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Cooptic est une initiative de transfert d'innovation, financée par la Commission européenne dans le cadre du projet Leonardo da Vinci. Quatre partenaires spécialisés dans les pédagogies innovantes - SupAgro Florac et Outils-Réseaux (Montpellier), l'École de la coopération Aposta de Catalogne et le Centre Régional d'Initiative à l'Environnement (CRIE Mouscron) de Wallonie - se sont associés pour travailler sur l'adaptation d'un dispositif de formation destiné aux animateurs de projets collaboratifs.
Durant Cooptic, ont été formées quinze personnes dans trois pays : Belgique, Espagne et France, afin qu'elle deviennent, à leur tour et dans leurs cercles respectifs, formatrices d'animateurs de projets et réseaux coopératifs.
Cooptic, c'est aujourd'hui 60 animateurs de réseaux qui constituent un véritable pool dans trois pays européens. Ce réseau s'est construit sur trois ans :
Le programme de Cooptic a relié quatre structures :
SupAgro Florac : Institut d'éducation à l'agro-environnement, assure depuis des années la formation des animateurs des nombreux réseaux thématiques et géographiques de l'enseignement agricole public ainsi qu'un appui technique. Reconnu nationalement pour l'expertise en sciences de l'éducation et ses activités d'expérimentation pédagogique et de promotion de dispositifs de formation innovants, Supagro Florac partage son savoir-faire avec ses partenaires du projet. Il assure également, le montage et la coordination de l'ensemble du projet.
Association Outils-Réseaux : Association "référence" en France sur le travail en réseau. Sa mission principale est d'initier et d'accompagner les réseaux et pratiques coopératives en s'appuyant sur des outils méthodologiques et Internet. En 2010, Outils-Réseaux a mis en place le dispositif de formation Animacoop en direction des animateurs et professionnels ½uvrant dans le champ de la coopération et l'animation de réseaux. Ce dispositif Animacooop a fait l'objet d'adaptation du projet européen Cooptic.
Association Aposta, en Catalogne : École de la coopération chargée du transfert sur le territoire Catalan.
Association CRIE de Mouscron, en Wallonnie. Association d'éducation à l'environnement chargée du transfert sur le territoire Wallon.
Ces partenaires ont associé les compétences de diverses institutions, universitaires, chercheurs, intervenants et collectivités locales engagées dans des démarches de développement participatif qui concourent activement à la rédaction d'une publication de cet e-book que vous pouvez découvrir maintenant.
Le dispositif de formation Cooptic est fondé sur les principes éducatifs qui visent à accompagner le stagiaire vers l'autonomie et à renforcer sa capacité à agir en connaissance de cause. L'apprenant est au centre de l'attention pédagogique. De ces principes découlent les choix de méthodes et moyens pédagogiques qui s'articulent autour de trois idées : le caractère transversal des savoirs et compétences collaboratifs à acquérir, un lien avec le projet professionnel des stagiaires, l'utilisation des potentialités des outils numériques pour innover sur les pratiques pédagogiques.
Ces contenus sont structurés autour de 12 concepts clés et 12 compétences collaboratives transverses :
Ces compétences collaboratives sont traitées parallèlement sur trois niveaux :
Une méthodologie pour pour passer de la posture d'"animateur de réseaux" à "formateur d'animateurs de réseaux".
Une alternance de moments d'échanges en présence et à distance via des outils internet.
Une utilisation des outils et méthodes collaboratifs durant la formation.
Des moments d'échanges de pratiques.
Du travail individuel sur des projets collaboratifs des stagiaires.
Co-production des connaissances : des rubans pédagogiques de formation.
Bonne lecture et bonnes futures petites expériences irréversible de coopération !
Coordination :
Hélène Laxenaire
Auteurs :
Gatien Bataille
Jean-Michel Cornu
Antoine Delarue
FNAMI LR
Mathilde Guiné
Claire Herrgott
Emilie Hullo
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Heather Marsh
Laurent Marseault
Daniel Mathieu
Outils-réseaux
Jordi Picart i Barrot
Manon Pierrel
Frédéric Renier
Violette Roche
Elzbieta Sanojca
SupAgro Florac
Vincent Tardieu
Laurent Tézenas
Françoise Viala
et les stagiaires Animacoop
Dessins :
Eric Grelet
Conception des parcours
Claire d'Hauteville
Hélène Laxenaire
Elzbieta Sanojca
Traduction en français :
Traduction collaborative par des membres du groupe AnimFr (de l'article sur la stimergie)
Traduction en anglais :
Koinos
Suzy Lewis-Vialar
Abdel Guerdane
Traduction en catalan :
Koinos
Jordi Picart i Barrot
Relecture (de la partie française) :
Caroline Seguin
Normalisation des fiches :
Cathy Azema
Gatien Bataille
David Delon
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Christian Resche
Cécile Trédaniel
Développement :
Florian Schmitt
Charte graphique :
Imago design
Montage et suivi du projet Leonardo :
Guy Levêque
Cathy Azema
Martine Pedulla
Stéphanie Guinard
Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre d'un projet de transfert d'innovation (TOI) financé par l'union européenne au travers du programme Léonardo Da Vinci.
Tous les contenus (textes, images, video) sont sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 FR. Cela signifie que vous pouvez librement les diffuser, les modifier et les utiliser dans un contexte commercial. Vous avez deux obligations : citer les auteurs originaux et les contenus que vous créerez à partir des nôtres devront être partagés dans les mêmes conditions, sous licence CC-BY-SA.
Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.
La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.
La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.
Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :
Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :
Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.
Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux. Revue française de gestion, n° 146, 99-121.
Présentation du projet Cooptic
Cooptic est une initiative de transfert d'innovation, financée par la Commission européenne dans le cadre du projet Leonardo da Vinci. Quatre partenaires spécialisés dans les pédagogies innovantes - SupAgro Florac et Outils-Réseaux (Montpellier), l'École de la coopération Aposta de Catalogne et le Centre Régional d'Initiative à l'Environnement (CRIE Mouscron) de Wallonie - se sont associés pour travailler sur l'adaptation d'un dispositif de formation destiné aux animateurs de projets collaboratifs.
Durant Cooptic, ont été formées quinze personnes dans trois pays : Belgique, Espagne et France, afin qu'elle deviennent, à leur tour et dans leurs cercles respectifs, formatrices d'animateurs de projets et réseaux coopératifs.
Cooptic, c'est aujourd'hui 60 animateurs de réseaux qui constituent un véritable pool dans trois pays européens. Ce réseau s'est construit sur trois ans :
Présentation de l'équipe de partenaires
Le programme de Cooptic a relié quatre structures :
SupAgro Florac : Institut d'éducation à l'agro-environnement, assure depuis des années la formation des animateurs des nombreux réseaux thématiques et géographiques de l'enseignement agricole public ainsi qu'un appui technique. Reconnu nationalement pour l'expertise en sciences de l'éducation et ses activités d'expérimentation pédagogique et de promotion de dispositifs de formation innovants, Supagro Florac partage son savoir-faire avec ses partenaires du projet. Il assure également, le montage et la coordination de l'ensemble du projet.
Association Outils-Réseaux : Association "référence" en France sur le travail en réseau. Sa mission principale est d'initier et d'accompagner les réseaux et pratiques coopératives en s'appuyant sur des outils méthodologiques et Internet. En 2010, Outils-Réseaux a mis en place le dispositif de formation Animacoop en direction des animateurs et professionnels ½uvrant dans le champ de la coopération et l'animation de réseaux. Ce dispositif Animacooop a fait l'objet d'adaptation du projet européen Cooptic.
Association Aposta, en Catalogne : École de la coopération chargée du transfert sur le territoire Catalan.
Association CRIE de Mouscron, en Wallonnie. Association d'éducation à l'environnement chargée du transfert sur le territoire Wallon.
Ces partenaires ont associé les compétences de diverses institutions, universitaires, chercheurs, intervenants et collectivités locales engagées dans des démarches de développement participatif qui concourent activement à la rédaction d'une publication de cet e-book que vous pouvez découvrir maintenant.
