique de Maître Eolas, le "Journal d'un avocat", qui compte parmi les plus lus en France, en est un parfait exemple. Il montre bien que l'on peut écrire de longs billets et fidéliser une large communauté de lecteurs.

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Et si nous n'étions pas si individualistes ?

Auteur de la fiche : Jean Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Quand les hommes se choisissent entre eux pour s'allier

Beaucoup de stratégies prennent en compte l'égoïsme de l'homme : par exemple les systèmes qui le contraignent à oeuvrer pour une cause commune ou bien l'économie qui permet de négocier un prix d'échange en fonction de l'offre et de la demande avec des "agents" individualistes et rationnels.
Pour ma part, je me suis intéressé aux stratégies de coopération en partant du même présupposé : si l'homme a un côté égoïste et un coté altruiste, il faut avant tout chercher à faire converger son intérêt et l'intérêt collectif. Pire : quelqu'un qui serait altruiste, en cas de conflit d'intérêt, agirait pour l'intérêt des autres, au détriment de son propre intérêt. Il aurait donc un désavantage au sens darwinien...

Altruisme
Eric Grelet - CC By Sa


Pourtant trois informations dont j'ai eu récemment connaissance montrent que l'homme (tout comme certains animaux) peut faire des choses qui vont apparemment à l'encontre de ses intérêts pour obtenir quelque chose de vital : pouvoir s'allier avec d'autres.

Même les animaux sont parfois altruistes

Les cratéropes sont des oiseaux qui nourrissent les nichées des autres membres du groupe, se protègent mutuellement. Beaucoup d'autres espèces ont des membres qui acceptent d'être des sentinelles pour les autres. Ils montrent ainsi aux autres leur utilité à être intégrés dans une coalition.

L'homme-qui-dit-tout-ce-qu'il-sait face aux profiteurs

L'homme aussi fait des choses qui semblent aller à l'encontre de son intérêt. Jean-Louis Dessalles de Telecom Paris, dans une très intéressante conférence appelée "le langage humain, un paradoxe de l'évolution", montre que le langage devrait normalement désavantager celui qui l'utilise : celui qui parle partage ses infos alors que celui qui écoute dispose à la fois de ses propres information et de celles des autres.
Pourtant nous descendons d'un homme qui parle. Cette invention fondamentale qui a eu lieu il y a 100 ou 200 000 ans est même pour Jacques Monod dans "le hasard et la nécessité" la cause de notre intelligence. Quel avantage darwinien la nature peut-elle bien donner à celui qui parle et donne ses informations aux autres ?

Deux tentatives d'explication

On ne peut pas invoquer simplement l'avantage collectif pour l'espèce car cet argument ne fait pas le poids face à l'inconvénient pour l'individu de donner sans attendre de retour.
Autre tentative d'explication : dans l'approche de l'évolution par la théorie du jeu, développée par John Miller Smith, il est possible de faire quelque chose (par exemple donner une information) pour obtenir quelque chose de l'autre (approche "donnant/donnant"). Cela nécessite de s'adresser de préférence à ceux que l'on pense capable de "jouer le jeu", mais aussi d'avoir un système de détection des tricheurs (une approche développée par W.D. Halmilton).
Mais la théorie des "barbes vertes" met en image la difficulté des altruistes de se reconnaître entre eux :
"supposons que les altruistes portent, pourquoi pas, une barbe verte pour s'identifier les uns les autres. Les quelques égoïstes de la même espèce qui portent également des barbes vertes auront la possibilité de tricher... Et réussiront encore une fois aux dépens des altruistes !".
Pourtant, des chercheurs du laboratoire d'écologie de l'Université Pierre et Marie Curie (ENS-CNRS) et du Royal Holloway College (Londres, Royaume-Uni) ont pu démontrer récemment que les altruistes pouvaient garder une longueur d'avance sur les "tricheurs" en "modifiant régulièrement la couleur de leur barbe". Les simulations montrent que dans ce cas, les altruistes peuvent gagner un avantage concurrentiel non seulement face aux égoïstes mais même face aux égoïstes tricheurs...
Malgré tout : l'approche donnant/donnant, si elle permet de comprendre certains comportement altruistes, ne fonctionne pas cependant avec le langage car on s'adresse très souvent à un ensemble de personnes.

Le sage montre la Lune et le fou regarde le doigt

Jean-Louis Dessalles propose une troisième hypothèse très séduisante. Il constate que le petit d'homme, même avant qu'il ne sache parler, à tendance à montrer du doigt, c'est-à-dire à partager ses informations. Ce n'est pas le cas des animaux en général.
Une expérience illustre cela :
Lorsque l'on met de la nourriture sous un bol retourné et rien sous un autre : montrer le bon bol ne provoque rien chez un chimpanzé alors que le mouvement d'aller prendre le bon bol provoque la réaction de l'animal pour aller chercher la nourriture. L'enfant au contraire comprendra l'information simplement en montrant un bol du doigt.
La différence est que l'animal n'intègre pas en général dans sa communication l'information donnée sans attente de retour. La communication sert à montrer sa force physique, son attrait sexuel mais pas des choses qui ne vont pas être utiles à celui qui communique.
L'homme communique également comme cela, mais il va également y ajouter des informations qu'il donnera sans attendre d'autres informations en retour. En faisant cela, il va montrer aux autres des qualités qui le rendent à même d'être intégré dans le groupe (abnégation, altruisme, sincérité...).

L'avantage en terme de survie

Si l'homme passe environ 20% de son temps éveillé à communiquer avec les autres en leur donnant des informations "à fond perdu", c'est sans doute parce qu'il en tire un avantage crucial. Celui-ci doit compenser l'inconvénient qu'il y a de se retrouver parfois à faire des actions pour l'intérêt du groupe mais à son propre détriment.
L'être humain a peu de chances de survivre seul. Mais contrairement à d'autres animaux, il s'unit moins naturellement aux autres (en dehors des membres de sa famille). Il pourrait alors avoir développé une capacité de langage élaboré afin de pouvoir donner des informations et ainsi montrer qu'il peut être accepté dans le groupe.
Les chimpanzés ne savent monter des coalitions qu'à deux ou trois (à ne pas confondre avec la meute ou le troupeau : dans une coalition, les individus se sont choisis entre eux). L'homme, probablement grâce au langage, est capable de faire des alliances avec plus de personnes. Dans un petit groupe, c'est le choix force individuelle qui apporte le plus à l'ensemble ; dans un grand groupe c'est le nombre qui donne la force et donc la capacité des membres à coopérer ensemble.

Le conflit d'intérêt et la présomption d'altruisme

Cette approche pourrait expliquer une particularité des groupes : en cas de conflit d'intérêt, il y a une croyance inconsciente que la personne va défendre l'intérêt du groupe à son détriment. Bien sûr, lorsque l'on en discute en pleine consciente on se rend compte que ce n'est pas forcément le cas.
Cela a une conséquence fâcheuse : lorsque quelqu'un se retrouve en conflit d'intérêt, il ne peut pas dire aux autres "j'ai un problème, je ne peux pas agir dans l'intérêt du groupe". Pourtant, en parler permettrait dans la plupart des cas de trouver une troisième voie qui permettrait de réconcilier les intérêts individuels et collectifs ; mais cela signifierait que l'on n'a pas uniquement une position altruiste, contrairement à ce que nous avons montré inconsciemment par notre communication pour être accueilli dans le groupe.
Ainsi, un des problèmes qui rend le plus difficile la cohabitation des hommes entre eux est qu'en cas de conflit d'intérêt, il n'est pas possible d'en parler. Nous restons dans le non-dit et même parfois dans l'inconscience (par exemple avec des réactions de colère que nous cherchons à justifier par des causes objectives alors qu'elles sont le résultat d'autres causes dont nous ne sommes pas pleinement conscient...). Ce non-dit nous rend difficile la résolution des inévitables problèmes de la vie en groupe. Il semble venir de ce qui nous permet justement de nous réunir : notre faculté à donner des informations gratuitement pour montrer notre capacité à être choisi pour participer à une coalition !

Hume et la partialité de l'homme

Dans une présentation audio sur "artifice et société dans l'oeuvre de Hume" (anthologie sonore de la pensée française), Gilles Deleuze montre que pour David Hume, l'homme n'est pas égoïste mais partial. Cela veut dire qu'il a une sphère de sympathie privilégiée.
Pour Hume, il existe trois types de sympathie : avec nos proches, avec nos parents et avec nos semblables. Ils correspondent aux trois principes d'association qu'il a identifié dans ses travaux (en particulier sur l'association des idées) : la ressemblance, la continuité et la causalité commune.
Le problème moral devient alors non pas de gérer l'égoïsme (ce qui est le point de départ du contrat qui est souvent considéré comme la base de la société et de ses institutions, en particulier chez ses contemporains du XVIIIe siècle), mais plutôt de dépasser

Historique de l'approche francophone de la coopération

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Jusqu'en 1990, la très grande majorité des personnes pensaient qu'il était impossible de travailler de façon efficace à plus d'une douzaine de personnes (à moins de mettre en place une hiérarchie pour faire des "groupes de groupes" ou de faire du travail à la chaîne qui ne demande une relation qu'avec ceux avant et après soi).

En 1991, Linus Torvalds, un étudiant finlandais, lance le développement du noyau du système d'exploitation Linux1. A la suite d'une annonce le 26 août 1991 sur le forum Usenet, plusieurs centaines de passionnés et d'entreprises de toute taille rejoignent le projet et travaillent ensemble au développement du système.

En 1997, Eric Raymond publie en ligne la première version de son texte "La Cathédrale et le Bazar2." qui donne des pistes pour comprendre comment le phénomène Linux a été possible dans le monde du logiciel libre. Il propose 19 règles pour le développement de façon collaborative de logiciels libre.

En 2000, Jean-Michel Cornu publie en ligne la première version de "la coopération nouvelles approches3." qui propose les neuf lois de la coopération en s'appuyant sur la cathédrale et le bazar d'une part, et sur des expériences personnelles en dehors du développement logiciel : l'association Vidéon (télévision participative et centre de ressources pour les autres télévisions participatives) et l'Internet Fiesta (fête mondiale de l'Internet qui s'est appuyée en 1999 et 2000 sur les principes du logiciel libre appliqués à la réalisation d'événements).

Vers 2001, un groupe informel naît de structures environnementales (Tela Botanica, Ecole et Nature, les écolos de l'Euzière). OCTR travaille à l'élaboration d'outils méthodologiques et informatiques pour le travail en réseau, le nom sera vite oublié mais ce groupe organise en 2003 une rencontre inter-réseaux "réseaux, mythes et réalités" dans le sud de la France.

En 2001 également, se crée l'association Créatif, réseau d'acteur de l'accès public, qui va produire de manière collaborative une série de guides animés par Philippe Cazeneuve. Cette même année est crée le collectif I3C de l'internet créatif coopératif et citoyen4. qui organise des rencontres Haillan (33) en novembre 2001, puis une rencontre régionale "en Bretagne armorique " en novembre 2002 à Brest du réseau I4C ou le 4eme C est rajouté pour convivial 5.

En 2002, le réseau Ecole et Nature, sous la houlette de Marc Lemonnier publie son guide "Fonctionner en réseau"6, synthèse d'analyses de pratiques des réseaux territoriaux d'éducation à l'environnement : écriture coopérative en 1995 de son premier guide pratique professionnel, expérience irréversible de coopération, organisation de rencontres régionales et nationales participatives.
Le réseau Tela-botanica des botanistes francophones 7 , créé en 1999 par Daniel Mathieu, s'appuie alors sur le livre la coopération nouvelles approches et sur les réflexions du réseau Ecole et Nature pour le mode de participation de ses membres. En 2013, le réseau atteint 20000 membres.

En 2004, la Fondation Internet Nouvelle Génération monte un groupe sur l'Intelligence Collective8. qui rassemble 130 spécialistes et praticiens francophones à la suite d'une conférence donnée par Pierre Levy. Pendant 3 ans, par l'intermédiaire d'échanges en ligne sur une liste de discussion, les membres croisent leurs savoirs et aboutissent à une première synthèse de l'intelligence collective sous la forme de 12 facettes. Ce travail permet d'aboutir en 2007 à un questionnaire "comprendre par vous même ce qui se passe dans un groupe9."

Toujours en 2004, à l'initiative de Michel Briand, le forum des usages coopératifs10. réuni à Brest plus de 250 acteurs impliqués dans les usages innovants et l'appropriation sociale. Il se déroule ensuite tous les deux ans. D'autres rencontres se créent en France autour de la coopération comme les étés TIC11 à Rennes à partir de 2009 devenus en 2013 "tu imagines ? Construits !12" ou bien encore les rencontres Moustic13 à Montpellier à partir de 2005. Elles sont l'occasion de croiser les expériences et de continuer de développer la compréhension des mécanismes de coopération (très grands groupes, recettes libre pour reproduire les projets coopératifs...). A cette même époque, les rencontres des acteurs de l'internet francophone, plus ancienne manifestation française de l'internet crées en 1997, accueillent une série d'ateliers faisant le point sur les avancées dans le domaine de la coopération. Le croisement des réseaux s'organise autour du site Intercoop14.

En 2010, l'association Outils Réseaux, lance la formation Animacoop15, "animer un projet collaboratif" en s'appuyant sur les résultats précédents. Plus d'une centaine de personnes sont formées à ce jour avec des sessions à Montpellier, Brest et Caen.

En 2011 se crée Imagination for People, une plate-forme internationale et une communauté dont le but est de repérer et soutenir les projets sociaux créatifs. Dans ce cadre, elle aide de nombreux groupes entre 100 et 1000 personnes à se créer et se développer. Le groupe Imagine produit le 12 mai de cette année une version plus aboutie de la méthodologie de production collective, développée au départ dans le cadre du groupe intelligence collective.

Toujours en 2011, le nouveau groupe sur l'innovation monétaire de la Fondation Internet Nouvelle Génération applique cette méthodologie avec 160 participants qui aboutie à des pistes radicalement innovantes qui sont publiées sous la forme d'un livre l'année suivante.

Le groupe des animateurs de groupe, AnimFr, est créé en 2011 à l'initiative de Outils Réseaux, Brest Métropole Océane et Imagination for People. Il rassemble 250 personnes parmi ceux qui ont fait la formation Animacoop de Outils Réseaux et ceux qui animent des groupes dont Imagination for People est partenaire.

Entre le 2011 et 2013, le projet européen CoopTIC, piloté par SupAgro Florac permet de former des formateurs en coopération en Belgique, Catalogne et France. Il abouti à des premières formations dans les différents pays et un livre en ligne rassemblant l'état actuel des connaissances sur le sujet.

En 2012, la méthode de production collective de documents dans des grands groupes commence à être appliquées par d'autres personnes que ses initiateurs. C'est le cas en particulier du groupe Question Numérique de la Fondation Internet Nouvelle Génération (travail coordonné par Amadou LO) et du document "La coopération expliquée à mon beauf" produit par le groupe AnimFr (travail coordonné par Gatien Bataille dans le cadre de la formation CoopTIC).

Toujours en 2012, les différentes facettes pour comprendre la coopération, produites par le groupe Intelligence collective de la Fing et les compétences développées dans le cadre de la formation Animacoop de Outils Réseaux sont actualisées et rassemblées pour conduire à la présentation d'ensemble "la coopération en 28 mots clés" qui est exposée dans le cadre d'Animacoop et du premier MOOC francophone ITYPA (Formation massivement en ligne et ouverte sur le thème "Internet, tout y est pour Apprendre").

En 2013, le groupe Adeo rassemblant 13 enseignes de bricolage dans le monde, définit sa stratégie produits, achats et supply chain pour les dix prochaines années, à l'aide de groupes de travail, d'une rencontre internationale, mais également d'un travail en ligne qui rassemble 1500 personnes en 7 langues pendant deux mois.

La même année, un document de synthèse décrit en détail la méthode pour produire des documents à plusieurs centaines de personnes pour être utilisée dans différents cadres.

Également en 2013 sort le logiciel en ligne Assembl développé par Imagination for People en partenariat avec l'Institut du Nouveau Monde au Québec pour faciliter la réalisation des cartographies textuelles proposées par la méthode.


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Infobésité : je m'appelle Gatien, je suis infobèse mais je me soigne

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage :
Infobesité
Eric Grelet - CC By Sa


Hier soir, dans le local à l'arrière du centre culturel

  • Moi : Bonjour à tous, je m'appelle Gatien et je suis infobèse
  • En coeur : Bonjour Gatien !
  • L'animateur : Gatien peux-tu nous raconter ton parcours ?
  • Moi, reprenant une respiration profonde : Je suis un passionné inconscient... Je suis terriblement frustré de ne pouvoir suivre le flux d'informations qui émanent du monde chaque jour, chaque heure, chaque seconde. Impliqué dans de nombreux réseaux et curieux de nature, je lisais les revues, les derniers ouvrages, j'écoutais la radio... Jusqu'à il y a peu, je gérais... puis est arrivé internet, Twitter, les podcast, les webzines, les newsletters, les alertes Google, les flux RSS... la palette des possibles s'est élargie et les sujets passionnants se sont multipliés. C'était euphorique au début mais rapidement la frustration a gagné du terrain... Trop d'informations intéressantes m'échappaient, je papillonnais sans jamais approfondir. La joie d'être baigné en permanence dans le flux culturel s'est transformé en noyade :
  • L'animateur : Gatien quel était ton sentiment à ce moment ?
  • D'une voix tremblotante : J'étais très frustré... En colère aussi contre moi-même de ne pas pouvoir suivre le rythme.
  • L'animateur : Tu penses vraiment que c'eut été possible ?
  • Me reprenant : Non, rapidement j'ai compris que même en sollicitant tous mes neurones, il me serait impossible de faire face à cette vague tous les jours un peu plus grande. C'est un sentiment désagréable... J'avais secrètement espéré en être capable.
  • L'animateur : Qu'est-ce que tu as fait à ce moment là ?
  • Moi : Dans un premier temps, j'ai cherché à m'organiser. J'étais certain que ce petit passage à vide pouvait être résolu par une meilleure organisation. J'ai automatisé le tri des mails dans ma boîte mail. Je me suis désabonné à diverses newsletters, j'ai organisé mes flux RSS et me suis astreint à n'ouvrir que les articles qui paraissaient vraiment pertinents, j'ai réduit mon utilisation de Twitter...
  • L'animateur : Et ?
  • Moi : Bon comment dire, oui il y a eu quelques effets positifs à cette organisation. C'est redevenu, disons, gérable.
  • L'animateur : Tu n'as pas l'air plus satisfait que ça ?
  • Moi : Je finis par me demander si l'infobésité n'est pas en fait un trait de caractère...
  • L'animateur : Ah bon ? tu nous expliques ça ?
  • Moi : Plus j'y réfléchis, plus je me dis que j'étais déjà infobèse et ce même avant internet. Vous savez les livres qui s'accumulent à côté de votre lit plus vite qu'il ne vous est possible de les lire... Ça c'était déjà avant internet. Je crois que la curiosité, l'envie d'apprendre rend infobèse. Après on essaie juste de limiter cette infobésité pour que le niveau de frustration reste raisonnable. Et là internet ne rend franchement pas les choses faciles. Bien sûr, l'information y est abondante mais l'information est aussi abondante dans les bibliothèques... Ce qui pour moi fait la différence, c'est la sérendipité...
  • L'animateur : La sérendipité, là, je vois pas...
  • Moi : Quand je suis sur internet à la recherche d'une info sur un sujet précis qui m'intéresse, il est trop facile, beaucoup trop facile de tomber par hasard sur un nouveau sujet peu connu, voire inconnu, et qui, nom de dieu, mérite votre attention... Et voilà... Le piège se referme, d'un sujet intéressant, je passe à deux... D'une personne à suivre sur Twitter, je passe à deux, d'un flux RSS à suivre je passe à deux... J'ai beau trier et trier encore en aval, c'est en amont que doit se faire le travail.... Et là c'est terriblement compliqué. Surtout quand on est curieux de nature.
  • L'animateur : Et donc ?
  • Moi, de nouveau la voix tremblante : Et bien je suis toujours infobèse... Je crois que j'ai pu limiter les dégâts mais mon niveau de frustration reste élevé. J'ai quand même appris à relativiser, à "fermer la boutique" de temps à autre, à me dire que si l'info est vraiment importante elle repassera, à me placer dans le flux plutôt que de chercher à le capter... Je crois que c'est un bon début. J'ai encore des progrès à faire mais vous allez m'aider ? N'est ce pas ?
  • En coeur : Bravo Gatien, tu peux compter sur nous.


Quelques trucs pour gérer l'infobésité

  • Faire un tri dans ses abonnements newsletters... Celles que vous ne lisez pas vraiment = au bac.
  • Organiser sa boîte mail et mettre en place un tri automatique pour ne garder "visible" que les mails importants ou urgents
  • Limiter ses abonnements flux RSS aux sujets qui vous intéressent vraiment
  • Ne pas chercher à être à tout prix à jour dans la gestion de ses flux RSS, ce qui est vieux de plus de 5 jours n'est plus "important" (en tout cas dans de nombreux sujets... Á vous de voir lesquels)
  • Prévoyez un moment précis dans la journée pour gérer votre infobésité... Le reste de la journée, organisez-vous pour ne plus être "dérangé" par l'afflux d'infos.
  • Ne créez pas vous même d'infobésité chez les autres. Ne re-scoopez, re-twittez, relayez que ce qui est vraiment opportun
  • Partagez votre infobésité et appuyez-vous sur des amis-collègues pour diminuer votre infobésité personnelle. Si chacun veille sur un sujet et fait le tri dans le bruit, et que ce travail est partagé, c'est tous les membres du groupe qui voient leur infobésité diminuer.


Crédits photo : Dylan Roscover on Flickr - CC-BY-SA
Dessin : Éric Grelet - CC-BY-SA

Introduction aux biens communs

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Biens communs ?

Appelés traditionnellement "ressources communes" (les choses qui nous appartiennent en commun), les biens communs ont été quelque peu oubliés.
Ils ont été supplantés par :
  • Les biens privés organisés par le marché.
  • Les biens publics mis à disposition par l'état.

Dès lors les biens communs sont devenus les "choses de personne"... dont personne ne s'occupe
Pourtant les biens communs (commons en anglais) ne sont pas des biens "sans maîtres".
Chacun de nous peut légitimement faire état de droits sur eux.
Ils sont les choses qui nous nourrissent, qui nous permettent de communiquer ainsi que nous déplacer, qui nous inspirent... voire nous permettent de rejeter nos déchets (dans l'air ou l'eau).

Un bien commun se caractérise par le fait

  • Qu'une ressource, par exemple l'eau ou le savoir, soit durablement utilisée en commun, plutôt que consommée individuellement ou en excluant d'autres personnes.
  • Qu'un groupe spécifique s'occupe de la ressource et en prenne soin, plutôt que de la laisser à la merci de profiteurs.
  • Que ce groupe se soit mis d'accord sur des règles appropriées et transparentes, plutôt que d'accepter l'absence de régulation.
  • Que l'accès aux ressources soit largement auto-organisé, plutôt que déterminé de l'extérieur.
  • Que tous les utilisateurs aient droit de cité et voix au chapitre, plutôt que d'être systématiquement représentés par d'autres.
  • Que les avantages soit partagés, plutôt que concentrés.

Cette conception interroge fortement la notion de propriété privée sur des biens que l'on pourraient qualifier de communs... Pourtant c'est peu débattu actuellement.

Biens communs
Eric Grelet - CC By Sa


Quelles seraient les conséquences d'une redéfinition des terres comme biens communs ?
Il faut renforcer les biens communs, au-delà et de manière complémentaire au marché et à l'état. Chacun est appelé à assumer ses responsabilités en tant que copossesseur des "choses qui nous sont communes", afin d'en tirer davantage de liberté et de communauté. Les biens communs ont besoin d'hommes et de femmes, non seulement de marchés, d'aides gouvernementales ou de régulation étatique. La richesse qui se dispense à travers les biens communs doit être partagée de manière nouvelle et équitable dans toutes les sphères de notre vie.

Car les biens communs sont le secret bien gardé de notre prospérité.
Chacun les rencontre quotidiennement, en tous lieux. Chacun y a constamment recours dans ses activités économiques, en famille, en politique ou au cours de son temps libre. Ils font partie des présupposés tenus pour évidents de la vie sociale et économique, et demeurent pourtant largement invisibles.

Les choses qui sont utilisées en commun constituent la charpente interne d'une société florissante.
Au sein de la nature, les hommes et les femmes dépendent tous de l'eau, des forêts, de la terre, des pêcheries, de la biodiversité, du paysage, de l'air, de l'atmosphère, ainsi que de tous les processus vitaux qui y sont liés. Chaque individu est en droit d'avoir part aux ressources naturelles, indépendamment de la propriété privée de ces ressources.
Dans le domaine social, parmi les conditions pour que s'épanouissent les relations sociales figurent les places, parcs et jardins publics, les soirées, les dimanches et jours fériés, ainsi que les transports en commun, les réseaux numériques, les moments de sport et de loisir. Ces biens communs sociaux peuvent être directement pris en charge et cultivés, de manières très diverses, par les communautés concernées et à l'initiative des citoyens. Ils peuvent également relever pour partie du domaine public, où les services publics jouent un rôle important.
Il va sans dire, en ce qui concerne la culture, que la langue, la mémoire, les usages et la connaissance sont indispensables à toute production matérielle ou immatérielle. Autant les biens communs de la nature sont nécessaires à notre survie, autant les biens communs culturels le sont à notre activité créative. De la même manière, les acquis d'aujourd'hui doivent continuer à servir librement les générations futures.
Dans la sphère numérique, les productions et les échanges fonctionnent d'autant mieux que l'accès aux objets et aux données est moins entravé. Il est indispensable que les codes sources des logiciels, de même que toute la richesse des textes, sons, images et films disponibles en ligne, ne soient pas clôturés par des droits de propriété intellectuelle restrictifs.

Bon à savoir

Bien commun n'est pas égal à bien public
Une différence essentielle avec la typologie classique des biens publics tient à ce que les biens communs sont hérités : soit ils représentent des dons de la nature et sont entretenus en tant que tels, soit ils ont été produits par des personnes ou des groupes (pas forcément toujours clairement identifiés), et ensuite transmis. Cette transmission peut être un processus de longue durée (paysages culturels, langue) ou très court (Wikipédia, logiciels libres). Des biens communs peuvent également se former lorsqu'ils ont été produits par une personne et destinés par elle à une utilisation en commun (par exemple le langage html).
Aucun politicien, aucun état n'en a décidé ainsi.
Bien entendu, les biens communs ou les droits humains qui leur sont associés sont souvent dépendants de la protection de l'État. Ainsi, la préservation et la revendication des biens communs planétaires pourraient difficilement être atteints sans accord entre les différents états.
Les biens communs sont gérés équitablement et durablement lorsque les choses dont la disponibilité est limitée pour tous sont partagées, et lorsque tout le monde a accès aux choses qui sont abondantes.

Bien commun n'est pas égal à propriété commune
La propriété commune est une forme de propriété collective. Il peut s'agir de coopératives, de communautés d'héritiers ou encore de sociétés anonymes par actions. Comme la propriété privée, la propriété commune implique l'exclusion de certaines personnes (les non-propriétaires) de l'accès et de l'utilisation du bien. En cela, elle se différencie des biens communs.

Tout n'est pas un bien commun, mais beaucoup de choses peuvent le devenir.

Architecture des biens communs

Les biens communs sont constitués de trois briques fondamentales : les ressources, les gens, et enfin les règles et normes qui permettent de lier entre elles toutes ces composantes.

La première brique est matérielle. Elle se réfère aux ressources proprement dites : l'eau, la terre, le code génétique, celui des logiciels, les connaissances, les algorithmes et les techniques culturelles; elle se réfère aussi au temps dont nous disposons, et naturellement à l'atmosphère. Tout cela constitue les "ressources communes" (common pool resources en anglais). Chacun dispose d'un droit équivalent à les utiliser.

La deuxième brique est sociale. Elle renvoie aux êtres humains qui usent de ces ressources. Le concept de biens communs est impensable s'il n'est pas rapporté à des individus concrets agissant dans un espace social défini. Les connaissances sont utilisées, par exemple, pour émettre un diagnostic ou pour soigner. Les techniques culturelles sont utilisées afin de produire des innovations. La communauté, c'est-à-dire tous ceux qui collectivement utilisent les ressources, transforment ces ressources en biens communs.

La troisième brique est régulatrice. Elle englobe les règles et les normes qui régissent le rapport aux biens communs. À l'évidence, ce n'est pas la même chose de réguler les bytes et l'information et de réguler des ressources naturelles telles que l'eau ou les forêts. Les rapports avec ces choses prennent des formes différentes. Ce que ces rapports ont néanmoins tous en commun est qu'ils doivent être déterminés par chaque communauté étendue d'utilisateurs. Ce qui n'est possible à son tour que lorsqu'un groupe humain développe une compréhension commune de ses rapports aux ressources.

Ressources + Communautés + Règles et normes = Biens communs

Les biens communs font la qualité de vie

Les biens communs sont sources de valeur et ceci en dehors ou en complément du marché. Pour tout un chacun, la possibilité de recourir aux biens communs, en plus des services offerts par le marché et l'état, a de multiples avantages.

La chose est manifeste partout où les ressources naturelles utilisées en commun, comme les pâturages, l'eau, les mers, les forêts, les champs et les semences, forment la base de la subsistance. Les droits communautaires assurent un accès gratuit à ces ressources indispensables à la vie, payé en monnaie de coopération et de solidarité. Dès que les services assurés par ces ressources - alimentation humaine et animale, matériaux de construction, médicaments, chauffage et matières premières - doivent être achetés avec de l'argent, les hommes sont réduits à la misère, car ils sont dépourvus de pouvoir d'achat.
La véritable tragédie des biens communs est que les gens ne prennent conscience de leur valeur (non monétaire) qu'au moment où ils sont sur le point de disparaître.
Ainsi, la densité urbaine est une forme de richesse qui ne devient apparente que lorsqu'elle est perdue. Les courtes distances :
  • Permettent les économies de temps nécessaires pour effectuer ses courses à pied,
  • ou pour que les enfants puissent se rendre à l'école sans emprunter les transports.
  • Encourage les réseaux de socialisation et le travail en commun, et par là l'organisation de crèches autonomes, l'entraide entre voisins ou le jardinage collectif.

Ressources communes + Communautés + Coopération = Création de valeurs non monétaire

Les biens communs : outils de créativité et de coopération

Que la coopération soit un puissant facteur de productivité est une vérité admise depuis longtemps. La sphère numérique a permis le développement de formes de coopération tout à fait innovantes.

Dans le monde des sciences, les modes de travail collaboratifs, globalement partagés et auto-organisés sont devenus une évidence.
La créativité revêt à l'âge numérique une nouvelle signification, au-delà de l'individu.
Il s'avère souvent que l'enthousiasme et la compétence cumulés des amateurs n'a rien à envier aux professionnels, bien au contraire. Grâce aux applications toujours plus nombreuses du Web 2.0, comme Twitter, les wikis ou les blogs, de nouvelles formes de travail en commun et de partage des connaissances sont expérimentées. L'Internet a le potentiel de développer des plate-formes pour l'intelligence collaborative et l'ingéniosité décentralisée, et de les mettre à disposition de tous.
Les "communautés en ligne" sont en mesure, grâce à une large participation, de proposer des produits et des services de haute qualité, qui peuvent aussi avoir une valeur monétaire.

Presque toutes les sociétés humaines sont fondées sur un mélange de concurrence, de planification et de solidarité. Cependant, leurs rapports respectifs se modifient au cours de l'histoire. L'échange de marchandises sur le marché - aussi évident qu'il soit devenu pour nous - ne représente qu'une manière parmi d'autres de s'approvisionner en biens.
Les voies pour s'approvisionner en biens sont :
  • La production organisée par le marché (principe de concurrence).
  • La production organisée par l'État (principe de planification).
  • La production et la distribution au sein de communautés (principe de réciprocité).
Le sentiment de communauté et de coopération libre semblent acquérir une nouvelle signification et une nouvelle importance en se conjuguant au désir d'indépendance. Le renforcement des biens communs répond à ce besoin.

La solution aux problèmes d'aujourd'hui ne réside pas dans un repli de l'État visant à faire de la place au marché, mais plutôt en ce que l'État s'efforce de sécuriser les droits des communautés sur leurs biens communs.

Les atouts des biens communs

Ce qui apparaît aujourd'hui encore comme une faiblesse des biens communs pourrait bien dans un avenir proche se révéler une force : l'argent y joue un rôle secondaire. Ce qui distingue les biens communs, c'est la coopération en vue de la possession partagée plutôt que la concurrence dans la recherche de l'enrichissement personnel. Généralement, les incitations monétaires y jouent un rôle très marginal.
Les motifs qui comptent réellement sont plutôt :
  • L'utilité commune,
  • le développement des compétences,
  • la sociabilité ou la réputation.
En ce sens, la sphère des bien communs est un espace démarchandisé. Il s'agit d'une économie du partage et de la participation, et non de l'accumulation et de l'exclusion.
Sans une telle économie du partage, une économie libérée de la pression de la croissance est inconcevable. En effet, tout ce qui est réalisé par sens de l'intérêt général, par passion pour le sujet ou par solidarité permet de satisfaire les besoins avec un investissement monétaire moindre. Ainsi, la réalisation de Wikipédia aurait représenté un coût inabordable si chaque collaborateur avait dû être rémunéré.

En d'autres termes, ce qui est produit dans la sphère des biens communs - souvent caractérisé comme du capital social - pourrait être qualifié de manière plus pertinente encore de "monétairement efficient". Un moindre investissement de capital monétaire est requis pour un même niveau de performance.
C'est précisément là le défi central d'un système économique qui devra se passer de croissance économique, mais qui devra aussi continuer à fonctionner. Parce que l'efficience monétaire ainsi comprise peut représenter le pilier d'une économie post-croissante, la redécouverte des biens communs est la condition d'émergence d'un ordre économique capable d'avenir pour le XXIe siècle.
Un nouveau modèle à créer : la production par les pairs basée sur les communs
Contrairement à la production pour le marché, la production par les pairs basée sur les communs n'a pas lieu en vue de la vente, mais en vue de l'utilisation directe. Les projets de pairs ont un but commun - créer des logiciels, faire de la musique, s'occuper d'un jardin - et tous les participants et participantes contribuent d'une manière ou d'une autre à cette fin. La plupart ne le font pas pour gagner de l'argent, mais parce qu'ils partagent l'objectif du projet et souhaitent qu'il réussisse - ou simplement parce qu'ils aiment faire ce qu'ils font. Une telle production par les pairs basée sur les communs produit de nouveaux biens communs, ou bien prend soin de ceux qui existent déjà et les améliore. Les structures hiérarchiques y sont largement inconnues. Cela ne signifie en aucun cas qu'ils soient non structurés mais personne ne peut ordonner à un autre ce qu'il a à faire. Les relations qui se nouent autour de ces biens communs ne sont pas dépourvues de règles. Les règles sont le fruit du consensus des "pairs". Dans l'économie égalitaire des biens communs, il n'y a ni contrainte ni commandements. Il en résulte une coopération libre entre contributeurs égaux en droits.

Une production par les pairs basée sur les communs a toujours lieu au sein de "communautés" (communities), là où se retrouvent des personnes partageant des intérêts communs ou ayant simplement une relation de voisinage. Les mondes virtuels rendent également possible l'émergence des formes nouvelles de communauté, sans attache territoriale.
Il est vrai que la production par les pairs basée sur les communs s'est développée surtout dans la production de savoir et de logiciels, mais ses principes peuvent être transposés à la production de biens matériels. Cela signifie que :
  • Le savoir et les ressources naturelles sont des biens communs qui fondamentalement appartiennent à tous. Pour leur utilisation, il existe des règles qui garantissent l'équité.
  • La production de biens physiques est basée sur des designs (plans de construction) libres, que chacun peut continuer à développer ou adapter à ses propres besoins.
  • L'organisation de la production physique est décentralisée. Pour l'essentiel, elle a lieu localement.
  • La production est orientée vers l'utilisation et l'utilisateur : on produit pour la vie !
  • L'engagement de chaque participant découle de son "libre choix" : chacun choisit par lui-même où et comment il souhaite prendre part. Cela exige un important effort de mise en harmonie, mais cela apporte aussi davantage de satisfaction.
  • La production parles pairs est basée sur l'intégration et non sur l'exclusion. Il y a bien sûr des règles, dont les communautés se dotent elles-mêmes et auxquelles chacun doit se tenir, mais les barrières à l'entrée sont faibles. La participation est facilitée.

Alors que dans l'économie de marché, les biens communs - bien que d'importance vitale - sont devenus quasiment invisibles, dans une économie des biens communs les rapports devraient être inversés : les marchés, tels qu'ils sont organisés dans l'économie marchande d'aujourd'hui, joueront à l'avenir un rôle minime, alors que les biens communs, les commons et les communautés de commoners seront au centre de la vie.

Les pistes pour agir

  • Nous pouvons directement vouer notre énergie, nos institutions et nos talents aux biens communs et à ce qui constitue leur essence : la diversité de la vie.
  • Nous pouvons nous demander systématiquement, à propos de tout projet, de toute idée ou de toute activité économique, s'il apporte plus aux communautés, à la société et à l'environnement qu'il ne leur retire.
  • Nous pouvons inverser la tendance actuelle : en nous fixant des limites et en utilisant de manière durable les ressources naturelles, mais en étant prodigues en matière de circulation des idées. Ainsi nous bénéficierons au mieux des deux.
  • Nous pouvons trouver des moyens intelligents de promouvoir la progression de tous, au lieu de nous concentrer exclusivement sur l'avancement individuel.
  • Nous pouvons reconnaître et soutenir matériellement en priorité les activités qui génèrent, entretiennent ou multiplient des biens à la libre disposition de tous.
  • Nous pouvons faire en sorte que la participation collective et équitable aux dons de notre terre ainsi qu'aux réalisations collectives du passé et du présent soit institutionnalisée et devienne la norme.
  • Nous pouvons recourir à des processus décisionnels, des moyens de communication et des technologies transparents, participatifs et libres, ainsi que les améliorer.


Dessins : Éric Grelet - CC-BY-SA

Je suis devenu fan de l'accélérateur de projet

Auteur de la fiche : Laurent Tézenas - Montpellier SupAgro
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Je suis enseignant à Montpellier SupAgro, dans la filière Ingénieur, mais aussi en Master et en Licence professionnelle. Dans le domaine de la communication écrite et orale, les travaux sont individuels ou collectifs.
Quel que soit le type de travail demandé, l'individu doit montrer sa capacité à mobiliser son réseau pour réfléchir à des solutions, résoudre des problèmes, contourner des difficultés. Travailler en autonomie n'exclut pas de faire confiance aux autres, de leur donner l'occasion de montrer leur disponibilité et leur intérêt à notre travail. C'est dans ce contexte que l'accélérateur de projet est opérationnel.
L'accélérateur de projet n'est pas un logiciel ni un outil informatique : c'est une méthode qui contraint les échanges entre cinq individus. Cette mise en situation dure 60 minutes. Un individu expose un problème qu'il confie au groupe. Le groupe y réfléchit pendant 30 minutes sans que le questionneur n'intervienne.

Je l'ai utilisé avec des ingénieurs en 2e année. De retour d'un stage ouvrier, une séance de débriefing en octobre a permis de faire parler les ingénieurs sur les fonctions, missions, activités dont ils ont eu la responsabilité lors du stage. Puis, d'évoquer les compétences qu'il leur semble avoir exprimées. Ensuite, de partager en groupe de cinq leurs expériences et des difficultés rencontrées. Chaque groupe décide ensuite de choisir un problème ou une difficulté rencontrée, pour la traiter avec la méthode "accélérateur de projet".
Les étudiants ont beaucoup apprécié ce moment, car c'est un vrai moment structuré d'échanges régulés. La méthode permet à chacun de s'exprimer même les plus discrets ou timides, et surtout elle permet d'éviter les recadrages intempestifs du questionneur qui doit se taire pendant la réflexion collective. À la fin de l'exercice, un enseignement particulier lié à la séance doit être formulé, c'est une pépite. Parmi les dernières d'entre elles : "c'était vraiment bien qu'il se taise après avoir exposé sa question" ; "développer l'écoute enrichit vraiment la réflexion".

Petite expérience irréversible de coopération !

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L'écriture collaborative

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Conçu comme un support à la construction d'un savoir collectif, le Web 2.0 a profondément amené à concevoir l'information de manière différente. Libérant l'écriture de l'univers clôt du support imprimé, il a engendré une profonde modification dans ce domaine. Il est désormais possible d'écrire à plusieurs sur le même document et en même temps ! Le succès rencontré par l'Encyclopédie Wikipédia, l'un des sites les plus consulté au monde, a ouvert la voie à de nouvelles pratiques d'écriture. Se définissant elle-même comme un "projet d'encyclopédie libre, écrite collectivement", elle a démontré combien la collaboration était porteuse de qualité et pouvait doter l'écrit d'une plus grande richesse. Richesse pour la communauté qui bénéficie de la rencontre de points de vue différentes sur un même sujet. Richesse également pour l'individu qui participe à un projet qui va le conduire à élaborer de nouvelles stratégies d'écriture et à se nourrir de nouvelles idées.

Co-écrire, un processus difficile

La réalisation d'un écrit collaboratif est le fruit d'un processus souvent jugé complexe et difficile. Dans l'article A Taxonomy of Collaborative Writing to Improve Empirical Research, Writing Practice, and Tool Development, paru en 2004, Lowry P.B., Curtis A. et Lowry M.R. expliquent cette difficulté par le fait qu'à la démarche d'écriture individuelle (qui a pour fondement, selon eux, la planification, la traduction et la révision), l'écriture collective ajoutent trois niveaux de complexité supplémentaire :
1. Intellectuelle
2. Sociale
3. Procédurale
Ceux-ci correspondent à trois questions que pose l'écriture collaborative :
1. Comment mutualiser et harmoniser des connaissances individuelles pour produire un savoir collectif ?
2. Comment coordonner les membres et leurs différents avis pour mener à bien ce projet ? Comment dépasser les conflits socio-affectifs générés par cet exercice collectif ?
3. Comment mettre en place une planification et une finalisation commune ?

La dynamique de groupe : la clé de voûte de l'écriture collaborative

En réalité, au-delà de la dimension intellectuelle et procédurale évoquées précédemment, ce qui apparaît véritablement comme la clé de voûte de l'écriture collaborative est la dimension sociale de laquelle va découler le "bon fonctionnement" du reste. Par "dimension sociale", on entend la capacité à créer une dynamique de groupe qui va fédérer chaque membre autour d'un objectif commun (la production d'un texte) et au sein duquel chacun va trouver sa place. Une dynamique qui va faciliter au maximum l'implication de ses membres et sans laquelle tout projet coopératif est voué à l'échec.
L'écriture collaborative peut en effet générer des conflits socio-affectifs (points de vue divergents, sentiment d'être jugé etc.) qui peuvent s'avérer difficiles à dépasser. L'acte de co-écriture nécessite ainsi :
  • Un haut niveau d'interaction réciproque entre les membres alimenté par des échanges fréquents.
  • La prise en compte des différents points de vue, la valorisation des apports de chaque membre à la communauté, l'encouragement de chacun à participer, en gardant en tête cette phrase de Paul Ricoeur "La tolérance n'est pas une concession que je fais à l'autre, elle est la reconnaissance du principe qu'une partie de la vérité m'échappe."
  • La capacité de l'animateur à réguler les conflits sociaux-cognitifs générés par les idées et natures divergentes.
Le travail de l'animateur de réseau va justement être d'apporter une convergence au sein de la communauté et de créer ainsi une dynamique constructive de travail propice à l'implication de chacun :


J-M Cornu - 4. Convergence et conflit

Faciliter la contribution de chacun par la méthode des 6 chapeaux

Afin de favoriser l'implication de chacun et l'émergence de nouvelles idées au sein d'un groupe, le psychologue spécialiste des sciences cognitives Edward de Bono a développé en 1987 la méthode dite des "6 chapeaux". Partant du postulat que la recherche de solutions passe par six phases bien distinctes, celle-ci invite chaque membre du groupe à explorer lors d'une réunion six modes de pensée spécifique, symbolisés par six chapeaux de couleurs différentes.
En résumé, les objectifs sont de :
  • permettre à chaque membre de percevoir une idée, de la penser, sous un angle différent et ainsi de faire évoluer son point de vue sur une question ;
  • empêcher la censure d'idées nouvelles au sein d'un groupe ;
  • créer un climat favorable aux échanges et à la créativité, favoriser la liberté de parole ;
  • résoudre collaborativement des problèmes ;
  • offrir une vision globale et approfondie de la situation.
Concrètement, une fois le problème posé, chaque membre endosse tour à tour une stature différente en revêtant virtuellement un chapeau et commence à explorer de nouvelles solutions :
  • Le Chapeau blanc symbolise la neutralité. Lorsqu'elle le porte, la personne doit s'attacher à énoncer simplement les faits, en laissant de côté tout ce qui peut relever de l'interprétation.
  • Le Chapeau rouge : l'émotion. La personne énonce librement ses sentiments et ses intuitions.
  • Le Chapeau vert : la créativité. Elle cherche des alternatives, en essayant de considérer le problème sous un angle nouveau.
  • Le Chapeau jaune : la critique positive. Elle "admet ses rêves et ses idées les plus folles".
  • Le Chapeau noir : la critique négative, le jugement. Elle énonce les faiblesses et les risques que comporte selon elle cette idée.
  • Le Chapeau bleu : l'organisation, la canalisation des idées, le processus. Elle s'attache à prendre du recul sur le sujet énoncé.
Cette méthode, qui pousse les participants à sortir de leur mode de pensée habituel, peut s'avérer très utile dans le cadre de la réalisation d'un écrit collectif.

Trois approches pour réaliser un écrit collaboratif

Réaliser un écrit collectif peut se faire de différentes manières, selon trois niveaux de collaboration :
  • Un membre commence par rédiger un article qui est ensuite modifié et enrichi par un autre membre et ainsi de suite jusqu'à obtenir un "document" jugé complet par le groupe et faisant l'objet d'un consensus.
  • Une approche plus coopérative que collaborative consiste à ce que chaque membre travaille sur une partie de l'article. Les diverses parties produites sont ensuite reliées entre elles et harmonisées pour former un seul et même article.
Une variante à cette coopération consiste à ce que chaque membre, selon ses compétences et ses appétences, effectue une partie du travail. Par exemple, un membre rédige, l'autre corrige, le troisième relit etc.
  • Enfin, l'approche la plus collaborative est peut-être celle qui inclut tous les membres de la conception à la réalisation de l'écrit, celle où il n'y pas véritablement de distinction de rôle. Chacun participe ainsi aux différents phases. Nous allons nous arrêter sur les phases d'élaboration que pourrait recouvrir cette dernière.

Les phases d'élaboration : trucs et astuces pour l'écriture participative

Chaque groupe peut trouver sa propre méthode, celle qui lui correspond. Cependant, pour avoir quelques points de repère, voici quelques trucs et astuces pour initier une écriture participative :

1. Faire vivre "une expérience irréversible de coopération"

Rien de mieux pour préparer un groupe à la réalisation d'un écrit collectif que de commencer déjà par lui faire vivre une "Petite Expérience Irréversible de Coopération" (PEIC). Ceci afin de résoudre des points de blocage éventuels, faire naître les premiers échanges et donner du sens à la démarche collaborative. L'une des grandes astuces consiste à utiliser Etherpad, un service en ligne qui permet de prendre des notes à plusieurs personnes simultanément, sur lequel est mis du contenu imparfait, à corriger ou comportant de nombreuses fautes d'orthographe. Ce simple fait va pousser instinctivement les personnes, malgré les barrières qu'elles pourraient avoir, à corriger les fautes. Cette astuce est encore plus efficace quand la faute porte sur le nom d'une personne : au souci de l'orthographe irréprochable, s'ajoute l'ego... Le mal est fait : la personne vit sa première expérience de collaboration !

2. Le brainstorming

Ce premier pas réalisé, une deuxième étape peut être franchie par l'organisation d'un brainstorming collectif c'est-à-dire d'une réunion de collecte d'idées qui permet de rassembler tous les points de vue et les propositions d'écriture du groupe. Cette technique incite les membres à verbaliser les idées, à les confronter entre eux et à les reformuler. Elle stimule en outre la créativité. L'utilisation d'une carte heuristique s'avère très efficace pour recueillir toutes ces données, les hiérarchiser entre elles et offrir une vue d'ensemble. Le principe est simple : l'animateur fabrique une carte mentale qui reprend les points énoncés par chaque membre et les classe par thèmes et sous-thèmes. Projetée à l'écran, celle-ci permet à chacun de voir s'il manque une donnée et d'intervenir ainsi plus facilement. Cela permet de rapidement faire fuser les idées et de prendre en compte chaque point de vue !
De nombreux outils de carte heuristique existent, parmi eux se distingue Freeplane par sa facilité d'utilisation.

3. La rédaction

Une fois ce travail effectué, le groupe est en mesure d'établir un plan de l'écrit à réaliser. A partir de ce plan, le vrai travail de rédaction va commencer. En amont, il peut être utile de tester différentes modalités d'écritures (individuelles ou directement en groupe, dans quel cadre etc.) pour trouver la configuration qui conviendra le mieux au groupe. Une réflexion sur ce qu'induit la publication (= exposition) est également nécessaire.
La rédaction peut se faire au travers d'outils en ligne qui permettent à chaque membre d'éditer et de modifier le document, d'améliorer le travail commun d'écriture et d'avoir une vision en temps réel de l'état du document.
Google Document se prête bien à la rédaction en petit groupe. Il permet de rédiger à plusieurs et en même temps un document en ligne que chacun peut modifier et dont toutes les modifications sont automatiquement intégrées à l'écrit de base. L'avantage de cet outil est que le travail n'est jamais isolé et que les membres peuvent voir la construction au fur et à mesure de l'écrit et par là-même faire évoluer leurs idées sur le sujet.
Pour un plus grand groupe, le wiki peut être une bonne option. Tout comme Google Doc et Etherpad, il permet de publier instantanément toute création ou modification de page et d'avoir une vue d'ensemble mais possède d'autres options intéressantes. Il offre en effet la possibilité de commenter les pages, d'avoir une mise en page des contenus plus visuelle, de décider du moment de l'édition du travail en ligne et de gérer l'historique des rédactions. Il permet ainsi un travail collaboratif peut-être plus structuré.

Petit retour d'expérience d'Animacoop sur la rédaction collective

Lors de la formation Outils-Réseaux "Animer un réseau collaboratif" (Montpellier, octobre-décembre 2010), les formateurs ont proposé au groupe de stagiaires d'Animacoop de rédiger collectivement et à distance, trois articles pour leur newsletter. Les membres du groupe avaient l'habitude de travailler ensemble et écrire un article permettait de valoriser un bien commun, une création. "Pour les formateurs, cet exercice d'écriture était une sorte de défi méthodologique", expliquent les responsables de la formation : "Comment tester la capacité collective de synthèse des contenus transversaux produits durant la formation ? Deuxième défi : comment motiver les stagiaires pour un travail complémentaire et peu anticipé ?"
Le témoignage des stagiaires sur cette expérience (méthode employée, étapes de réalisation, gestion du temps) est à lire en ligne : http://animacoop.net/formation2/wakka.php?wiki=PageArticlerc

Lowry Paul, Curtis Aaron, Lowry Michelle, « A taxonomy of collaborative writing to improve empirical research, writing practice, and tool development », Journal of Business Communication (JBC) 41 (2004/1), p. 66‑99., (consulté le 4 février 2014).

Crédits illustrations sous licence Creative Commons : by bgblogging, by Yves Guillou.

Pour aller plus loin

ECRITURE COLLABORATIVE dans TRAVAIL COLLABORATIF / ACTIVITES TICE / denisreynaud (denisreynaud)

L'organisation d'un colloque participatif sur les Sciences citoyennes

Auteur de la fiche : Violette Roche - Tela Botanica
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage :

Organisé les 22 et 23 octobre 2009 à Montpellier

Le colloque Sciences citoyennes & Biodiversité s'est déroulé les 22 et 23 octobre 2009 à l'Université Montpellier 2. Associations, collectivités territoriales, institutions publiques, scientifiques, grand public... Ce sont en tout 200 personnes qui se sont retrouvées pour échanger et mutualiser leurs connaissances et pratiques de terrain lors de cette première édition nationale.
Cet événement a été organisé sur le mode participatif en exploitant le potentiel des outils TIC et d'Internet :

En amont

  • Un site sous wikini a été mis en place dès le démarrage du projet de colloque et s'est enrichi au fur-et-à-mesure.
  • Une liste de discussion a été ouverte et on pouvait s'y inscrire via la page d'accueil du Wiki. Dès l'étape de préparation du colloque, elle réunissait une centaine d'inscrits. Le comité d'organisation s'en est servi pour préparer les ateliers (avis sur les thèmes proposés, recherche d'intervenants, questions techniques pour prévoir la diffusion vidéo du colloque...).
  • Un appel à initiative a été lancé via un formulaire (Google Docs) : tout porteur de projet de sciences citoyenne pouvait librement présenter son initiative. Il était alors automatiquement référencé sur une carte des projets de sciences citoyennes. Plus tard, ce recueil a été mis en forme et édité sous la forme d'un livre d'une cinquantaine de page, un inventaire des sciences citoyennes.
  • Lorsque les thèmes d'ateliers ont été identifiés et mis en ligne sur le wiki, en dessous de chacun un espace à commentaires permettait aux internautes de donner leur avis (par exemple, sur la page de l'atelier "Discuter de la qualité des données des bénévoles").
  • Deux espaces ont également été mis à disposition des participants pour partager leurs ressources : une bibliothèque pour indiquer des références bibliographiques et une vidéothèque.
  • Un sondage a été diffusé aux bénévoles des projets référencés sur la cartographie et le livret, ce qui a permis de donner la parole, durant le colloque, à ces acteurs capitaux des sciences citoyennes.

Pendant le colloque

  • Une retransmission en direct a été mise en place avec le système en ligne gratuit Justin TV, dessous un espace à commentaires (qui a surtout servi à régler des problèmes techniques).
  • La liste de tous les participants était également en ligne.
  • A l'accueil, un espace d'affichage, permettait : de positionner son nom sur une carte (2 badges étaient donnés aux participants dans cet objectif), d'afficher des posters et de proposer des petites annonces ("Je recherche", "je propose").
  • Les temps conviviaux ont été mis en avant : repas en commun au Restaurant Universitaire de l'université Montpellier 2 (sur les tickets, un QR code disant "Miam-miam : un clin d'oeil à la réalité augmentée !), pause café avec l'association Artisans du Monde, cocktail et visite guidée de l'aquarium Marée Nostrum.

Après le colloque

Bilan de Violette Roche, chef d'orchestre de l'événement au sein de Tela Botanica

En - :
  • Tous les outils n'ont pas forcément été utilisés faute d'animation (le tableau d'affichage, les commentaires sur le site, la liste suite au colloque).

En +
  • Le livret publié et diffusé lors de l'événement a été un élément fort : il faut du concret, du matériel.
  • Le colloque a permis de faire connaître les sciences citoyennes : un deuxième colloque sera peut-être organisé par la ville de Paris, le livret sera peut-être réédité par une association et des projets de plate-formes de ressources sont en train d'émerger !

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La collaboration des entreprises : de la coopétition à la collaboration radicale

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :

Vive la co-révolution : pour une société collaborative de Anne-Sophie Nouvel et Stéphane Riot

Préambule : il ne s'agit pas là d'une recension complète de l'ouvrage mais du résumé sur la partie consacrée à la Collaboration radicale

Dans leur ouvrage Vive la co-révolution : pour une société collaborative, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot décrivent la collaboration inter-entreprises en distinguant la coopétition de la collaboration radicale. Pendant deux ans, ils ont promu la Collaboration radicale au sein du réseau Entrepreneurs d'avenir

Intérêt pour les entreprises de coopérer

Le terme compétition vient du latin competere qui signifie chercher ensemble, s'efforcer ensemble, il n'y avait donc pas à l'origine de notion d'adversité ou d'agressivité comme on peut l'entendre maintenant quand on parle de compétition entre entreprises. L'idée n'est pas de la supprimer car elle est aussi un vecteur d'innovation et d'émulation mais de réduire les dégâts causés par une concurrence trop agressive et de la réduire, de manière concertée, là où elle est inutile, voire dangereuse. Dans cette veine, les auteurs notent que le premier avantage retiré de la coopération entre entreprise est la réduction des coûts liés aux conflits inter-entreprises et qu'à lui seul cet intérêt devrait convaincre tous les chefs d'entreprise ! Ces coûts sont en effet estimés à 50 milliards par an en France par le chercheur américain John W. Henke, à partir d'une projection de la situation américaine dans le domaine de l'automobile.

Évolution de la coopération entre entreprises

Les théories d'Adam Smith sur l'intérêt de la concurrence puis celles de Joseph Schumpeter sur la destruction créative sont bien implantées dans le monde économique. Mais à partir des années 80, certaines entreprises s'aperçoivent que le fonctionnement en réseau et les alliances stratégiques apportent des avantages relationnels et permettent d'accéder à plus de ressources. Puis, dans les années 90, devant le constat que les coûts de recherche et développement augmentent, parallèlement à l'obsolescence des objets alors que la convergence des technologies permet des économies d'échelle, certaines entreprises décident de collaborer pour développer des produits à la vie plus longues et dont les composants peuvent être réutilisés par plusieurs entreprises.

La collaboration permet de résoudre des problèmes communs

Notamment des objectifs liés à l'environnement et au développement durable. Ces objectifs peuvent venir d'une conviction commune des entreprises ou d'obligations réglementaires extérieures.
Lutte contre un ennemi commun plus gros : ainsi Google participe au développement du navigateur Firefox au sein de la fondation Mozilla, alors que c'est un concurrent de son propre navigateur Chrome, afin de déstabiliser Microsoft Internet Explorer, le géant du marché.

La Coopétition

Le terme de coopétition a été créé par Ray Noorda, le fondateur de Novell et popularisé par l'ouvrage de Nalebuff, B., Brandenburger, A. La Co-opétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération, Village Mondial, 1996. Il s'agit de l'alliance de la coopération et du marché : on coopère sur certains aspects et on reste concurrents sur d'autres. Pour les auteurs, la coopération entre l'entreprise, ses fournisseurs et ses clients conduit à la fourniture de produits et de services semblables et donc à une expansion potentielle du marché. De plus, cette alliance peut permettre de pénétrer de nouveaux marchés en regroupant les forces. Les conditions pour la mise en place de la coopétition passe par une étude des interdépendances entre les entreprises, la définition d'un objectif précis et un partage concerté de l'effort et des gains.

Exemples de coopétition

  • Le Prufrock Café à Londres a créé en 2009 une "carte d'infidélité". Les clients doivent aller boire un café chez des concurrents du Prufock et présenter la carte pour qu'elle soit tamponnée. Une fois la carte remplie, les clients reviennent au Prufock Café où on leur offre un café. L'objectif est de fidéliser les clients du Prufock Café en leur prouvant qu'il sert le meilleur café, mais aussi d'obliger les gérants des autres cafés à s'assurer de la qualité de leur café car ils savent être mis en concurrence. Cela a également permit d'apporter à tous un afflux de nouveaux clients. Mais au final, l'objectif principal partagé par tous est d'apporter une réponse créative à l'expansion des cafés de la chaine Starbuck.
  • Fiat et PSA ont créé une filiale commune produisant des véhicules utilitaires des deux marques, ce qui permet de réaliser des économies d'échelle en utilisant les même composants.

La Coopération radicale

Le terme de coopération radicale est apparu aux États-Unis en 2009. Trois dirigeants d'entreprises concurrentes dans le secteur des technologies vertes (GenGreen, 3rdWhale et Creative Citizen) ont décidé de mettre en place une "collaboration radicale", ce qui a été facilité par le fait qu'ils partageaient les mêmes valeurs et la même conviction de l'urgence écologique.
La différence entre la coopétition de la compétition radicale se mesure en évaluant la part de d'avantages concurrentiels et d'éléments de propriété intellectuelle "intime" partagés. Dans la collaboration radicale, on partage de la valeur ajoutée hautement différenciante (secret de fabrication, R&D), dans la coopétition, on fait des économies d'échelle. Les participants à la "carte d'infidélité" ne partagent pas leurs recettes et leurs savoir-faire sur le café.
La collaboration radicale favorise les approches d'innovation ouverte, on ne collabore pas ensemble pour la création d'un produit ou d'un service prédéfini mais on développe un écosystème de partage de connaissances et de compétences permettant l'émergence de l'innovation. Cette innovation n'est pas forcément technologique, elle peut aussi être sociale. Et elle émerge aussi bien des collaborateurs de l'entreprise que de ses clients.

Exemples de Coopération radicale

  • Le domaine de l'environnement est souvent un domaine de convergence. Par exemple, la collaboration de la NASA et de l'ESA (dans un contexte très concurrentiel) sur les points environnementaux : gestion des déchets spatiaux, cycle de vie des satellites et impact des lancements de fusée sur la biodiversité. Cette coopération est née de contraintes extérieures : mise en place d'une réglementation environnementale strictes en Europe, engagement de Barack Obama sur le développement durable aux États-Unis. Cette coopération prend la forme d'échanges entre spécialistes et de la mise au point, en commun, de nouveaux matériaux, plus respectueux de l'environnement (en remplacement de ceux qui allaient être interdits car trop nocifs).
  • Green X Change est une plate-forme mise en place par Nike, Creatives Commons et Best Buy pour partager leurs recherches. Toute personne intéressée peut déposer sur cette plate-forme ses innovations, en choisissant une licence inspirée du logiciel libre permettant à d'autres entreprises de bénéficier de l'invention. Cette licence permet aux propriétaires de l'innovation de choisir à qui ils donnent les droits. L'idée est de permettre à des industries de secteurs différents et non concurrents de partager les apports de la R&D de leurs entreprises. Cette plate-forme peine à s'élargir en dehors de ses fondateurs mais les auteurs voient là un potentiel moteur de l'extension de la compétition radicale.

Préconisations des auteurs pour une collaboration radicale

  • Expliquer le concept, au delà des représentations que l'on a en français sur les termes "collaboration" et "radical", connotés très différemment en anglais
  • Changer ses réflexes et sa vision des concurrents, s'ouvrir pour saisir les opportunités.
  • Les quatre piliers de la relation : bienveillance, réciprocité (être aussi bienveillant avec soi-même), clarté et liberté d'innover (éléments repris par les auteurs de l'ouvrage : Juliette Tournand, La stratégie de la bienveillance, Inter Editions, 2007).
  • Être sur du temps long, la collaboration met du temps à s'installer et n'a d'effet qu'à long terme.
  • Mettre en place un contexte permettant aux participants d'être libres de s'engager de manière spontanée pour élaborer ensemble une solution négociée et consensuelle. Et non répartir les tâches entre les entreprises, comme lors d'un processus coopératif.
  • Partager compétences ET connaissances.
  • Assurer la complémentarité des apports : relier l'intérêt individuel à l'intérêt collectif.
  • Anticiper les responsabilité de chacun : responsabilité de la réussite ou de l'échec, retombées financières, propriété intellectuelle.
  • Transparence des échanges durant le projet et communication à tous les membres.
  • Plus le processus est simple, plus il a de chance d'être mené à bout.
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage :
  • Anne-Sophie Novel : docteur en économie, journaliste spécialisée dans le développement durable, fondatrice du blog collectif Ecolo-Info, membre du réseau des Entrepreneurs d'avenir.
  • Stéphane Riot : fondateur de Nove Terra, expert en développement durable et accompagnement du facteur humain dans les organisations, membres de groupes de recherche et de prospective sur les nouvelles formes d'économies et d'organisations (biomimétisme, neuroscience, psychopédagogie, management...).
Référence bibliographique : Novel Anne-Sophie, Riot Stéphane, Vive la corévolution !: pour une société collaborative, Manifestô, ISSN 2258-9325, 1 vol., Paris, France, Alternatives, 2012.

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La convergence

Auteur de la fiche : Jean Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Faciliter la convergence par les biens communs et un environnement d'abondance

Le paradoxe de la tragédie des biens communs

Dans un texte devenu célèbre " La tragédie des biens communs " 1, Garret Hardin présente les trois seules solutions pour vivre ensemble avec un ensemble de biens à partager. Il y décrit un champ, propriété collective d'un village. Des paysans y font paître leur bétail. Ce dernier consomme l'herbe et dégrade ce bien commun en laissant derrière lui des portions boueuses. En l'absence d'une politique réellement appliquée, l'intérêt de chaque paysan est de profiter le plus vite possible du champ en y envoyant le maximum de bêtes en retirer le maximum de valeur avant que l'ensemble du champ ne se transforme en mer de boue.
La tragédie des biens communs ne prévoit que trois issues possibles à cette situation :
  • Le champ devient un immense champ de boue.
  • Une personne qui dispose d'un pouvoir de contrainte alloue les ressources au nom du village.
  • Le champ est découpé en espaces gérés par chaque paysan disposant alors d'un droit de propriété.
Eric Raymond 2 reprend cet exemple pour montrer combien la coopération n'est a priori pas si simple.

Tragédie don
Eric Grelet - CC By Sa


Les limites de la tragédie

Réconcilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif ne semble pas évident dans le cas de figure décrit dans la tragédie des biens communs (sinon, nous vivrions mieux depuis longtemps !). Pourtant, si Hardin conclut dans son ouvrage que les seules solutions à l'absence de responsabilités des hommes sont dans la privatisation des biens communs et/ou dans l'interventionnisme de l'état, il reconnaît plus tard que son postulat de départ n'est pas toujours valide. Son collègue Gary Warner indique : "Hardin a reconnu plus tard que la caractérisation des aspects négatifs des bien communs... était basée sur une description... un régime ouvert, non régulé par une autorité externe ou un consensus social." 3

Sans destruction le territoire n'est plus limité

Il existe d'autres cas encore qui mènent à des conclusions différentes : Dans la tragédie des biens communs, le bétail consomme l'herbe et détruit progressivement le champ. Dans le domaine des biens immatériels tels que les logiciels informatiques, les contenus, l'art ou la connaissance, la règle du jeu est intrinsèquement différente : la lecture d'un texte ne le détruit pas, donner une information à quelqu'un ne veut pas dire que l'on n'en dispose plus.
Cette simple différence est lourde de conséquence. Cela veut dire que l'échange conduit à une multiplication de la valeur et que le territoire n'est plus aussi limité qu'avant. Comme le dit très joliment Jean-Claude Guédon, professeur au département de littérature comparée de l'université de Montréal : " Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage".

Une nouvelle notion de la propriété

La notion de propriété ne disparaît pas pour autant. Par exemple dans le développement de logiciels libres, assez souvent, une personne détient le droit d'intégrer les modifications proposées par tous. Raymond l'appelle le "dictateur bienveillant." Mais tout le monde peut venir utiliser, copier ou redistribuer librement le logiciel produit collectivement. Tout le monde peut circuler librement sur le territoire du propriétaire et c'est justement cela qui lui donne de la valeur.

Une nouvelle notion de l'économie

L'économie elle-même a été basée sur les échanges entre deux protagonistes (la transaction), et la consommation in fine par celui que les experts appellent " le destructeur final " (le consommateur.) Si nous voulons comprendre au mieux les règles du domaine des biens immatériels, nous devrons étendre les analyses actuelles pour prendre en compte : les échanges collectifs (avec un équilibrage global et non plus élémentaire) et l'utilisation sans consommation de biens.

L'économie du don

Un des exemples d'économie qui ne soit pas basé sur la transaction, ressemble fort a priori à une utopie. Il s'agit de l'économie du don telle qu'on la trouve dans quelques environnements très spécifiques.
L'expression " économie du don " ne doit pourtant pas être comprise comme une sorte d'utopie qui pousserait chacun à devenir altruiste même si cela va à l'encontre de son intérêt personnel. Il s'agit plutôt d'un mode d'échange asymétrique. Lorsque monnayer un bien n'a plus de sens car il est abondant et facile à trouver, et lorsque l'on a satisfait ses besoins minimaux de survie, la seule chose que l'on puisse encore rechercher est l'estime de la communauté. Le fait que la contrepartie du don passe par l'ensemble des autres personnes aide à faire converger les intérêts individuels et collectifs.

L'abondance source du don

L'un des éléments clés qui favorise le basculement d'une économie d'échange vers une économie du don est le passage de la pénurie à l'abondance. L'abondance signifie que les acteurs ont résolu leurs besoins de sécurité et qu'ils recherchent autre chose comme par exemple de la reconnaissance. L'abondance peut exister, nous l'avons vu, dans le domaine des biens immatériels et dans le domaine du savoir...

Quelques exemples d'économie du don

Il existe différentes communautés qui bénéficient à la fois de la sécurité matérielle et de l'abondance. Dans ces différents cas, ces communautés ont vu émerger naturellement une économie du don.
Dans certaines îles tropicales, la nourriture est abondante. Marcel Mauss a étudié la mise en place du don et ses différentes caractéristiques4.
Plus près de nous, la communauté scientifique a depuis très longtemps une habitude du partage de toutes ses découvertes. Les colloques sont l'occasion de présenter à tous ses résultats et d'en retirer considération et estime.
La communauté des développeurs de logiciels libres a suivi un chemin similaire. Il s'agissait au début de chercheurs travaillant dans divers laboratoires et universités (ils bénéficiaient donc d'une relative sécurité matérielle.) Ils ont appliqué avec succès les mêmes méthodes que les scientifiques dans le domaine apparemment plus industriel du logiciel.
Enfin, la petite communauté des personnes particulièrement riches passe beaucoup de temps à s'investir dans de grandes causes humanitaires pour gagner l'estime de ses contemporains.

L'abondance est...abondante

Le champ touché est bien plus vaste qu'on ne peut l'imaginer. Si les biens matériels semblent limités pour une majorité de personnes, il peut en aller autrement avec les biens immatériels. Ainsi le proverbe de Kuan-Tseu " Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois; si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie ". Le poisson est un bien de consommation qui peut être rare s'il vient à manquer ou si peu de personnes pêchent. Apprendre à pêcher est au contraire un savoir qui devient de plus en plus abondant à chaque fois qu'une personne apprend à pêcher à une autre.