Présentation du dispositif d'apprentissage
Le dispositif de formation Cooptic est fondé sur les principes éducatifs qui visent à accompagner le stagiaire vers l'autonomie et à renforcer sa capacité à agir en connaissance de cause. L'apprenant est au centre de l'attention pédagogique. De ces principes découlent les choix de méthodes et moyens pédagogiques qui s'articulent autour de trois idées : le caractère transversal des savoirs et compétences collaboratifs à acquérir, un lien avec le projet professionnel des stagiaires, l'utilisation des potentialités des outils numériques pour innover sur les pratiques pédagogiques.
Qu'apprend-on à la formation Cooptic ?
Les contenus de formation privilégient le développement des compétences opérationnelles liées à l'animation du projet collaboratif : gestion de l'information, coproduction des ressources, démarrage des dynamiques de réseau, animation de collectifs...Ces contenus sont structurés autour de 12 concepts clés et 12 compétences collaboratives transverses :
Ces compétences collaboratives sont traitées parallèlement sur trois niveaux :
- Au niveau individuel, la formation développe l'implication de la personne dans un projet collectif,
- au niveau du groupe, elle traite de la compréhension des dynamiques de groupes, réseaux, communautés et des compétences de management d'un collectif,
- un troisième niveau d'environnement concerne les facteurs d'ouverture et de communication "à l'extérieur" de son réseau.
Comment apprend-on ?
Durant 14 semaines de formation les stagiaires travaillent à distance et en présence suivant une progression sur trois parcours parallèles :- Parcours individuel :
- Formation du réseau : le groupe se forme, un "collectif des individus" prend conscience d'être un groupe d'apprentissage.
- Le réseau s'informe : les échanges autour des projets conduisent à l'émergence d'expériences et de problèmes communs.
- Transformation du réseau : les phénomènes individuels et collectifs sont mis en ½uvre dans le travail collaboratif en petits groupes.
- Rayonnement du réseau : la diffusion des résultats des travaux de coopération en dehors de la communauté valorise le groupe.
- Consolidation du réseau : cela permet une évaluation et une réflexion sur la façon de faire vivre la dynamique et de l'ouvrir à d'autres.
- Parcours "collectif apprenant" :
- Parcours projet :
Pédagogie impactée par les nouvelles technologies
Un écosystème de formation :Une méthodologie pour pour passer de la posture d'"animateur de réseaux" à "formateur d'animateurs de réseaux".
Une alternance de moments d'échanges en présence et à distance via des outils internet.
Une utilisation des outils et méthodes collaboratifs durant la formation.
Des moments d'échanges de pratiques.
Du travail individuel sur des projets collaboratifs des stagiaires.
Co-production des connaissances : des rubans pédagogiques de formation.
L'ebook de Cooptic
L'ebook que vous avez entre les mains regroupe les ressources utilisées lors de la formation Cooptic. Certaines ont été rédigées spécialement pour l'ebook car les contenus avaient été présentés oralement lors de la formation. Cet ouvrage est un état nos connaissances dans le domaine de coopération et de la collaboration au moment de sa rédaction, fin 2013. Mais c'est un domaine qui commence juste à être étudié et nous continuons à expérimenter, à imaginer, à essayer, à rêver... Bref, même si la publication de cet ebook est l'aboutissement du projet européen Leonardo Cooptic, ce n'est pas une fin mais juste les premières pierres de nos futurs projets : une centre de ressources sur la collaboration ? Un MOOC ? Ou sans doute quelque chose qui n'existe pas encore !Bonne lecture et bonnes futures petites expériences irréversible de coopération !
Ils ont participé à l'aventure !
Coordination :
Hélène Laxenaire
Auteurs :
Gatien Bataille
Jean-Michel Cornu
Antoine Delarue
FNAMI LR
Mathilde Guiné
Claire Herrgott
Emilie Hullo
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Heather Marsh
Laurent Marseault
Daniel Mathieu
Outils-réseaux
Jordi Picart i Barrot
Manon Pierrel
Frédéric Renier
Violette Roche
Elzbieta Sanojca
SupAgro Florac
Vincent Tardieu
Laurent Tézenas
Françoise Viala
et les stagiaires Animacoop
Dessins :
Eric Grelet
Conception des parcours
Claire d'Hauteville
Hélène Laxenaire
Elzbieta Sanojca
Traduction en français :
Traduction collaborative par des membres du groupe AnimFr (de l'article sur la stimergie)
Traduction en anglais :
Koinos
Suzy Lewis-Vialar
Abdel Guerdane
Traduction en catalan :
Koinos
Jordi Picart i Barrot
Relecture (de la partie française) :
Caroline Seguin
Normalisation des fiches :
Cathy Azema
Gatien Bataille
David Delon
Corinne Lamarche
Hélène Laxenaire
Christian Resche
Cécile Trédaniel
Développement :
Florian Schmitt
Charte graphique :
Imago design
Montage et suivi du projet Leonardo :
Guy Levêque
Cathy Azema
Martine Pedulla
Stéphanie Guinard
Cet ouvrage a été réalisé dans le cadre d'un projet de transfert d'innovation (TOI) financé par l'union européenne au travers du programme Léonardo Da Vinci.
Tous les contenus (textes, images, video) sont sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 FR. Cela signifie que vous pouvez librement les diffuser, les modifier et les utiliser dans un contexte commercial. Vous avez deux obligations : citer les auteurs originaux et les contenus que vous créerez à partir des nôtres devront être partagés dans les mêmes conditions, sous licence CC-BY-SA.
Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs
Auteur de la fiche :
Outils-réseaux
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Principal écueil : manque de participation (situation de non-collaboration).
Auteurs : Association Outils-Réseaux et tous ses stagiaires
Crédits illustrations sous licence Creative Commons : CC-By Outils-Réseaux - CC-By Éric Grelet - CC-By Ell Brown - CC-By Cea - CC-By Marc Smith
Ce qui freine
- Manque de participation.
- Au niveau des outils.
- Au niveau de l'animateur.
- Au niveau du projet.
- Manque de temps.
Ce qui facilite
- Au niveau des personnes.
- Au niveau des outils.
- Au niveau de l'animation.
- Au niveau des projets.
- Les neuf lois de la coopération.
1. Ce qui freine
Principal écueil : manque de participation (situation de non-collaboration).
Au niveau des personnes
- Manque de temps : pour s'approprier ces outils, pour s'en servir.
- Peur du regard des autres, du jugement (des pairs), d'être ridicule.
- Problème d'écrit, de langue.
- Déconnexion au réel (trop virtuel, quelles personnes et quel(s) projet(s) sont derrière l'outil ?).
- Difficulté à changer ses pratiques pour s'adapter à celles du groupe (résistance au changement).
- Problèmes de droits d'auteur, propriété intellectuelle, peur de se faire piller les infos, la perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information.
- Difficulté d'appropriation des outils, peur de la technique :
- Peur de la difficulté.
- Peur des outils internet.
- Ordinateur = compliqué.
- Hétérogénéité par rapport à l'appropriation des outils.
- Accès difficile à internet :
- Débit lent.
- Logiciels obsolètes.
- Difficulté à se loguer :
- Perte du mot de passe.
- Perte de l'adresse du site.
- Manque de motivation par rapport au projet, ne voient pas dans le projet le lien avec leurs intérêts personnels :
- Peur que les messages soient mal interprétés.
- Habitude d'un fonctionnement centralisé.
- Contexte institutionnel.
Au niveau des outils
- Peur des outils, de la difficulté, interface pas assez ergonomique : l'ordinateur pose problème.
- Matériel, connexion vétuste.
- Protection, identification.
- Pas adaptés aux besoins.
- Mise en place pas assez progressive, ne prenant pas assez en compte les différentes étapes de la vie du groupe.
- Difficulté à faire passer par l'écrit tout ce qui relève de l'émotionnel, second degrés.
- Plusieurs outils pour le même usage.
- Besoin du support papier, de concret.
- Des outils trop compliqués.
- On ne voit pas comment participer.
- Évolution trop rapide des outils (visuels, fonctionnalités).
Au niveau de l'animateur
- Trop de sollicitation (Urgent ! à valider, question mal dirigée).
- Omniprésence ou absence de l'animateur.
- Messages trop longs, trop d'information, pas clairs.
- Fondateur = fossoyeur.
- Salarié : le financement du poste prend le pas sur les objectifs du réseau.
- Pas assez à l'écoute des besoins du groupe.
- L'animateur fait au lieu de faire faire.
- Confusion dans les rôles : animation, leadership, facilitateur.