Les règles du don

Tout n'est pourtant pas rose dans le monde de l'abondance et du don. Le changement des règles du jeu ne fait pas de tout le monde un altruiste.
Des dérives sont ainsi observées lorsqu'une ou plusieurs des caractéristiques qui forment le don ne sont pas respectées. L'économie du don est simplement régie par des règles propres différentes de celles de l'économie basée sur la consommation.

Première déviation : entretenir la pénurie

Une des premières déviations consiste à fabriquer artificiellement de la pénurie pour revenir aux règles mieux connues de l'économie de la consommation. Cela est courant sur des biens matériels tels que le pétrole. Il est également possible de rendre "usables" ou plus précisément "obsolètes" des biens immatériels. L'industrie du logiciel y a tellement bien réussit que l'administration fiscale considère en France que la durée d'amortissement d'un logiciel est de 1 an, soit beaucoup moins que le matériel informatique !
Si les brevets, les droits de propriété intellectuelle et la mode ont pour objectif de protéger la création, ils doivent cependant être étudiés avec beaucoup de soin pour ne pas devenir une arme contre l'abondance et... la création.

Première règle : l'abondance préservée et bien répartie

Le projet doit porter sur un bien qui peut devenir abondant pour favoriser une économie du don. Cela devrait être le cas des biens immatériels non consommables (la connaissance, les logiciels, les contenus...). Dans ce cas, l'échange conduit à une multiplication de la valeur. Souvent le passage à une économie d'abondance ou de pénurie ne dépend pas seulement de l'abondance du bien au départ mais également des mécanismes de répartition et de protection.

Deuxième déviation : Donner pour écraser l'autre

Malgré le sens altruiste que peut sembler avoir " l'économie du don ", il s'agit simplement d'une économie avec des règles ni meilleures ni pires, simplement différentes. Ainsi Maurice Godelier, décrit les règles d'un don particulier : le potlatch. Il s'agit d'un don ou d'une destruction à caractère sacré, constituant un défi à l'autre de faire un don équivalent. " Dans le potlatch, on donne pour écraser l'autre par son don. Pour cela on lui donne plus qu'il ne pourra rendre ou on lui donne beaucoup plus qu'il n'a donné "5.

Deuxième règle : L'évaluation est globale et décentralisée

L'autre grand changement réside dans l'évaluation. Elle se fait de façon décentralisée, par tous et sur l'ensemble des dons réalisés. Cela est très différent de l'économie d'échange qui évalue chaque transaction de façon unitaire. Une des conséquences est que l'évaluation est empirique et dépend de chacun. Elle n'est pas mesurable car il n'est pas possible de comparer de façon certaine la reconnaissance obtenue avec une unité donnée.

L'exemple des benchmarks

Dans l'économie d'échange, les "benchmarks" (critères communs de référence) sont de plus en plus communs et répandus dans les marchés mondiaux, chacun peut plus ou moins en appréhender l'évolution. Dans l'économie du don chacun a son propre "benchmarking system" en fonction de ses critères subjectifs propres. Mais le phénomène de groupe pourrait générer l'apparition de benchmarks localement reconnus.


Nous verrons plus loin les règles à respecter pour mettre en place un mécanisme d'évaluation auto-régulé.

Troisième déviation : réclamer son dû

Une autre déviation est de demander un retour pour son don à la personne qui en a bénéficié ou à sa famille, au lieu d'attendre de le recevoir de l'ensemble de ses pairs. Cette déviation est souvent observée dans les familles africaines qui ont par ailleurs une grande tradition de solidarité et de coopération.

Troisième règle : Une contrepartie non demandée-le mécanisme à deux temps

Une troisième chose qui change dans l'économie du don, est ce que gagne le donneur. Dans l'économie basée sur la transaction individuelle, celui qui donne un bien demande en échange un autre bien équivalent ou une représentation de la valeur du bien (de l'argent). Lors d'un don, le donneur n'attend pas de retour de celui qui reçoit et n'attend pas même de retour immédiat. Il reçoit ultérieurement de la reconnaissance par l'ensemble de la communauté qui évalue non pas chaque don mais l'ensemble de ce qu'il a apporté. Cette reconnaissance lui apporte dans un deuxième temps des avantages comme nous le verrons plus loin.

Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre de tous de l'altruisme pour mettre en place des projets faisant appel à la coopération. Les donateurs retirent des avantages qui sont simplement plus subtiles à comprendre car ils s'inscrivent dans une logique en deux temps qui apporte des bénéfices dans la durée.
Unité donnée.

Résumé

Une économie du don émerge lorsque les biens communs sont abondants. Celle-ci implique de nouvelles notions de propriété et d'économie.

Les échanges de bien immatériels conduisent normalement à une multiplication de la valeur et à leur abondance. Il est souvent possible de faire des choix qui poussent vers la pénurie ou vers l'abondance.

Il existe des règles du don qui si elles ne sont pas respectées conduisent à des déviations :

  • L'abondance doit être préservée et bien répartie pour éviter le retour à une économie de la consommation.
  • L'évaluation doit être globale et décentralisée pour ne pas qu'un don particulier serve à écraser l'autre.
  • La contrepartie ne doit pas être demandée à celui qui reçoit pour éviter les dettes...

Faciliter la convergence en donnant une vision à long terme

Le dilemme du prisonnier

L'exemple du " dilemme du prisonnier " présente un paradoxe où des personnes peuvent agir à l'encontre de leur propre intérêt. Un malfaiteur et son complice sont pris par la police. Chacun a le choix de trahir ou de ne pas trahir l'autre mais ne connaît pas à l'avance la réaction de son complice. Dans cette situation si les deux s'entendent, ils s'en tireront globalement mieux. Mais l'un peut être tenté de trahir son complice pour ne pas être le seul inculpé pour le cas où l'autre le trahirait. Il peut également dans ce cas bénéficier par sa dénonciation d'une peine allégée. Très souvent, dans le doute, les deux prisonniers se dénoncent l'un l'autre et se retrouvent tous les deux perdants 6.

Ce type de situation se rencontre assez fréquemment dans la vie. Ne sachant pas comment va réagir l'autre nous envisageons le cas où il nous trahit (ou plus simplement le cas où il ne coopère pas). Dans ce cas où l'autre ne joue pas le jeu, la situation la moins mauvaise pour nous est de ne pas jouer le jeu nous même. Pourtant, d'un point de vue plus global, le gain est bien plus important pour chacun si les deux coopèrent.

La méthode CRP

Le "dilemme du prisonnier" a été étudié dans le cadre de la théorie des jeux.. En l'absence d'information sur la réaction de l'autre, la réponse individuelle la moins mauvaise va à l'encontre de l'intérêt collectif. Pourtant, les résultats changent lorsqu'il ne s'agit plus d'un événement unique mais de plusieurs itérations. Dans ce cas, chacun peut obtenir au fur et à mesure des informations sur la façon dont l'autre va réagir.

Les simulations qui ont été faites montrent que la solution la plus efficace est de commencer par coopérer puis de calquer son attitude sur les réponses de l'autre : S'il coopère, on coopère également, s'il trahit, on fait de même.

Plus précisément, la stratégie la plus efficace a été découverte en 1974 par le philosophe et psychologue Anatol Rapaport cité par Bernard Werber 7 : il s'agit de la méthode CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon). Dans ce cas, on commence par coopérer, puis en fonction de ce que fait l'autre personne on calque son attitude sur la sienne, et enfin on remet les compteurs à zéro en étant prêt à coopérer de nouveau. Cette façon de faire est la plus efficace pour qu'une personne qui a trahi comprenne à la fois que vous ne vous laisserez pas faire, mais que vous êtes prêt à repartir sur une base de coopération.

Permettre le maximum d'occasions d'interactions dans la durée

De ces deux exemples, nous pouvons constater que lorsque l'expérience est unique, la tendance est à la trahison, alors qu'après des essais répétés, il devient possible d'avoir une stratégie qui converge vers la coopération.

Pour permettre à ces différentes interactions de s'opérer, il faut avoir passé suffisamment de temps ensemble. Mettre des personnes ensemble dans la durée et créer entre elles un lien de confiance est la définition même d'une communauté.

Une communauté pour une coopération dans la durée

Une des façons la plus efficace de faire coopérer des personnes est de créer un esprit de communauté. Cela implique un sentiment d'appartenance et une confiance réciproque entre les membres.

De nouveau, en proposant des nouvelles règles du jeu, cela ne veut pas dire que chacun est devenu altruiste. Il existe donc des risques pour les communautés qui peuvent produire un résultat inverse de celui attendu.

Premier danger : La communauté meurt avant d'avoir une histoire

Le démarrage de la communauté est le moment le plus sensible. Lorsque les interactions entre les membres de la communauté se développent, il y a naturellement des trahisons qui conduisent à des conflits.

Le démarrage d'une communauté est un passage obligé. Les avantages de la communauté ne sont pas encore là, et les étapes multiples qui pourraient permettre de sortir du dilemme du prisonnier n'ont pas encore pu s'opérer.

Première règle : Donnez aux personnes une vision à long terme

Nous avons vu que la méthode optimum était de commencer à coopérer (quitte à agir ensuite à l'inverse suivant les réactions de l'autre). Il est donc possible de favoriser la coopération entre des personnes qui n'ont pas de passé commun si ces personnes ont la perception qu'il y aura d'autres moments en commun dans le futur.

Les sociologues appellent distance d'horizon 8, la durée pendant laquelle des personnes pensent qu'ils seront ensemble. Cette notion, très subjective, est un facteur clé pour que les acteurs coopèrent ou non. Il y a ainsi nettement moins de vol dans les petits magasins de quartier même lorsque le magasin vient de s'installer, que dans les grandes surfaces anonymes et indifférenciées. Les conséquences perçues d'un acte sont différentes suivant l'histoire que l'on pense avoir par la suite avec les personnes concernées.

Bien sûr, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Tout le monde n'agit pas au mieux de ses intérêts car la méthode CRP n'est pas assimilée par tout le monde. Mais la vision d'un futur commun favorise la coopération alors que le manque d'horizon à long terme favorise les comportements inverses.

Plus les personnes ont eu des expériences positives de coopération en voyant autour d'elles d'autres personnes commençant par coopérer, plus elles assimilent la méthode CRP et plus il est facile de mettre en place une communauté.

Deuxième danger : Le passé perdu

Lorsque l'on a passé un certain temps avec des personnes, de nombreuses épreuves basées sur le dilemme du prisonnier ont eu lieu. Si le groupe n'est pas mort de ces tribulations, il se renforce au fur et à mesure. Mais l'une des particularités de l'être humain est sa capacité d'oubli. Cette fonction est indispensable pour ne pas encombrer le cerveau de toutes les expériences non utilisées. Mais au fur et à mesure que la coopération s'instaure, la notion de danger s'éloigne et la mémoire considère les souvenirs des différentes épreuves passées comme moins prioritaires.

Si les expériences passées sont oubliées, le groupe revient à la situation bien plus périlleuse du début de la communauté.

Deuxième règle : L'histoire est la base du futur

L'héritage du groupe est un élément fondamental pour lui permettre de continuer de bâtir sa cohésion plutôt que de revenir au dangereux point de départ.

Avec les échanges que nous avons étudiés au chapitre précédant, l'héritage constitue le deuxième fondement d'une société humaine selon Maurice Godelier 9 : "Nos analyses nous amènent à conclure qu'il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines, celui des échanges, quel que soit ce que l'on échange et quelle que soit la forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l'achat, au marché, et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour eux-mêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l'on garde constitue toujours des "réalités" qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l'origine.

Nous verrons qu'une des tâches fondamentale du coordinateur est de développer un historique qui capitalise l'héritage commun

Outre les relations de confiances qui s'établissent progressivement au sein de la communauté, la communauté est également basée sur le sentiment d'appartenance. La mise en place de "rites" et de références communes constituent également un socle sur lequel se bâtit l'héritage collectif.

Troisième danger : le cycle mimétique

Nous avons beaucoup de mal à admettre qu'en plus de nos comportements individuels que nous avons l'impression de contrôler, nous sommes soumis à des comportements collectifs. Les mouvements de foules et les réactions de panique nous sont familières pour ce que nous en avons vu dans les films ou parfois vécut dans nos vies. Mais il nous semble impossible que nous puissions faire nous même des choses qui nous semblent aussi insensées par simple mimétisme.
René Girard 10 dépeint un comportement collectif ancré dans les comportements humains qui sauvegarde l'intégrité de la communauté grâce au sacrifice d'un "bouc émissaire". Le cycle mimétique qu'il décrit se passe en plusieurs étapes.
Un conflit commence souvent par un "désir mimétique" qui consiste à vouloir ce que l'autre détient.
Lorsqu'un conflit arrive (et il en arrive bien sûr plus ou moins fréquemment), la personne qui se sent trahie a assez souvent une attitude agressive. Que nous le reconnaissions ou non nous avons une tendance naturelle au mimétisme et nos attitudes se calquent sur celle de l'autre (même si vous ne le reconnaissez pas, les publicitaires l'ont eux, bien compris). Par mimétisme, l'autre personne adopte une attitude agressive et s'engage alors dans ce que les psychologues appellent parfois du "ping-pong verbal" où l'objectif est d'abattre l'entêtement de l'autre avec obstination, chacun pompant l'énergie de l'autre.

La troisième étape est l'extension, toujours par mimétisme, à toute la communauté de l'état d'agressivité et les conflits se multiplient. Ce mécanisme est fort bien décrit et de façon amusante dans la bande dessinée "Astérix et la Zizanie". Au fur et à mesure que les réactions agressives se multiplient, le groupe influence les comportements et produit un effet auto-cumulatif.
Lorsque la tension dans le groupe atteint un niveau dangereux qui met en péril son intégrité, soit il y a scission, chacun prenant parti dans un camp ou un autre, soit le groupe évacue l'ensemble de l'agressivité au travers d'un "bouc émissaire". Celui-ci est choisi de préférence en dehors des multiples conflits qui n'ont d'autres liens entre eux que l'effet mimétique. Il s'agit souvent d'une personne plus faible et surtout différente sur laquelle vont s'acharner de façon irrationnelle toutes les agressivités.
Une fois le trop plein d'agressivité déversé, le bouc émissaire est "diabolisé" comme la source de tous les maux pour justifier la réunification du groupe autour de son anéantissement et oublier les circonstances du "sacrifice". Le groupe réconcilié a sauvegardé son intégrité en sacrifiant un bouc émissaire innocent. L'oubli permet au groupe de reprendre son cours jusqu'au prochain cycle.

Troisième règle : Rendre visible le mécanisme du bouc émissaire

Une des difficultés pour comprendre le mécanisme du cycle mimétique est justement dû au fait qu'il ne peut fonctionner que s'il est inconscient. Les participants à ce cycle ne peuvent accepter ni le mimétisme de leur comportement, ni son paroxysme irrationnel jusqu'au déversement de toute l'agressivité sur un innocent et encore moins le mécanisme d'oubli de cette atrocité.

René Girard poursuit en montrant que le mécanisme de victimisation qui place les victimes au centre de notre attention est très ancré dans notre civilisation judéo-chrétienne. Nos informations se concentrent fortement sur les conséquences sur les victimes, ce qui n'était pas le cas dans des temps plus reculés. Ce processus à un effet bénéfique car il rend plus difficile l'aveuglement et l'oubli nécessaire au fonctionnement du cycle mimétique.
Rendre visible le mécanisme de "bouc émissaire" permet de casser le cycle mimétique. Il n'empêche cependant pas la montée de la tension et il est nécessaire de trouver une nouvelle soupape de sécurité plus acceptable. Le chapitre sur la résolution des conflits présente quelques réflexions supplémentaires.
Le mimétisme de l'être humain n'a pas que des effets négatifs. Il est aussi possible de le prendre en compte de façon positive, comme par exemple dans la possibilité de disséminer la méthode CRP dans la communauté "par l'exemple".

Quatrième danger : la communauté fermée

Le quatrième danger qui guette une communauté est de se refermer sur elle-même. Le groupe peut continuer sa progression mais en se coupant de l'extérieur, il risque d'adopter des comportements sectaires préjudiciables à ses membres.

Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté. Le sentiment d'appartenance et l'existence de particularités spécifiques au groupe sont indispensables pour qu'une communauté existe. Mais elle ne peut s'enrichir qu'en restant ouverte sur l'extérieur.

Quatrième règle : Permettre la sortie et la multi-appartenance

Il n'est pas toujours facile de trouver des critères objectifs pour qualifier un groupe d'ouvert ou de fermé. Le rapport parlementaire français sur les sectes 11 propose de faire un contrôle fiscal sur les mouvements suspects car ils ont souvent pour but d'apporter richesses et pouvoir à un présumé gourou.

Il existe cependant deux critères qui favorisent l'ouverture du groupe vers l'extérieur :
  • Chaque participant doit pouvoir en sortir à tout moment.
  • L'appartenance à d'autres groupes doit être autorisée et même encouragée pour enrichir le groupe au travers de ces liaisons informelles.

Résumé

Si la stratégie dominante dans le cas d'une rencontre unique est souvent la trahison, c'est la méthode CRP (Coopération, Réciprocité, Pardon) qui est la plus efficace lorsqu'il y a de nombreuses expériences itératives communes.

Une communauté permet de multiplier les occasions d'expériences et donc de favoriser une convergence vers la coopération.

Il existe des règles pour éviter que la communauté ne dévie:
  • Donner à chacun une vision à long terme.
  • Pour permettre le développement de comportements du type CRP.
  • Développer un historique pour préserver l'héritage commun.
  • Pour éviter les "retours à zéro".
  • Rendre visible le mécanisme du cycle mimétique et trouver une autre soupape.
  • Pour briser la focalisation sur un "bouc émissaire".
  • Permettre à tous de sortir à tout moment et encourager l'appartenance à d'autres groupes.
  • Pour éviter la sectarisation d'un groupe fermé.

Faciliter la convergence par la mise en place de mécanismes d'estime

Le principe de Peter

Laurence J. Peter a étudié les paradoxes qui poussent une organisation à toujours aller de plus en plus mal. Son principe le plus connu indique que "Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence" 12

En effet, lorsque quelqu'un est nommé à un poste et qu'il remplit correctement sa tâche, il est promu à un nouveau poste. Le processus se poursuit, lui permettant de mettre ses compétences au service de tâches toujours plus complexes jusqu'à ce qu'il arrive à un poste où il a atteint son "niveau d'incompétence". Il n'est alors plus capable de remplir aussi bien son rôle et n'est donc plus promu. Il reste alors bloqué au poste où il est le moins compétent.

principe de Peter
Eric Grelet - CC By Sa


Ce cas n'est qu'un des multiples paradoxes qui apparaissent lorsque l'on souhaite évaluer le travail humain de façon aussi objective que les faits concrets et scientifiques. De ce point de vue, les travaux de Taylor qui ont rendu la planification plus scientifique sont plus adaptés aux machines qu'aux hommes. A l'époque ou ils ont été publiés, de nombreuses personnes faisaient le travail de machines. Aujourd'hui, les machines se sont perfectionnées suffisamment pour prendre en charge la plupart des travaux répétitifs et planifiables. En contrepartie, les tâches de création, ainsi que celles demandant une très grande adaptabilité et une estimation subjective se développent fortement.

Il ne s'agit absolument pas de refuser toute évaluation mais au contraire de trouver de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les spécificités humaines : subjectivité, motivation ou démotivation, bonne ou mauvaise foi. Ces différents critères ont comme particularité de ne pas être mesurables même si on peut les estimer dans une certaine mesure. Il s'agit donc d'une véritable révolution des systèmes d'évaluation dans un monde basé depuis le XVIIe siècle sur des mesures objectives. Nous verrons cependant que des évaluations mêmes subjectives peuvent produire des phénomènes de régulation et d'autocorrection qui sont leur véritable raison d'être.

L'évaluation dans les projets classiques

Le but de l'évaluation dans une gestion classique de projet est triple :
  • Savoir à l'avance si un projet peut être confié à quelqu'un ou à une équipe.
  • Faire en sorte de corriger le projet pendant son déroulement pour améliorer ses résultats.
  • Juger après le projet s'il s'est déroulé correctement.
Habituellement, dans les projets industriels soumis à un appel d'offre par exemple, ce sont les premiers et derniers buts qui priment. L'investissement d'un mandataire étant lourd, il cherche à savoir à l'avance si son argent est bien placé. Pendant le projet, il cherche à le corriger pour que la suite du projet se déroule bien. A la fin, il juge ensuite si le résultat peut servir pour des étapes ultérieures (diffusion des résultats ou apport de base à un autre projet suivant une chaîne "taylorisée").

Première Déviation : l'Évaluation a priori

Souvent, pour attirer des contributeurs, on leur propose un "titre" au sein du projet. Celui-ci sert bien souvent à motiver la personne en lui apportant dès le départ des éléments de reconnaissance. Attention cependant, les titres présentent trois dangers :
  • Il s'agit d'une reconnaissance a priori : qui nous replace dans le principe de Peter.
  • Ils donnent souvent un pouvoir hiérarchique coercitif.
  • Ils présentent un danger lorsqu'ils sont opérationnels car ils bloquent un rôle qui ne peut être repris facilement par un autre si nécessaire.
L'idéal est que le titre donné ne soit pas exclusif et ne donne pas de pouvoir spécial. Il vaut mieux un "agent de liaison avec le monde hispanophone" (ce qui n'empêche pas d'en avoir d'autres) qu'un "responsable des traductions en espagnol".

Première règle : Évaluer a posteriori

Faisons l'hypothèse qu'un projet s'applique dans un milieu d'abondance, que les besoins minimums nécessaires à sa survie soient remplis et qu'il y ait suffisamment de temps pour permettre au groupe mis en place de mûrir à son rythme. Dans ce cas, l'évaluation a priori prend beaucoup moins d'importance (sauf peut être pour le porteur du projet qui doit décider ou non de le lancer). Il est dans ce cas plus utile d'apporter des corrections par itérations successives.

Même, dans le cas de l'évaluation finale, il s'agit souvent de juger la réalisation de ce qui a été prévu a priori plutôt que de juger de son utilité et de l'utilisation qui en est faite a posteriori.

L'évaluation pendant le déroulement du projet peut au contraire permettre un mécanisme d'autocorrection après coup pour maximiser l'usage qui est fait des résultats déjà obtenus par le projet. Les contributeurs potentiels s'impliqueront en fonction de leur évaluation personnelle du projet, du coordinateur et de ce qu'ils peuvent en retirer.

Deuxième déviation : L'évaluation ponctuelle

L'évaluation se fait habituellement à des moments précis, telle une photographie du projet, parfois même seulement avant et après le projet. Dans ce cas, elle prend mal en compte les évolutions humaines qui même petites au début peuvent enfler rapidement pour basculer ensuite brutalement vers la coopération ou la trahison. Elle ne permet pas non plus de saisir les opportunités suffisamment tôt à la source.

Deuxième règle : l'évaluation en continu

En permettant une évaluation en continu, il devient possible de "voir apparaître" les cercles vicieux ou vertueux" qui prendront de l'ampleur jusqu'au basculement brutal des changements de comportement. Suivant la perspicacité des observateurs (et nous verrons dans le point suivant que plusieurs personnes valent mieux qu'une dans ce cas de figure), les divergences peuvent être détectées suffisamment tôt pour agir en conséquence.

Troisième déviation : L'évaluation par un nombre réduit de personnes

Souvent, le projet est évalué par des mandataires pour savoir si leur argent est bien placé. L'évaluation se fait par une personne extérieure (un mandataire) qu'il "suffit" de convaincre avec un rapport bien présenté sur ce qui sera fait ou bien à quoi serviront les résultats. Bien sûr en cours et à la fin du projet, les résultats concrets obtenus entrent également dans la balance mais de façon indirecte.

Troisième règle : L'évaluation par l'ensemble de la communauté

L'évaluation des projets coopératifs ne doit pas être faite par celui qui en facilite le démarrage, mais par l'ensemble de la communauté qui va se focaliser tout naturellement vers les projets utiles, bien réalisés et présentés de façon compréhensible. Si le projet a été initié ou soutenu par un mandataire, il pourra connaître la valeur du projet en fonction de son utilisation de plus en plus grande par la communauté ciblée.

Quatrième déviation : L'évaluation objective

Un autre danger d'une évaluation traditionnelle est de devoir définir des critères d'évaluation objectifs qui par définition cherchent à s'approcher de ce que l'on désire sans jamais l'atteindre. Seuls les éléments objectifs sont pris en compte correctement. Les éléments subjectifs non mesurables tels que la bonne foi ou bien la motivation pendant le cours du projet sont négligés, ou pire, ils sont soumis à une accumulation de règles objectives de plus en plus complexes qui favorisent l'effet inverse.

Exemple de l'évaluation des pays : Les indicateurs de rating

Beaucoup d'évaluations sont faites pour les pays sur des moyennes financières (les indicateurs de rating) telles que le Produit Intérieur Brut. La tentation est grande pour les décideurs de tenter d'agir directement sur les critères évalués plutôt que sur leurs causes. Le PIB ne montrera pas par exemple la différence entre un pays où la majorité des richesses est entre les mains d'un petit groupe de dirigeants et un pays où les richesses sont mieux réparties. On cherche alors à rajouter toujours plus de critères financiers "correctifs", mais sans jamais pousser réellement les dirigeants évalués à agir sur les causes et non sur les critères évalués.

Une approche très intéressante a été initiée par le Programme des Nations Unis pour le Développement avec un Indicateur de Développement Humain basé sur plusieurs critères qui se rapprochent au mieux de l'objet que l'on cherche à évaluer.

Ces critères prennent en compte : L'état de santé, l'éducation et l'économique.

Il s'agit probablement de ce que l'on peut faire de mieux aujourd'hui pour évaluer par un indicateur objectif le développement humain dans un pays, mais chaque taux est lui-même une moyenne et seuls les critères objectifs mesurables sont pris en compte. Il est alors possible de mieux scolariser une partie privilégiée de la population ou de scolariser sans recherche de résultats scolaires pour augmenter les indices. Multiplier encore les critères ne fait que rendre la tâche plus subtile pour ceux qui ne s'attachent qu'à adapter leurs résultats pour optimiser la valeurs de chaque critère. Mais cela donne moins de chance de remplir au mieux les critères spécifiques à l'indicateur pour ceux qui s'attachent avant tout aux causes en toute bonne foi.

Les méthodes traditionnelles de mesures objectives issues de l'avancée scientifique du XVIIe siècle nécessitent en elle-même des développements pour aller au delà des simples moyennes : parfois on ajoute aux taux moyens des écarts types (la moyenne des écarts par rapport à la moyenne). Si cela donne une idée de l'ampleur des différences, certains points plus subtils ne sont pas pris en compte tels que par exemple la répartition homogène d'une population ou la répartition en deux ou plusieurs groupes plus ou moins favorisés avec peu de chance de pouvoir passer d'un groupe à l'autre.

Les effets de bord (aux limites extrêmes) peuvent également perturber les lois objectives simples (dans le cas, par exemple, des situations de monopole). Il faut avoir une idée de ce qui se passe loin de l'équilibre et même aux limites et non pas seulement au point d'équilibre.

Quatrième règle : Réintroduire l'évaluation subjective

Si les critères d'évaluation sont indispensables, en particulier lorsque des personnes extérieures doivent analyser objectivement des résultats, ils sont cependant insuffisants. A contrario, l'évaluation collective dans la durée permet de favoriser directement l'expansion d'un projet en attirant chaque jour de nouveaux utilisateurs contributeurs mais est mal adaptée à une évaluation objective.

Le problème vient de l'impossibilité de mesurer de façon objective la bonne foi. Il n'est possible d'obtenir une évaluation objective mesurable qu'a posteriori et avec une marge plus ou moins grande entre le résultat mesuré et les critères d'évaluation.

Accepter de réintroduire une évaluation subjective, telle que celle apportée par l'estime dont jouit un projet, est indispensable. Pour en atténuer les difficultés, il est important qu'elle soit décentralisée et globale en l'obtenant de l'ensemble de la communauté et du monde extérieur.

La fin du pouvoir de contrainte permet une évaluation auto-régulée

Bien sûr, la mise en place d'une évaluation a posteriori, en continu, subjective par l'ensemble de la communauté semble insoluble si on conserve une approche traditionnelle de l'évaluation. Pour sortir des paradoxes apparemment insolubles de Peter, il nous faudra, comme dans les précédents chapitres, proposer un environnement différent qui n'impose plus les mêmes limites.

Dans un projet coopératif, nous cherchons à obtenir la coopération des membres et à coordonner leurs travaux pour obtenir un résultat. Le pouvoir de contrainte (pouvoir hiérarchique ou contractuel), n'est plus au centre de la gestion du projet.
La suppression pure et simple du pouvoir coercitif (du pouvoir de contrainte) peut sembler une hérésie poussant vers le "champ de boue" de la tragédie des biens communs. Nous allons voir au contraire que dans un environnement approprié, celui-ci permet de sortir des paradoxes habituels.
Lorsqu'on ne peut plus "imposer" à personne de "coopérer", chacun s'implique ou utilise les résultats en fonction de l'image qu'il se fait du projet. Si, globalement, le projet jouit d'une grande estime, il se développera de plus en plus. L'évaluation est alors subjective, a posteriori et en continu par l'ensemble de la communauté des contributeurs et celle des utilisateurs. L'ensemble construit un cercle vertueux.

Le pouvoir du coordinateur se limite à la possibilité d'intégrer ou non les modifications proposées par les contributeurs et éventuellement d'exclure une personne de la communauté qu'il a mise en place. Pour le reste, il ne peut qu'inciter les personnes à devenir utilisateur ou contributeur, sans pouvoir les y contraindre.

Les projets coopératifs sont bien adaptés aux projets entre les structures ou les projets inter-services. Le fonctionnement des associations permet parfois de mettre en place des projets non hiérarchisés de ce type.

D'autres approches

Une des difficultés de l'abandon du pouvoir de contrainte est qu'il nécessite des projets demandant un très faible investissement de départ, un milieu d'abondance et pas de délais contraints ni d'attente d'un résultat particulier. Il s'agit là justement des critères qui permettent la mise en place d'un projet coopératif, comme nous avons commencé à le voir.

L'abandon total du pouvoir coercitif donné par le titre hiérarchique ou le contrat d'engagement est remplacé par l'incitation à coopérer par les résultats et l'estime obtenus. Il s'agit d'une différence majeure avec la gestion classique de projets. Il n'est donc pas facile de suivre les deux approches en même temps. Nous verrons dans le chapitre sur le mixage des méthodes que des projets utilisant totalement ou partiellement le pouvoir coercitif peuvent simplement bénéficier de quelques avantages en favorisant le plus possible une évaluation a posteriori, en continue et subjective par la communauté.

Résumé

L'évaluation d'un projet doit se faire :

  • A posteriori
  • En continu
  • En prenant en compte le subjectif
  • Par l'ensemble de la communauté des contributeurs et des utilisateurs

Cela peut être obtenu en abandonnant le pourvoir coercitif pour laisser l'estime envers le projet et ses membres faire son travail d'autorégulation.



1 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968/3859), p. 1243‑1248.
2 Raymond Eric S., « Homesteading the noosphere » [en ligne], First Monday 3 (1998/10), disponible sur <http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/viewArticle/621>, (consulté le 30 janvier 2014). Raymond Eric S., « A la conquête de la noosphère », Hors collection (2000), p. 279‑336., (consulté le 30 janvier 2014), également sur Raymond Eric S., « À la conquête de la noosphère » [en ligne], linux-france, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/noosphere/homesteading-fr_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
3 Gary Warner : "Hardin later recognized that much of his characterization of the negative aspects of the commons, which according to his analysis 'remorselessly generates tragedy'... was based on a description, not of a commons regime in which authority over use of the resources resides within the community, but of an open access regime, unregulated by any external authority or social consensus" dans : Warner Gary, « Participatory Management, Popular Knowledge, and Community Empowerment: The Case of Sea Urchin Harvesting in the Vieux-Fort Area of St. Lucia », Human Ecology 25 (1997/1), p. 29‑46., (consulté le 30 janvier 2014).
4 Mauss Marcel, Lévi-strauss Claude, Gurvitch Georges, Sociologie et anthropologie, Quadrige. Grands textes, ISSN 1764-0288, 1 vol., Paris, France, Presses universitaires de France, 2004.
5 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
6 Voir la revue Pour la Science qui publie un article sur le dilemme du prisonnier tous les six mois : « Pour la Science - Le magazine de référence de l’actualité scientifique » [en ligne], disponible sur <http://www.pourlascience.fr/>, (consulté le 30 janvier 2014).
Voir aussi « Le dilemme du prisonnier » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20050302205551/http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
7 Werber Bernard, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1 vol., Paris, France, Albin Michel, 2000.
8 Glance Natalie, Huberman Bernardo, « La dynamique des dilemmes sociaux », Pour la science (1994/199), p. 26‑31., (consulté le 30 janvier 2014).
9 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
10 Girard René, Je vois Satan tomber comme l’éclair, 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1999.
11 Guyard Jacques, Brard Jean-Pierre, France. assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Les Documents d’information - Assemblée nationale (Texte imprimé), ISSN 1240-831X ; 1999 33, 1 vol., Paris, France, Assemblée nationale, 1999.
12 "In a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." dans Peter Laurence J., Hull Raymond, The Peter principle: why things always go wrong, New York, Bantam, 1969.
Voir également une interview de Peters « The Peters Principles » [en ligne], Reason.com, disponible sur <http://reason.com/archives/1997/10/01/the-peters-principles>, (consulté le 30 janvier 2014).


Source : Cornu Jean-Michel, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], http://www. cornu. eu. org/texts/cooperation (2004), disponible sur <http://fing-unige.viabloga.com/files/cooperation2.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).

Crédit photo : StephanieHobson sur Flickr - CC-BY-SA. Dessins : Éric Grelet CC-BY-SA

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La coopération en 28 mots-clés

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Une coopération à multiple facettes

Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique1" : focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !

Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction

La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share

Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
  • La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
  • La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
  • Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;

Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.

La taille des groupes et les rôles des membres

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;


Convergence et conflit

On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations. La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ; les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.

Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.

S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.


Les trois types d'influence dans un groupe

Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :
  • La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
  • La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
  • L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.

Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.


Implication et désimplication

On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.

Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
  • La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
  • Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
  • Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)

Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
  • " Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
  • " C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)


Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe

Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication. Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.

Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.

Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.

Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...


Les autres aspects spécifiques au groupe

Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.

Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.

Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.

Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).


Les autres aspects qui dépendent de l'environnement

Outre la notion de choix a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.

L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.

La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.

L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement

#contraintes28 #legitimite28 #echanges28

Les compétences de la coopération

Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.

Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).

Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).

Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.

Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération

Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28

La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?

La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre13. Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.

Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.

S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.





La coopération expliquée à mon beauf'

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Par un dimanche ensoleillé de juin
  • C'est OK pour vous ? Lance ma belle soeur en s'adressant à moi et à son mari
  • Oui oui on est prêt. Amenez la viande, les braises sont à point !
Alors que nous plaçons les saucisses sur la grille, mon beauf me lance :
  • Ton séminaire à Sète sur la coopération s'est bien passé ?
  • Oui ce fut plutôt sympa. J'ai pu de nouveau goûter à la puissance de l'intelligence collective.
  • Tu m'excuseras mais ça reste encore un peu flou pour moi, cette "coopération".
  • Oui, je comprends... Même pour moi ce n'est pas évident d'en parler simplement. Faut dire qu'on est en pleine phase d'émergence et qu'elle ne peut encore s'appuyer sur rien de grande ampleur... Mais ça bouillonne chaque jour un peu plus.
  • Pour moi coopérer, ça veut dire faire des choses ensemble mais ça me parait tellement loin du fonctionnement de notre société. J'ai des doutes quant au fait que ça concerne beaucoup de monde...
  • Détrompe-toi, il y a vraiment beaucoup d'initiatives qui naissent. Même les entreprises s'y mettent !
  • Les entreprises sont devenues altruistes maintenant ?
  • En fait pas vraiment ! L'altruisme c'est quand on oublie son intérêt personnel pour l'intérêt collectif. Ça a des avantages bien connus dans le monde animal par exemple mais c'est vrai qu'au niveau économique c'est moins connu ! Enfin de toute façon, il est tout à fait possible de coopérer sans être altruiste.
  • Ah bon.
  • Ben oui, il suffit de faire converger ton intérêt personnel avec l'intérêt collectif.
  • En français s'il te plaît.
  • Ben pas compliqué. En général l'intérêt collectif rejoint souvent ton intérêt personnel quand on le regarde à long terme. Mais en étant astucieux, on peut aussi organiser les choses pour que notre intérêt rejoigne l'intérêt des autres à court terme cette fois. Par exemple, là on a tous les deux intérêt à ne pas laisser griller les saucisses...
  • Sympa ta théorie mais je demande à voir au niveau économique.
  • Et bien c'est pas si rare, de plus en plus d'entreprises se lancent dans la collaboration radicale ou la coopétition, l'idée étant de s'associer entre concurrents pour développer certains aspects des produits de demain et prendre ainsi de l'avance sur la concurrence ou sur des législations à venir. Comme on dit : y a plus dans deux têtes que dans une...
  • Facile à dire, faire converger intérêt collectif et individuel, je vois pas trop comment en fait...
  • Pas trop compliqué en fait, on a les clés mais il reste à les généraliser. Par exemple, partager une vision à long terme aide beaucoup à l'émergence de la coopération, travailler sur de l'abondance est aussi un facteur facilitant.
  • Sur l'abondance, on est plutôt en crise non? Moi je ressens plutôt la rareté là !
  • Oui c'est le cas pour les biens matériels mais si tu y regardes mieux, il y a une quantité de plus en plus grande de biens non matériels autour de toi, ces biens que l'on nomme non rivaux tendent d'ailleurs à exploser avec la généralisation d'internet, des ordinateurs et même des imprimantes 3D qui permettent à partir de plans numériques de produire des biens matériels.
  • Oui facile en effet mais on fait quoi si les plans sont sous copyright ?
  • Là tu mets le doigt sur une des autres conditions qui facilitent la coopération. Quand ce n'est pas ouvert, libre d'usage, c'est plus compliqué mais l'arrivée des licences ouvertes facilite grandement le travail.
  • Et ça marche ?
  • Plutôt oui, regarde thegreenxchange par exemple. C'est une plate forme internet où des entreprises parfois concurrentes échangent et partagent leurs avancées... étonnant mais bien réel !
  • Ouaip, j'ai du mal à croire...
  • Tu sais la question n'est plus de savoir si on va y aller car on y est ! Le monde actuel est trop complexe pour être abordé sans l'intelligence collective. Les entreprises et bien d'autres l'ont compris. Et ceux qui ne l'ont pas compris se cassent les dents. Regarde les majors de la musique qui pleurent derrière les copies illégales et les bénefs d'Itunes qui vend des morceaux dématérialisés !
  • Oui d'accord mais...
  • Mais c'est encore naissant, c'est vrai... et on sent bien que ce qui reste à inventer autour de cette coopération c'est tout un ensemble de modèles économiques qui lui correspondent. La planification tout comme l'économie qui ne s'intéressent qu'à la rareté ne suffisent plus, Il faut qu'on se tourne vers un modèle qui fait aussi ressortir la valeur de l'abondance et pas seulement de la rareté.
  • Et en attendant ?
  • En attendant ? ça innove, et ça marche... Regarde dans le monde de l'internet et de l'informatique Linux ou les modèles Freemium du web2 qui libèrent les contenus pour se financer sur le service ou encore Sésamath qui produit des livres de math à partir de cours collectifs... L'étape cruciale à franchir maintenant est le passage à l'échelle.
  • Et tu crois vraiment que tout le monde a le temps d'apprendre ces trucs nouveaux ?
  • C'est comme pour le reste, la coopération ça prend du temps ou bien au contraire ça t'en fait gagner si tu sais mutualiser. Et en plus si tu n'apprends pas à coopérer tu n'as plus qu'à courir derrière ceux qui savent l'utiliser pour défendre leur intérêt en passant par celui des autres, trouver des modèles économiques qui créent de la valeur par l'abondance et gagnent du temps en mutualisant...
  • Et les mecs c'est cuit là ? lance ma femme !
  • Oui c'est parfait, on arrive ! répond mon beauf.
Tout en rassemblant la viande, j'invite mon beauf à m'accompagner manger.
  • Bon allez à table ! De toute façon, la coopération ça commence toujours par un moment de convivialité !

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La méthode GTD

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : La méthode GTD (Getting Things Done) a été exposée par David Allen dans son ouvrage Getting Things Done : The Art of Stress-Free Productivity .
L'objectif de cette méthode d'organisation est de mettre en place un système assez solide et robuste pour se décharger l'esprit des choses à faire et de la culpabilité de ne pas l'avoir fait afin de pouvoir aborder son travail de manière sereine. C'est le même principe que la Pensine qu'utilise le magicien Dumbledore dans Harry Potter : un récipient où il dépose ses pensées et ses souvenirs afin de s'en décharger, en sachant qu'il pourra à tout moment les retrouver. Vous trouverez ci-dessous les principes généraux ainsi que la manière dont je l'utilise mais je vous conseille de vous reporter à l'ouvrage de David Allen si vous souhaitez la mettre en place.

Lister ses projets et les diviser en tâches opérationnelles

Quand on met en place la méthode GTD la première chose est de faire une liste exhaustive de tous ses projets, des plus triviaux (prendre rendez-vous chez le dentiste) aux plus importants (mettre en place un colloque participatif mondial) et de faire un premier tri entre ceux que l'on va réaliser ou qui sont en cours et ceux que l'on fera un jour peut-être (apprendre l'accordéon). Une fois listés, pour chacun des projets en cours ou à venir, il faut réfléchir à la première petite tâche opérationnelle que l'on peut faire pour le démarrer : "Demander à Laurence le nom de son dentiste", "Lire la fiche sur l'organisation d'événements participatifs dans l'ebook de Cooptic". Il faut ensuite ajouter ces tâches dans la liste des choses à faire. Toutes les tâches dans la liste des choses à faire doivent être opérationnelles et ne doivent pas pouvoir être divisées en sous-tâches. Ainsi plutôt que de noter "Préparer l'AG", il faut noter plutôt : "Préparer un Doodle pour fixer la date de l'AG" ou même "Demander à Laurence le fichier des adhérents" (afin de pouvoir leur envoyer le lien Doodle pour fixer la date de l'AG). "Préparation de l'AG" est un projet, pas une tâche.

Définir ses priorités en fonction de ce que l'on peut faire

Un des principes de base de cette méthode est de trier et sélectionner les choses à faire en ce demandant : "Quelle action puis-je faire, là maintenant ?". En effet, pour David Allen, ce qui oriente le choix d'une tâche ce sont ses conditions intrinsèques de réalisation, avant toute idée de priorité a priori. Aussi chaque tâche est accompagnée de critères qui permettent de choisir celle que l'on va effectuée, là maintenant, tout de suite :
1. Le contexte : lieu (je ne peux effectuer cette tâche qu'au bureau) ou personne (je ne peux effectuer cette tâche qu'avec Stéphane) ou outil (je ne peux effectuer cette tâche que si j'ai un ordinateur relié à internet).
2. Le temps disponible : j'ai besoin de tant de temps pour effectuer cette tâche.
3. Énergie disponible : pour effectuer cette tâche je dois absolument être en forme, ou concentré ou bien je peux effectuer cette tâche même si je n'ai plus que 2 neurones de vaillants.
4. Priorité : priorité du projet ou de la tâche.
Mais la priorité n'arrive qu'à la fin, ce n'est pas elle qui détermine la tâche mais c'est elle qui parmi les tâches possibles correspondant au contexte, au temps et à l'énergie disponible, va déterminer laquelle finalement je choisis.
Je ne décide de faire une tâche que si effectivement je peux la faire.

Mise en oeuvre de la méthode

Ces principes posés, comment ça marche en pratique ?

La boite d'entrée

C'est le premier outil de la méthode GTD, une boite d'entrée qui regroupe tout ce qui arrive : les courriers à traiter, l'idée géniale qu'on a eu sous la douche, les documents, les choses à faire noter à l'issue d'une réunion. Pour l'idée géniale qu'on a eu sous la douche ou la chose à ne pas oublier et à laquelle on repense en s'endormant (et pour éviter de se la répéter dans la tête en espérant de ne pas l'oublier au réveil, ce qui n'est pas très favorable à une bonne nuit de sommeil réparatrice), il suffit de la noter immédiatement puis de l'intégrer dès que possible dans sa boite d'entrée pour la traiter plus tard. Cela implique d'avoir près de son lit (ou de sa douche !) un petit carnet et un crayon, un smartphone, un dictaphone, peu importe le moyen technique mais il faut s'organiser pour avoir toujours à proximité de quoi noter : la chose à faire, à acheter ou l'idée géniale.
Tout doit arriver dans la boite d'entrée. Pour ma part j'en ai deux : une pour le papier (une bannette en plastique) et une pour l'électronique (ma boite mail). Ensuite, il convient très régulièrement de traiter sa (ses) boite(s) d'entrée selon un protocole défini. Pour ma part, je le fais une fois par jour.

Traitement de la boîte d'entrée

Dans la boite d'entrée, on entasse au fur et à mesure tout ce qui arrive : l'idée géniale qu'on a eu sous la douche, le compte-rendu de la dernière AG, le ticket de restaurant qu'il faudra se faire rembourser, les factures et même les piles qu'il faut recharger.
Quand on la traite, on en prend chaque élément un par un en lui faisant passer des filtres successifs :
Est-ce que l'élément entraîne une action opérationnelle ?

Oui : action opérationnelle

1. Est-ce que je peux traiter l'action en moins de deux minutes ?
  • Si oui : on le fait (et hop, les piles sont dans le chargeur.
  • Si non :
2. Est-ce à moi de le faire ?
  • Si oui : quelle première action opérationnelle dois-je faire pour traiter l'action ?
    • Je l'ajoute à ma liste de tâche (en la contextualisant : contexte, durée, énergie, priorité).
    • Si c'est une tâche qui implique un jour et une heure précise, je l'ajoute dans mon agenda (pour l'utilisation de l'agenda, voir plus loin).
  • si non : je délègue.

Non : pas d'action opérationnelle

1. C'est quelque chose pour un projet futur : je l'ajoute dans ma liste "Un jour peut-être".
2. C'est un document dont j'aurai besoin plus tard.
  • C'est un document de référence dont j'aurai besoin, je le classe tout de suite dans mes dossiers de référence (ex. catalogue, règlement, etc...).
  • C'est un document d'accompagnement pour un projet en cours : je le range dans le dossier projet en cours correspondant (ex. formulaire de demande de subvention, article qui servira dans une formation que l'on est en train de construire). Souvent cela s'accompagne d'une tâche à faire. Ainsi je note dans ma liste de tâche "Rechercher une copie de la déclaration de l'association en Préfecture pour la demande de subvention" et je classe le formulaire dans le dossier "En cours : demandes de subventions".
3. Ce n'est rien de tout cela : poubelle. C'est là le cas de la majorité des documents et e-mail que l'on reçoit ! Attention à la tentation de tout garder "au cas où", il faut vraiment réfléchir en se demandant si on en aura vraiment besoin un jour. (Quand j'ai mis en place la méthode GTD, j'ai jeté toutes les factures d'électricité de mes anciens appartements, certaines dataient de plus de 15 ans)
Attention : rien ne doit revenir dans la boite d'entrée, tout doit être traité, dans l'ordre où les documents sont. Sinon on repart dans le cercle de la culpabilité avec le document qu'on ne veut pas traiter et qui reste au fond de la boite d'entrée.
Quand la boite d'entrée et vide ou qu'il n'y a plus aucun mail non lu dans la boite : ouf, ça fait du bien !

L'agenda

Dans la méthode GTD, l'agenda est sacralisé et ne doit servir que pour ce qui a effectivement et réellement une date et un horaire : une réunion, un train. Il ne doit pas servir de liste de tâche bis. En effet, la décision de se lancer dans une tâche ne dépends pas d'un moment donné, prévu en amont : "Mercredi, je m'attaque au bilan moral" mais du contexte. Il est fort à parier que le mercredi prévu, votre collègue restera en fait à la maison car son fils est malade et que cela soit vous qui deviez répondre au téléphone toute la journée. Le seul résultat étant que le mercredi soir, la seule chose que vous reteniez, plutôt que la satisfaction d'une journée bien remplie, c'est "Et m...., je n'ai pas écrit le rapport moral". Après rien ne vous interdit de créer le contexte favorable à l'exécution des tâches prioritaires et de vous réserver des journées où vous refusez toutes les réunions afin d'avoir du temps pour faire des actions demandant de la concentration.

Les dossiers

Les dossiers, qu'ils soient sous forme papier ou numérique sont de deux sortes, ceux qui se référent à des projets en cours et qui comportent les documents d'accompagnement du projet (compte-rendu de réunion, etc...) et ceux qui permettent de classer les documents de référence. David Allen propose de créer un dossier pour chaque projet, aussi petit qu'il soit même s'il ne comporte jamais qu'une feuille plutôt que d'avoir un système de dossiers et de sous-dossiers. On peut imaginer de préfixer tous ses dossiers pour les distinguer facilement (pour ma part, tous les dossiers sur des projets en cours commencent par EC - et tous mes dossiers avec les documents de référence commencent par RPro - ).

Actualisation

Régulièrement, il faut relire sa liste de projet pour faire le point sur les projet terminés mais aussi pour voir s'il y a de nouvelles tâches. C'est l'occasion de ranger les dossiers des projets en cours qui sont terminés. Les documents opérationnels seront supprimés et certains documents d'accompagnement pour intégrer les références générales. C'est aussi le moment de relire la liste des projets que l'on fera "Un jour peut-être" afin de vérifier si ce n'est pas le moment !

Allen David, Getting things done: the art of stress-free productivity, 1 vol., New York, Penguin Books, 2001.


Crédit Photos : carlescv sur Flickr - CC By-SA

La taille des groupes et les rôles des membres

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Les petits groupes jusqu'à douze personnes

Une limitation cognitive de l'homme porte sur la taille d'un groupe dans lequel il peut sans l'aide d'outils comprendre ce qui se passe. L'être humain est avant tout un animal qui sait faire des alliances, c'est à dire "une union entre personnes, qui est le résultat d'une entente ou d'un pacte1". Si beaucoup d'animaux savent vivre en troupeau ou en meute, très peu peuvent choisir par eux-mêmes de participer à une alliance. Les grands singes et certains cétacés arrivent à faire des alliances jusqu'à trois, et nous les humains, sommes limités à douze2.

Pour en savoir plus : la limite de douze pour les groupes humains

L'anthropologue britannique Robin Dunbar s'est intéressé à la relation entre la taille du néo-cortex de 38 espèces de singes et la taille des groupes respectifs dans lesquels ils
vivaient3. De façon étonnante, il a trouvé une corrélation entre ces deux éléments. Il a ensuite extrapolé cette approche à l'être humain pour en déduire que la limite naturelle de la taille du réseau social d'un humain était de 148, nombre qui, généralement arrondit à 150, est appelé le "nombre de Dunbar". Ce nombre correspond à la taille des villages d'éleveurs-cultivateurs au Néolithique, et se retrouve encore aujourd'hui dans la taille des réseaux sociaux4. Ce nombre - que Dunbar considère malgré tout comme assez approximatif - détermine donc le nombre de personnes avec lesquelles nous pouvons facilement socialiser sans avoir besoin d'un outil (ces outils peuvent être par exemple, la "liste d'amis" sur Facebook, ou simplement notre carnet d'adresses, qui nous permet parfois d'être en contact avec bien plus de personnes que celles dont on se souvient...)5.

La confiance qui permet de créer des alliances nécessite cependant d'avoir non seulement une vue d'ensemble des différents membres du groupe mais aussi des liens entre eux. On parle d'approche holoptique6 (du grec holos, entier et optikós, relatif à la vue) par opposition à l'approche panoptique7 (du grec pan, tout) qui permet de voir toutes les personnes mais pas forcément les liens entre elles.

Ainsi, même si les chimpanzés ont un nombre de Dunbar d'environ 55 qui leur permet de maintenir des bandes de cette taille, ils ne savent faire des alliances qu'au maximum à trois. L'être humain, en plus d'avoir un nombre de Dunbar élevé a également une capacité d'holoptisme qui lui permet de créer des alliances avec une douzaine de personnes. La taille maximale de cette alliance correspond à 144 liens entre les personnes (en prenant en compte à la fois les personnes elles-mêmes et les différences dans le lien entre une première personne et une deuxième, et le lien réciproque de la deuxième vers la première). Ainsi, en plus de sa capacité à constituer un réseau social d'environ 150 personnes (ce qui correspond à la taille des premiers villages d'éleveurs-cultivateurs du néolithique), l'être humain est également capable de constituer une alliance qui lui permet des actions collectives plus complexes jusqu'à environ une douzaine de personnes8.


Nous ne savons donc pas coopérer normalement dans des groupes de plus d'une douzaine de personnes. Pour aller au-delà, nous avons dû développer des stratégies : mettre en place une hiérarchie pour que le chef gère au maximum une douzaine de sous-chefs qui eux-mêmes gérerons une douzaine de personnes9 ; ou bien avoir des représentants (de Dieu ou du peuple) qui nous permettent de nous focaliser sur quelques personnes suivant une structure plus centralisée en étoile ; ou bien encore faire confiance à un seul mécanisme d'échange dans le groupe - la monnaie - plutôt que de devoir connaître chaque personne et chaque interaction entre elles. Mais pourrait-on dépasser la barrière des douze pour bénéficier directement de l'intelligence collective d'un plus grand nombre sans avoir une hiérarchie, des représentants ou des mécanismes monétaires comme intermédiaires ?

L'étonnant principe du 90-9-1 dans les groupes au-delà de douze

Au-delà d'une douzaine de participants, nous ne pouvons plus suivre l'intégralité des interactions dans le groupe. Il devient plus facile donc pour un membre du groupe de ne pas participer sans que cela "se voit". Si dans un petit groupe, la participation est la norme et la non-participation l'exception, dans un grand groupe au contraire, seuls ceux qui décident de participer le font.

Mais ceux qui participent ne sont pas toujours les mêmes. Nous-mêmes, nous nous investissons dans certains groupes et pas dans d'autres, en fonction de l'intérêt que présente le groupe. Si le nombre de personnes qui sont actives nous semble trop faible, nous aurons une certaine tendance naturellement à "prendre la place". Si au contraire, plus de personnes que ce qui semble nécessaire sont déjà à l'oeuvre, nous aurons tendance à rester inactif, voire le devenir si nous étions actifs. Cela explique une règle très contre-intuitive : quelques soient les personnes dans un grand groupe, le pourcentage des personnes actives reste relativement stable, selon le principe du 90-9-110 :
Les "proactifs" qui prennent des initiatives sont entre un et quelques pour cent.
Les "réactifs" qui réagissent lorsqu'on les sollicitent sont entre dix et quelques dizaines de pour cent.
Les autres ne sont pas tous totalement inactifs. Certains sont des "observateurs11" qui suivent les travaux du groupe, les utilisent pour eux, même s'ils ne participent pas. Ainsi, il y a toute une gradation dans les rôles plus ou moins actifs que peut prendre un participant, lui permettant de s'impliquer de plus en plus... ou de moins en moins.

Les pourcentages observés dans les groupes existants corroborent bien le principe du 90-9-1. Cette règle a des implications curieuses. Imaginons un groupe d'une centaine de personnes. Nous aurons donc naturellement au moins une dizaine de personnes réactives. Imaginons que l'animateur, dépité par le fait qu'il y ait des personnes non actives, décide de les exclure pour ne se concentrer que sur le petit groupe de la dizaine d'actifs. Son nouveau groupe conservera non pas les mêmes actifs mais le même pourcentage d'actifs qui passera donc à environ... un. Il se retrouvera bien seul ! A l'inverse, prenons un groupe d'une cinquantaine de personne. Pour dépasser les cinq ou six réactifs, il faut faire pas mal d'efforts. Imaginons que cette fois on y ajoute une cinquantaine d'autres personnes moins concernées et donc qui sont plutôt susceptibles de rester inactives. On observe alors que certaines personnes qui étaient inactives, y compris dans le groupe initial, deviennent plus actives pour conserver le même pourcentage d'actifs dans le groupe. Les réactifs deviennent donc une dizaine... Ces comportements étonnants sont bien vérifiés sur le terrain : nous avons en général une compréhension approximative du nombre de membres du groupe qui permettent à certains de choisir de devenir actifs ou inactifs.

Le nombre de participants structure les groupes

Un groupe fonctionnant normalement aura donc environ 1% de proactifs et 10% de réactifs. Il faudra faire des efforts pour faire passer le pourcentage de réactifs à 20%, voir jusqu'à 40% dans des cas très exceptionnels. Pour qu'un grand groupe puisse produire autant qu'un petit groupe qui comprend jusqu'à une douzaine de personnes sans nécessiter de trop grands efforts, il devra donc avoir au minimum une centaine de participants afin d'avoir au moins une dizaine ou une douzaine de réactifs.

Entre douze et cent participants, nous sommes donc dans le cas d'un groupe intermédiaire : trop grand pour nous permettre de suivre tout ce qui se passe et donc de le gérer de façon contrainte, et trop petit pour faire aussi bien qu'un petit groupe de douze personnes sans nécessiter de grands efforts d'animation. Au-delà de cent participants, nous pouvons avec un investissement raisonnable, "passer à l'échelle" et avoir un groupe dont le nombre d'actifs dépasse la barrière des douze, à condition de prendre en compte les comportements réactifs (au moins 10%) et pas seulement les pro-actifs (au moins 1%). Il existe également une limite haute : au-delà, de un à quelques milliers de personnes, les animateurs et les autres proactifs qui prennent de fait certaines tâches d'animation représentent eux-mêmes un groupe qui lui aussi dépasse la barrière des douze, mettant en difficulté la cohérence du groupe12. Un groupe de plusieurs milliers de personnes semble donc de nouveau plus complexe à animer. Le réseau Tela Botanica des botanistes francophones a mis en place des "membres relais" afin de mieux identifier les proactifs et commencer à constituer un groupe pour développer les échanges entre eux. Au-delà, dans les groupes de plusieurs dizaines de milliers de membres, le nombre des proactifs grimpe encore pour dépasser la centaine et permettre d'autres formes de régulation et une gouvernance décentralisée et collaborative. Il existe ainsi des très grands groupes où même l'animation est gérée de façon non plus contrainte mais par opportunité. C'est le cas par exemple de grands projets en ligne comme plusieurs des versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia ou encore la cartographie collaborative Open Street Map. La compréhension de ce qui facilite la mise en place et le développement de tels très grands groupes est cependant encore mal connue.

Pour en savoir plus : pour les réactifs, l'Internet est coupé en trois

Lorsque l'on souhaite travailler avec un grand groupe qui reste cependant limité à quelques centaines voire un ou deux milliers de personnes, il faut donc impérativement chercher à travailler avec les réactifs (dix à quelques dizaine de pour cent) et ne pas se limiter aux seuls proactifs (un à quelques pour cent). Sur Internet, la différence se traduit par la notion d'outils push et d'outils pull.

Un outil pull est un outil qui impose d'aller "tirer" l'information là où elle se trouve. C'est le cas par exemple des sites web classiques mais aussi des forums et des principaux outils web 2.0 pour lesquels nous devons être proactifs pour aller chercher l'information sur ces sites. Un outil push au contraire a pour but de d'amener (de "pousser") l'information jusqu'à nous, ou plus précisément jusqu'à l'outil que nous consultons régulièrement. Dans notre vie quotidienne, c'est le cas de notre répondeur téléphonique (dans une démarche pull, ne devrions aller jusqu'à la boite vocale de nos différents amis ou de notre employeur pour voir s'il n'y a pas un message pour nous ou pour tous ... C'est le cas également de notre boite aux lettres près de notre habitation, que nous consultons régulièrement et jusqu'où est acheminé notre courrier. Nous n'avons alors plus qu'à "réagir" à ce que nous avons reçu.

Dans le cas d'Internet, l'application push type est le courrier électronique. Pour travailler à plusieurs par exemple, les listes de discussions permettent d'acheminer les échanges directement dans les boites mail de chacun des participants, sans les obliger à aller de façon proactives sur le site du groupe. Mais il existe maintenant d'autres lieux que nous consultons régulièrement, qui peuvent être Facebook, Twitter, ou d'autres réseaux sociaux. Une des grandes difficultés actuellement pour travailler ensemble avec un grand nombre de personnes est que nous n'arrivons plus à tout consulter systématiquement : notre boite aux lettres chez nous et au travail, les répondeurs téléphoniques de nos téléphones fixes et mobiles, les boites mail éventuellement privées et professionnelles, nos comptes Facebook, Twitter et parfois d'autres réseaux sociaux pour notre travail ou nos projets. De plus en plus de gens ne consultent très régulièrement que leur mail, que Facebook ou que Twitter, parfois deux d'entre eux. En terme d'outils push, et donc de démarche réactive, l'internet se retrouve coupé principalement en trois, même s'il reste possible d'aller de façon proactive chercher l'information sur d'autres canaux que nous utilisons de façon moins régulière.

Dans le cas des entreprises, il existe souvent un canal privilégié. Par exemple l'usage du mail est imposé et il est ainsi possible de "pousser" des informations directement jusqu'aux différents employés. Dans ce cas, pour ne pas frustrer les proactifs qui bien que dix fois moins nombreux que les réactifs représentent les personnes les plus motivées, il peut être intéressant de permettre des démarches push aussi bien que pull. Il est possible par exemple d'associer un forum et le mail pour avoir les avantages d'une liste de discussion et des outils pull : lorsqu'un nouveau sujet est proposé sur le forum, la plupart des participants le reçoivent par mail. Il leur suffit alors de faire une réponse au courrier électronique pour que celle-ci se retrouve placée en réponse dans le forum. Ceux qui souhaitent adopter une démarche proactive tout en évitant d'encombrer leur boite de réception peuvent aller directement sur le forum pour lire les sujets, les contributions des autres et contribuer à leur tour. Suivant le nombre de participants, et pour éviter de noyer ceux qui reçoivent les informations par mail sous un trop grand nombre de messages, il est possible d'adopter pour la majorité du groupe une démarche réactive sur tous les messages (pour des groupes limités à quelques centaines de personnes)13 ; ou de ne recevoir par mail que les questions initiales, une sélection de contribution préparée par les animateurs et les synthèses des discussions pour les groupes plus grands. Ceux qui souhaitent le détail de toutes les contributions doivent alors aller chercher l'information de façon proactive sur le forum14. Dans l'idéal, le choix de recevoir toutes les contributions de façon push dans son mail ou seulement les mails importants (questions, synthèses, invitations...) devrait pouvoir rester le choix des participants, quelque soit la taille du groupe15.

Dans le cas de grands groupes rassemblant des personnes venant d'horizons différents (particuliers, diverses organisations...), lorsque l'on choisit un outil push, par exemple le mail ou au contraire Facebook, on exclut une partie des participants potentiels. Pour éviter cela, il faut pouvoir recevoir l'information et contribuer depuis le canal que l'on consulte régulièrement. Il reste à ce jour à développer l'outil qui permettra de recevoir au choix tous les échanges ou seulement les questions initiales et les synthèses, sur le canal de son choix (mail, Facebook, Twitter) et de contribuer directement depuis cet outil par une simple réponse. Cet outil doit également permettre pour ceux qui le souhaitent, d'aller chercher de façon proactive les contributions sur un outil de type forum et même de contribuer depuis cet endroit.

L'importance des grands groupes de 100 à 1000, basés sur les réactifs

Même si les très grands groupes représentent aujourd'hui un horizon nouveau qui montre qu'il est possible de collaborer avec des milliers de personnes et peut être plus, les grands groupes entre cent et mille personnes présentent un intérêt particulier pour deux raisons.

Avant de devenir pour certains des très grands groupes avec plusieurs milliers voire plusieurs dizaines ou centaines de milliers de personnes, les groupes commencent par avoir quelques centaines de membres. Il est donc important de bien comprendre le fonctionnement des grands groupes pour permettre l'émergence des très grands groupes. Par ailleurs, beaucoup de sujets n'ont pas pour vocation de réunir des milliers de personnes. Même s'il peut être nécessaire de faire grossir - parfois un peu artificiellement - des groupes de plusieurs dizaines de personnes pour dépasser la centaine de membres, il n'est pas toujours possible de faire grossir tous les groupes au-delà de quelques centaines ou milliers de personnes. Les groupes de travail de l'Internet Engineering Task Force (IETF) qui chacun développent des standards de l'internet sont typiquement de quelques centaines de personnes. Il en va de même pour les différents groupes auxquels le projet Imagination for People apporte un soutien comme partenaire et qui s'intéressent à repérer et soutenir les projets pour une facette particulière de l'innovation sociale (Fab labs, tiers lieux, monnaies, innovation au Sud, énergie, animation de groupes...).

Ces grands groupes nécessitent cependant de prendre en compte tout particulièrement les réactifs et pas seulement ceux qui ont adopté une démarche proactive qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.

Résumé

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constant (principe du 90-9-1) : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;

Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes présentent un intérêt particulier : ils sont un passage obligé pour les groupes qui ont vocation à devenir très grand, et surtout ils représentent une taille qui correspond bien au nombre de personnes que l'on peut rassembler sur beaucoup de thèmes assez précis. Ils nécessitent cependant de bien prendre en compte les membres qui ont adoptés une attitude réactive (que l'on peut atteindre dans les système en ligne par des outils push comme le mail, Facebook ou Twitter plutôt que par des outils pull comme le web ou les forums) et pas seulement les proactifs qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.


Mot clé : #taille28

1« Alliance » [en ligne], Wiktionnaire, disponible sur <http://fr.wiktionary.org/wiki/alliance>, (consulté le 30 janvier 2014).
2Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
3Dunbar Robin, « Theory of mind and the evolution of language », Approaches to the Evolution of Language (1998), p. 92‑110.
4Goncalves Bruno, Perra Nicola, Vespignani Alessandro, « Validation of Dunbar’s number in Twitter conversations » [en ligne], arXiv preprint arXiv:1105.5170 (2011), disponible sur <http://arxiv.org/abs/1105.5170>, (consulté le 30 janvier 2014).
5extrait de Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
6Noubel Jean-François, « Intelligence collective, la révolution invisible » [en ligne],  TheTransitioner, 2007, disponible sur <http://thetransitioner.org/Intelligence_Collective_Revolution_Invisible_JFNoubel.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).
7Bentham Jeremy, Panopticon; or, The inspection-house: containing the idea of a new principle of construction applicable to any sort of establishment, in which persons of any description are to be kept under inspection: and in particular to penitentiary-houses, prisons, houses of industry ... and schools: with a plan of management adapted to the principle: in a series of letters, written in the year 1787, from Crecheff in white Russia. To a friend in England, Gloucester, Royaume-Uni, Dodo Press, 2008.
8Cela correspond environ à la taille maximale d'une famille humaine, à la taille des groupes humains avant la constitution des villages au Néolithique ou encore à la taille maximale des petits orchestres de jazz qui n'ont pas de chef d'orchestre pour en assurer la direction, contrairement aux "big bands"...
9Dans les milieux très contraints comme les pompiers en intervention, on ajoute un niveau hiérarchique dès que le niveau n-2 dépasse 12 personnes (et non le niveau n-1 immédiatement en dessous comme dans les autres cas). Lors d'un incendie de forêt par exemple, les camions de 4 personnes comportent chacun un chef. Lorsqu'il est nécessaire de mobiliser 4 camions (16 personnes dont 4 chefs) un chef de niveau supérieur est mis en place.
10« Règle du 1 % » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_du_1_%25>, (consulté le 30 janvier 2014).
11« Les observateurs dans les groupes » [en ligne], Fing : groupe intelligence collective, disponible sur <http://ic.fing.org/news/les-observateurs-dans-les-groupes>, (consulté le 30 janvier 2014).
12Ce phénomène ne se passe pas avec les réactifs qui réagissent aux propositions des animateurs ou des autres réactifs mais interagissent moins entre eux et ne constituent donc pas un sous-groupe en tant que tel mais seulement une partie du groupe principal.
13La Fondation Internet Nouvelle Génération à ainsi développé en 2012 un outil permettant de contribuer par mail (démarche push) sur les forums installé sur son réseau social (démarche pull) dans le cas de ses travaux collectifs tels que Question Numérique ou Digiworks qui rassemblent entre cent et trois cent participants : « Réseau social de la Fing » [en ligne], Réseau FING, disponible sur <http://www.reseaufing.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).
14Le groupe Adeo (13 enseignes de bricolage dans le monde : Leroy Merlin, Weldom...) a testé en 2013 l'association d'un forum et du mail pour n'envoyer à tous les membres que les questions, sélections de contributions et synthèses aux 1500 membres de la société participant aux échanges sur la définition de la stratégie du groupe. Dans ce cas, tout le monde reçoit la même information (limitée) par mail et seuls les proactifs vont chercher s'ils le souhaitent, le détail sur le forum (outil pull).
15Le groupe de prospective numérique de Franche Comté, utilise une liste de discussion pour ses échanges, mais certains des membres ont choisi de ne pas recevoir les mails de la liste (tout en y étant inscrit pour pouvoir y poster des contributions). Ils sont alors mis en copie -actuellement de façon manuelle - des mails importants : synthèses et invitations.

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La tragédie des 3 C

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Une régulation complète et cohérente dans un monde complexe ?

Notre monde est complexe. Cela ne veut pas dire qu'il est compliqué, mais plutôt que c'est un ensemble d'éléments qui interagissent ensemble. Que ceux-ci soient des citoyens, des consommateurs, des sociétés, des gouvernements ou n'importe quel autre organisme, le tout forme un réseau complexe de personnes et de groupes qui échangent entre eux.

Les lois de la complexité ont une particularité, elles s'appliquent à tous les domaines. Que le système soit formé de personnes, de machines ou de molécules, certaines règles s'exercent de la même façon. Les sciences de la complexité sont jeunes, mais elles peuvent ainsi s'enrichir des travaux réalisés dans différents domaines scientifiques : économie, sociologie, biologie ou physique par exemple. L'une de ces règles a été découverte en 1931 par le mathématicien et logicien Kurt Gödel. Il souhaitait savoir si les mathématiques (un système complexe où des "postulats" de départ interagissent entre eux) sont complètes et cohérentes, ce qui est la moindre des choses apparemment. Pourtant il arriva au résultat exactement inverse !