Au niveau du projet
- Dérive éthique, risque de rupture.
- Représentation institutionnelle (perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information).
- Démobilisation : mauvaise appréhension de l'implication.
- Difficulté à percevoir concrètement le projet, ses résultats.
- Pertinence du projet.
- Vocabulaire : niveau de jargon partagé ?
- Complexification : les participants ne voient plus la globalité.
- Réseau qui s'institutionnalise.
- Niveau d'engagement trop élevé.
- Manque de visibilité : du temps nécessaire, de l'intérêt du projet, de la finalité du projet.
- Pas de leader.
- Pas de traces de l'histoire du projet.
Le temps
- Manque de temps :
- pour l'appropriation des outils
- pour participer au projet.
- Différences de rythme : salariés / bénévoles.
2. Ce qui facilite
Au niveau des personnes
- Rencontres physiques, convivialité.
- Évaluation par l'estime, citer tous les contributeurs
- Mixer les publics (cf. forum).
- Réduire les risques à participer, permettre la sortie et la multi-appartenance : procédure d'adhésion simplifiée, possibilité de désengagement !
- Cercle vertueux de la motivation :
- Projet / action qui a du sens
- se sentir capable
- Contrôlabilité :
- Engagement cognitif.
- Persévérance.
- Réussite.
- Réconcilier intérêt individuel et intérêt collectif.
- Rendre visible les mécanismes.
- Stratégie gagnant/gagnant.
- Questionner les personnes sur leurs objectifs.
- Accueil des nouveaux, parrainage.
- Des supports techniques : savoir où se trouve le référent technique, avoir des modes d'emploi, des rubriques d'aides.
Au niveau des outils
- Des règles de conduite.
- Nétiquette.
- Mise en place progressive.
- Simplifier !!! Masquer des fonctionnalités.
- Mode d'emploi, rubrique d'aide, formations...
Au niveau de l'animation
- Rendre visible l'activité du groupe : synthèse, reformulation, historique, rendre visible ce qui se passe dans les sous-groupes, actus régulières : résumés (TST)
- Incitation forte pour faire évoluer les habitudes : mettre uniquement les CR sur wiki, faire des fautes volontaires dans le nom des gens
- Des animateurs "professionnels" :
- Métiers émergents.
- Séparer les fonctions d'animation et de facilitation.
- Savoir-être plus que savoir-faire.
- En éveil permanent.
- Synthétiser, reformuler, jardiner.
Au niveau du projet
- Proposer un historique, un carnet des événements.
- Minimiser les besoins de départ : mettre en ligne des productions inachevées.
- Maîtrise des tâches critiques : compromis entre souplesse et pérennité du système, le projet doit se suffire d'un minimum de contributions.
- Fonctionner en attention plutôt qu'en intention : laisser émerger des thèmes, des projets, en étant à l'écoute du groupe, définir des objectifs et non les résultats attendus.
- Analyse du risque : volonté de réussite ou peur d'échouer ?
- Définition des finalités et du pilotage (Matrice Sagace).
- Objectifs clairs, charte.
- Productions : Licences libres pour en faire des biens communs.
Les 9 lois de la coopération
- Réduire les risques à participer.
- Abaisser le seuil de passage à l'acte.
- Biens non consommables et environnement d'abondance.
- Les communautés qui durent convergent vers la coopération.
- L'évaluation par l'estime.
- Minimiser les besoins de départ .
- Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques.
- Le temps des opportunités.
- N'oublier aucune des règles !
Abaisser le seuil de passage à l'acte
Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal- Logiciel libre :
- Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte. (Jean-Michel Cornu)
- Tela Botanica :
- L'inscription est libre, gratuite et facile.
- Utilisation Forum et Wiki.
- Incitation à la participation par des exercices simples :
- Faire une faute volontaire sur un nom de personne pour la faire réagir et l'inciter à corriger par elle-même.
Biens non consommables et environnement d'abondance
- Tela Botanica : projet Flore de France Métropolitaine.
- Issu du travail d'une personne : travail de nomenclature et taxonomie sur 75 000 noms.
- 55 599 fiches modifiées par les membres du réseau.
- Ajout de 46 794 noms vernaculaires (plusieurs langues).
Les communautés qui durent convergent vers la coopération
- S'associer très en amont pour éviter la concurrence en aval.
- GNU/Linux.
- GNU et Free Software Foundation : 1985 .
- Linux : 1991.
- projet Flore de France Métropolitaine : 2001.
- GNU/Linux.
L'évaluation par l'estime
- Tela : Projet compilation d'articles botaniques (25674 articles).
- De Boissieu Henri - Un acer hybride nouveau pour la flore française. - 1912 - dendrologie, plante hybride, acer x bormulleri, localité, p. 77-78 - Société Botanique de France, Bulletin de la Société Botanique de France, Bull. Soc. Bot. Fr. (1904), Tome 59 - Fascicule 1 - Saisie : Jean TIMBAL -Art. n°13807.
- Delahaye Thierry, Henze Gaston, Lequay Arthur - Les orchidées de Monthoux - 1996 - Savoie, Avant-pays, Acéracées, acer monspessulanum, Fabacées, Argyrolobium zanonii, p. 15-19 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°1 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°479.
- Delahaye Thierry, Lequay Arthur, Prunier Patrice - Les découvertes botaniques de nos sociétaires en 1996 - 1997 - Savoie, violacées, Viola collina, loranthacées, Viscum album, acéracées, acer monspessulanum, joncacées, Juncus arcticus, liliacées, Erythronium dens-canis, p. 31-32 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°2 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°495.
Minimiser les besoins de départ
- Linux a commencé par réutiliser le code et les idées de Minix (la totalité du code de Minix a été abandonnée ou réécrite complètement depuis).
- Exemple "Cathédrale et Bazar" : Fetchmail basé sur popclient et Fetchpop.
- Tela :
- Récupération d'un travail de synonymie de M. Kerguelen sur 75 000 noms.
- Récupération de nombreuses base de données constituées par des amateurs.
- Mettre en ligne des documents inachevés car ils peuvent être améliorés par des contributeurs. Si on attend l'achèvement du document pour le mettre en ligne, la dynamique de réseau ne va pas s'enclencher.
Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques
- Loi de Brooks : "Le fait d'ajouter des gens à un projet logiciel en retard, le retarde encore d'avantage" : la complexité augmente, quant à elle, comme le nombre d'échanges et donc comme le carré du nombre de personnes.
- Tela Botanica :
- L'association contractualise des partenariats et assume les responsabilités.
- Les salariés fournissent des outils et des services et assurent la permanence.
- Les membres du réseau montent des projets et donnent du sens au réseau.
- Le comité de pilotage assure la coordination et valide les décisions.
L'analyse du risque
- La peur d'échouer fait prendre un minimum de risque. On est alors tenté de tout blinder, c'est d'ailleurs une des caractéristiques actuelles : tout est balisé, verrouillé (notamment juridiquement). Au sein de certaines administrations par exemple, il existe un manque d'ouverture qui est le reflet d'un fonctionnement mental rigide.
- A l'inverse, vouloir réussir suppose de mettre en oeuvre des moyens pour atteindre le but qu'on s'est fixé. Cette démarche renvoie à un schéma mental beaucoup plus ouvert et dynamique.
Auteurs : Association Outils-Réseaux et tous ses stagiaires
Crédits illustrations sous licence Creative Commons : CC-By Outils-Réseaux - CC-By Éric Grelet - CC-By Ell Brown - CC-By Cea - CC-By Marc Smith
Coopération ou collaboration : quelles différences ?
Auteur de la fiche :
Outils-réseaux
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Entre la coopération et la collaboration, la différence est nuancée.
F. Henri et K. Lundgren-Cayrol analysent de manière très éclairante la différence entre ces deux notions.
La présentation qui suit reprend largement cette analyse.
C'est dans la manière de partager le travail que la différence est la plus visible :
Le groupe est divisé en équipes spécialisées qui réalisent une partie de tâche. Les membres de chaque équipe ont des responsabilités spécifiques. L'ensemble est réalisé seulement quand tous les membres ont fait leur part de travail.
Les membres du groupe travaillent pour un but commun. Mais chacun, individuellement, cherche à atteindre par lui-même le but consensuel. Deux productions se font en parallèle : une production collective et les productions individuelles de chaque participant.