Nous pourrions résumer les deux théorèmes d'incomplétude et de cohérence limitée de Gödel en langage commun de la façon suivante : quand un système dépasse un certain seuil de complexité, il ne peut être à la fois complet et cohérent. Ce résultat produisit une véritable onde de choc. Mais pour en prendre la mesure, nous devons admettre qu'il s'applique à n'importe quelle sorte de système complexe, y compris les réseaux humains utilisés en économie, sociologie, politique...

Il n'est pas possible d'avoir à la fois de la complexité, de la cohérence et de la complétude. Les systèmes que nous mettons en place manqueront au moins un de ces trois objectifs. Si nous n'en sommes pas conscients, nous ne pourrons pas choisir celui auquel nous sommes prêt à renoncer. Nous pourrons même faillir sur deux d'entre eux ou sur la totalité.
  • Nous risquons ainsi de transformer un réseau complexe en un système "simpliste". Pour réguler, il suffirait d'établir des liens entre un pouvoir central et chacune des personnes concernées sans prendre en compte les liens ENTRE les personnes. Mais dans le même temps nous perdrons une des caractéristiques les plus importantes des systèmes complexes : sa capacité d'auto-adaptation. L'adaptation, et donc la survie du système, ne dépendent alors plus que de la personne ou de l'organisme qui se retrouve au centre de ce système en étoile. Un tel système n'est plus complexe car tous les échanges se font uniquement entre le point central et un des participants. Une telle organisation ne peut fonctionner correctement que si on élimine toute possibilité d'échange entre les membres. Supprimer la complexité dans notre "société en réseau" est cependant encore moins facile que dans n'importe quelle période précédente.
  • Nous risquons également de mettre en place une régulation qui n'est pas complète. Comment s'appliquent les règles que détermine un comité décisionnel à ses propres membres ? Les représentants peuvent-ils se représenter eux-mêmes ? Ils font pourtant partie du "peuple" dont ils ont la représentation. Si nous souhaitons, pour être complet, que la régulation proposée s'applique à celui qui la met en oeuvre, ce dernier se trouve alors face à une incohérence : son intérêt individuel peut se trouver en conflit avec l'intérêt général alors même qu'on lui a délégué la capacité de préserver cet intérêt général. Pour résoudre cette difficulté, nous présupposons que le décideur choisira systématiquement l'intérêt général. Pour en être plus sûr, nous mettrons en place une forme de surveillance du fonctionnement du système que nous espérerons... complète.

Fermer les yeux sur l'incohérence des intérêts, sur l'incomplétude de notre surveillance du système ou sur la tendance à supprimer les échanges entre membre pour réduire la complexité ne résout pas notre problème. Nous devons accepter que lois de la complexité interdisent aux systèmes que nous mettons en place d'être à la fois complexes, complets et cohérents.

Dans toutes nos réflexions sur la gouvernance et les différents modes de régulation, nous devons prendre en compte que le monde dans lequel nous vivons est intrinsèquement complexe. Nous pouvons tenter de le simplifier pour qu'il puisse être concevable par un très petit nombre de ses membres. Nous pouvons également choisir de profiter de cette complexité et de sa capacité d'auto-adaptation. Dans ce cas, il nous appartient d'opter en toute conscience sur laquelle de ces notions, la cohérence ou la complétude, nous sommes prêts à faire des concessions.

Texte originel : Cornu Jean-Michel, « Annexe 5 du rapport Vox Internet 2005 : Une régulation complète et cohérente : la théorie des 3 C » [en ligne], Vox Internet, disponible sur <http://www.csi.ensmp.fr/voxinternet/www.voxinternet.org/article72ac.html?id_article=11&lang=fr>, (consulté le 30 janvier 2014).


Crédits photo : jean-louis Zimmermann sur Flickr - CC-BY

La veille partagée et collaborative sur Internet

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

1. La veille c'est quoi ?

C'est une surveillance. En terme militaire, c'est une sentinelle en garde de nuit.

1.1 Définitions

"Savoir pour prévoir afin de pouvoir", détection des signaux faibles.
Les différentes phases de la veille :
  • Collecter l'information .
  • Trier, traiter l'information.
  • Diffuser à un public donné.
  • Décider en fonction de l'information récoltée.
Mais en fonction du type de veille, toutes les phases ne sont pas forcément réalisées (la diffusion, par exemple dans le cadre d'une veille purement personnelle) ou formalisées (la prise de décision le plus souvent).
Il existe différents types de veille qui varient en fonction de l'objet (juridique, informative,...) et de l'objectif (veille stratégique où l'on surveille la concurrence afin de pouvoir positionner son entreprise et ses produits en fonction, veille créative surveillant les travaux des designers afin de détecter les prochaines tendances,...)
Dans tous les cas, la veille est un processus itératif et continu
  • Itératif : allers et retours réguliers entre les résultats et les sources (et outils) afin d'améliorer les résultats de la veille par rapport à ses objectifs. Cet aller-retour permet également de faire évoluer sa veille en fonction de l'évolution des objectifs ou de l'évolution propre au sujet que l'on surveille (émergence de nouvelles thématiques dans son champ de veille par exemple).
  • Continu : une veille n'est pas un état des lieux à un moment donné ou un état de l'art mais un processus continu suivant l'actualité et l'évolution des objets de la veille.

1.2 Une veille informative... et collaborative

Dans le cadre de ce cours, nous nous intéresserons à la veille dite "informative".
Exemples de contenus surveillés :
  • Actualité de la thématique.
  • Calendrier des manifestations, colloque.
  • Initiatives de groupes semblables mais dans un autre contexte (ça aère).
  • Actualité de la recherche.
  • Veille sur les nouvelles parutions (bibliographie).
  • Initiatives collaboratives.
  • Veille réglementaire (light).
  • ....
Les phases de la veille collaborative sont les mêmes que celles de la veille purement personnelle mais elles sont effectuées par tous les participants à cette veille collaborative.
  • Collecter l'information (ensemble).
  • Trier, traiter l'information (ensemble).
  • Diffuser à un public donné (le groupe et au delà).
  • Décider en fonction de l'information récoltée (rarement formalisé pour la veille informative).
Ces tâches sont effectuées par tous et non réparties.
Le point le plus important est la diffusion : on se met d'accord ensemble avec les participants à la veille collaborative sur le contenu, sur les critères de tri de ce que l'on va amener à la veille collaborative. Ce peut être la veille qui intéresse le groupe et/où la veille à destination d'un public précis.
C'est la différence entre une veille partagée et une veille collaborative :
  • veille partagée : je fais ma veille, selon mes propres critères et je la partage.
  • veille collaborative : le groupe se met d'accord ensemble sur l'objet de la veille et approvisionne la veille collaborative uniquement sur cet objet.

2. La veille sur internet, ça change quoi ?

La veille c'est le traitement du flux

2.1 Avant Internet

Les flux : la radio, la télévision, les journaux.
Les phases de la veille :
  • Collecter : abonnement à des journaux, des lettres d'information.
  • Trier, traiter : revue de presse, dossier documentaire.
  • Diffuser : la revue de presse, mise à disposition du dossier.
  • Décider : note de synthèse, rapport.

2.2 Maintenant

Des flux d'information nouveaux et qui s'ajoutent aux anciens :
  • Flux RSS
  • Réseaux sociaux
  • Newsletter, liste de diffusion
  • E-Mail
  • Système d'alertes (service en ligne qui avertit via un mail ou un flux RSS quand un nouvel article parait sur des mots-clés que l'on a choisi).
  • Surveillance de site (permet de suivre l'actualité des sites qui n'ont pas de flux RSS.
Et on se retrouve souvent seul : pas de sélection, pas d'éditorialisation.

3. Mettre en place une veille

3.1 Définir le champ et les thématiques

3.2 Trouver les sources

Trouver les bonnes sources est la première gageure devant le foisonnement d'information disponible sur internet !
La prospection se fait via des moteurs de recherche, des outils de social bookmarking (Diigo, Pearltrees,...), des revues papier, des recommandations de collègues, etc... Mais il y a ensuite une réévaluation constante des sources (ajout, suppression) en fonction des résultats de la veille : va et vient constant.
Dans le modèle proposé par Jean-Michel Cornu : abondance/rareté/opportunité/contrainte, la veille se situe du coté de l'abondance, l'abondance de l'information disponible sur Internet.

Modèle rareté abondance

(Crédit : Marc Lanssens - SupAgro Florac - CC By-Sa )
La stratégie gagnante est donc celle de l'opportunité et non celle de la planification : je ne peux savoir à l'avance ce que je vais trouver comme information, puisque la veille est justement la surveillance de l'actualité et des signaux faibles. Il faut donc "essayer" des sources et en fonction du résultat, les modifier.
La difficulté est de savoir par où commencer, de trouver le bon bout de l'écheveau. En effet, au fur et à mesure que la veille se structure et devient de plus en plus pertinente, les différentes sources font références à d'autres sources pertinentes. Il y a une sorte de prime au gagnant : plus la veille a évolué et s'est structurée et plus c'est facile de l'améliorer encore ! Et les algorithmes de suggestion proposés par différents outils de veille (Google reader, Twitter) renforcent ce paradoxe : plus les sources qui constituent déjà notre veille sont pertinentes et plus les sources proposées automatiquement le sont. Afin de limiter cet effet pervers, il est intéressant, plutôt que de partir d'un moteur de recherche, de commencer à repérer les sources utilisées par des veilles proches de notre sujet. C'est tout l'intérêt de la veille partagée. Ce veilleur a mis en ligne un agrégateur de flux RSS sur une thématique proche de la mienne, qu'elles sont les sources qu'il a utilisé ? Je trouve pertinent la veille de cet utilisateur de Twitter, qui suit-il ? Qui le suit ? Ainsi de proche en proche, en tâtonnant, on se constitue sa propre sélection en bénéficiant du travail de sélection déjà effectué par d'autres veilleurs et à l'adaptant à ses propres besoins.

3.3 Évaluer ses sources

3.3.1 Problématique de l'évaluation
3.3.1.1 Le monde en dur : un monde connu où l'autorité prime
La matérialité du support en dur (papier, bande magnétique, DVD,...) implique la "rareté" de la ressource : on ne peut éditer un million de livres à chaque fois ! L'information passe par des canaux bien définis et limités (par la matérialité et/ou par la réglementation : le CSA attribue les fréquences aux radios et aux télévisions car elles sont en nombre limités, pour diffuser efficacement un livre, il faut passer par un éditeur (qui prendra un risque financier), et qui passera lui-même par un diffuseur qui transportera les ouvrages dans des points de vente bien définis. Et l'ouvrage devra avoir un dépôt légal à la BNF. En conclusion, le faible nombre des canaux de diffusion plus un paysage informationnel qui n'a pas trop bougé en 30 ans permet d'avoir des repères pour facilement évaluer l'information : le nom de l'éditeur, de l'auteur, de la station de radio, le type de périodique et même la maquette du périodique suffisent bien souvent.
L'évaluation se fait à partir de l'autorité : que ce soit celle accordée à l'auteur proprement dit ou bien souvent son éditeur, le périodique qui le publie ou la chaîne de télévision ou de radio auquel il appartient.
3.3.1.2 Le web 2.0 ou la dilution de l'autorité et des repères classiques
Sur internet, il n'y a plus d'éditorialisation pour une bonne part des contenus. La hiérarchisation de l'information est souvent laissée à des algorithmes : hiérarchie des résultats dans les moteurs de recherche, vidéos associées sur Youtube, etc...
De plus, le support, sorti de la matérialité, n'est plus contraint à une seule source, identifiée. Sur une même page web on peut trouver des informations venant automatiquement de plusieurs sources extérieures (flux RSS, pages imbriquées) sans que cela soit forcément visible pour le visiteur.
Le support numérique permet l'écriture collaborative, où on ne sait plus qui est l'auteur (Wikipedia) mais également des contenus générés automatiquement via des bases de données : pour une même recherche, une page Amazon sera différente en fonction des recherches précédentes, des achats déjà effectués, des achats effectués par les autres utilisateurs, etc...
Les facilités offertes par le copier-coller contribue à cette dilution de l'autorité. Certains textes pouvant être composés d'assemblage (plus ou moins réussis, d'autres textes).
3.3.2 Les critères d'évaluation des sources sur le web 2.0
3.3.2.1 Évaluation des sources primaires
Sources primaires : sites qui contiennent les articles. On les surveille via le flux RSS de site, un agent de surveillance de page, l'inscription a une newsletter publiant les nouveautés.
Critères d'évaluation :
  • Autorité : l'auteur, l'éditeur du site : je surveille le blog de tel auteur qui est spécialiste de..., je suis les flux RSS du site de l'Institut de ...
  • Critères extérieurs (quand on ne connaît ni l'auteur, ni l'éditeur du site).
  • Qualité intrinsèque du texte.
  • Cohérence avec ce que l'on sait déjà.
  • Vocabulaire, construction du texte.
  • Sources.
Quand on évalue via les critères extérieurs, il faut faire attention à "la cosmétique de la crédibilisation" qui consiste à donner toutes les apparences de crédibilité à un site. (cf. Fogg, B. J. 2002. Persuasive Technology : Using Computers to Change What We Think and Do. 1ère éd. Morgan Kaufmann)
3.3.2.2 Évaluation des sources secondaires
Sources secondaires : articles repérés et signalés par d'autres via Twitter, Facebook, une veille partagée, un bulletin de veille...
Critères d'évaluation : la confiance que l'on accorde à celui qui vous a signalé le lien.
(Petite parenthèse à caractère informationnel et historique :
Nous avons été habitué à faire confiance aux documentalistes et aux bibliothécaires pour le choix des documents sélectionnés et disponibles : on vérifie rarement le sérieux ou la fiabilité d'un ouvrage du centre de documentation partant du principe que le document a été sélectionné. Quand le web est devenu grand public au milieu des années 90, on a d'abord appliqué ce modèle au web sous la forme d'annuaire répertoriant et classant des sites webs sélectionnés par des êtres humains (et néanmoins documentalistes). Devant l'ampleur de la tâche et l'amélioration des sélections effectuées par les moteurs de recherche, les annuaires généralistes ont disparu au profit des moteurs de recherche. C'est le début de l'ère Google où l'on a transféré la confiance accordée jusqu'alors à des êtres humains à un algorithme de recherche. Puis le web 2 avec les outils de social bookmarking ou de curation mais aussi la veille via les réseaux sociaux (notamment Twitter) a réaffirmé la plus-value de la sélection.
Dans ce contexte, la veille partagée et/ou collaborative montre toutes sa force, car la sélection des informations se fait au sein même de la communauté d'intérêt et donc outre la pertinence, c'est le niveaux de confiance dans la sélection qui est élevé et qui donne toute sa valeur ajoutée à ce type de veille.

3.4 Classer et ordonner sa veille

Nous sommes abreuvés de flux d'informations, les sources se multiplient grâce au web 2, cela déborde, on est inondé, alors pour éviter la noyade, il faut faire un peu de plomberie...
Repérer les sources pertinentes puis grâce aux outils, les filtrer, les rassembler et les faire venir jusqu'à nous.
3.4.1 En pratique : agréger ses sources au même endroit : niveau Padawan
Des outils pour agréger les flux RSS et/ou ceux des de réseaux sociaux :
  • L'ensemble des flux : iGoogle, Google reader.
  • Editorialisation automatisée : Paper.li, Feedly.
Cela permet d'optimiser le moment dédié à la veille et de le sortir du mail, car le moment où on lit ses mails n'est pas forcément le moment que l'on a dédié pour sa veille.
3.4.2 En pratique : filtrer, recomposer les sources : niveau Jedi
  • Rassembler plusieurs flux en un seul.
  • Filtrer un ou plusieurs flux pour en recomposer un (Yahoo Pipes).
  • Créer un flux à partir d'une veille partagée (Delicious, Diigo).
  • Connecter plusieurs services web 2 entre eux (Itttf).
3.4.3 Se recréer un espace informationnel à échelle humaine dans l'océan du web
Le risque de ce tri c'est de ne plus accéder qu'au connu, qu'au confortable sans être confrontés à d'autres avis ou d'autres visions. Mais de nouveau, la veille collaborative nous sort de cet écueil :
  • Les sources sont multiples (toutes les sources de tous les participants).
  • Mais les informations sont sélectionnées.
  • C'est la chance de la multiplicité des sources (intelligence extérieure, aération) sans le poids de l'infobésité !
  • Même principe sur les réseaux sociaux mais avec moins de pertinence (donc plus de bruit).
  • Sérendipité accrue sur internet que dans le monde en dur.
Et il faut l'accepter !

3.5 Trier pour ne pas couler !

Pour s'y retrouver sans être noyé, il faut apprendre à évaluer les informations que l'on reçoit à partir des données secondaires : on ne doit pas tout lire !
3.5.1 Critères de tri
  • Données secondaires : titre, commentaire, etc...
D'où l'importance de les rendre le plus explicite possible.
  • Redondance.
Ce n'est plus un ennemi (bruit) mais ce peut être une alerte sur l'importance d'une information.
  • Je lis ou pas / je garde ou pas / je transmets ou pas.

3.6 Diffuser sans noyer les autres !

Attention au syndrome "Dieu reconnaîtra les siens". Ne pas tout envoyer, à tout le monde en se disant, "ils trieront" ou "ça intéressera bien quelqu'un". Il faut trier ce que l'on diffuse et à qui on le diffuse. Le contraire est contre-productif. C'est là le grand avantage d'une veille collaborative, on connaît bien son public, qui est identifié. Il ne transmettre que ce qui intéresse le groupe
Sur les réseaux sociaux, il faut diffuser ce qui nous intéresse nous et non ce qui pourrait potentiellement intéresser ceux qui vous suivent car ce choix subjectif, cette éditorialisation est la plus-value de votre veille. Les réseaux sociaux sont le lieu de la subjectivité assumée, sa force même.
Comment diffuser sa veille ?
  • Réseaux sociaux : re-tweet, partage.
  • Création d'un flux RSS (Diigo, Delicious).
  • Bulletin PDF généré automatiquement depuis un flux : Zinepal.
  • Éviter le mail sauf sous forme de newsletter.
  • Veille collaborative : utilisation d'un mot clé spécifique au groupe pour rediriger les informations plus spécialement dédiées au groupe : Diigo, Scoop.it.

4. Capitaliser

4.1 On ne doit pas tout garder ! Changement de posture

Les deux logiques :
  • Logique du fonds : dans un monde de rareté, on essaye de tout rassembler dans un même endroit (bibliothèque). C'est le monde du support papier.
  • Logique du flux : dans un monde d'abondance, on met en place des outils et des méthodes pour repérer l'information intéressante. C'est le monde du support en ligne
De plus, la valeur de l'écrit a changé. Dans le monde en dur, on parle plus que l'on écrit. Le document écrit est le plus souvent une trace, une sauvegarde. Sur le web, on écrit plus qu'on ne parle mais c'est un écrit qui a souvent la même valeur que l'on donnait à la parole, c'est notamment le cas des mails, beaucoup moins formels et beaucoup plus éphémères qu'un courrier papier. On ne garde pas un mail disant "Tu viens samedi ?", pas plus qu'on enregistrerait la voix de la personne nous le demandant en direct. De même, la valeur de l'écrit sur Twitter ressemble plus à la valeur que l'on donne aux informations à la radio : on n'enregistre pas le journal de France Inter parce qu'on ne l'a pas entendu. Si je ne vais pas consulter Twitter une semaine, je ne vais pas relire tous les tweets qui sont passés depuis une semaine, ni culpabiliser car je les ai loupés. et inversement, la valeur de l'audio change aussi. Par le podcast, je peux écouter une émission de radio plusieurs mois après.

4.2 Comment ?

Nous savons parfaitement gérer les informations qui nous arrivent par les canaux "anciens" : courrier papier, téléphone, etc.. Nous ne savons pas encore gérer celles qui arrivent, dans des proportions sans communes mesures, de manière électronique. Il faut donc mettre en place une méthode de gestion des connaissances. Il en existe de nombreuses, la méthode GTD par exemple peut servir à cela. Peu importe la méthode choisie mais il faut absolument en mettre une en place. Une fois cette méthode choisie, il existe des outils permettant de la mettre en place.

5. Mais j'ai pas le temps!

  • Automatiser tout ce qui est automatisable.
Les machines sont justement là pour décharger les humains des tâches répétitives et leur permettre de bénéficier de plus de temps pour les choses vraiment intelligentes. Par exemple, prenez le temps de mettre des filtres sur votre messagerie pour évacuer des spams ou ranger automatiquement dans des dossiers les mails des newsletters que vous lirez plus tard. Chaînez vos applications web 2 afin de n'avoir à poster votre veille qu'à un seul endroit pour qu'ensuite elle soit envoyer automatiquement sur d'autres médias. La plupart des services le proposent mais vous pouvez le faire de façon plus large avec des services comme IFTTT. Exemple : j'ajoute une actualité sur ma veille partagée sur Diigo, elle est publié automatiquement sur Facebook, Twitter et sur le flux RSS de ma veille.
  • Définissez un moment dans votre agenda pour la veille et tenez-vous y ! (c'est-à-dire, refusez si possible des réunions sur ce créneau : "non, je ne suis pas disponible") Si vous décidez de faire votre veille juste quand vous n'avez plus d'autres choses à faire, vous ne ferez jamais votre veille.
  • Bénéficiez de la veille des autres grâce à la veille partagée !!

Focus sur la veille collaborative

Collecte : signaler

  • En faisant sa veille repérer ce qui peut intéresser le réseau
    • Mots-clés : Delicious, Diigo.
    • Hashtag : Twitter.
    • Partage à un groupe : Facebook.
  • Utiliser la redondance : Yahoo Pipes.

Diffusion

  • Flux RSS : agrégateur, site internet.
  • Scoop.it, Paper.li.
  • Page Facebook.
  • Mail (peut être généré automatiquement depuis le flux).
  • PDF (peut être généré automatiquement depuis le flux).

Capitalisation

  • Scoop.it : mot clé.
  • Delicious : stack.
  • Pearltrees.
  • Zotero.

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Le choix a posteriori

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Les stratégies que nous utilisons dépendent de notre perception des problèmes à traiter et des approches possibles pour leur apporter des solutions 1. L'adoption d'une stratégie a un impact sur le moment où nous allons effectuer des choix.

Une première stratégie : la planification

Un des problèmes les plus fréquemment rencontré est la rareté. Beaucoup de choses peuvent être rares : l'argent, les matières premières, la main d'oeuvre, etc. Une approche possible cherche à optimiser nos actions pour ne pas gâcher les ressources rares et devenir plus efficace en faisant des choix "a priori". On parle alors de planification. Mais la mise en oeuvre de cette stratégie nécessite de pouvoir prévoir le résultat de nos choix. D'immense progrès ont été réalisés depuis trois siècles dans le domaine de la prévision et la façon de la réaliser. Tout d'abord dans les sciences physiques avec Newton, puis dans les sciences humaines avec par exemple les travaux de Taylor sur la planification du travail. Cette première stratégie, très utilisée encore de nos jours, est bien adaptée à un milieu contraint mais prévisible.

Une deuxième stratégie : la négociation

Mais dans certains cas, il ne nous est pas toujours possible de prévoir et chercher à planifier peut conduire à une stratégie peu efficace. Henry Ford disait : "Les gens peuvent choisir n'importe quelle couleur pour la Ford T, du moment que c'est noir". Mais de nos jours les gens choisissent de façon bien plus diverses et il devient difficile d'effectuer les choix a priori. Une deuxième stratégie s'est développée pour traiter les situations mal prévisibles où les ressources sont rares. Il s'agit de la négociation. Le choix se fait alors au présent. C'est le cas par exemple de l'économie de marché dont la compréhension s'est fortement développée il y a 150 ans. La fixation d'un prix se fait au cours de la négociation entre l'offre et la demande.

Il existe de grands débats pour savoir s'il vaut mieux choisir la planification ou l'économie de marché, pas seulement au sein des états, mais également dans le fonctionnement des collectivités ou des entreprises. Faut-il mieux prévoir ou bien choisir à chaque instant en fonction d'une négociation ? La meilleure stratégie dépend des conditions dans une situation donnée et il peut être intéressant d'avoir une connaissance approfondie des différentes stratégies possibles pour choisir la plus efficiente pour une situation donnée.

Une troisième stratégie : le choix a posteriori

Il y a donc un antagonisme entre des stratégies basées sur la prévision ou la non prévision. Nous pouvons supposer qu'il en existe un également entre la rareté et l'abondance. De fait, il existe une troisième stratégie qui cherche à traiter plus spécifiquement l'imprévisibilité que l'on rencontre dès que l'on travaille avec des personnes ou dans le domaine de l'innovation. Cette fois la solution passe par l'abondance, ou plus exactement par le développement d'une abondance de possibilités pour permettre a posteriori de faire le meilleur choix possible.

Cette approche ne nous est pas si facile car nous avons depuis très longtemps l'habitude de traiter la rareté plutôt que l'abondance. Même si toutes ces stratégies sont utilisées depuis la nuit des temps, nous n'avons que 300 ans d'expérience dans le développement d'une science de la prévision qui fonde la planification et 150 ans dans notre compréhension de l'économie de marché qui a développé une société de la négociation à chaque instant. Pour ce qui concerne les approches basées sur l'abondance et l'imprévisibilité, notre compréhension plus fine n'a que quelques dizaines d'années 2. Cette stratégie nécessite de l'abondance pour avoir du choix. Nous pensons au contraire que tout est rare. Ce n'est pas toujours vrai. Nous sommes parfois "obligés" de brûler des surproductions de tomates pour ne pas mettre en péril notre stratégie de marché basée sur la rareté et l'imprévisibilité... Mais dans le cadre de l'information, c'est au contraire l'abondance qui est la plus naturelle, du fait d'une qualité que les économistes nomme "non-rivalité" : une information donnée a quelqu'un est toujours disponible pour celui qui l'a fournie. De fait, l'information ne se "donne" pas mais plutôt se duplique, conduisant à une multiplication et dans certain cas à une abondance. L'abondance n'est pas simplement une stratégie pour gérer une situation où la meilleure solution n'est pas prévisible facilement, elle comporte ses propres difficultés : tout comme la rareté, il faut apprendre à gérer l'abondance, voire la surabondance.

Cette stratégie particulière a été décrite à la fin des années 1990 par Eric Raymond 3, en l'appliquant spécifiquement au logiciel libre, sous le nom de "loi de Linus4" : "Étant donné suffisamment d'observateurs, tous les bogues (les erreurs dans un programme) sautent aux yeux". Dans un cadre plus général, nous pourrions définir cette loi comme "Étant donné qu'il y a suffisamment d'observateurs, toutes les pistes applicables à un problème donné sautent aux yeux". Cela est particulièrement vrai si, au lieu de poser la question individuellement à un grand nombre de personnes, nous montrons à chacun l'ensemble de toutes les pistes déjà évoquées. Cela permet de se concentrer sur celles qui n'ont pas encore été citées et donc de trouver des pistes que personne n'aurait cité au premier abord.

Les trois stratégies

Schéma sur la rareté et l'abondance


Nous avons donc trois possibilités (si on omet le cas d'une situation à la fois abondante et prévisible qui semble poser moins de problème ou qui, dans le cas contraire peut être abordée par l'une ou l'autre des stratégies) : planification, négociation, choix a posteriori. Chacune correspond à un contexte particulier. Ainsi planifier la recherche scientifique, par définition imprévisible, pose un problème. De même, traiter par une stratégie "a posteriori" l'envoi d'un homme dans la lune consisterait à envoyer un maximum de fusées habitées en espérant que l'une d'elle arrive à bon port ! La vie humaine étant rare et précieuse, une solution par l'abondance n'est certainement pas adaptée dans ce dernier cas... Le problème est que nous ne maîtrisons souvent qu'une stratégie, voire deux au maximum. Ainsi, plutôt que de choisir la meilleure, nous appliquons celle que nous connaissons. Même si nous maîtrisons les différentes stratégies, il n'est pas toujours aisé d'en choisir une. Beaucoup de situations sont en partie prévisible et en partie imprévisible. Elles comportent certains aspects rares et certains plus abondants.


  • 1 Ces idées ont été présentées à l'origine dans Cornu Jean-Michel, Fondation internet nouvelle génération (éd.), « L’abondance comme moyen d’information » [en ligne], in Jean-Michel Cornu et Fondation internet nouvelle génération (éd.), Internet. Tome 2, services et usages de demain, Les Cahiers de l’Internet (Imprimé), ISSN 1635-849X 3, 1 vol., Paris, France, FING, Fondation internet nouvelle génération, 2003, disponible sur <http://fing.org/IMG/pdf/internet2.pdf>.
  • 2 La prévision est devenue une science à partir de la mécanique de Newton et la négociation à partir du développement d'une science économique avec Adam Smith, Les questions liées à l'abondance et la non prévisibilité se sont surtout développées lorsque les différentes briques qui constituent les sciences de la complexité ont commencé à être rassemblé dans un tout cohérent avec les approches de l'école de Palo Alto ou encore celle d'Edgar Morin.
  • 3 Raymond Eric S., Young Robert Maxwell, The cathedral and the bazaar: musings on linux and open source by an accidental revolutionary [en ligne], 1 vol., Sebastopol, Calif., Etats-Unis, O’Reilly, 2001, disponible sur <http://www.catb.org/~esr/writings/cathedral-bazaar/cathedral-bazaar/>.
  • Raymond Eric S., « La cathédrale et le bazar » [en ligne], trad. Blondeel Sébastien, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/cathedrale-bazar/cathedrale-bazar_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
  • 4 « Loi de Linus » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Linus>, (consulté le 30 janvier 2014).

Pour en savoir plus : le cas des groupes entre 100 et 1000

Traiter des questions avec un groupe constitué d'un grand nombre de personnes peut être abordé avec une stratégie d'abondance. Lorsque le groupe est constitué d'un nombre de membres compris entre une centaine et un ou deux milliers, nous devons cependant utiliser des méthodes qui prennent en compte les personnes qui ont une attitude réactives et pas seulement celles proactives. Dans ce cas, il est possible d'appliquer la "loi de Linus" et de profiter de l'abondance de points de vue pour "ouvrir les possibles" et découvrir un grand nombre d'approches face à une question particulière. Cela est d'autant plus vrai s'il s'agit d'un groupe et pas seulement d'un ensemble de personnes qui ne communiquent entre elles. Il devient alors possible par les échanges entre les membres, de trouver des pistes auxquelles personne n'aurait pensées en première approche sans avoir entendu les pistes des autres. Si en plus nous donnons aux membres du groupe une vision d'ensemble des propositions déjà faites, cela permet à chacun, depuis son propre point de vue, d'identifier de nouvelles pistes pas encore proposées. Par étapes successives, les contributions de chacun sont de plus en plus influencées par celles des autres et il arrive alors assez souvent d'aboutir à des pistes totalement nouvelles qui ne peuvent plus être attribuées simplement à un des contributeurs. Cette approche est le fondement même de "l'intelligence collective".
S'il est nécessaire de faire un choix ensuite (et seulement ensuite) d'une solution parmi toutes les pistes citées, il peut s'en trouver facilité car les propositions qui arrivent le plus tard sont souvent bien plus intéressantes que celles du début qui elles sont attachées aux personnes. Ainsi, lorsqu'il s'agit juste de choisir parmi les idées originelles des membres, chacun s'attache avant tout à défendre son idée pour ne pas perdre la face et si possible gagner l'estime du groupe.
Mais si les pistes les plus intéressantes ne peuvent plus être attribuées exclusivement à un des contributeurs, alors la question du choix se concentre réellement sur l'identification de la solution (ou mieux des solutions). Cela n'empêche pas des avis différents mais évite simplement de concentrer le débat sur la défense de "son" idée. Par ailleurs, dans beaucoup de cas, il n'est pas nécessaire de choisir parmi toutes les pistes évoquées, mais simplement de les conserver pour présenter la diversité des façons possibles de faire. C'est le cas par exemple de la construction collective d'un guide présentant comment mettre en place un projet. Il n'est alors pas nécessaire de sélectionner une seule solution. Au contraire, il est souvent bien plus intéressant de présenter plusieurs approches parmi lesquelles le lecteur pourra choisir en fonction de son contexte particulier.

Par ailleurs, toujours dans le cas de groupes entre une centaine et un ou deux milliers de membres, le nombre de personnes prenant un rôle proactif, et a fortiori celles participant à la coordination du groupe est réduit : le plus souvent une ou quelques personnes. Nous ne sommes plus dans ce cas dans un contexte d'abondance et la stratégie "a posteriori" n'est pas adaptée à la coordination des groupes alors qu'elle l'est pour le travail effectué par le groupe. La coordination d'un grand groupe entre 100 et 1000 (contrairement aux très grands groupes où le nombre de proactif est lui-même abondant) est donc contraint et les animateurs ont moins le droit à l'erreur. Ils doivent aborder des stratégies de planification ou d'adaptation à chaque instant pour prendre en compte la rareté des ressources de coordination disponibles.


En résumé

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance ;
Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (grand groupe, information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités ;
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quelque soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie.
Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondantes et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies.
Par exemple dans un grand groupe au-delà de cent personnes, il est possible, grâce au nombre suffisant de membres adoptant un rôle réactif, de faire ressortir le maximum de points de vue et de ne choisir qu'a posteriori ceux que l'on souhaite conserver : "Étant donné suffisamment d'observateurs, toutes les pistes applicables à un problème donné sautent aux yeux". Mais si le groupe est plus petit que un ou deux milliers de personnes, le nombre de membres qui adoptent une attitude proactive et a fortiori le nombre de personnes qui participent à la coordination du groupe est faible. La coordination de groupes inférieurs à quelques milliers doit donc faire appel à des stratégies de planification et/ou de négociation.


Mot clé : #choix28

Le débat mouvant - cas pratique

Auteur de la fiche : Gatien Bataille
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage :

Méthodologie

Objectif

L'objectif est de soumettre des situations aux participants et de proposer deux hypothèses de travail en lien avec les situations proposées. Les participants devront faire le choix d'une hypothèse et être capables d'argumenter leur choix pour convaincre les autres de les rejoindre.

Règles de fonctionnement

  • 1. L'animateur présente une situation.
  • 2. Il propose au groupe deux hypothèses en lien avec la situation présentée.
  • 3. Il demande au groupe de choisir et de se déplacer à sa droite pour telle hypothèse ou à sa gauche pour la deuxième hypothèse.
  • 4. Chaque groupe doit argumenter pour convaincre les membres de l'autre groupe de les rejoindre dans leur choix.
  • 5. Lorsque les groupes sont "stabilisés", l'animateur présente la situation suivante et le processus recommence.

L'animateur du débat mouvant devrait

  • 1. Rédiger 5 ou 6 situations et pour chaque situation deux hypothèses claires et opposées qui permettent un choix.
  • 2. Présenter les situations avec le plus de clarté et de précision possible.
  • 3. Veiller à ce que le débat ne se transforme pas en cacophonie et permette l'expression des arguments de chacun de façon équilibrée.
  • 4. Veiller à passer à la situation suivante lorsque les groupes sont "stabilisés". 

Exemple de débat mouvant vécu lors de la formation

Situation 1
Votre échevin vous propose de mettre en place au sein de la commune un organe de participation et de consultation large de la population sur tous les sujets environnementaux du territoire communal. L'implantation prochaine du parc éolien lui semble être un bon premier sujet à mettre sur la table, qui plus est un sujet d'actualité !
Il vous accorde un peu de budget (pas énorme mais correct) pour mettre en place cet organe de participation. Vous avez quelques semaines pour convoquer la première séance (ce qui vous laisse de quoi vous organiser sans trop de précipitation).