On peut voir la démarche coopérative comme une méthode d'initiation et de préparation à une réelle collaboration.
En coopérant, chaque membre est responsable d'une action ou sous-tâche. Le but est une production collective, c'est le groupe en tant qu'entité qui atteint un but.
Dans les démarches collaboratives chacun utilise l'ensemble des ressources dans le groupe.
Ces deux notions ne sont pas encore "stabilisées" bien que on s'accorde sur le fait que la collaboration implique un processus plus "démocratique" : les rapports sont plus égalitaires.
Les filtres culturels sont forts et dans les deux cas peuvent avoir une connotation "négative" :
En réalité la différence entre ces deux manières de faire n'est pas si tranchée : on passe facilement d'une démarche à l'autre.
Dessin : Éric Grelet - CC-BY-SA
F. Henri et K. Lundgren-Cayrol analysent de manière très éclairante la différence entre ces deux notions.
La présentation qui suit reprend largement cette analyse.
La première différence : comment partage-t-on le travail ?
De manière générale, les groupes collaboratifs et coopératifs travaillent ensemble sur un but commun ou partagé.C'est dans la manière de partager le travail que la différence est la plus visible :
En coopérant
Le groupe est divisé en équipes spécialisées qui réalisent une partie de tâche. Les membres de chaque équipe ont des responsabilités spécifiques. L'ensemble est réalisé seulement quand tous les membres ont fait leur part de travail.
La première différence : comment partage-t-on le travail ?
En collaborant
Les membres du groupe travaillent pour un but commun. Mais chacun, individuellement, cherche à atteindre par lui-même le but consensuel. Deux productions se font en parallèle : une production collective et les productions individuelles de chaque participant.
Autres différences
De cette manière de réaliser la tâche commune, découlent d'autres différences :- La maturité des groupes
- Les interactions entre les personnes
- La manière de considérer le but
La maturité des groupes
- La démarche coopérative est plus structurée et encadrante. L'animateur organise et "contrôle" le travail. Ce type de travail convient davantage au "groupe-enfant";
- La démarche collaborative est plus souple et les membres du groupe disposent de plus de liberté, Elle convient davantage au "groupe-adulte".
On peut voir la démarche coopérative comme une méthode d'initiation et de préparation à une réelle collaboration.
Les interactions entre les personnes
Les interactions entre les membre des groupes jouent un rôle central :- En coopérant la complémentarité des tâches crée un sentiment de dépendance réciproque, les interactions sont de ce fait très fortes mais "hiérarchisées".
- En collaborant c'est la mise en commun des idées qui priment, les interactions ont plutôt un caractère "associatif", elles sont donc plus riches et plus intenses.
La manière de considérer le but
Pourquoi travaillons-nous ensemble ?En coopérant, chaque membre est responsable d'une action ou sous-tâche. Le but est une production collective, c'est le groupe en tant qu'entité qui atteint un but.
Dans les démarches collaboratives chacun utilise l'ensemble des ressources dans le groupe.
En conclusion
Ces deux notions ne sont pas encore "stabilisées" bien que on s'accorde sur le fait que la collaboration implique un processus plus "démocratique" : les rapports sont plus égalitaires.
Les filtres culturels sont forts et dans les deux cas peuvent avoir une connotation "négative" :
- "Collaborer" renvoie à l'histoire sombre de la guerre 39-45.
- "Coopération" s'associe avec la politique abusive des pays riches en Afrique.
En réalité la différence entre ces deux manières de faire n'est pas si tranchée : on passe facilement d'une démarche à l'autre.
Dessin : Éric Grelet - CC-BY-SA
Coopération ouverte et/ou fermée ?
Auteur de la fiche :
Corinne Lamarche - SupAgro Florac
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Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :
Selon la théorie de l'évolution, nous aurions, au fil des siècles, développé des comportements altruistes, vis à vis de notre groupe de parentèle et d'appartenance.
Quels sont donc les facteurs qui nous poussent à coopérer au sein de la parentèle ou avec d'autres groupes plus élargis?
La coopération ouverte permet l'accueil de nouvelles personnes et donc de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir faire, augmente son exposition au doute (condition nécessaire pour l'innovation).
Trois autres variables sont importantes pour comprendre "les bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées":
Coopération fermée et coopération ouverte s'expriment de manière simultanées, et chacune présentent des avantages et des inconvénients. Pour répondre aux attentes identitaires de chacun, il faudrait d'abord mettre en avant la nécessité de comportements coopératifs. "Au principe "Identifiez-vous, puis coopérez", on opposerait alors un tout autre principe "Coopérez, puis vous vous identifierez".
Nous sommes "programmés" pour coopérer
Le comportement coopératif de l'homme est du, en partie, à son évolution génétique. Il est lié au degré d'apparentée et aux attentes identitaires.Selon la théorie de l'évolution, nous aurions, au fil des siècles, développé des comportements altruistes, vis à vis de notre groupe de parentèle et d'appartenance.
Coopération fermée
L'altruisme évolue dans un groupe si celui-ci est en compétition avec d'autres groupes. Plusieurs expériences ont montré une propension à la coopération fermée au sein des groupes de parentèles et d'appartenance. L'enfant va plutôt partager avec les membres de son groupe proche et va se méfier des autres groupes. L'aspect cognitif et émotionnel jouant un rôle important (imitation, langage, croyance, imagination). L'ethnologie nous montre le fait de groupes renforçant leur solidarité face à d'autres, pour garder leurs biens matériels, voire immatériels. Dans de nombreuses langues, les terme utilisé pour le "Nous" et le "Eux" rend vraiment compte d'une distinction linguistique mais aussi comportementale entre "Son" propre groupe, et le groupe des "Autres". A travers l'histoire, et même de nos jours, nous nous affirmons en opposition par rapport aux autres; notre identité se construit en s'opposant à l'autre, et il en va de même pour les groupes. La coopération fermée renforce les liens au sein du groupe d'appartenance, permet un ancrage identitaire fort, valorise les réputations, peut se développer grâce la compétition.Coopération ouverte
Cependant, la spécificité de l'Homo sapiens, au contraire de Néandertal, a été d'élaborer des formes de coopération de plus en plus ouvertes, à s'intégrer dans de larges réseaux. L'homme, selon les situations, a une inclination à la coopération ouverte. Nous coopérons plus facilement avec des gens qui eux-mêmes coopèrent, et en les observant, nous savons si ce sont de bons coopérateurs. Nous pourrions dire de certains comportements coopératifs qu'ils relèvent d'un "altruisme compétitif", tels que l'action de donner à des oeuvres caritatives. Cela pourrait être interprété comme une recherche de valorisation de soi, d'accroissement de la réputation pour être choisit à son tour par le groupe. Mais que dire de situation où l'individu va sauver une vie au risque de perdre sa propre vie? Il n'est pas dans une situation d'altruisme compétitif.Quels sont donc les facteurs qui nous poussent à coopérer au sein de la parentèle ou avec d'autres groupes plus élargis?
La coopération ouverte permet l'accueil de nouvelles personnes et donc de nouvelles connaissances, de nouveaux savoir faire, augmente son exposition au doute (condition nécessaire pour l'innovation).
Les variables pour la promotion d'une coopération ouverte
Tout d'abord quels sont les bénéfices induits par une coopération ouverte? A travers l'histoire et par expérience, il est démontré l'accumulation culturelle et l'apport d'innovation dû à des facteurs géographiques, écologiques, démographiques, linguistiques. L'ouverture aux autres, à une diversité de manières de faire et de penser, ainsi que la taille du groupe influe sur la capacité d'adaptation et à une certaine stabilité politique.Trois autres variables sont importantes pour comprendre "les bases évolutionnaires de la coopération humaine et de la manière dont celles-ci sont culturellement modulées":
- Les sanctions. Elles auront un effet positif si il existe, conjointement, des normes prosociales puissantes, une légitimité des acteurs et la confiance dans les dispositifs institutionnels.
- La notion d'identité collective au sens de créer du lien, de faire partie d'un "Nous"; la coopération est liée aux motivations et aux émotions sociales, et non pas à des motivations instrumentales et à un objectif utilitariste.
- Le pouvoir politique, bien qu'il y ait des risques; c'est une affaire de choix moral et d'assumer de passer d'un "Nous" exclusif à un "Nous" inclusif, de tendre vers un processus agrégatif de toujours plus de complexité et de diversité sociales.
Coopération fermée et coopération ouverte s'expriment de manière simultanées, et chacune présentent des avantages et des inconvénients. Pour répondre aux attentes identitaires de chacun, il faudrait d'abord mettre en avant la nécessité de comportements coopératifs. "Au principe "Identifiez-vous, puis coopérez", on opposerait alors un tout autre principe "Coopérez, puis vous vous identifierez".
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage :
Joël Candau : Professeur au Département de Sociologie-Ethnologie de l'Université de Nice-Sophia Antipolis.
Il est membre élu au Conseil National des Universités, membre de la section "Anthropologie sociale, ethnologie et langues régionales" du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, CTHS (2006-), membre de la Société d'Ethnologie Française, membre du Comité de rédaction de la revue Le monde alpin et rhodanien, expert pour l'AERES et directeur du Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie "Mémoire, Identité et Cognition sociale" (LASMIC, EA 3179).
Il est membre élu au Conseil National des Universités, membre de la section "Anthropologie sociale, ethnologie et langues régionales" du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques, CTHS (2006-), membre de la Société d'Ethnologie Française, membre du Comité de rédaction de la revue Le monde alpin et rhodanien, expert pour l'AERES et directeur du Laboratoire d'Anthropologie et de Sociologie "Mémoire, Identité et Cognition sociale" (LASMIC, EA 3179).
Référence bibliographique :
Dussaux Maryvonne, « «Pourquoi coopérer», Terrain, n° 58, 2012 » [en ligne], Lectures (2012), disponible sur <http://lectures.revues.org/9185>, (consulté le 4 février 2014).
Coopérer, entre efficience et résilience
Auteur de la fiche :
Jean-Michel Cornu
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Description :
Robert Ulanowicz est un écologiste empiriste connu pour ses recherches sur la mesure de la biomasse dans les écosystèmes naturels. Ses découvertes dans ce domaine ont des implications philosophiques importantes dans d'autres domaines complexes, comme celui des réseaux. Il a constaté que les systèmes totalement optimisés ne sont pas durables1. Ainsi, si nous choisissions le plant le plus optimisé de maïs, par exemple, et ne plantions que celui-là , il y a fort à parier qu'au premier parasite, l'ensemble de la récolte serait perdu. Le professeur à l'université de Maryland, aujourd'hui à la retraite, s'est alors intéressé à la durabilité des systèmes et a montré que celui-ci était maximal lorsque l'on trouve le bon équilibre entre l'efficience et la résilience (qui nécessite une plus grande diversité au détriment de l'efficience, afin d'augmenter la capacité d'adaptation aux problèmes qui peuvent survenir). Cet optimum se situe un peu plus près de la résilience que de l'efficience (sur un rapport approximativement de un tiers/deux tiers).
C'est à ce point d'équilibre entre optimisation et adaptabilité, entre ordre et désordre2, qu'émergent de nouvelles possibilités : en un mot, que la possibilité d'innovation est maximale. Ce résultat, sur les dangers de seulement optimiser sans développer l'adaptabilité, n'est pas seulement un constat sur les systèmes biologiques, mais plutôt une règle profonde de tous les systèmes complexes. Il peut ainsi être appliqué au domaine de l'innovation, du fonctionnement en réseau, aux choix complexes et aux civilisations elles-mêmes3.
1 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.
2 Benoît Mandelbrot :"Entre le domaine du désordre incontrôlé et l'ordre excessif d'Euclide, il y a désormais une nouvelle zone d'ordre fractal". Voir également la notion de "dialogique" d'Edgar Morin qui "unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité".
3 Tainter Joseph Anthony, The collapse of complex societies, New studies in archaeology [Texte imprimé] / ed. Wendy Ashmore, Clive Gamble, John O’Shea,... [et al.]. - Cambridge : Cambridge University press, 1976-, Cambridge, Etats-Unis, Etats-Unis, , 2000. L'idée que le manque d'adaptabilité conduit à l'extinction a été reprise et appliquée à l'économie par Clay Shirky dans l'article "The collapse of complex business models" accessible sur son blog (il aurait mieux valu parler de modèle économique compliqué et peu adaptable plutôt que complexe).
C'est à ce point d'équilibre entre optimisation et adaptabilité, entre ordre et désordre2, qu'émergent de nouvelles possibilités : en un mot, que la possibilité d'innovation est maximale. Ce résultat, sur les dangers de seulement optimiser sans développer l'adaptabilité, n'est pas seulement un constat sur les systèmes biologiques, mais plutôt une règle profonde de tous les systèmes complexes. Il peut ainsi être appliqué au domaine de l'innovation, du fonctionnement en réseau, aux choix complexes et aux civilisations elles-mêmes3.
1 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.
2 Benoît Mandelbrot :"Entre le domaine du désordre incontrôlé et l'ordre excessif d'Euclide, il y a désormais une nouvelle zone d'ordre fractal". Voir également la notion de "dialogique" d'Edgar Morin qui "unit deux principes ou notions antagonistes, qui apparemment devraient se repousser l'un l'autre, mais qui sont indissociables et indispensables pour comprendre une même réalité".
3 Tainter Joseph Anthony, The collapse of complex societies, New studies in archaeology [Texte imprimé] / ed. Wendy Ashmore, Clive Gamble, John O’Shea,... [et al.]. - Cambridge : Cambridge University press, 1976-, Cambridge, Etats-Unis, Etats-Unis, , 2000. L'idée que le manque d'adaptabilité conduit à l'extinction a été reprise et appliquée à l'économie par Clay Shirky dans l'article "The collapse of complex business models" accessible sur son blog (il aurait mieux valu parler de modèle économique compliqué et peu adaptable plutôt que complexe).
L'implication
Auteur de la fiche :
Jean Michel Cornu
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Description :
Au début de l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française), les équipes travaillaient dans une grande émulation. De nombreuses premières ont ainsi été rendues possibles grâce à des groupes de personnes passionnées qui inventaient la télévision (la façon de filmer une dramatique, le mécanisme d'incrustation qui permet d'ajouter un fond derrière un présentateur...). Il y eut des innovations merveilleuses et bien sûr également de nombreuses erreurs commises.
Pour financer la télévision qui devenait de plus en plus chère, la publicité fut introduite. Petit à petit, un effet pernicieux apparut : Au moment de la publicité, il fallait que le maximum de personnes regardent la télévision. Il ne devenait plus possible de prendre le risque d'un flop. Les orientations des émissions étaient clairement définies et choisies AVANT par les gestionnaires. L'innovation et la créativité devenaient des facteurs de risque. Les personnes qui réalisaient les émissions devinrent les exécutants de projets entièrement définis et calibrés. Ils perdaient au passage le plaisir de la découverte et la reconnaissance lorsqu'ils inventaient quelque chose d'extraordinaire. Une autre forme de reconnaissance était accordée non plus aux innovateurs mais à ceux qui avaient une place visible grâce à la diffusion grandissante du média. Il devenait intéressant de lutter contre les autres pour obtenir les meilleures places, les meilleurs titres et même la célébrité.
Ceux qui ont voulu continuer à innover ou faire de belles choses se sont vus de moins en moins reconnus, se sont découragés et sont tombés dans le système que François de Closet appelle le système EPM ("Et Puis Merde...")1.
A l'inverse, une des particularités des projets coopératifs est que le coordinateur-propriétaire ne détient finalement que le droit de modifier comme il le souhaite son projet. Chacun peut aller et venir sur son "territoire". Plus les passants auront envie de s'y arrêter et de s'y établir et plus le projet s'enrichira. Pour retenir les meilleurs contributeurs et les plus actifs, il est bon de leur laisser un petit morceau de la propriété sous la forme d'un sous-projet qu'ils peuvent ensuite coordonner, même si ce qu'ils en font n'est pas prévu au départ.
La clé est d'adopter un "laisser-faire actif" tant que les propositions vont dans le sens du projet. Par exemple, il vaut mieux autant que possible que chacun puisse choisir son rôle, cherchant alors à s'investir dans les fonctions non ou mal remplies pour "trouver sa place", plutôt que d'affecter des rôles à l'avance. La théorie des files d'attente présente bien ce genre de rééquilibrage3.