  • Vous acceptez sans hésiter, super idée ! Vous allez enfin pouvoir mettre en place l'organe de participation dont vous rêviez.
  • Vous doutez un peu de l'intérêt de lancer cet organe de participation maintenant.

Situation 2
Ayant saisi l'opportunité proposée par votre échevin, vous avez fait connaître largement et partout l'arrivée prochaine de cette première réunion participative. Vous ne vous faites pourtant pas trop d'illusions. En général, aux réunions, on se retrouve à 10-15, 30 personnes maximum...
Vous êtes agréablement surpris lorsque le soir venu, vous voyez arriver plus de 100 personnes. Il faut vite ajouter des chaises mais tout le monde trouvera une place.
Votre animation de réunion s'en trouve un peu chamboulée.

  • Vous laissez tomber le tour de table car il y a bien trop de monde... On verra bien par après comment collecter les coordonnées des participants.
  • Vous maintenez votre tour de table, peut-être un peu "adapté", quitte à ce qu'on ne puisse pas aller beaucoup plus loin dans l'ordre du jour de la réunion.

Situation 3
Malgré le nombre de personnes et les nombreux échanges, vous parvenez à réaliser un compte rendu à peu près complet de la réunion. Vous le diffusez auprès des personnes ayant laissé leurs coordonnées lors de la réunion.
D'autres, qui n'ont pu être présentes lors de cette réunion, vous sollicitent pour obtenir le compte-rendu.

  • Vous le leur envoyez pour information.
  • Vous le leur envoyez et les invitez à y apporter leurs contributions et remarques.

Situation 4
Après quelques séances, le groupe se restreint considérablement : un bon tiers des inscrits ne réagit plus aux mails et ne vient plus aux réunions. Vous tentez une relance par mail pour solliciter l'implication de tous mais sans grand succès.
  • Après deux autres mails sans réponses, vous décidez de ne plus envoyer les comptes-rendus "pour rien" à ceux qui n'ont plus réagi à vos 5 derniers courriers (mails).
  • Vous vous dites que ça ne mange pas de pain et gardez tous les inscrits dans votre mailing list.

Situation 5
Ce travail d'animation demande du temps. Votre échevin, bien que satisfait de votre travail, vous demande de participer à l'un ou l'autre appel à candidatures pour décrocher un peu d'argent. Cela soulagerait agréablement le budget communal et permettrait de pérenniser votre poste d'animateur de réseau.
  • Vous détectez ça et là quelques fonds à solliciter, dont certains collent à peu près avec la dynamique de votre réseau. Vous vous mettez à rédiger des dossiers de candidature... Il vous faut cet argent !
  • Vous craignez de dévier pas mal de la dynamique en place dans le réseau. Vous sollicitez auprès de l'échevin un peu de temps pour étudier d'autres pistes.

Situation 6
Le réseau s'est pas mal structuré. Mine de rien, il a produit pas mal de choses. Ces productions font un peu votre fierté et ont contribué à votre notoriété dans la région. Mais voilà que vous apprenez fortuitement que certains membres du réseau, qui sont aussi membres d'autres réseaux proches, y diffusent les productions de votre réseau.
  • Vous n'êtes pas très satisfait de cette situation et vous promettez d'y mettre un terme lors d'une discussion franche à la prochaine réunion.
  • Vous vous en réjouissez et espérez que cet échange se fera rapidement dans l'autre sens.

Situation 7
Votre échevin a le bras long. Il est parvenu à décrocher un subside permettant à une boîte de communication de vous livrer un outil "clé sur porte" pour gérer votre réseau. Tout y est, c'est l'outil le plus complet du marché ! Voilà de quoi centraliser vos données et "professionnaliser" le réseau.
  • Génial, enfin l'outil complet ! Il va considérablement changer les habitudes de travail et risque d'embarrasser les moins geeks. Mais quelle avancée en terme d'ergonomie !
  • Vous remerciez l'échevin pour ce subside. Vous promettez de jeter un oeil sur l'outil et de le soumettre au réseau qui décidera de son adoption (ou pas)

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Le Flow : quand la coopération rend heureux

Auteur de la fiche : Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Développer les motivations intrinsèques

Une façon d'inciter à donner est d'en développer la motivation. Non pas la motivation extrinsèque comme nous l'avons vu (contre-don, reconnaissance sociale), mais plutôt une motivation intrinsèque qui n'attend rien de l'extérieur (estime de soi, réalisation de soi). Il ne s'agit donc pas d'un don gratuit mais plutôt d'un don désintéressé, au sens où il n'y a pas d'intéressement (un "intérêt à...") mais plutôt un "intérêt pour..."1. Cependant, dans la théorie de l'autodétermination, cette distinction intrinsèque/extrinsèque est vue plutôt comme un continuum2.

Les motivations intrinsèques "déterminées par le plaisir et le sentiment d'autonomie 3" intéressent beaucoup l'économie moderne. Parmi elles, l'estime de soi est un des moteurs de la charité (avec la reconnaissance sociale qui est elle, une motivation extrinsèque). Beaucoup de donneurs anonymes le font en considérant qu'ils ont de la chance d'être dans leur situation et qu'il est bien d'en faire profiter ceux qui n'ont pas eu cette chance, se mettant ainsi en accord avec leurs propres valeurs. Celles-ci peuvent être personnelles ou culturelles. Il est donc possible de jouer sur les valeurs du groupe où l'on souhaite mettre en place un système de don. La construction d'un système de valeurs se fait cependant progressivement et peut se heurter ponctuellement aux valeurs individuelles de certaines personnes, différentes de celles du groupe. À l'inverse, le système de valeurs est également constitutif du groupe4, incitant ceux qui s'y reconnaissent à intégrer le groupe et rejetant parfois ceux qui ont des valeurs différentes. L'autre type de motivation intrinsèque est la "réalisation de soi". Les travaux en psychologie positive ont montré que l'on atteint un état de bonheur, nommé "état de flow", lorsque l'on est totalement absorbé dans ce que l'on fait. Pourrait-on s'immerger dans le don à l'autre et y trouver un grand bonheur ?

Pour en savoir plus : l'état de flow 5

Mihaly Csikszentmihalyi, une des figures de proue de la psychologie positive6, s'est intéressée, dès les années 70, aux personnes qui consacraient beaucoup de temps et d'énergie à des activités diverses, pour le simple plaisir de les faire, sans attendre en retour des gratifications sous forme d'argent ou de reconnaissance sociale (joueurs d'échec, alpinistes, danseurs, par exemple). Ses observations l'ont amené à conclure que le bonheur, c'est lorsque nous "donnons le meilleur de nous même". Il décrit un principe d'expérience optimale, un état de flow, où nous sommes complètement absorbés dans ce que nous faisons. Cela peut être une activité très valorisante, comme écrire un livre, gravir une montagne ou une simple activité de la vie quotidienne dans laquelle nous aurons su trouver de l'intérêt pour nous investir pleinement. Cela peut même parfois s'appliquer à ce qui est habituellement perçu comme une corvée (vaisselle, repassage, etc.). Grâce aux témoignages recueillis et aux expériences réalisées, Csikszentmihalyi a identifié différentes particularités décrivant l'état de flow7.
1 - Haut degré de concentration sur un champ limité de conscience (hyperfocus), absence de distraction ;
2 - Une perte du sentiment de conscience de soi, disparition de la distance entre le sujet et l'objet ;
3 - Distorsion de la perception du temps ;
4 - Rétroaction directe et immédiate. Les réussites et difficultés au cours du processus sont immédiatement repérées et le comportement ajusté en fonction ;
5 - Sensation de contrôle de soi et de l'environnement.

Michael Norton, professeur associé à la Harvard Business School montre comment le bonheur peut être associé au fait de donner, y compris de l'argent8. Il a réalisé une étude sur le campus de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver en demandant à des étudiants à quel point ils étaient heureux et en leur donnant une enveloppe. Elle contenait de l'argent, 5$ ou 20$ suivant les étudiants et également un mot indiquant pour la moitié des étudiants : "d'ici 17h aujourd'hui dépensez cet argent pour vous-même" et pour l'autre moitié "d'ici 17h aujourd'hui, dépensez cet argent pour quelqu'un d'autre". A la fin de la journée, les chercheurs ont interrogé les étudiants en leur demandant à quoi ils avaient dépensé leur argent et à quel point ils se sentaient heureux maintenant. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui avaient dépensé l'argent pour les autres étaient plus heureux que ceux qui l'avaient utilisé pour eux-mêmes, et cela indépendamment de la somme d'argent dépensée. Michael Norton a réalisé une expérience similaire en Ouganda et à constaté que la situation était la même. Pour étendre cette recherche, il a ensuite fait appel à l'institut de sondage Gallup pour poser deux questions : "avez-vous donné de l'argent à un organisme caritatif récemment ?" et "à quel point êtes-vous heureux de votre vie en général". Dans la très grande majorité des pays les deux réponses sont corrélées positivement : donner rend plus heureux.

Mais il existe une difficulté pour atteindre le bonheur et l'état de flow. Nous avons tendance à privilégier les activités passives (comme regarder la télévision...) qui nous apportent une satisfaction très partielle mais immédiate plutôt que des activités actives qui vont nous rendre plus heureux mais qui demandent un effort au départ. Comment dépasser cette "barrière de l'effort"? Celui qui prend du plaisir dans le footing a d'abord souffert les premières fois; le musicien a dû s'entraîner parfois de longues années avant de pouvoir s'immerger dans une oeuvre, voire composer lui-même; Simplement le fait de passer de bons moments entre amis nécessite de sortir de chez soi... Tout au moins, il est important de vivre une première fois une expérience avant de se rendre compte qu'elle nous apporte du plaisir.

Vivre une petite expérience irréversible

Pour dépasser cette "barrière de l'effort" et trouver le bonheur dans un état de flow, il peut être nécessaire que nous visions une "petite expérience irréversible9", celle qui changera profondément notre façon de voir en nous ouvrant des perspectives qui nous semblaient impossibles. Nipun Mehta, le fondateur de ServiceSpace.org, un incubateur de projets à l'intersection du bénévolat, de la technologie et de l'économie du don, cite une histoire vraie qui s'est déroulée le jour de Noël à Mexico. Elle illustre bien cette différence entre l'idée que nous nous faisons d'une situation et le bonheur qu'elle peut nous apporter10. "Un père et son fils sont assis près d'un sapin. Un gamin des bidonvilles passe par là. Le père se tourne vers son fils et lui dit de lui donner un de ses jouets. Le fils est réticent bien sûr mais quand il se rend compte que son père est sérieux, il prend l'un de ses jouets, celui qu'il aime le moins, et se prépare à le donner. Mais son père lui dit : "mon fils, donne ton jouet favori". L'enfant bien que réticent au départ, fini par le faire. Quand il revient, le père se dit qu'il doit féliciter son geste et reconnaître le grand sacrifice que son fils a fait. Mais de façon surprenant, l'enfant à son retour saute de joie, regarde son père et lui dit : "Papa, c'était incroyable ! Est-ce que je peux le faire encore ?".

Les actes que nous faisons sont souvent dictés par la façon dont nous percevons les choses et cette perception, indépendamment de la réalité dépend de l'environnement, de ce que nous entendons autour de nous sur le sujet, etc. L'économie expérimentale s'intéresse aux comportements individuels et collectifs. Nous en avons déjà vu un exemple avec la théorie cumulative des perspectives11 qui montre notre aversion au risque. Jacques Lecomte12, professeur de psychologie à l'Université de Nanterre et à l'Institut Catholique de Paris en propose d'autres avec en particulier une expérience de prophétie auto-réalisatrice, une affirmation qui modifie les comportements par le simple fait d'être diffusée et ainsi devient vrai. Dans une expérience, un expérimentateur donne les mêmes règles du jeu à tous les participants mais annonce à la moitié du groupe qu'ils vont participer au "jeu de Wall Street" et à l'autre moitié au "jeu de la communauté". Les sujets sont deux fois plus nombreux à coopérer dans le deuxième cas ! Ainsi, nous sommes prédisposés à la fois à la coopération et à la compétition. Mais il y a une subtilité que relève Jacques Lecomte : nous sommes prédisposés et non pas prédestinés à l'un ou à l'autre. C'est le contexte qui nous fait basculer dans un mode ou dans l'autre. Les mécanismes de mimétismes fortement développés chez l'homme, aident à propager les prophéties auto-réalisatrices, qu'elles soient altruiste ou égoïstes...

Il existe d'autres mécanismes encore pour vivre des premières expériences de don. Dans l'exemple du "Pay-it forward" que nous avons vu au chapitre précédent, l'engagement du bénéficiaire d'un don à donner à son tour à d'autres personnes "en avant" n'est pas une garantie qu'il le fera. Mais cette promesse augmente les chances que de nouveaux dons soient faits. Dans sa présentation à TEDx13, Nipun Mehta présente le "Karma kitchen" à Washington DC. Il s'agit d'un établissement tout à fait normal où vous pouvez venir manger, mais il est tenu par des bénévoles et surtout à la fin de votre repas, vous recevez une note de 0$ expliquant : "dans un esprit de générosité, quelqu'un qui est venu avant vous a fait un don pour ce repas. Nous espérons que vous continuerez la chaîne en donnant à votre tour ! Pour payer pour un futur invité vous pouvez laisser une contribution anonyme dans cette enveloppe. Merci !". Nous sommes ici typiquement dans une approche de type Pay-it forward"14. La plupart des personnes acceptent de faire un don et même si quelques uns sont des "passagers clandestins", le fait que l'on donne plus volontiers pour les autres que pour soi-même a permis à ce restaurant de vivre depuis 3 ans. Aujourd'hui, d'autres restaurants de ce type ouvrent. L'initiative d'une ancienne bénévole du Karma restaurant, Minah Jung a même permis d'évaluer combien nous donnons en plus pour les autres par rapport à ce que nous sommes prêt à donner pour nous même15. Elle s'est associée au professeur Leif Nelson de la Haas Business School à Berkeley pour faire une expérimentation dans un musée où l'entrée est généralement facturée 1 $. Dans une première expérience ils ont installé une boite où les visiteurs pouvaient laisser ce qu'ils voulaient. La somme moyenne était alors de 1,33 $, supérieure au prix d'entrée habituel. Lorsqu'ils ont mis une personne pour recevoir le prix que les visiteurs voulaient payer, le montant moyen est passé à 2 $. Mais surtout, lorsqu'on disait aux visiteurs que le musée était gratuit pour eux mais qu'ils payaient pour la personne d'après, alors la moyenne des dons était de 3 $ soit trois fois le prix d'entrée habituel ! Nous sommes plus généreux pour les autres que pour nous même...

La piste de l'ocytocine pour favoriser notre penchant à la coopération ?

Depuis quelques temps, une hormone provoque un grand intérêt chez ceux qui voudraient développer la coopération et le don : l'ocytocine (ou oxytocine). Cette petite chaîne de 9 acides aminés semble parée de toute les vertus16. Elle intervient dans le développement des relations mère-enfant, dans la fidélité dans le couple, et dans de nombreux comportements sociaux tels que la confiance, le développement de l'empathie, la coopération ou l'altruisme. Le neuroéconomiste Paul Zak l'a même surnommée la "molécule morale17". Nous produisons de l'ocytocine lorsque nous touchons une personne (comme à l'occasion d'une poignée de main) et bien plus encore lors d'un baiser. Cette hormone, contrairement à beaucoup d'autres, n'a pas de dispositif régulateur et sa production peut donc culminer par des pics importants, en particulier lors de l'orgasme. Mais cette molécule a d'autres effets18. Elle peut provoquer du favoritisme envers les personnes de son groupe contre ceux qui n'en font pas partie19 et peut même pousser à désirer et se réjouir du malheur des autres20. L'ocytocine est-elle l'hormone qui facilite le don ou le rejet ? Il va nous falloir aller un peu plus loin pour le comprendre. A bien des égards cette molécule se distingue des autres hormones. Contrairement aux autres, elle ne se limite pas à deux ou trois effets, mais agit dans de nombreux cas. C'est elle qui permet les contractions du col de l'utérus lors de la naissance, elle provoque la sécrétion de lait pour permettre l'allaitement, elle provoque l'érection chez l'homme (le Viagra agit sur la sécrétion d'ocytocine) et provoque un état de plaisir dans de nombreux cas : orgasme mais aussi de façon plus réduite lorsque l'on agit de façon coopérative. Tous ces effets peuvent apparaître hétéroclites voire contradictoires. Pour leur trouver une cohérence, il faut remarquer comme le fait le chimiste Marcel Hibert21, que contrairement aux autres hormones qui aident à la survie de l'individu, l'ocytocine aide à la survie de l'espèce22. Elle nous aide à nous reproduire, à prendre soin de nos petits, à coopérer avec les membres de notre alliance, mais également à bien distinguer ceux qui sont à l'intérieur ou à l'extérieur de notre groupe. L'action de l'Ocytocine dépend donc du contexte et une des pistes pour expliquer son fonctionnement serait qu'elle focalise notre attention sur les signaux sociaux23. En prenant ces réserves en compte, nous pourrions imaginer malgré tout de développer le don par l'ocytocine comme le proposent certains. Mais si une simple poignée de main aide à produire de l'ocytocine, il n'est pas toujours facile d'avoir un long baiser entre les acteurs pour provoquer un pic de sécrétion de l'hormone ! Il est possible d'utiliser un spray intranasal et des études ont montré qu'il développait la confiance24 Mais comme le dit Marcel Hibert, allez donc mettre un spray dans le fond du nez de votre banquier ! Bien plus important, le fait que l'on puisse avoir un seul des acteurs qui respire de l'ocytocine et pas l'autre ouvre la porte à de nombreuses dérives et pose des questions éthiques. Pour développer notre propension à donner, il vaut mieux s'en tenir à la production naturelle et réciproque d'ocytocine : la simple rencontre, la poignée de main, le contact, voire pourquoi pas la danse. C'est également le cas pour les "câlins gratuits25" (en anglais Free Hugs, un mouvement qui s'est développé dans le monde entier à partir de 2004 où des personnes proposent des accolades aux gens dans un lieu public). Le "câlin gratuit" nous fait générer de l'ocytocine et nous rend heureux et de plus il est symétrique : on ne peut donner une accolade sans la recevoir également...

Cet article est extrait de l'ouvrage : Cornu Jean-Michel, Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie [en ligne], Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
(mais cet article est lui sous licence CC-BY-SA)


1 Cornu Jean-Michel, « De quel don parle-t-on ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
2 Deci Edward L., Ryan Richard M. (éd.), Handbook of self-determination research, 1 vol., Rochester, Royaume-Uni, The University of Rochester Press, 2004.
3 « Motivation » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Motivation>, (consulté le 30 janvier 2014).
4 Voir en particulier les travaux d'Elinor Omstrom, "prix Nobel" d'économie 2009 pour ses travaux sur la gouvernance des biens communs par les communautés elles-mêmes : Eychenne Fabien, « Notions de base - Annexe 7 - E. Ostrom : la gouvernance des biens communs » [en ligne], Réseau social de la Fing, disponible sur <http://www.reseaufing.org/pg/blog/fabien/read/83725/notions-de-base-annexe-7-e-ostrom-la-gouvernance-des-biens-communs>, (consulté le 30 janvier 2014).
5 Cornu Jean-Michel, La monnaie, et après ? guides des nouveaux échanges pour le XXIe siècle, Limoges, FYP éd., 2012.
6 Csíkszentmihályi Mihály, Servan-schreiber David, Vivre: la psychologie du bonheur, trad. Bouffard Léandre Éditeur scientifique, Pocket. Évolution, ISSN 1639-5727Presses pocket (Paris), ISSN 0244-6405 12335, 1 vol., Paris, France, Pocket, 2005.
7 « Flow (psychologie) » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Flow_(psychologie)>, (consulté le 30 janvier 2014).
8 « Michael Norton : Comment acheter le bonheur | Video on TED.com » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://www.ted.com/talks/lang/fr/michael_norton_how_to_buy_happiness.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
9 Le terme est de Laurent Marseault de Outils Réseaux
10 « Pay it forward: Nipun Mehta @ TEDxGoldenGateED » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://blog.tedx.com/post/17375163362/pay-it-forward-nipun-mehta-tedxgoldengateed>, (consulté le 30 janvier 2014).
11 Cornu Jean-Michel, « Le taux de satisfaction des besoins réels identifiés » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
12 Lecomte Jacques, La bonté humaine: altruisme, empathie, générosité, 1 vol., Paris, France, O. Jacob, 2012.
Lecomte, Jacques. La bonté humaine : altruisme, empathie, générosité. O. Jacob, 2012. 398 p.
13 « TEDxBerkeley - Nipun Mehta - Designing For Generosity » [en ligne],  YouTube, disponible sur <http://www.youtube.com/watch?v=kpyc84kamhw&feature=youtu.be>, (consulté le 30 janvier 2014).
14 Cornu Jean-Michel, « Le don plus efficace que l’échange ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
15 Nipun Mehta, « Research On Pay Forward Phenomena » [en ligne],  ServiceSpace, disponible sur <http://www.servicespace.org/blog/view.php?id=10053>, (consulté le 30 janvier 2014).
16 Dvorsky George, « 10 Reasons Why Oxytocin Is The Most Amazing Molecule In The World » [en ligne], io9, disponible sur <http://io9.com/5925206/10-reasons-why-oxytocin-is-the-most-amazing-molecule-in-the-world>, (consulté le 30 janvier 2014).
17 Zak Paul J., The moral molecule: The source of love and prosperityRandom House, 2012.
18 Yong Ed, « Non, l’ocytocine n’est pas la molécule de l’amour et de la morale » [en ligne], slate, trad. Gallaire Fabienne, disponible sur <http://www.slate.fr/story/59785/ocytocine-hormone-calin>, (consulté le 30 janvier 2014).
19 Dreu Carsten KW De, Greer Lindred L., Kleef Gerben A. Van, et al., « Oxytocin promotes human ethnocentrism », Proceedings of the National Academy of Sciences 108 (2011/4), p. 1262‑1266., (consulté le 30 janvier 2014).
20 Shamay-tsoory Simone G., Fischer Meytal, Dvash Jonathan, et al., « Intranasal administration of oxytocin increases envy and schadenfreude (gloating) », Biological psychiatry 66 (2009/9), p. 864‑870., (consulté le 30 janvier 2014).
21 Voir en particulier le podcast audio dis de Marcel Hibert sur Canal U : « La chimie de l’amour - Marcel Hibert - Université de tous les savoirs - Vidéo - Canal-U » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20120707042548/http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/dl.1/podcast.1/la_chimie_de_l_amour_marcel_hibert.7042>, (consulté le 30 janvier 2014).
22 Une autre hormone, la vasopressine, a également largement contribué à la survie de l'espèce mais avec une stratégie opposée à l'ocytocine. La vasopressine contrôle le système de lutte ou de fuite alors que l'ocytocine contrôle celui de type calme et contact. Le premier diminue le niveau de conscience alors que le second pourrait développer l'attention aux signaux sociaux.
23 Bartz Jennifer A., Zaki Jamil, Bolger Niall, et al., « Social effects of oxytocin in humans: context and person matter », Trends in cognitive sciences 15 (2011/7), p. 301‑309., (consulté le 30 janvier 2014).
24 Kosfeld Michael, Heinrichs Markus, Zak Paul J., et al., « Oxytocin increases trust in humans », Nature 435 (2005/7042), p. 673‑676., (consulté le 30 janvier 2014).
25 « Official Home of the Free Hugs Campaign » [en ligne], disponible sur <http://freehugscampaign.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).

Les accélérateurs de projet

Auteur de la fiche : Laurent Tézenas - Montpellier SupAgro
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Pour assurer le succès d'une telle démarche, il est important de s'approprier la méthode et de suivre les règles qui en découlent.
Trois rôles devraient être assurés :
  • Un exposant : la personne qui présente sa situation problème.
  • Un animateur - gardien de la méthode : présente rapidement la méthodologie, rappelle les règles, assure le bon déroulement.
  • Un secrétaire : celui qui prend les notes (fonction partagée sur Etherpad).

Étape 0 : Préparation (5 min.)
Au début de la rencontre, le groupe devrait choisir :
  • Une personne qui présente sa situation-problème : il est conseillé qu'elle prépare sa question en amont à partir de sa réflexion sur ce qu'elle vit comme difficulté dans sa pratique professionnelle.
  • Un animateur (gardien de la démarche).
  • Une personne qui prendra les notes (ou fonction partagée sur pad).

Étape 1 : Exposé de la problématique ou de la situation (5 min)
La personne qui a accepté de soumettre son problème expose le plus clairement possible la situation et son contexte. Elle exprime ensuite la façon dont elle définit le problème. Les autres membres de l'équipe écoutent.

Étape 2 : Clarification de la problématique (5 min)
Les membres du groupe formulent les questions pour bien cerner la situation; ils doivent, à cette étape, s'en tenir à des questions d'information factuelle (meilleurs compréhension du contexte par ex). La personne qui a exposé sa situation apporte les précisions ensuite.

Étape 3 : Contrat - reformulation de la question (1 min)
La personne qui a exposé sa situation précise clairement ce qu'elle attend des autres membres du groupe. (je voudrais que le groupe m'aide à ...).

Étape 4 : Réactions, commentaires, suggestions (20- 30 min)
Ce sont surtout les autres membres du groupe qui interviennent : Ils donnent leurs impressions, réactions, perceptions connotées d'évaluation et d'interprétation de la situation.. Ils s'appliquent surtout à proposer une façon de voir autrement la situation, à la recadrer. Ils peuvent faire des suggestions pratiques ou donner des conseils.
La personne qui a exposé sa situation écoute et s'impose à ne pas intervenir. Elle a tout intérêt à noter par écrit ce qui lui paraît pertinent de retenir.

Étape 5 : Synthèse et plan d'action (5-10 min)
La personne qui a exposé sa situation prend quelques instant pour finaliser en mini plan d'action des remarques exprimées par les membres du groupe (une synthèse personnelle de ce qu'elle retient).
Pendant ce temps , les autres participants notent les idées et remarques qui peuvent leur être utiles dans leurs projets (idées transversales etc)

Après ce temps d'écriture , la personne qui a exposé sa situation présente son plan d'action, indique la façon dont elle entend donner des suites. Les autres membres du groupe n'ont pas à discuter des choix de la personne ou de son plan d'action; ils se comportent plutôt comme des témoins du cheminement de cette personne; ils peuvent exprimer leur soutien et leur encouragement.
Les idées "transversales" notées par les autres participants, seront présentées en grand groupe ensuite.

Étape 6 : Évaluation et intégration des apprentissages, vécu (5 -10 min)
Pour fermer correctement la rencontre, il convient de faire un retour sur ce qui s'est passé. La personne qui a demandé de l'aide peut exprimer son vécu ; le groupe peut évaluer sa façon de procéder et, au besoin, y apporter des correctifs pour la prochaine rencontre. Il est recommandé au groupe de se donner quelques minutes pour que chaque membre puisse noter ce qu'il retient de cette rencontre.

Adapté de : Payette Adrien, Champagne Claude, Le groupe de codéveloppement professionnel, 1 vol., Québec, Canada, Presses de l’université du Québec, 1997.

Vous pouvez télécharger une fiche simplifiée, adaptée par Laurent Tézenas Télécharger le fichier Accelerateur_de_projet.pdf (92.2kB)

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Les cartes heuristiques en débat public

Auteur de la fiche : Laurent Marseault
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Vous est-il arrivé, lors de l'animation de débat public d'avoir :
  • Une personne qui répète au moins 5 fois la même chose ?
  • Deux personnes qui se disputent alors qu'elles parlent de la même chose mais ne l'ont pas compris ?
  • Des antagonistes qui sont contents du débat car "t'as-vu ce qu'on lui a mis..." ?
  • Les participants qui trouvent qu'on a beaucoup causé, mais bon... Ça n'a pas beaucoup avancé ?
  • ...

Et bien moi cela m'est arrivé bien souvent avant que je n'introduise les cartes heuristiques pour aider à l'animation.

Côté outillage :

  • Un vidéo-projecteur
  • Un ordinateur sur lequel est installé le logiciel, Freemind, X-Mind ou Freeplane (ce dernier a ma préférence)
  • Et un gros entraînement à l'écoute et à la prise de note synthétique.

Sur le rond central, j'inscris le sujet du débat puis, note de manière succincte les éléments de la discussion qui s'enchaînent. La carte mentale s'élabore petit à petit. Les idées s'organisent, se ré-organisent. Nous fermons une partie de la carte pour nous concentrer sur un nouvel aspect du débat...

Quelques éléments vécus autour des cartes :

  • Deux personnes ne sont pas d'accord sur le positionnement d'un mot dans la carte. Derrière un même mot, elles voient en fait deux idées différentes, le fait de passer par la cartographie le révèle.
  • Certaines idées sont faciles à positionner, par contre d'autres... Dans ce cas, je demande au groupe de m'aider à positionner cette nouvelle proposition, il s'agit souvent, en cas de difficulté, d'une idée qui ré-organise les idées précédentes, le temps de réflexion collectif fait maturer le groupe.
  • Le fait de ré-ouvrir toutes les branches de la carte en fin de débat, fait prendre conscience au groupe du chemin parcouru, souvent, le groupe est fier de lui.
  • Lors d'un débat promis comme tendu, nous avons commencé par lister les éléments du débat. Puis nous les avons classés collectivement en trois groupes, ceux qui ne méritent pas discussion car nous serons d'emblée d'accord, ceux que nous avons intérêt dans un premier temps à mettre de côté car ils sont promesses de bataille rangée, et nous avons commencé par le troisième paquet, les éléments dont nous pouvons débattre sans nous trucider.

Pour aller plus loin :

  • On peut ensuite importer la carte dans le logiciel Xmind puis jouer sur les structures (organigramme, diagramme logique, tableau...). Le groupe, alors que le débat semblait abouti, se met à exprimer de nouveaux éléments, se met à travailler sur les idées dans leurs globalités, impression qu'il passe à un niveau supérieur de discussion.
  • Souvent en fin de débat, quelques personnes viennent demander quel est ce logiciel utilisé. Le fait de choisir des outils simples d'usages, libres et fonctionnant sur toutes les plate-formes permet aux participants de pouvoir prolonger leur expérience de pensée heuristique.

A noter :

  • Il est maintenant possible de construire des cartes de manière collaborative, soit en utilisant des services de cartes heuristiques en ligne, soit en utilisant Freemind qui propose cette fonctionnalité (un peu laborieuse à mettre en place)

Références :

http://petillant.com rubrique appliquer et comprendre

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Organiser, à distance, la communication d'un événement

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Je peux témoigner d'une expérience, vécue à distance, qui m'a étonné par son efficacité. Je me suis retrouvée à faire partie d'un petit groupe chargé de la communication des Rencontres Moustic 2013 réunissant deux cent personnes.

Comment ça s'est passé?

Je ne connaissais, au départ, que quatre personnes sur huit que j'ai rencontré le jour de l'événement. Nous avons participé, ensemble, pendant cinq mois, à quinze réunions à distance, organisées sur Skype. Je n'étais pas convaincue d'y arriver, au départ ; et pourtant le résultat fut excellent. Je suis très étonnée par la capacité que nous pouvons avoir à travailler à distance du moment que nous choisissons les bons outils et que les personnes sont dans une posture de partage et d'écoute. Bien sûr, les compétences de chacun étaient complémentaires, mais cela ne suffit pas. Les outils collaboratifs nous ont beaucoup aidé.

Ce que nous avons mis en place

Pour cet événement, un wiki fut mis en place, avec des rubriques pour chaque sous commissions (Copil, programmation, financement, communication). La fluidité de nos échanges fut facilité par l'affichage sur une seule page d'une sorte de tableau de bord, avec plusieurs paragraphes:
  • Á faire (récapitulatif des décisions prises en fin de réunion), ce qui m'a permis de m'y référer, de voir les tâches que j'avais à faire et de voir, aussi, celles qui ne l'étaient pas sur lesquelles je pouvais intervenir en cas de temps disponible. Ces tâches étaient, au départ, attribué à une personne ou deux, mais non exclusives, ce qui nous permettait de voir la progression.
  • Les date de réunions fixées à l'avance. Au début, nous avons échangé sur les disponibilités de chacun (temps de travail) et les périodes de congés.
  • Le lien pour la prise de note des réunions; et un pad de secours en cas de coupure du serveur hébergeur (cela nous est arrivé une fois).
  • L'adresse de la liste de discussion, pour que ceux des autres commissions puissent communiquer avec cette commission.
  • Les documents de référence (avec un lien sur chaque Google Doc, ou autre outil de travail). Il est important d'y noter la liste des documents utiles à la commission, pour pouvoir les retrouver plus facilement que par mails. Un mois et demi avant l'événement, de nombreux documents ont été crées et un mail envoyé à chaque fois pour donner le lien. Parfois l'objet du mail n'était pas explicite et cela posait problème pour retrouver cette information. J'ai donc récupérer tous les liens et les ait mis sur cette page en décrivant le contenu. Il est aussi important de na pas créer plusieurs tableaux, mais plutôt un avec plusieurs onglets (ou feuillets)
  • Les compte-rendu des réunions. Cinq jours avant la réunion, j'envoyais un mail rappelant la date et l'heure, le lien pour le pad avec des infos et l'ordre du jour en demandant s'ils souhaitaient rajouter des points; parfois j'y notais des questions et le jour même la réponse était rédigée. La semaine avant, je lisais les compte rendus des autres sous commissions, et si il y avait des points à faire connaître au groupe, je les notais en point info. Suite à la réunion, l'animateur, ou un autre, met le compte rendu sur une page wiki (mise en forme, hyperliens, lisibilité) et envoie le lien aux autres membres aussi pour tenir informé les absents), avec le rappel de la prochaine date.
  • La liste des participants où sont notés les noms, prénoms et fonction des participants à la sous-commission.

Ce qui me semble important c'est de décider au préalable des outils qu'on va utiliser, pour quoi faire et de la démarche; surtout ne pas en changer en court de route, ou sinon être sûr que chacun maîtrise l'outil.

Organiser un événement participatif

Auteur de la fiche : Outils-réseaux Vincent Tardieu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :

Des animations pour mieux faire vivre la participation et la coopération en présence

cornu


Pratiquer le dialogue démocratique et la démocratie participative (DP), ça s'apprend !
Rien n'est inné, ni donné par avance, pour les faire bien vivre en groupe. Même au sein de groupes sensibilisés à ces thématiques.
D'une façon générale, pour bien pratiquer ensemble, la démocratie participative demande un vrai investissement en amont des réunions collectives, de prendre en compte l'avant-réunion comme une étape aussi importante que celle de la réunion elle-même, et de l'après-réunion.
L'objectif de cette initiation est aussi de ne pas limiter la DP aux étapes préalable et postérieure à la réunion proprement dite, durant laquelle les organisateurs ne prendront pas le temps pour la faire vivre et assurer l'implication du plus grand nombre. Source de frustration évidente...
Accepter de prendre le temps et l'énergie à toutes ses étapes et procédure du débat collectif, n'équivaut pas à "perdre son temps" mais à en gagner pour la réflexion collective.
Enfin, trop souvent nous utilisons ces démarches participatives pour nous confronter à des sujets "bouillants" alors que nous n'en avons pas fait l'apprentissage. La participation et la coopération demandent une éducation spécifique qu'il conviendra de disjoindre de son utilisation opérationnelle au risque d'entendre "Je vous avais bien dit que la participation ça ne fonctionnait pas"...