Les biens consommables (ou leur équivalent en argent) sont assez mal adaptés pour constituer une contrepartie efficace, car on se retrouve alors avec un simple échange basé sur une évaluation unitaire de chaque don. Cela montre qu'il est difficile de vivre uniquement du don car nous avons également besoin, entre autre, de biens de consommation pour assurer nos besoins vitaux. Nous verrons cependant que par un effet de ricochet, les gains plus immatériels obtenus dans un système de don peuvent dans un deuxième temps grandement faciliter l'obtention de ces biens matériels.
Les gains que l'on peut s'attendre à recevoir à la suite de ses dons sont de trois ordres :
Dans l'économie d'échange, on obtient en contrepartie de son travail le développement d'un savoir-faire et de l'argent qui permet indirectement de satisfaire ses besoins vitaux et d'acheter ce qui peut faire plaisir (même s'il est possible et souhaitable de prendre du plaisir directement dans son travail).
Dans l'économie du don, on obtient en contre partie de son travail le développement de savoir-faire et du plaisir, ainsi que de la reconnaissance qui permet éventuellement d'obtenir indirectement une valorisation du statut social pour mieux satisfaire ses besoins vitaux.
Le sentiment du travail bien fait constitue également une gratification pour ceux qui y sont sensibles. Il s'agit d'un sentiment personnel indépendant des réactions collectives, nous ne le détaillerons donc pas ici.
Les deux dernières contreparties sont souvent reniées par les purs et durs des projets bénévoles. Le besoin de reconnaissance fait trop penser à sa version pervertie : l'égocentrisme. Quant à l'augmentation des moyens, il n'est possible de l'ignorer que si l'on a résolu tous ses besoins vitaux et obtenu la sécurité. Si cet avantage est souvent nié c'est qu'il comporte des risques importants de déviations comme nous le verrons plus loin. Pour donner une comparaison, la reconnaissance permet d'obtenir ce qu'une société dans l'économie d'échange recherche grâce à son budget marketing ou communication.
De nouveau, quelque chose qui peut sembler négatif dans notre environnement où l'intérêt individuel est antinomique avec l'intérêt collectif, devient un fondement du projet coopératif lorsque l'intérêt individuel et l'intérêt collectif sont réconciliés.
Il faut plus de temps pour " toucher " sa première paye, ce qui explique qu'une économie du don marche d'autant mieux que les acteurs ont déjà résolu leurs besoins vitaux et peuvent se concentrer sur d'autres besoins moins urgents (besoin de reconnaissance, plaisir, acquisition de savoir-faire, faciliter la coopération des autres dans des projets futurs...).
Nous avons vu cependant que deux de ces gains au moins (la satisfaction du besoin de reconnaissance et l'augmentation des moyens) comportent des déviations possibles.
En particulier, la satisfaction du besoin de reconnaissance peut pousser à l'égocentrisme. Dans ce cas la reconnaissance n'est plus reçue des autres mais considérée comme un dû. Cependant, grâce à un mécanisme de régulation naturel, la personne qui tombe dans ce travers et qui ne dispose pas de pouvoir de contrainte sur les autres voit ses pairs se détourner d'elle.
Le coordinateur doit également être attentif au fait que chacun récolte l'estime qu'il mérite. Faire circuler l'information sur les réalisations de chacun, conserver un historique des réalisations sont des moyens efficaces de faciliter l'autorégulation par l'estime.
Nous avons vu que plus la taille des groupes était grande et plus il générait d'opportunités. Cela semble aller à l'inverse de la capacité à recevoir de la reconnaissance, les actions étant noyées dans la masse. Pourtant, il est possible d'être visible même dans les grands groupes car c'est le nombre de contributeurs et non le nombre total de personnes qui compte.
Le nombre de contributeurs réguliers est lui limité. Pour permettre à plus de personnes de s'impliquer, il faut alors progressivement segmenter le projet en sous-projets. Tout l'art du coordinateur consiste à faire progresser son projet au bon rythme depuis une idée unifiée jusqu'à la ramification en sous projets, pour permettre à chaque étape à la fois un nombre minimum de contributeurs et que ce nombre ne soit pas un frein à ce que les contributeurs se voient et soient reconnus.
Le rôle non exclusif lui, permet d'orienter et d'inciter un membre à contribuer (en particulier au début lorsque le nombre des contributeurs est faible ou nul). Mais le rôle doit se conquérir à chaque moment pour recevoir de l'estime en contrepartie. S'il ne s'accompagne pas d'un pouvoir coercitif, la personne ayant un rôle devra motiver d'autres contributeurs s'il veut démultiplier ses résultats suivant un processus proche de celui de la mise en place d'un projet complet. La distribution d'un rôle non exclusif à une personne est une motivation à s'impliquer et peut mener par la suite à la coordination d'un sous-projet fructueux.
Pour cela le coordinateur doit suivre les règles suivantes :
D'autres encore n'ont pas la sécurité matérielle suffisante pour s'engager.
Il reste une troisième classe de personnes qui participent à de très nombreux projets. Ils se joindront avec joie au votre. Mais s'ils peuvent apporter la richesse des liaisons avec d'autres groupes, ils n'auront ni le temps ni l'intérêt de contribuer fortement à votre projet.
Le paradoxe pourrait s'énoncer ainsi : "Sauf exception, les meilleurs contributeurs n'ont pas le temps de s'investir dans votre projet."
Cette fois encore, il est nécessaire de faire jouer les mécanismes de régulation. Quelqu'un qui arrive dans un projet ne peut jamais être certain que celui-ci est réellement intéressant pour lui ou même qu'il le restera. Il faut donc minimiser le risque de s'engager dans un nouveau projet.
Pour cela il existe deux critères :
Le financement direct des personnes pour un projet pose des problèmes d'acceptation par les autres personnes non rémunérées et d'obligation de résultats qui imposent d'autres méthodes de travail. Une personne peut cependant être salariée par une organisation participante au projet. Elle est alors payée pour son rôle de lien avec le projet plutôt que directement pour le travail qu'elle fait dans le cadre du projet.
Si un coordinateur constitue une communauté d'utilisateurs qui ne peuvent que difficilement faire le choix de sortir de la communauté, alors la communauté est dite fermée. Si au contraire la communauté permet à tout utilisateur de sortir aisément, si les contributions peuvent venir de toute personne, alors la communauté est ouverte. Il semble que quelques règles se détachent pour former un groupe ouvert :
La mise en place d'une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs est un choix préférable à celui d'une communauté fermée.
Les sectes sont des groupes fermés. L'appartenance à d'autres groupes tout comme la sortie de la secte sont fortement découragés. Le gourou dispose de plus d'un pouvoir de contrainte sur ses membres.
Les critères que nous avons donnés ne concernent pas le mode d'entrée dans la communauté. Il existe des cas où des communautés mettent des freins à l'entrée en utilisant la cooptation ou d'autres mécanismes. Il en existe plusieurs types tels que le noyau de coordination d'un projet lorsqu'il comporte plusieurs personnes ou la communauté des coordinateurs de projet.
Les utilisateurs ne choisissent pas chaque membre du noyau de coordination mais sanctionnent l'efficacité de l'équipe de coordination en contribuant ou au contraire en sortant de la communauté. L'information dont ils disposent est un critère clé pour éviter les déviations. Paradoxalement, le fonctionnement est similaire à une bourse de valeurs ou d'un marché financier : On "parie" sur une idée, sur une stratégie, sur une équipe et la sanction est l'accroissement de la demande du titre.
Dans tous les cas, il est préférable que le noyau de coordination (et également le nombre de tâches critiques) reste le plus petit possible pour éviter la complexité grandissante imposée par la loi de Brooks. Dans l'idéal, le coordinateur est seul.
Une solution consiste à former un groupe de pilotage. Celui-ci rassemble des membres de la communauté auxquels on a donné des rôles (non exclusifs et non critiques) pour qu'ils prennent en charge des tâches dont aucune n'est vitale pour le projet. Un tel groupe de pilotage non critique permet alors de disposer de contributeurs particulièrement actifs qui peuvent même prendre en charge la coordination d'un sous projet sans que la défaillance de l'un d'eux ne mette le reste du projet en péril.