1. Avant même de nous réunir...

Il est judicieux de commencer cette "éducation" à la DP par une simple initiation, d'une façon pas trop "engageante" - dérangeante. Juste un coup, pour voir... Une bonne façon de goûter au bonheur et aux exigences de la DP, et de ne plus vouloir s'en passer et revenir en arrière, à des pratiques sans grande démocratie. Nous allons travailler à faire vivre de "petites expériences irréversibles".

Ex.1 Les gouttes d'eau font les grands fleuves

Imaginons le cadre d'un séminaire d'une journée sur "la préservation de la biodiversité dans les pratiques agricoles", pour lequel chaque participant potentiel pourra se référer à un site web présentant l'organisme organisateur de la réunion, les objectifs globaux de cette réunion, ses dates et lieux, etc.

On peut commencer cette initiation à la DP en demandant à chaque personne s'inscrivant quelques questions supplémentaires à ses coordonnées. Du genre :
  • Les trois mots-clés que vous associez au terme d'agriculture (libre ou sur une mini liste),
  • idem pour le terme de biodiversité,
  • les deux références bibliographiques que vous recommandez sur cette double thématique,
  • etc...
Ce petit questionnaire personnalisé sera proposé à chaque nouvel inscrit, quelques semaines avant la tenue de cette réunion, et les réponses apportées par chacun mises en ligne, avec une possibilité de répondre et faire un commentaire à chacun.
En cas d'absence de site internet dédié à ce séminaire, on peut tout à fait initier cette DP en faisant un tour de table en commençant ce séminaire avec ces mêmes questions. Cela constituera ainsi une présentation à la fois plus originale que "je m'appelle M . XX, et je fais ci ou ça dans la vie...". Et surtout, cette présentation permet d'emblée de rentrer dans le vif du sujet avec une implication de chacun.
Cela permet aussi, par ce référentiel collectif en cours d'élaboration, ou par cette bibliographie, que l'on peut créer du bien collectif, utile à tous et libre d'accès.

Ex.2 Vous êtes fichés

  • Il est particulièrement intéressant, pour mieux impliquer les participants à une réunion que chacun puisse aussi se géoréférencer, et découvrir alors des lieux communs, des amis ou connaissances communs, etc. Surtout lorsqu'on est sur un séminaire avec plusieurs dizaines de personnes et que les gens se connaissent peu.

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Pour cela, très simple : on procédera de la même façon sur internet qu'avec le petit questionnaire de présentation personnalisé, en proposant à chaque personne s'inscrivant de cocher sur une carte administrative française ou autre (fonds de carte disponibles en ligne), selon la nature de la réunion, son lieu de vie ou / et de travail.
En cas d'absence de site internet dédié au séminaire, on pourra trouver une carte IGN ou Michelin et l'afficher à l'entrée du lieu du séminaire, avec d'une part des punaises colorées qui permettront à chacun de se localiser, mais aussi des bandes de papiers où chacun pourra accrocher son nom (et un n° de téléphone et une adresse e-mail). Ceux qui auront exiger une photo d'identité aux inscrits pourront même la reproduire en petit et l'accrocher avec la punaise de localisation...
  • On peut, selon la réunion, faire la même chose avec une carte des structures et des organisations présentes, ce qui permet à chacun de savoir qui est là et pas là, les structures des directions d'organisation présentes, etc... On peut ajouter une feuille à côté de cette carte où chaque sigle d'organisme sera explicité pour les autres...
  • On peut enfin, ajouter à ce géoréférencement une géothématisation. Par exemple, sur le thème du séminaire indiqué plus haut, on proposera un tableau où des questions et mots clé de réflexion seront soumis à la discussion collective. Chacun pourra en cliquant sur l'un ou/et l'autre indiquer aux autres les sujets et questions qui lui tiennent à coeur. On veillera aussi à laisser une ou plusieurs cases vides afin de donner la possibilité à chacun d'ajouter d'autres thèmes et questions auxquels les organisateurs n'ont pas songé. Cette géothématisation (ou mapping) peut se décliner à la fois par internet, avant le séminaire, et en entrée de séminaire sur un tableau physique accroché au mur.
Cette géothématisation est une excellente manière de susciter des réactions, la discussion et réflexion collective, avant même que ne s'ouvre le séminaire proprement dit !
On pourra pousser l'exercice un peu plus loin en permettant, sur internet comme sur le tableau physique, de pouvoir ajouter une note brève, des coordonnées, qui compléteront son positionnement.
  • Même idée avec un "avis de recherches" : un tableau sur internet, puis reproduit et accroché à l'entrée du séminaire, où chacun peut indiquer "je suis à la recherche d'infos sur les performances des techniques de BRF (Bois Raméal Fragmenté) pour le maintien de la biodiversité des organismes du sol", ou sur "je me demande si les MAE (Mesures Agro-Environnementales) discutées dans le cadre de la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) intègrent la mise en oeuvre de jachères apicoles ?", etc. Chacun ajoutera à sa question ou à sa recherche ses coordonnées téléphoniques et e-mail afin qu'avant et après le séminaire d'autres puissent (continuer à) lui répondre.

tableau


Un petit dispositif astucieux de fiche internet (déclinable très simplement sur une fiche cartonnée affichée au mur) permettra, au-dessous de la question ou demande posée, d'afficher, à la vue de tous, les réponses obtenues (avec les coordonnées des auteurs des réponses). Cela participe à la réflexion collective et permet, en outre, à chaque personne ayant déposé un "avis de recherches" de repartir du séminaire avec sa fiche et les coordonnées des personnes avec lesquelles elle pourra poursuivre l'échange.

Il serait de bon aloi de demander à chaque auteur d'un "avis de recherches" de restituer au groupe, sous forme de synthèse en direct en fin de séminaire ou via internet quelques jours plus tard, les réponses obtenues.

Ex. 3 De l'usage des outils coopératifs

On peut insérer, dans le cadre d'un réseau internet organisant des réunions et des échanges d'infos, une série d'outils très simples et bien utiles, comme un agenda partagé qui permet à chacun de visualiser les activités et réunion du groupe, permet de proposer une initiative dans un créneau disponible, éviter de faire se chevaucher plusieurs RV et d'exclure certains de la possibilité d'y participer.
Quel que soit le contenu de ces cartes et tableaux, les organisateurs du séminaire prendront soin de reporter sur la carte ou tableau, physique, qui sera accroché à l'entrée de la réunion, les points de localisation, de géothématisation, les avis de recherche, etc. déjà entrés sur internet par certains.
Ces outils en ligne (questionnaires, agenda, etc.) sont modulables dans leur fonctionnement, et notamment dans leur gestion et les accès aux paramètres permettant de les formater et de les modifier. Une discussion préalable sur ces accès est donc nécessaire collectivement.

Donc, c'est clair : d'entrée de jeu, il faut prévoir le temps et l'espace pour que se noue ce dialogue entre les participants, et lui permettre de se poursuivre au-delà de la réunion.

2. Au cours de la réunion...

Les préliminaires décrits, entrons dans le vif de la DP !
L'animateur de la réunion aura tout intérêt à se saisir du "matériel" de commentaires et questions obtenus dans cette phase préparatoire pour nourrir, engager les travaux et la discussion du groupe, éviter d'ouvrir les discussions face à une grand tableau vide, ne pas hésiter à placer ne serait-ce que quelques mots clés, même provocants... Excellent pour susciter les prises de paroles !
De même, et d'une façon générale, deux procédures favorisent l'éveil participatif de chacun durant tout le séminaire, en dehors des jets d'eau froides, des insultes et des coups de pied au cul, bien entendu !

  • 1. Prévenir les participants que l'ensemble des présentations (voir Point 3), Powerpoint et autres, seront mises en ligne sur le site quelques jours à quelques semaines après le séminaire. Cela pour éviter que les gens passent leur temps à gratter comme des malades durant les présentations et... n'écoutent plus le contenu !
Un compte-rendu du séminaire (discussions inclues) peut aussi avoir lieu en ligne, et offrir une durée de vie plus grande à ce séminaire par une captation audio ou audiovisuelle du séminaire - ou d'une partie - , selon les moyens, qui sera insérée dans la foulée sur le site web.

  • 2. L'animateur effectuera des synthèses le plus régulièrement possible au cours du séminaire, quasiment en direct selon la nature des débats, leur complexité, et les moyens informatiques (rétroprojecteur avec logiciel Freemind, par ex.), afin que là encore, les gens s'attachent davantage. À écouter, à réfléchir et à débattre, plutôt qu'à fixer par écrit les paroles d'autrui.
L'animateur sera alors vraiment le facilitateur qu'il doit être... Ce travail de synthèse régulier peut, en outre, permettre de nourrir les débats en ateliers qui pourront suivre une première séance plénière. On pourra de même inciter à utiliser un outils de type Etherpad afin que les participant rédigent le compte rendu à plusieurs, petite expérience irréversible de coopération.

Ce travail de synthèse pourra aussi être assumé par des tiers, surtout en cas d'ateliers, par des prises de notes (ou via Freemind), afin qu'une restitution puisse vraiment être discutée avant sa présentation au cours d'une nouvelle séance plénière. Ce travail de synthèse peut être facilité par la distribution aux personnes qui s'y collent de formulaires organisés à cette fin (conçu par l'animateur et les organisateurs).

Ce travail de synthèse suppose une discussion préalable sur les focus que les organisateurs attendent des sessions et des ateliers.
Et au lieu de préparer par avance synthèses et conclusions, avant même que le séminaire ait lieu - un grand classique dans les colloques internationaux ! -, on aura tout intérêt à discuter des focus par sessions et ateliers durant la phase préparatoire au séminaire entre organisateurs et animateur. Ces focus pourront être d'ailleurs proposés, par avance, aux participants inscrits à ce séminaire, donc mis en ligne avant le séminaire. Ils pourront ainsi être amendés par les participants avant et en cours de séminaire.
Cette procédure :
  • facilitera grandement les synthèses globales à faire sur l'ensemble du séminaire,
  • favorisera une élaboration plus démocratique qu'à l'ordinaire,
  • et garantira un rythme raisonnable pour leur diffusion ultérieure.
La technique de poser en entrée de séminaire une série de questions simples à répondre au cours d'un tour de table (sur la représentation qu'a chacun d'un terme ou d'une notion, par ex.), puis de reposer les mêmes questions en fin de séminaire, est un très bon moyen d'évaluation collective sur le chemin parcouru et l'utilité de ce séminaire.
Cet exercice peut être particulièrement apprécié par les organisateurs d'un séminaire ou l'organisation invitante, qui prendront ainsi la mesure du travail accompli. Ce procédé de l'avant et de l'après, peut se faire aussi sur le site internet du séminaire. Il peut être décliné de mille manières et permettre d'acter certaines avancées collectives.
On peut, dans le même esprit, répartir des réponses aux questions posées en ligne pour les compléter et les reformuler en direct, tous ensemble. Ce qui assure une continuité des phases de déroulement du séminaire, et justifie l'effort consenti par ceux qui ont pris la peine de se prêter au jeu en ligne.
Afin de favoriser l'expression des opinions et des questions, même lorsqu'on n'est pas une grand gueule et que l'on n'a pas l'habitude de prendre la parole en public, on proposera l'usage de "cartons question ou commentaire" (en quelques lignes).
Ils seront distribués en entrée de séminaire, en plusieurs exemplaires. Complétés, ils pourront être glissés dans une boîte prévue à cet effet tout au long du séminaire (à charge aux organisateurs d'aller relever cette boîte aux questions et commentaires régulièrement) ou transmis à l'animateur au cours d'une session.
post-it

Ce dernier pourra regrouper plusieurs questions et commentaires avant leur restitution, afin d'obtenir une réponse en direct.
Au cas où le temps manquerait, ces questions et commentaires seront mis en ligne et la discussion pourra ainsi se prolonger, malgré la fin du séminaire. La création de Forums de discussion peut être initiée de cette manière...
Une autre formule possible, l'animateur réunit questions et commentaires par thème, puis il va voir une personne-ressource et les lui transmet : cette personne-ressource prend le temps d'y répondre publiquement ou sur le site internet.
On peut aussi imaginer que cette personne donne ses réponses à l'animateur qui en fait la restitution en séance publique ou sur le site internet. Cette formule via l'animateur offre l'avantage de rester synthétique - là où un "spécialiste" aura tendance à délayer un peu trop sa réponse - mais elle multiplie les intermédiaires... et donc le risque de pertes d'information et de qualité de celle-ci.
Le développement de jeux de rôles. Nous les mentionnons juste ici, mais ils devraient faire l'objet de bien plus longs développements ultérieurement. Ces jeux peuvent être un excellent moyen pour faire sortir certaines idées, réflexions, comportements, et dépasser des conflits, exposer des non-dits, etc. Un grand nombre de techniques et de jeux de rôle existent à cet effet. Ils ont beaucoup de vertu à la condition qu'ils soient réellement maîtrisés et coordonnés par l'animateur, qui devra ensuite en faire une analyse et une synthèse publique dans la foulée.

3. Après la réunion, les discussions continuent !

L'une des premières discussions que l'animateur aura avec les organisateurs dudit séminaire - et ceux-ci avec les intervenants - concerne le statut des documents et des présentations (PP ou autres) des intervenants invités. Et plus exactement leur niveau de diffusion avant et après le séminaire. Ce point, très important, fait référence à la question de l'accès et de la diffusion des informations et des données contenues dans ces présentations.

Aujourd'hui, une large réflexion s'est engagée dans différents milieux sur l'accès libre à l'information sous toutes ses formes. Et la définition de différents statuts d'accès (licence) est proposée sous le concept de Creative Commons auquel nous adhérons. Ces différentes licences font d'une information un bien commun, un bien privé, un bien privé mais collectif, un bien commun sous conditions (être cité, utilisable seulement en lecture, utilisable en lecture et modifiable, utilisable commercialement mais sans appropriation possible, etc.) Pour plus d'information, le site http://fr.creativecommons.org/
En résumé, les données, informations et des documents présentés au cours de cette réunion peuvent être diffusés à l'extérieur, notamment via le site internet du séminaire de plusieurs manières :
  • Les intervenants en publient une synthèse ou une présentation dédiée spécialement à cette diffusion publique (présentation revue voire édulcorée de certains éléments jugés confidentiels) ;
  • ils acceptent une publication en ligne exclusivement à destination des participants au séminaire (l'accès à celle-ci se fait alors que par un système de login et de mot de passe fournis aux seuls inscrits) ;
  • ils acceptent une diffusion en ligne accessible à tous, participants au séminaire comme simples consultants du site ;
  • ils refusent toute mise en ligne de leur présentation. Dans ce cas, deux options : soit les organisateurs qui ont discuté auparavant avec chaque intervenant sur une règle du jeu de diffusion, ne le gardent pas comme intervenant ; soit ils subissent sa décision avec le sourire...
Quoi qu'il en soit, cette mise en ligne des documents et des présentations doivent impérativement s'effectuer dans la foulée du séminaire, c'est-à-dire dans les jours qui suivent. Sinon, la dynamique créée au cours de ce séminaire sera brisée et les participants qui ont accepté de poser leur stylo pour écouter les présentations de manière plus active se sentiront frustrés. Ce travail de mise en ligne doit donc être prévu par les organisateurs afin qu'il ait bien lieu dans les délais.

Auteurs : Association Outils-Réseaux, Vincent Tardieu
Crédits illustrations sous licence creativecommons : by Moustic 2011 - by Ultimcodex - by Moustic 2011 - by Outils-Réseaux - by Zerojay

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Outils conviviaux

Auteur de la fiche : Laurent Marseault
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Mais quel outil utiliser ? Quel est l'outil idéal ? Avez-vous des modèles de cahiers des charges d'outils coopératifs parfaits ?
Ces questions nous sont très souvent posées.
Il nous semble que la notion d'outils conviviaux nous aide à penser un peu plus la question fondamentale de l'outil.

Cette notion est proposée par Ivan Illich, penseur de l'écologie politique. Pour lui, les outils (compris au sens large, incluant moyens techniques, institutions) aliènent les individus et les privent d'autonomie. Leurs utilisations généralisées pouvant aller jusqu'à la contre-productivité.

3 conditions pour des outils conviviaux

Illich propose alors un cahier des charges simple et clair à ce qu'il nomme outil-convivial :
  • Il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle.
  • Il ne doit susciter ni esclaves ni maîtres.
  • Il doit élargir le rayon d'action personnel.

Ces trois conditions appliquées aux organisations et aux moyens techniques redonnent place aux individus, leurs permettent d'être acteurs dans des systèmes sur lesquels ils ont prise. Les humains en ont besoin, l'humanité en a besoin.

La bibliothèque anxiogène

Dans une bibliothèque du Sud de la France, les salariés ont maintenant comme poste de travail un "client léger", il s'agit d'un terminal, connecté à un serveur central. Toutes les nuits, l'ordinateur est remis à neuf, seuls sont sauvegardés les dossiers personnels. Les logiciels installés par les utilisateurs (quand cela est possible) sont effacés dans la nuit, toutes personnalisations sont effacées... Ce système estimé très efficace par la direction des services informatiques est vécu comme insupportable par les bibliothécaires, générant une souffrance psychique palpable. Les tentatives d'évolution vers plus de convivialité ont été systématiquement rejetées provoquant la dés-implication de ceux qui, sans compter, amélioraient leur institution pour le bien des usagers.

La carte qui donne des idées

Freeplane est un petit logiciel de carte mentale ou carte heuristique. Utilisé devant un groupe pour l'aider à synthétiser la richesse de ses échanges, il permet de rendre visible les idées et leurs complémentarités. Il donne assez systématiquement des envies et idées d'utilisations auprès des personnes qui en ont vécu l'expérience. Logiciel libre facile à prendre en main, il est simple de se l'approprier et de le détourner pour de nouveaux usages. Il est proche de l'outil convivial par excellence.

Coopération, réseaux et convivialité

Un réseau, un groupe qui coopère s'inscrit dans un processus qui devra s'outiller et faire évoluer son outillage en fonction des étapes de son processus. Garder en tête les conditions des outils conviviaux lors de l'élaboration organisations et outils pour les servir permettra d'élaborer un système vivant, évolutif et apprenant. Le réseau, groupe coopératif ou collaboratif deviendront des lieux d'apprentissages, d'innovations et d'émancipations.
N.B. Les outils libres ne sont pas forcément conviviaux

Pour aller plus loin :

Illich Ivan, La convivialité [en ligne], Points (Paris), ISSN 0768-0481 ; 65 Points. Civilisation, Paris, Éd. du Seuil, 1990
« Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 3 février 2014).

Crédits photos : outils en chocolat JanneM sur Flickr - CC-BY-SA

Pourquoi ça ne va pas plus mal ?

Auteur de la fiche : Jean Michel Cornu
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Quelques idées à partir de la conférence du 5 avril de Patrick Viveret

"L'humanité a rendez-vous avec elle-même"

L'homme est arrivé à un tournant. Il pouvait auparavant modifier ou détruire une partie de la planète (sa niche écologique) ou de son espèce; il est devenu capable aujourd'hui de détruire l'intégralité de son espèce ou de sa niche écologique.
L'aventure humaine pourrait se terminer de différentes façons :
  • La guerre économique : nous ne sommes pas dans un système de concurrence (courir ensemble) mais dans une logique guerrière où nous nous retournons contre plus faible que nous et où l'intérêt individuel se retrouve le plus souvent en conflit avec l'intérêt de l'ensemble de la société.
  • Par le dérèglement climatique (terme plus adapté que réchauffement climatique), qui pourrait aboutir à la destruction de la niche écologique de l'homme ("le défi EGOlogique est bien plus dur à traiter que le défi écologique"...). Le dérèglement climatique a été démontré comme une conséquence du premier point.
  • La guerre économique, prévue au départ pour réguler les échanges entre les hommes, représente donc le principal danger pour sa survie. Comment faire pour que l'homme, qu'Edgar Morin qualifie "d'homo sapiens demens" puisse profiter de la face positive de sa double nature pour continuer et transcender sa propre aventure ?

Comment tout a dérivé ?

Il y a eu une déviation, qui fait qu'aucune autre société n'a accordé une telle importance à l'économie. Habituellement, l'économie est subordonnée à des activités jugées plus fondamentales : la religion, la politique, la culture, la philosophie... Il se crée alors un équilibre entre les différentes formes de régulation : économie, état, solidarité (économie du don)...

Cela s'est fait en plusieurs étapes :
  • Au Moyen Âge, se crée la notion de péché mortel dont l'exemple par excellence était le prêt par intérêt. L'intérêt fait que l'homme crée de l'argent alors que seul Dieu peut créer. Si on a dégagé un intérêt financier d'une action, il faut le rembourser (à l'exception de la part qui représente un service réel qui est estimée à 5%). Le péché mortel envoyait directement en enfer dans une chrétienté qui proposait une vision extrêmement bipolaire du monde (le bien/le mal, le paradis/l'enfer) très probablement sous l'influence du manichéisme (III et IVe siècles) qu'elle a pourtant combattu.
  • Au XIIe siècle, le purgatoire est inventé. Le système binaire devient ternaire. L'accumulation du capital envoie au purgatoire qui n'est plus aussi définitif que l'enfer (Jacques Le Goff , La Bourse et la vie : économie et religion au Moyen Âge, Hachette Littératures, Paris 1986).
  • Avec la réforme protestante au XVIe siècle, la richesse devient licite. Elle est même un indicateur de salut. C'est la jouissance de cette richesse qui interdite.
  • Les temps modernes sont caractérisés par ce que Max Weber considère comme un passage de l'économie du salut (la foi) vers le salut par l'économie.
  • Les temps modernes ont apporté l'individuation, l'émancipation mais aussi l'individualisme (l'économie est prévue pour gérer la rareté et nécessite un "agent" individuel et rationnel). Les sociétés traditionnelles, à l'inverse, étaient basées sur le sens et le lien social. Mais le sens était imposé et le lien social avant tout basé sur un contrôle des individus.

Comment sortir de la modernité ? Cela peut se faire :
  • Soit par une régression (un retour à une société du contrôle et une perte de l'individuation).
  • Soit en cherchant à conserver le meilleur des sociétés traditionnelles (sens et lien social) et de la modernité (individuation et émancipation).

Nous sommes coincés dans la phase intermédiaire

Pourtant, bien qu'elle ait été créée pour résoudre un problème de rareté, l'économie n'a été prévue que comme une phase de transition pour arriver à une autre société :
  • Pour Adam Smith, le rôle de l'économie était d'organiser l'abondance afin de réunir les conditions pour construire ensuite une "république philosophique".
  • D'une certaine façon, Marx dit la même chose en indiquant à terme la sortie du règne de la nécessité pour entrer dans le règne de la liberté.
  • Keynes considérait que l'économie à terme devait occuper une place réduite dans l'activité sociale ; et que les économistes devaient accepter que leur rôle ne soit pas plus important que celui des "dentistes".
  • De nos jours, le programme économique a été réalisé, contrairement aux apparences : nous sommes en surproduction depuis 1930 et le monde en général est actuellement trois fois plus riche qu'il ne l'était en 1960 avec pourtant un tiers de travail en moins.
- Plus édifiant encore, le Programme des Nations Unis pour le Développement (Pnud) a évalué à 100 milliards de dollars la somme à trouver par an pour éradiquer la faim, permettre l'accès à l'eau potable pour tous, pour les loger décemment et combattre les grandes épidémies. Cette somme est à comparer avec les 2500 milliards de dollars que représentent le marché des stupéfiants (qui prolifère sur le mal être), celui des armes (qui prolifère sur la peur) et celui de la publicité (qui prolifère grâce aux "cerveaux disponibles" dont parle Patrick Le Lay).

Si le programme économique de sortie de la rareté a été accompli, pourquoi ne passe-t-on pas à autre chose ? A l'étape suivante de réalisation de l'homme ? (Maslow, dans sa célèbre pyramide, explique qu'il y a une hiérarchie des besoins, depuis la survie et la sécurité, jusqu'à la réalisation de soi).

Un incroyable processus d'évitement

Nous sommes donc dans une guerre économique sans cause économique mais avec une formidable dérivation de la richesse. Pour Patrick Viveret, nous sommes dans un incroyable processus d'évitement : l'économie qui devait organiser l'abondance pour passer ensuite à la "république philosophique" d'Adam Smith, est restée bloquée et gère avant tout le mal être. "L'envie d'être" a été remplacée par "l'envie d'avoir" ou même "la peur de ne pas avoir".
La notion de dépense a été étudiée par Georges Bataille non sous l'angle de la nécessité, mais sous celui du luxe (La Notion de dépense puis La Part maudite, Minuit Critique , 1967). Même lorsque nous atteignons l'abondance, nous nous soumettons à ce que La Boétie a appelé la "servitude volontaire" (discours de la servitude volontaire). Nous dépensons et nous nous créons des besoins supplémentaires de sécurité (et de reconnaissance des autres) pour ne pas passer aux étapes suivantes ("estime de soi" puis réalisation de soi" dans la pyramide de Maslow).
John Maynard Keynes expliquait déjà en 1930 (Essais sur la monnaie et l'économie. Les cris de Cassandre, Paris, Payot, 1972) que les sociétés humaines se sont organisées pour lutter contre la pénurie et ne sont pas préparées culturellement à la sortie de la rareté. "Je songe avec terreur au réajustement de ses habitudes que l'homme devra effectuer. Il lui faudra se débarrasser en quelques décennies de ce qui lui a été inculqué au cours des générations multiples. Ne faut-il pas s'attendre à une dépression nerveuse collective ?"

L'homme buggé

Pourquoi restons-nous au milieu du gué, embourbé dans le mal être, alors même que nous avons réussi à produire plus que nécessaire pour assurer la sécurité matérielle de l'ensemble des hommes ? Pourquoi donc ne pouvons nous pas passer à l'étape suivante de la "république philosophique" et cherchons-nous à prolonger la phase intermédiaire au risque de détruire la planète et nous même ?
Freud, dans "Malaise dans la civilisation" (PUF, 2004), parle de pulsion de mort (Tanatos) (voir le résumé sur Wikipédia)
Sans doute faut-il revenir à ce qui fait l'espèce humaine. Nous sommes une espèce vulnérable. Notre survie est sans doute due à notre capacité à faire des alliances volontaires avec nos congénères, ce qui pourrait nous avoir apporté la capacité de communiquer par le discours et partant, l'intelligence (voir mon billet sur "et si nous n'étions pas si individualistes ?"). Pourtant le développement de l'intelligence impose un temps plus long au petit d'homme pour parvenir à l'autonomie. Lors même de notre naissance, nous sommes une espèce de prématuré qui continu de se développer en dehors du ventre de sa mère (voir la notion de néoténie). Nous avons dépassé notre vulnérabilité physique et psychique en nous alliant aux autres (pas avec tous mais avec un nombre limité, ce que Hume appelait une sphère de sympathie privilégiée) et en étant couvé plus longtemps au sein de la famille. Mais se sentir vulnérable nous pousse également soit à fuir, soit à attaquer. La vulnérabilité conduit... à la guerre préventive.
C'est sans doute dans ce sentiment mêlé de force et de vulnérabilité qu'il faut comprendre la guerre économique et le besoin de se retourner contre les plus faibles...
On retrouve le plus souvent deux approches face à cette difficulté :
  • La tradition misanthrope qui considère l'être humain comme la cause de tous les maux (en religion dans le pêché originel mais aussi dans certains courants écologiques qui considèrent l'humain comme un simple parasite de la planète ou encore dans certaines visions économiques ou l'humain est superflu faces aux forces de régulation du marché)
  • La tradition idéaliste qui cherche à remettre l'humain au centre. Mais cela ne résout pas le problème : la pulsion de destruction de l'être humain qui se sent vulnérable.
Comment sortir de ce dilemme ? Dans les deux cas, nous cherchons juste à "faire sauter le verrou" comme si, une fois cela dépassé, l'humanité était réconciliée avec l'univers. Mais ce "verrou" est en fait le point de départ. Devenir humain est un long chemin et nous sommes en "hominescence", suivant le terme de Michel Serres.

"On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré" (Albert Einstein)

Keynes écrit dans la préface de "perspectives économiques pour nos petits enfants" (un des textes inclus dans Essais sur la monnaie et l'économie. Les cris de Cassandre) : "Et il se trouve que pour une subtile raison tirée de l'analyse économique, la foi, dans ce cas, peut agir. En effet, si nous agissons continûment sur la base d'une hypothèse optimiste, cette hypothèse tendra à devenir réalité, tandis que nous pouvons nous maintenir à jamais dans l'enfer du besoin en prenant pour base de nos actions une hypothèse pessimiste"
Et si, plutôt que de rester hypnotisés par notre vulnérabilité et le risque de manquer de sécurité, nous concentrions notre attention sur la réalisation de soi, sur le sens ? Il s'agit là d'un véritable retournement copernicien : l'art de vivre peut alors être compris pas uniquement comme une question individuelle mais au contraire comme une question collective.
Pourtant, il existe un triple changement qui pourrait représenter une opportunité pour modifier notre vision du monde :
  • Un changement d'air : le défi écologique
  • Un changement d'aire : notre rapport au territoire
  • Un changement d'ère : la sortie de l'ère industrielle et même des temps modernes

Il existe un levier qui pourrait nous aider à développer cette nouvelle vision : l'émergence de ceux que l'on appelle les créatifs culturels et surtout la prise de conscience qu'ils représentent un nombre important.

L'émergence des "créatifs culturels"

Une étude, menée aux États Unis sur 100000 personnes avait pour but de comprendre comment se répartissent les conservateurs et les modernistes dans la culture américaine. Mais le résultat a fait apparaître une part importante (un quart) de réponses incohérentes, voire contradictoires. L'hypothèse a été faite alors de l'émergence d'un nouveau modèle de culture qui fut décrit comme les "cultural creatives".
Les créatifs culturels considèrent, contrairement aux autres familles socioculturelles, qu'il y a un lien entre la transformation personnelle et la transformation sociale. Ils ont un regard différent du reste de la population sur :
  • L'écologie, la planète et la nature
  • La place des femmes dans la société
  • L'importance respective d'être, d'avoir ou de paraître
  • Le développement personnel
  • La politique, l'économie et les enjeux sociétaux
  • L'ouverture culturelle
L'enquête a ensuite été réalisée dans l'Union Européenne et a confirmé la même tendance. Les résultats de l'enquête française sont décrits dans le livre "les créatifs culturels en France" (éditions Yves Michel, Paris, mars 2007). Cinq grandes familles sont retenues (et non plus 2 ou 3 comme aux USA) :
  • Les "créatifs culturels" représentent 17% de la population française des plus de 15 ans (soit 8 millions de personnes)
  • La famille des "créatifs individualistes" (proche des créatifs culturels mais résistants aux aspects de développement personnel) sont 21%
  • Les "conservateurs modernes" représentent 20%
  • Les "désabusés sceptiques" et les "protectionnistes inquiets" cumulent 42%
Les deux dernières familles (les "désabusés sceptiques" et les "protectionnistes inquiets") regroupent une vision dépressive du monde. Elles se replient sur elles-mêmes et ont donc une influence moindre sur la société.
Les deux premières familles (les "créatifs culturels" et les "créatifs individualistes") représentent 38% de la population mais ont aujourd'hui un impact moindre sur la société car elles n'ont pas conscience de représenter plus qu'une catégorie marginale.
C'est donc la famille socioculturelle des "conservateurs modernes" qui a aujourd'hui le plus d'influence sur la marche de la société.

Une autre approche

Nous pouvons nous appuyer sur des forces déjà en place bien que potentielles, pour faire évoluer la société et sortir enfin de la "phase de transition". Cela nécessite une prise de conscience de l'importance de leur nombre par les tranches de la société qui pourraient apporter une nouvelle vision.
Cette nouvelle vision consiste à appliquer à chaque domaine le principe proposé par Einstein ("On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l'ont engendré"). Ainsi, le problème des retraites est insoluble avec l'allongement de la durée de vie. Sans doute, d'autres pistes apparaîtraient en considérant les choses autrement et remplaçant le mot retraite par "libre activité" : une personne qui peut choisir librement son activité peut décider de ne rien faire, mais également peut préférer une activité qu'il aura choisie et dans laquelle son niveau d'implication sera par définition bien meilleure (voir la différence entre "mobiliser" et "s'impliquer" : Internet Tome 2 - services et usages de demain - chapitre 7 : l'appropriation des usages - encadré sur les projets coopératifs - page 97).

Ainsi, en arrêtant de ne voir que les contraintes, nous pouvons focaliser notre esprit sur les opportunités et développer de nouvelles solutions.

Le conflit d'intérêt

Comment cette approche par les opportunités s'applique au conflit d'intérêt, un des aspects qui fait que l'homme semble ne pouvoir ressortir que la face destructive de sa double nature ?
En cas de conflit d'intérêt "non-dit", l'homme est obligé de choisir :
  • L'altruisme : il va dans l'intérêt de l'autre (ou celui de la collectivité) à son propre détriment et se détruit lui-même...
  • L'individualisme : il privilégie son propre intérêt au détriment de l'autre ou des autres.
Dans les deux cas, il semble que nos actions ne puissent conduire qu'à la destruction (de nous même ou des autres).
Pourtant, Patrick Viveret rappelle que "ce n'est jamais le désaccord qui est dangereux mais le malentendu". Lorsque les choses sont explicitées, il est possible :
  • Soit de trouver une nouvelle approche qui fasse reconverger les intérêts (voir JM Cornu La coopération, nouvelles approches).
  • Soit de profiter du désaccord pour trouver une nouvelle approche (processus dialectique). Le mouvement alter-mondialiste a même lancé une "méthode de construction de désaccords féconds".

La science politique s'est construite sur la résolution des conflits d'intérêts par arbitrage. Mais le mode même de résolution produit lui-même des conflits d'intérêts (éventuellement avec celui même qui est sensé trancher pour les résoudre). Au lieu de chercher à résoudre le problème de ces conflits ou pire à les cacher lorsqu'on ne peut les résoudre, sans doute faudrait-il les rendre au contraire explicite en cherchant d'abord à "se mettre d'accord sur l'objet du désaccord". Deux fois sur trois, le désaccord est alors dépassé. Mais même si ce n'est pas le cas, le désaccord de sortie est alors infiniment plus riche que le désaccord d'entrée (voir Patrick Viveret, Coopération ou compétition en économie ?, page 26).

Des logiques coopératives ET festives

Le mouvement ouvrier du XIXe siècle a pu avancer car il avait choisi d'expérimenter sur lui-même de nouvelles idées sans attendre de les imposer à la société. Il a ainsi créé les mutuelles, la retraite, les syndicats... De même, le mouvement des créatifs culturels pourrait expérimenter sur lui-même ses nouvelles idées économiques et coopératives.
Pour cela, il est important de sortir des messages qui nous sont martelés et qui captent notre attention jusqu'à nous hypnotiser. L'analyse transactionnelle définit cinq "messages contraignants". Trois d'entre eux sont guerriers et les deux autres puritains : "sois parfait", "dépêche-toi", "sois fort", "fais un effort", "fais plaisir". A ces messages, il nous faut opposer une logique coopérative mais aussi ludique et festive.
Il existe plusieurs initiatives qui expérimentent ces nouvelles postures :
  • Le "Produit Intérieur Doux" des québécois
  • Le projet NANOUB : "nous allons nous faire du bien"
  • Le Collectif nouvelles richesses...
A l'inverse, si nous nous approchons de ce que Patrick Viveret appelle les "zones à haute pathologie" (les malades du pouvoir et des différents messages contraignants identifiés par l'analyse transactionnelle), soit nous sommes contaminés, soit nous sommes désespérés. Nous devons donc nous protéger avec de la joie de vivre.
La vrai radicalité n'est pas dans le fait de se battre contre (ce qui mène aux mêmes mécanismes que ceux qui sont critiqués) mais plutôt dans les pratiques de convivialité.
Patrick Viveret conclut : "choisir d'être heureux est un acte politique". C'est sans doute la meilleure façon de modifier notre point de vue pour que, là où nous restions bloqués dans la gestion sans fin des contraintes, nous puissions développer de nouvelles opportunités.
Voir également le site "Dialogues en humanité" : http://dialoguesenhumanite.free.fr/

[Note : la proximité de mes travaux sur la coopération et sur l'économie d'abondance avec l'approche de Patrick Viveret m'avait été indiquée par Manu Bodinier dans un de ses commentaires sur mon livre "La coopération nouvelles approches"]

Viveret Patrick, Pourquoi ça ne va pas plus mal ?, Transversales (Paris. 2005), ISSN 1772-5216, 1 vol., Paris, France, Fayard, 2005.

Quels outils pour quoi faire ? (selon l'évolution du réseau)

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Description : Il existe de nombreux outils pour fonctionner en réseau, les outils collaboratifs, dont de nombreux sont disponibles en logiciels libres. Ils offrent des champs d'application très ouverts. Mais il est parfois difficile de s'y retrouver dans cette profusion d'outils et de fonctionnalités.

Vie d'un Réseau

La création des réseaux : 5 processus fondamentaux

image Etapes réseau


Ces processus sont simultanés. Ils guident le cheminement des nouveaux arrivants.

Des outils pour chaque étape de la vie du réseau


Processus Fonction "Petites flèches" Outils privilégiés
Formation Création de l'identité du réseau Regroupement des flèches de même couleur Liste de discussion générale et cartographie dynamique des membres du réseau
Information Échanges d'informations entre les membres du réseau Regroupement des flèches ayant la même direction Listes de discussion thématiques, forums, news
Transformation Montage de projets collectifs Émergence des "grosses flèches" des projets Ateliers et outils de support des projets
Rayonnement Interaction avec le monde environnant Action des flèches projets sur les autres flèches de l'entour Diffusion des données sur un site Internet (avec les CMS : intégration dynamique de contenu)
Consolidation Ouverture et poursuite de la dynamique Perméabilité (tirets) à de nouveaux membres et conservation d'une dynamique interne (spirale) Accueil des nouveaux, classement des infos, présence d'un historique

Formation du réseau

Cette première étape consiste à rendre visible l'appartenance au réseau. Il importe en effet que tout nouvel acteur soit immédiatement visible, à la fois pour lui-même (existe bien dans le réseau et celui-ci me reconnaît) et pour les autres.
Les outils indispensables pour cette première étape correspondent, lors d'une rencontre physique, au traditionnel "tour de table".

Description : des outils pour réaliser des questionnaires en ligne. Certains traitent les réponses statistiquement (réalisation de graphiques, pourcentages).

Information du réseau

Il ne suffit pas de dire "j'appartiens au réseau" pour en être partie prenante, il faut aussi dire ce qui nous passionne, ce que l'on veut y faire, avec qui on veut le faire ; Pour cela, il faut que les membres du réseau puissent échanger efficacement des informations, discuter entre eux, se regrouper par affinité et rendre visible les thèmes de discussion qui pourront être à l'origine des futurs projets.
Réseaux sociaux :

Transformation du réseau

Cette étape - en fait il s'agit d'un processus permanent - est identifiée à l'émergence, à la création et au montage des projets. Il s'agit bien d'une transformation au sein du réseau, puisque celui-ci se met à créer de l'organisation et à devenir opérationnel au travers de ses projets.
Les outils nécessaires lors de cette étape sont ceux qui permettent de travailler en commun sur des projets, ils correspondent donc à toute la batterie des outils collaboratifs, pour partager des documents et de l'information, co-rédiger, échanger, se synchroniser et réfléchir ensemble.
Partage de document :
Wiki :
Bureautique en ligne :
Agenda
Carte heuristique :
Chat :
Bookmarking social :

Rayonnement du réseau

Le réseau est maintenant perçu au travers des projets qu'il héberge et anime et il entre en interaction avec son environnement.
Ces interactions peuvent se faire à différents niveaux : interaction avec le public dans le cadre des projets, interaction avec les partenaires institutionnels qui soutiennent et encouragent les projets, interaction avec d'autres réseaux pour échanger ou transférer des compétences, des expériences...
CMS : content management system
RSS :

Consolidation du réseau

Cette étape vise en fait à garantir que, même si le réseau a vécu avec certains de ses membres les 4 premières étapes, il reste ouvert à de nouveau membres.
Dans cette étape, les outils sont plutôt méthodologiques (historique du réseau, charte, guide du nouveau membre, mode d'emploi pour participer...).
Mais certains outils techniques aident à visualiser plus facilement l'activité d'un réseau ayant beaucoup de contenu.
Nuage de tags :


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Quels outils pour quoi faire ? (selon le type de groupe)

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
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Description :

Grille de décision

Quel type de groupe ?

TAILLE : gérer la parole PETIT GROUPE : échanges immédiats GROUPE MOYEN : faciliter les échanges GRAND GROUPE : gérer la quantité d'échanges
ETENDUE : renforcer les liens GROUPE LOCAL : se synchroniser GROUPE NATIONAL : retrouver le local GROUPE MONDIAL : retrouver le national
VOCATION : adapter les outils aux objectifs CONVIVIALITE : maîtriser l'informel PRODUCTION : maîtriser les tâches critiques pour Co-construire DIFFUSION : publier et se faire connaître
MATURITÉ : vers l'autonomie ENFANT : initier le premier pas ADOLESCENT : gérer les conflits ADULTE : rester ouvert et jeune

PETIT GROUPE : Échanges immédiats

  • Courrier électronique.
  • Outils de communication synchrone.
Cette famille d'outils regroupe tous ceux qui permettent de dialoguer en direct et à distance :
  • - Les outils de chat ou de messagerie instantanée : on dialogue par écrit en temps quasi-synchrone.
  • - Les outils de téléphonie par IP : on peut discuter à l'oral (transmission de la voix).
  • - Les outils de visio-conférence : on peut dialoguer par oral et se voir (transmission du son et de l'image).

GROUPE MOYEN : faciliter les échanges

  • Liste de discussion, de diffusion, forum
Description : Une liste de discussion ou liste de diffusion est une utilisation spécifique du courrier électronique qui permet le publipostage d'informations aux utilisateurs qui y sont inscrits.
  • Liste de discussion : liste d'échange, par courrier électronique, sur un sujet ou pour un groupe. Tout le monde peut écrire à la liste, tout le monde reçoit ce qui écrit à la liste (n vers n).
  • Liste de diffusion : liste en lecture seule, par courrier électronique, pour diffuser par exemple une lettre information ou "newsletter". La lettre est diffusée à tout le monde mais aucun des destinataires ne peut intervenir dessus ou communiquer vers les autres inscrits à la liste de diffusion (1 vers n).

  • Forum Web : liste de discussion "en ligne" : on consulte, on crée un message et on répond via son navigateur Web. Les messages sont classés par fils de discussion.

GRAND GROUPE : Gérer la quantité d'échanges

  • Nuage de mots clés
Le nuage de mots-clefs (tag cloud en anglais) est une représentation visuelle des mots-clefs (tags) les plus utilisés sur un site web. Généralement, les mots s'affichent dans des polices de caractères d'autant plus grandes qu'ils sont utilisés ou populaires.
Voir la définition de Wikipedia
Synthèses : voir l'exemple de l'utilisation des listes à Tela Botanica

GROUPE LOCAL : Se synchroniser

  • Agenda partagé
Des agendas visibles sur Internet et que l'on peut compléter à plusieurs.

GROUPE NATIONAL : Retrouver le local

  • Annuaires
Il n'existe pas d'outils clés en main pour réaliser des annuaires. Mais c'est un outil qui est souvent présent dans d'autre systèmes :
  • les outils de réseaux sociaux permettent par exemple de créer un annuaire des membres,
  • les CMS proposent généralement une inscription informatique et proposent ainsi une liste de membres, on peut créer une liste de membre dans un wiki en ouvrant une page pour chacun.

  • Cartographie
Des systèmes pour installer des cartographies interactives sur un site Internet. On peut s'en servir pour cartographier une communauté, un réseau en création : indispensable pour initier de la coopération !

GROUPE MONDIAL : Retrouver le national

CONVIVIALITÉ : Maîtriser l'informel

  • Trombinoscope
  • Réseaux sociaux et micro-blogging
Les réseaux sociaux : service basé sur le web qui permet aux individus de construire un profil public ou semi-public dans un système limité, d'articuler une liste d'utilisateurs auxquels ils sont reliés, de voir et de naviguer à travers leurs propres relations et celles faites par les autres utilisateurs.
Voir une vidéo expliquant le concept par Common Craft
Une présentation sur les réseaux sociaux
  • Le micro-blog (parfois appelé mini-blogue) :
  • C'est un dérivé concis du blog, qui permet de publier un court article, plus court que dans les blogs classiques, les articles pouvant être de type texte court, mais peuvent également contenir une image ou même une vidéo embarquée, Les flux d'agrégation sont plus légers que dans les blogs traditionnels et peuvent contenir tout le message. La diffusion peut également être restreinte par l'éditeur à un cercle de personnes désirées. (article issu de Wikipedia)

PRODUCTION : Maîtriser les tâches critiques pour Co-construire

  • Wiki
  • Partage de documents :
Dans un groupe, il est souvent indispensable de partager des documents et des ressources. Pour cela, il existe soit des systèmes en ligne prêts à l'emploi ou des logiciels libres à installer sur un hébergement. L'idéal est de choisir des dispositifs qui permettent une synchronisation.
  • Bureautique en ligne :
De plus en plus, on peut transférer son bureau sur Internet : les outils de bureautique en ligne sont de plus en plus utilisés. Leur avantage est de permettre une utilisation collective et en temps réel : idéal pour impulser de la coopération !
  • Bookmarking social :
Le social bookmarking (en français "marque-page social", "navigation sociale" ou "partage de signets") est une façon pour les internautes de stocker, de classer, de chercher et de partager leurs liens favoris.
Définition issue de Wikipédia
  • Carte heuristique :
Appelé aussi carte mentale (mind map en anglais), c'est une méthode de communication et de transmission des informations entre les personnes, sous forme graphique. Il s'agit de mettre au centre de la feuille le thème principal (mot ou dessin) et de développer à partir de là des branches contenant les différentes idées se rapportant au thème. Concept inventé par le mathématicien Tony Buzan dans les années 60.
Références :

DIFFUSION : Publier et se faire connaître

  • Lettre d'actualité et liste de diffusion.
  • CMS
Content Management System, ou Système de Gestion de Contenu. Désigne une catégorie de logiciels facilitant la création, la mise à jour et la publication du contenu d'un site web. Parmi les outils les plus connus de cette catégorie : SPIP, Mambo (devenu Joomla), Ez Publish, Typo 3...
  • Flux RSS et syndication
On appelle "RSS" ("Rich Site Summary" ou "Really Simple Syndication") un format de données utilisé pour diffuser les mises à jour de sites dont le contenu change fréquemment, sites d'information, blogs...Un flux RSS contient généralement le titre de l'information, une description synthétique et un lien vers une page décrivant plus en détail l'information. Le fichier RSS, appelé également flux RSS, canal RSS, fil RSS ou fil d'info, est maintenu à jour afin de proposer en temps réel les dernières informations publiées.
Il existe deux façons d'utiliser RSS :
  • pour une utilisation personnelle. Il est alors nécessaire de disposer d'un outil spécifique, appelé "lecteur RSS" ou encore "agrégateur", pour s'abonner et consulter en un seul endroit les dernières actualités de sites web, sans avoir à les visiter.
  • la syndication de contenus : la publication automatique sur un site Internet d'informations émanant d'autres sites.
  • Blog
De "Web – log" : au départ, sortes de journaux intimes en ligne, ils se sont imposés sur la toile, pour devenir les supports d'une expression publique diverse : opinion, parole citoyenne, militante, témoignages, récit...
Il en existe différents types : services clés en main fournis (plate-formes de blog) ou logiciels libres à installer sur un serveur. Leur point commun : ils permettent à un non-technicien d'écrire et publier des articles qui seront ensuite triés par dates.

ENFANT : Initier le premier pas

Outils simples

Rencontres

Modes d'emploi

Voir : : Mode d'emploi du wiki "stages courts"

ADOLESCENT : Gérer les conflits

Règles de fonctionnement

  • Sondages et formulaires.
Description : des outils pour réaliser des questionnaires en ligne. Certains traitent les réponses statistiquement (réalisation de graphiques, pourcentages).

ADULTE : Rester ouvert et jeune

Accueil des nouveaux, entrées dans le contenu par public

Voir le portail de l'ONEM

Règles du pédagogue

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Description : Nous notons ici quelques principes auxquels il faut penser en construisant son action de formation.

Comment apprend-on ?

L'acquisition de la nouvelle compétence suit une progression à quatre étapes :

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La personne peut déclencher les mécanismes d'apprentissage à partir du constat d'un manque.
En situation de formation, cette logique peut correspondre aux activités proposées :
  • activité qui déstabilise, questionne (incompétence consciente),
  • suivi d'une activité qui stabilise, apporte des savoirs et savoir-faire nécessaires (compétence consciente)
  • activité qui donne une possibilité d'appliquer (en voie d'une compétence inconsciente).

10 règles d'apprentissage d'adulte

  • L'adulte n'est pas un enfant. Il n'obéit pas à des parents-formateurs.
  • L'adulte n'est pas là pour s'amuser. Il se sent responsable et demande à ce qu'on reconnaisse en lui, ce sens de la responsabilité.
  • L'adulte possède une expérience humaine, familiale, sociale et professionnelle sur laquelle le formateur doit s'appuyer.
  • L'adulte travaille en équipe, même si parfois, il doit aussi travailler seul.
  • L'adulte conjugue toujours théorie et pratique dans sa formation.
  • L'adulte comprend très bien la logique de l'échange symbolique : donner-recevoir-rendre. Il fournira d'autant plus d'effort qu'il sentira que le formateur n'épargne pas son temps et son énergie. Il n'hésitera pas à partager son savoir spécifique avec d'autres.
  • L'adulte a besoin d'espaces de convivialité et de temps pour assimiler.
  • L'adulte évalue toujours l'intérêt de son temps de formation.
  • L'adulte sait et peut continuer à apprendre, même à un âge avancé.
  • L'adulte respecte le savoir, mais encore plus la relation humaine.
  • L'adulte n'est pas "une boite à fiches"... et le savoir purement académique ne l'intéresse pas.
  • L'adulte est ouvert à une approche pluridisciplinaire des problèmes. Il considère souvent une question comme "un problème à résoudre" concrètement.

Rythme de la journée

Des nombreuse études montrent que le niveau de productivité et d'attention change au fur et à mesure de la journée. Sur la journée "normale" de travail (9h-18h), on observe les phénomènes suivants :
  • matinée : est plus propice au travail intellectuel que l'après midi.
Alors on privilégie une activité démonstrative le matin et exercices d'application l'après midi.
  • les périodes d'hypoglycémie : 11H30-12H30 et 17h00-18h00 environ : possible fatigue et irritabilité. A éviter les activités d'incompétence consciente, privilégier les travaux en petits groupe ou binôme.
  • la période de digestion forte : 14H-15h30 environ : passivité, l'endormissement et dissipation. Les exercices d'application, de découverte sont à privilégier.
  • la durée optimale d'une journée de formation : 7h L'effort de concentration est difficilement soutenu plus longtemps.

Comment retient-on l'information ?

A penser en préparant les support des cours. Nous retenons :
  • 10% de ce que nous lisons.
  • 20 % de ce que nous écoutons.
  • 30 % de ce que nous voyons.
  • 50 % de ce que nous voyons et entendons en même temps.
  • 80 % de ce que nous disons.
  • 90 % de ce que nous disons en faisant en étant impliqués.

Courants, démarches, méthodes, savoirs... De quoi parle-t-on ?

Un mini guide pédagogique pour connaître les concepts de bases.
Guide réalisé par www.foad-spirit.net

Pour aller plus loin

Les cours en lien :
Courants pédagogiques et TIC

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Travailler tous ensemble, sans y être : l'organisation interne d'Outils-réseaux

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
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Témoignage : L'équipe a la particularité d'être parfois éclatée car plusieurs des 6 salariés télétravaillent soit occasionnellement soit principalement. Par ailleurs tous sont sur des temps partiels. Il n'y a donc pas d'unité de temps et d'espace pour le travail : les outils informatiques et TIC répondent donc en partie aux problématiques d'organisation et de communication liées à cette situation.

Partage de documents et co-rédaction

  • Un intranet, sous la forme d'un YesWiki protégé par login et mot de passe, constitue l'espace de centralisation des informations nécessaires à la vie de l'équipe : comptes-rendus de réunions, description des projets, co-rédaction de documents, mémo et procédures y sont ainsi regroupés.
  • Pour co-rédiger les comptes-rendus de réunion en direct, le système Ietherpad est utilisé dans un premier temps, puis le compte-rendu est copié-collé dans l'intranet. Pour du contenu de type tableur, nous utilisons les outils Google documents.
  • Une Dropbox par membre de l'équipe permet, via un dossier partagé, à chacun d'avoir sur son poste de travail l'ensemble des documents liés au fonctionnement de la structure (documents administratifs, comptables, gestion des projets...). La Dropbox permet de synchroniser la mise à jour de ces fichiers (si l'un des salariés modifie un document dans le répertoire Dropbox de son ordinateur, automatiquement, les autres salariés dont l'ordinateur est connecté bénéficieront de la mise à jour).

Communication : réunion, mailing et messagerie

  • Une réunion d'équipe est organisée tous les lundis : certains la suivent à distance (via Skype) et Etherpad. On y fait le tour des projets, des rencontres...
  • Un mail par personne, lu via le logiciel de messagerie Thunderbird (en utilisant le système "POP" : les messages sont téléchargés sur le poste de chacun).
  • Une liste de diffusion pour le CA et l'équipe : chacun des salariés y est inscrit et quelques membres du CA. Ainsi quand l'un d'eux écrit, tous reçoivent le message.
  • Une liste de diffusion équipe uniquement.
  • Une boite "accueil" : elle est consultée par tous les salariés (abonnement via Thunderbird en IMAP : c'est-à-dire que les messages restent en ligne sur le serveur) : chacun a accès à tous les messages reçus et envoyés et peut envoyer un message en utilisant cette adresse.
  • Utilisation du logiciel Phpliste pour gérer les contacts et la diffusion de mails : Phpliste permet de gérer une base de données de contacts mails et possède une interface pour configurer des mailings. Son avantage est que les personnes peuvent se désabonner eux-mêmes.
  • Skype est utilisé par tous pour pouvoir communiquer à distance (utilisation quotidienne du chat, et une fois par semaine, utilisation de la visio-conférence et du partage de bureau pour la réunion d'équipe).

Synchronisation

  • Des calendriers permettent à chacun de suivre l'emploi du temps de l'équipe : chacun a son agenda (Phpicalendar ou Google Agenda) en ligne, il y en a un commun à toute l'équipe, et chacun a sur son poste un outil pour les mettre à jour (Sunbird ou l'extension Lightning de Thunderbird).

Veille partagée

  • Avec le tag "outils-reseaux.org" sur Delicious, la veille est collective et on peut la suivre par flux RSS.
Lien internet : http://outils-reseaux.org

Trucs et astuces pour démarrer un réseau coopératif

Auteur de la fiche : Outils-Réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Outils-Réseaux accompagne des réseaux et groupes depuis 2003 pour qu'ils s'approprient méthodes et outils coopératifs. Nous avons ainsi pu identifier des éléments facilitant ou au contraire des freins à la coopération et à la participation.
Les outils ne sont pas collaboratifs par nature, ils le deviennent lorsqu'ils sont utilisés à bon escient et dans un contexte favorable.
Les "trucs et astuces" listés ci-dessous ne demandent pas de grandes compétences techniques ni un budget conséquent. Une technique d'animation, l'usage d'un outil mis en place en 2 clics ou une posture appropriée de l'animateur de réseau peuvent faire bien plus que l'installation d'usines à gaz sur-dimensionnées, qui peuvent coûter très cher (au sens propre comme au sens figuré).

Cette liste s'appuie sur cette expérience mais ne demande qu'à être enrichie !

Coopérateur humanum est

La coopération est une singularité de l'espèce humaine, notre moteur principal, outil de survie. Trois siècles de concurrence ne doivent pas faire oublier que nous sommes issus de plusieurs millénaires de coopération et de collaboration.

Trois chantiers

Notre époque devra relever trois défis en matière de coopération :
  • Apprendre à coopérer entre êtres humains : pays du sud / pays du nord, riches / pauvres, entre religions, hommes / femmes...
  • Faire en sorte que l'humanité coopère avec son environnement : moins de pollution, de nuisances, ...
  • Permettre à chaque individu de mieux coopérer avec lui-même : réconcilier humanité et animalité, côté féminin et masculin...

trucetastuce




Disjoindre l'apprentissage de la coopération...

...de son utilisation sur des sujets brûlants !
Il est judicieux d'éviter les sujets polémiques pour s'initier à la coopération. Il vaut mieux tester méthodes et outils coopératifs sur de petits projets avec peu d'enjeux que sur des chantiers vitaux pour le réseau.

Par exemple, la mise en commun de fiches pédagogiques pour un réseau d'éducation à l'environnement, alors que ce qui est vital pour les membres du réseau c'est de trouver des moyens de se financer. Quand les membres du réseau auront acquis un peu d'expérience en matière de pratiques coopératives et auront développé un vécu commun, un chantier sur la mutualisation des moyens pourra être envisagé.

Faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération

Un grand voyage commence par de tous petits pas.
Même s'il semble que la coopération soit une composante majeure de l'animal humain, quelques siècles de "saine concurrence", de "il ne faut pas copier", de "pour exister, ne doit rien à personne"... handicapent les humains qui s'y frottent. Il convient donc de, petit à petit, ré-instiller la dimension coopérative.
Tout changement est un processus de rupture qui demande un basculement dans les représentations, les idées, les méthodes des individus.
Pour qu'un réseau se mette à coopérer, il faut provoquer ces ruptures, ces basculements qui sont souvent irréversibles : nous proposons pour cela de faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération :
  • Lever un menhir, 340 bonshommes qui tirent dans des sens différents mais pas trop fort : super comme expérience mais il faut avoir l'occasion.
  • Prendre des notes à plusieurs en même temps et sur une même page (avec Etherpad, Google doc ou Gobby : outils qui permettent de co-rédiger en ligne un texte), plus simple que lever un menhir mais bien efficace.
  • Animer un débat en utilisant des cartes heuristiques (Freeplane, Freemind, Xmind...) vidéo-projetées en direct, technique qui permet de visualiser d'un coup d'oeil toutes les idées du groupe et on passe d'une logique linéaire à une navigation par idées qui peut s'adapter au public (on peut facilement ajouter de nouvelles idées).
  • Faire faire et valoriser la rédaction de synthèses de listes de discussions (par exemple, au sein du réseau Tela Botanica, les membres du réseau discutent parfois sur les listes et forums de sujets très pointus. Celui qui a initié la discussion doit réaliser la synthèse. Il y a un classement des synthèses des listes de discussion suivant qu'il s'agit d'un simple copié-collé, ou d'une rédaction plus organisée).
  • Mettre du contenu imparfait, à corriger : n'écoutant que leur bravoure pour défendre la pureté de la Langue, ceux qui hier encore freinaient des quatre fers à l'idée de participer sur un outil informatique passent la barrière technique et corrige les fautes ! (cette astuce est encore plus efficace quand la faute porte sur le nom d'une personne : au souci de l'orthographe irréprochable, s'ajoute l'aiguillon de l'ego...).
  • Faire des jeux coopératifs : par exemple le jeu du Tao, ou jeux coopératifs en animation collective sur un site sur la non-violence.
    • ...

Commencer en présence

Lorsqu'on parle "réseau coopératif" on envisage une communauté qui n'est pas toujours sur le même espace-temps : il y a du travail à distance, des échanges synchrones et asynchrones. A l'inverse, rares sont les communautés virtuelles qui fonctionnent uniquement à distance : les regroupements, les rencontres sont des temps forts de la dynamique de réseau.
Lorsqu'on démarre un réseau, il est judicieux d'exploiter ce temps "en présence" pour tester et expérimenter des outils et méthodes qui pourront perdurer à distance : mettre en oeuvre en présence ce que l'on veut mettre en oeuvre à distance.
Ceci permettra de se familiariser, de se former et d'assurer une continuité entre présence et distance.
Par exemple, lors d'une rencontre d'un réseau, l'un des membres pose une question à l'assemblée. Tout le monde peut proposer une ou plusieurs réponses sur des petits papiers et en indiquant bien ses coordonnées. Les réponses sont synthétisées et rendues visibles à tous. Puis la personne qui a posé la question récupère les contacts des personnes ayant répondu et créée une liste de discussion pour continuer à échanger à distance.
Par exemple, on peut mettre en place des outils pour travailler à distance qui vont du coup soulever des questions sur les modes de fonctionnement en présence : les règles de prise de parole, de prise de décisions, car souvent ces éléments sont implicites. Dans un groupe, la rédaction des compte-rendus de réunion est souvent assumée par une personne. Si on met en place un outil de co-rédaction pour prendre des notes, du coup cela soulève des questions : tout le monde peut écrire ? qui valide ? On voit bien que ce n'est pas l'outil qui pose des problèmes, il soulève juste les questions.

Commencer par soi même

Charité bien ordonnée commence par soi-même. ou Pour changer le monde, il faut commencer par se changer soi-même.
Beaucoup de structures ont le projet de faire coopérer un groupe, un réseau. Mais avant toute chose, il faut commencer par pratiquer méthodes et outils coopératifs : il s'agit de s'appliquer en interne ce que l'on souhaite mettre en place en externe.
cf. la stratégie ITPTS, "Interactions Transformation Personnelle, Transformation Sociale" : ne pas opposer les volontés de changer le monde et le travail sur soi, les deux sont liés et doivent s'articuler.
Un constat : une structure qui ne coopère pas en son sein et n'utilise pas les outils qui vont avec peinera à faire coopérer autour d'elle.
Mais comment faire lorsqu'on est dans un contexte très figé, très contraint difficilement perméable à ce type de pratiques ? Il faut partir du plus petit lieu sur lequel on a prise pour coopérer, quelques collègues de confiance, un petit groupe de travail audacieux... On trouvera toujours deux ou trois personnes prêtes à jouer le jeu !

Commencer simple

Proposer des outils faciles à prendre en main par les utilisateurs
Lorsqu'on aborde l'utilisation d'outils informatiques, la première marche est la plus importante à passer. Si la première manipulation est simple, les contributeurs, rassurés auront envie de s'investir un peu plus et d'accepter qu'il y ait besoin d'un petit temps de formation ou de prise en main.
On peut même envisager de cacher des fonctionnalités dans un premier temps et attendre que le groupe grandisse en maturité avant d'ajouter des briques progressivement. Ou attendre que la demande soit exprimée et faire évoluer le dispositif technique en fonction des propositions du groupe.

Être pragmatique

Utiliser des outils facile à installer, configurer, sans compétence technique
Plutôt que d'attendre d'avoir les moyens nécessaires pour créer un dispositif sur-mesure, il vaut mieux commencer dès que la dynamique de réseau frémit à installer quelques outils clés en main, faciles à installer et à utiliser : bricoler en assemblant des outils peu onéreux mais qui permettent de commencer à proposer des démarches coopératives (Google doc, Netvibes...).
Bien sûr c'est imparfait : il serait préférable d'avoir son propre dispositif tout en logiciel libre. Et certains seront peut-être hostiles à l'utilisation de services en ligne gratuits qui stockent vos données avec le risque d'une réutilisation à des fins commerciales. Certes, mais l'animateur de réseau se doit d'être pragmatique. Ces outils sont à utiliser en connaissance de cause et pour ce qu'ils sont : des services en ligne gratuits, et non des outils avec lesquels on peut-être autonome, cependant par leur simplicité d'emploi ils peuvent servir à faire émerger la dynamique coopérative.
On attendra de voir de vrais usages se mettre en place avant de passer à du développement spécifique si nécessaire.

Piloter à l'usage

Piloter en attention plutôt qu'en intention :
  • Gérer un projet "en intention" : le coordonnateur prévoit dès le début les objectifs, le déroulement du projet, le calendrier, le budget... < c'est la méthodologie de projet traditionnelle >
  • Gérer un projet "en attention" : l'animateur crée des situations coopératives (faire se rencontrer les personnes, faire en sorte qu'elles se présentent, qu'elles puissent échanger...), être ensuite à l’affût et réactif (proposer des supports pour que ce qui a émergé de la situation coopérative puisse déboucher sur des projets, des actions, du travail coopératif...). < méthodologie de projet coopératif >
L'animateur doit donc s'astreindre à se taire, à mettre ses idées de côté et plutôt privilégier une attitude d'écoute et d'observation.
Par ailleurs, il doit mettre en place les conditions favorables pour faire émerger des besoins collectifs : par exemple un questionnaire dont les résultats sont partagés collectivement. Google Formulaire est parfait pour ça car il permet de traiter statistiquement les réponses et de créer des graphiques. Donner à tous en temps réel les résultats permet à l'animateur de ne pas garder le monopole de la vision globale : le groupe est rendu visible au groupe.

Du beau, du beau, du...

Contrairement à ce que pourrait penser, l'aspect esthétique, graphique est très important : il a un pouvoir motivant pour les membres du groupe et il valorise les productions collectives.
On pourra même aller jusqu'à utiliser du Bling-Bling très apprécié par certains :
  • Animations en flash,
  • Effets au survol et fonctionnalités de glissé-déposé avec des technologies Jquery, ou Mootools, - Rolex...

Miroir, beau miroir

Mettre en place des processus pour que le groupe se représente collectivement
Rendre le groupe visible au groupe est un étape fondamentale pour engager la coopération entre les membres. C'est le concept d'"holoptisme", décrit par Jean-François Noubel.
On peut utiliser différentes techniques et outils :
  • Cartographier les membres : pour représenter la communauté et qu'elle prenne corps, qu'elle soit moins virtuelle en prenant une dimension géographique.
  • Réaliser un inventaire des compétences (en identifiant le point fort de chacun et en le mettant en évidence sur une carte heuristique, par exemple), de ce que l'on est prêt à partager (quelles sont les ressources des membres du groupe qu'ils peuvent partager avec les autres membres ?)
  • Partager les problèmes et points de blocages des uns et des autres, ce en quoi les autres peuvent m'aider.

Encourager les contributions

Pour initier une dynamique coopérative (et même la prolonger) qui s'appuie sur des participations volontaires, il est important de valoriser la moindre contribution. Par exemple citer tous les contributeurs du projet, même ceux qui n'ont eu qu'une participation très minime (apologie du renforcement positif).
Il n'y a pas de mal à se faire plaisir !
Par ailleurs, il peut être très utile pour un animateur de réseau de bien connaître les contributeurs éventuels pour repérer le chemin entre leurs préoccupations et le projet.

Clarifier les conditions d'utilisations

Lorsqu'on envisage un réseau coopératif, il est fort probable que les échanges fasse émerger des productions collectives communes.
Pour éviter tout problème ou malentendu, il vaut mieux envisager et discuter dès le début de la dynamique des conditions d'utilisations, et des droits qui s'appliquent aux productions communes :
  • Qui est propriétaire du contenu élaboré collectivement ?
  • Ce contenu pourra-t-il être vendu ?
  • Pourra-t-il être transformé ? ...
Les licences Créatives Commons (contrat flexible de droit d'auteur pour libérer ses oeuvres) permettront d'aider à réfléchir sur le sujet et à donner un cadre juridique à la création de biens communs.

S'entourer de bon "suiveurs"

"Il est commun de dire que c'est de la qualité de l'animation que dépend la vie d'une communauté. C'est bien entendu en partie vraie. Mais dans cette courte vidéo récréative, il est expliqué avec talent que le leadership est indispensable pour initier la chose, mais que sans suiveurs eux-aussi impliqués dans l'action, il n'en serait rien."



(article repris du blog 362point0.org)

Faire bosser, faire produire, faire coopérer

Produire et faire produire du bien commun.

A vous de jouer !

Ce que nous avons appris de Cooptic


Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d'excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.

Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.

La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.

La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.

Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :
  • Formateur "expert" : il est le référent sur les sujets traités, il transfert les connaissances.
  • Accompagnateur : il structure et accompagne la progression du groupe dans un environnement d'apprentissage fondé sur la communication et l'échange.
  • Tuteur : il établit un lien individualisé avec chaque apprenant en aidant à surmonter l'effet d'isolement que les formations à distance induit.
  • "Technicien" : il est garant du fonctionnement des dispositifs techniques.

Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :
  • Reconsidérer la "distance" comme un espace-temps de possibles interactions et apprentissages. On peut apprendre, créer des liens, travailler ensemble, produire une ressource dans des configurations multiples :
    • À distance asynchrone en contribuant selon ses disponibilité sur un espace d'écriture, en partageant des ressources... En échangeant par mail ou forum,
    • À distance synchrones durant des conférences vidéo, ou échanges de pratique entre les groupes,
    • En présence et à distance à la fois... Il est possible d'organiser des cours en visio-conférence avec deux groupes en parallèle sur deux sites différents.
  • Rendre la relation plus horizontale entre les formateurs, les stagiaires et le savoir. Dans les flux des informations et des échanges, le formateur est un élément parmi d'autres.
  • Adopter la méthode "surf "1 ....accepter les incertitudes et oser expérimenter durant le processus. Le formateur est garant de la méthodologie : il crée des conditions d'équilibre et ne maîtrise pas nécessairement la forme des résultats de coproduction.

Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération

Ce que Cooptic innove L'effet sur la formation L'effet sur l'apprentissage de la coopération.
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net.
Un espace collectif et des espaces individuels La plate-forme wiki/ permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel).
Contenus ouverts Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges.
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours La mise en ligne des cours "libère" du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. Acquisition des savoirs-faire : "apprendre à apprendre" et "apprendre à faire avec les autres".
Structure modulaire Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. La construction d'un parcours plus personnel est possible.
Approche systémique Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs.
Pluralité des parcours structurés Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours "projet professionnel" (environnement collaboratif). Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif.
Changement progressif des tailles des groupes de travail Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle).
Mise en réseaux et échange des pratiques L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir. Le formateur est garant de la méthodologie. Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi.
Coproduction des contenus Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. Posture active face au savoir. Sentiment de créer un "bien commun".
Notion de "présence" à distance Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement "à distance" est systématisé (points fixes avec le formateur). L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures.



Pour en savoir plus : les communautés épistémiques


Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.

Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux.
Revue française de gestion, n° 146, 99-121.


  • 1 Rosnay, Joël. Surfer la vie : vers la société fluide. Paris : Les liens qui libèrent, 2012