Ainsi, dans les logiciels libres, il existe deux types de communautés. Les hackers (également appelés hackers éthiques pour les distinguer des autres) : Il s'agit souvent de personnes qui mettent en place des projets coopératifs de développement de logiciels libres. Ils tiennent leur reconnaissance (et donc leur statut de hackers), non seulement de la communauté des hackers, mais également des utilisateurs-contributeurs de leurs communautés ouvertes.
Les communautés d'intérêt comme celles des hackers protègent leur cohérence de l'extérieur par des mécanismes de sélection :
A l'inverse, les " crackers " sont des pirates informatiques qui développent en secret des virus ou piratent des sites Internet. La communauté des crackers est formée des personnes qui se reconnaissent entre eux comme crackers. S'ils ont l'équivalent d'utilisateurs (qui le sont bien malgré eux !), ils n'ont pas de communauté ouverte de contributeurs. La régulation par l'implication des utilisateurs-contributeurs ne peut pas se faire.
Une communauté dont l'entrée n'est pas ouverte n'est donc pas nécessairement une mauvaise chose si elle permet de constituer un noyau de coordination cohérent par cooptation ou permet des échanges entre des personnes ayant une culture commune. Cependant elle doit permettre la sortie et la multi-appartenance pour rester ouverte et elle doit être basée sur d'autres communautés ouvertes pour permettre les mécanismes de régulation de la reconnaissance et ainsi éviter les déviations.
Un groupe ouvert permet à chacun de sortir à tout moment et encourage la multi-appartenance à l'initiative du membre.
Pour minimiser le risque de s'engager dans un projet il faut :
Nous avons souvent une vision linéaire des choses. Mais de nombreux phénomènes se produisent de façon non linéaire en fonction d'un seuil. Un domaine où l'on rencontre souvent ce genre de seuil et de basculement est la psychologie.
Si le coordinateur propose dans un message à ses utilisateurs de contribuer activement, il doit redonner tous les éléments afin que ceux qui reçoivent son message n'aient pas à rechercher des informations supplémentaires pour contribuer. Sinon il ne pourra que se lamenter du manque de dynamisme de ses utilisateurs. Il en sera pourtant le premier responsable. Réfléchissez un instant aux différentes fois dans votre vie où vous vous êtes impliqués et à celles où finalement vous n'avez rien fait. Votre attitude dépendait de votre intérêt direct pour ce qui est proposé, de la dynamique du groupe, mais aussi de petits détails apparemment insignifiants qui ont facilité ou non votre première action.
Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte.
Il existe une règle d'or pour faciliter les actions des contributeurs. Elle tient en 4 lettres :
K.I.S.S (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple).
Ne considérez surtout pas que tous les participants à votre projet ont une compréhension aussi bonne que vous qui en êtes au coeur. Il y a plusieurs raisons pour cela :
Les informations que vous communiquez à vos participants doivent probablement être plus facilement compréhensibles avec votre tournure d'esprit qu'avec la leur.
Vos participants n'ont pas eu accès à l'ensemble des informations, en particulier celles qui vous ont semblé suffisamment évidentes pour que vous ne leur transmettiez pas.
Enfin, même si certains contributeurs peuvent être très impliqués, ils le seront toujours moins que vous et donc sélectionnent et assimilent mieux le sous-ensemble des informations qui les concerne dans le projet.
Être réactif... Cette règle peut sembler toute simple mais c'est souvent elle qui fait la réussite ou l'échec de l'implication des personnes. Il faut bien comprendre que le mécanisme qui permet d'agir évolue dans le temps. Plus le temps passe et plus il devient difficile d'agir. A chaque instant le seuil se met à remonter.
En gestion du temps, il est toujours recommandé de commencer tout de suite ce que l'on a à faire. Sinon il faudra encore plus de volonté pour le faire plus tard. La "maladie" qui consiste à reporter à plus tard s'appelle la "procrastination".
Si vous souhaitez coordonner un projet, ne cherchez pas à être simplement réactif : cherchez à surprendre vos membres en étant hyper-réactif ! Vous verrez qu'ainsi, non seulement vous habituerez vos contributeurs à être eux-mêmes réactifs, mais également ils se sentiront plus reconnus, si vous réagissez promptement à leurs suggestions et vous sauverez également un temps énorme simplement en réagissant souvent et rapidement.
Deux règles sont indispensables pour abaisser le seuil
1 François de Closet, "Le système EPM. Et puis merde", Paris, Ed. Grasset
2 Norbert Alter, "Sociologie de l'entreprise et de l'innovation, Paris, PUF, 1996
3 Théorie des files d'attentes (queeing theory) en recherche opérationnelle, voir par exemple http://chronomath.irem.univ-mrs.fr/LudoMath/ro.html "methods of operations research", par P.M. Morse et G.E. Kimball, Chapman et Hall, Londres, 1950
4 Laurence J. Peters & Raymond Hull, "The Peter Principle : why things always go wrong", Morrow William & Co (1969) "in a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." Voir également une interview de Peters sur http://www.reasonmag.com/9710/int.peters.html
5 Voir par exemple sur http://www.ping.be/chaoflight/pageen/bookchaos.htm et en particulier : Ilya Prigogine, "les lois du Chaos", Flammarion, Paris 1997
Source : Jean-Michel Cornu - La coopération, nouvelles approches. [en ligne]. [Consulté le 29 janvier 2014]. Disponible à l’adresse : http://www.cornu.eu.org/texts/cooperation
Crédits photo : Via catalana by SBA73 sur Flickr - CC-BY-SA
Les motivations pour faciliter l'implication
Livre "la coopération, nouvelles approches" version 1.0Paradoxe : Le système EPM
Un projet ne se développe pas simplement parce que les participants font bien ce qu'on leur dit de faire, mais aussi parce qu'ils s'impliquent.Au début de l'ORTF (Office de Radio et Télévision Française), les équipes travaillaient dans une grande émulation. De nombreuses premières ont ainsi été rendues possibles grâce à des groupes de personnes passionnées qui inventaient la télévision (la façon de filmer une dramatique, le mécanisme d'incrustation qui permet d'ajouter un fond derrière un présentateur...). Il y eut des innovations merveilleuses et bien sûr également de nombreuses erreurs commises.
Pour financer la télévision qui devenait de plus en plus chère, la publicité fut introduite. Petit à petit, un effet pernicieux apparut : Au moment de la publicité, il fallait que le maximum de personnes regardent la télévision. Il ne devenait plus possible de prendre le risque d'un flop. Les orientations des émissions étaient clairement définies et choisies AVANT par les gestionnaires. L'innovation et la créativité devenaient des facteurs de risque. Les personnes qui réalisaient les émissions devinrent les exécutants de projets entièrement définis et calibrés. Ils perdaient au passage le plaisir de la découverte et la reconnaissance lorsqu'ils inventaient quelque chose d'extraordinaire. Une autre forme de reconnaissance était accordée non plus aux innovateurs mais à ceux qui avaient une place visible grâce à la diffusion grandissante du média. Il devenait intéressant de lutter contre les autres pour obtenir les meilleures places, les meilleurs titres et même la célébrité.
Ceux qui ont voulu continuer à innover ou faire de belles choses se sont vus de moins en moins reconnus, se sont découragés et sont tombés dans le système que François de Closet appelle le système EPM ("Et Puis Merde...")1.
Laissez les meilleurs contributeurs s'approprier des morceaux du projet
Lorsque les émissions de télévisions sont devenues des événements critiques, il a fallut supprimer le droit à l'erreur. Mais l'innovation et la créativité sont des processus non robotisés. Elles imposent souvent de nombreux échecs pour arriver à une idée géniale. Une planification précise prévoyant ce qui doit se passer tue l'innovation. Ainsi, Norbert Alter2 explique que les innovateurs ne sont pas reconnus au début et même souvent rejetés.A l'inverse, une des particularités des projets coopératifs est que le coordinateur-propriétaire ne détient finalement que le droit de modifier comme il le souhaite son projet. Chacun peut aller et venir sur son "territoire". Plus les passants auront envie de s'y arrêter et de s'y établir et plus le projet s'enrichira. Pour retenir les meilleurs contributeurs et les plus actifs, il est bon de leur laisser un petit morceau de la propriété sous la forme d'un sous-projet qu'ils peuvent ensuite coordonner, même si ce qu'ils en font n'est pas prévu au départ.
La clé est d'adopter un "laisser-faire actif" tant que les propositions vont dans le sens du projet. Par exemple, il vaut mieux autant que possible que chacun puisse choisir son rôle, cherchant alors à s'investir dans les fonctions non ou mal remplies pour "trouver sa place", plutôt que d'affecter des rôles à l'avance. La théorie des files d'attente présente bien ce genre de rééquilibrage3.
La contrepartie du don
Comme nous l'avons vu, coopérer à un projet, et même s'investir et donner sans attendre de contrepartie immédiate n'est pas forcément un acte altruiste mais une façon de concilier son intérêt personnel avec l'intérêt collectif en différant et globalisant la contrepartie reçue.Les biens consommables (ou leur équivalent en argent) sont assez mal adaptés pour constituer une contrepartie efficace, car on se retrouve alors avec un simple échange basé sur une évaluation unitaire de chaque don. Cela montre qu'il est difficile de vivre uniquement du don car nous avons également besoin, entre autre, de biens de consommation pour assurer nos besoins vitaux. Nous verrons cependant que par un effet de ricochet, les gains plus immatériels obtenus dans un système de don peuvent dans un deuxième temps grandement faciliter l'obtention de ces biens matériels.
Les gains que l'on peut s'attendre à recevoir à la suite de ses dons sont de trois ordres :
- Le savoir-faire
- Le plaisir
- La reconnaissance
Dans l'économie d'échange, on obtient en contrepartie de son travail le développement d'un savoir-faire et de l'argent qui permet indirectement de satisfaire ses besoins vitaux et d'acheter ce qui peut faire plaisir (même s'il est possible et souhaitable de prendre du plaisir directement dans son travail).
Dans l'économie du don, on obtient en contre partie de son travail le développement de savoir-faire et du plaisir, ainsi que de la reconnaissance qui permet éventuellement d'obtenir indirectement une valorisation du statut social pour mieux satisfaire ses besoins vitaux.
Le sentiment du travail bien fait constitue également une gratification pour ceux qui y sont sensibles. Il s'agit d'un sentiment personnel indépendant des réactions collectives, nous ne le détaillerons donc pas ici.
Première contrepartie :Le savoir-faire
Toute participation à un projet doit permettre d'acquérir des savoir-faire dans les domaines opérationnels où nous nous impliquons, mais également le sens de la participation et de la gestion de projets. De ce point de vue, on peut comparer l'acquisition de savoir-faire à ce qu'une société dans l'économie d'échange cherche à obtenir avec son budget formation et son budget recherche et développement.Deuxième contrepartie : Le plaisir
Cela pourrait sembler un bien faible résultat que l'on peut obtenir de bien d'autres façons. Pourtant, dans l'économie d'échange également, une fois nos besoins vitaux remplis, l'argent sert principalement à contenter notre besoin de plaisir et même notre besoin de paraître et notre besoin de montrer à autrui notre réussite sociale au travers de biens plus luxueux et de voyages, spectacles, etc. Dans les projets coopératifs le plaisir n'est plus apporté indirectement grâce aux gains en argent, mais directement par le projet lui-même. Il s'agit même d'un critère primordial dans la gestion du projet : celui-ci doit permettre aux participants d'y trouver du plaisir et en contrepartie, le plaisir agit comme un moteur pour susciter l'implication qui est une des clés de la réussite de tout projet.Troisième contrepartie : La reconnaissance
Il s'agit d'un gain fondamental dans un projet coopératif libre. De la même façon que l'économie d'échange n'apporte pas directement la satisfaction des besoins vitaux mais apporte l'argent qui permet de les prendre en charge, la reconnaissance apporte par ricochet plusieurs avantages :- Un moyen très efficace pour attirer la coopération des autres dans les projets que nous pourrions proposer.
- La satisfaction du besoin de reconnaissance que nous avons tous.
- L'augmentation des moyens (embauche, promotion) qui résulte de façon indirecte de l'estime que nous suscitons ou des titres que nous avons acquis.
Les deux dernières contreparties sont souvent reniées par les purs et durs des projets bénévoles. Le besoin de reconnaissance fait trop penser à sa version pervertie : l'égocentrisme. Quant à l'augmentation des moyens, il n'est possible de l'ignorer que si l'on a résolu tous ses besoins vitaux et obtenu la sécurité. Si cet avantage est souvent nié c'est qu'il comporte des risques importants de déviations comme nous le verrons plus loin. Pour donner une comparaison, la reconnaissance permet d'obtenir ce qu'une société dans l'économie d'échange recherche grâce à son budget marketing ou communication.
De nouveau, quelque chose qui peut sembler négatif dans notre environnement où l'intérêt individuel est antinomique avec l'intérêt collectif, devient un fondement du projet coopératif lorsque l'intérêt individuel et l'intérêt collectif sont réconciliés.
Les déviations de la reconnaissance
La reconnaissance joue dans l'économie du don le rôle de l'argent avec les différences que nous avons déjà identifiées : évaluation globale a posteriori sur tous les dons. La contrepartie n'est pas demandée mais reçue de l'ensemble de la communauté.Il faut plus de temps pour " toucher " sa première paye, ce qui explique qu'une économie du don marche d'autant mieux que les acteurs ont déjà résolu leurs besoins vitaux et peuvent se concentrer sur d'autres besoins moins urgents (besoin de reconnaissance, plaisir, acquisition de savoir-faire, faciliter la coopération des autres dans des projets futurs...).
Nous avons vu cependant que deux de ces gains au moins (la satisfaction du besoin de reconnaissance et l'augmentation des moyens) comportent des déviations possibles.
En particulier, la satisfaction du besoin de reconnaissance peut pousser à l'égocentrisme. Dans ce cas la reconnaissance n'est plus reçue des autres mais considérée comme un dû. Cependant, grâce à un mécanisme de régulation naturel, la personne qui tombe dans ce travers et qui ne dispose pas de pouvoir de contrainte sur les autres voit ses pairs se détourner d'elle.
Les différents types de reconnaissance
Pour ce qui est de l'augmentation des moyens par l'intermédiaire de l'augmentation du statut social, il faut distinguer plusieurs formes de reconnaissance. Si chacune apporte une forme de pouvoir, il est là aussi nécessaire de voir s'il y est associée ou non une possibilité de contrainte sur les autres.- Le titre honorifique n'est normalement obtenu qu'après la fin de sa participation à un projet. Pour que ce type de reconnaissance fonctionne bien, il faut qu'il n'y ait plus d'implication ensuite dans le projet. Le titre apporte alors une mesure de la reconnaissance obtenue sans apporter de pouvoir. Les seules déviations possibles sont de continuer à avoir une implication et la mauvaise évaluation de la récompense. Celle-ci risque particulièrement d'arriver si seul une personne ou un petit groupe décide d'attribuer le titre. Il est alors possible d'influencer la personne chargée de l'attribution pour obtenir un titre non mérité ou à l'inverse le faire refuser à quelqu'un.
- L'estime est obtenue pendant le déroulement du projet et permet à celui qui la reçoit de continuer à agir en attirant plus facilement encore la coopération des autres. Son grand inconvénient est qu'elle n'est pas mesurable (il n'y a pas " d'unité d'estime "), même si elle peut être...estimée. Mais cette forme de reconnaissance apporte de nombreux avantages. L'évaluation se fait en continu et peut augmenter ou diminuer par un phénomène d'autocorrection permanent. L'évaluation est distribuée car elle est réalisée par tous. Elle se fait sur ce que l'on a réalisé et non sur ce que l'on annonce. Elle apporte un pouvoir non contraignant : il sera plus facile d'attirer la coopération des autres mais l'estime ne permet pas d'obliger à coopérer. Enfin dernier avantage, le nombre de personnes qui peuvent recevoir de l'estime n'est pas limité, nous sommes dans une économie d'abondance qui facilite la redistribution de l'estime aux autres.
- Le titre opérationnel est obtenu avant de remplir le rôle qui lui est associé. Cette fois, il s'agit d'une mesure facilement identifiable. Mais l'évaluation se fait à un moment donné par une personne ou un petit groupe sur la base de l'estime obtenue dans d'autres rôles. Le titre peut également être obtenu à partir de l'annonce de ce qui va être fait (comme par exemple dans les appels d'offres pour obtenir un contrat). Nous sommes alors complètement dans le domaine du principe de Peters 4 : " Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence ". C'est une des conséquences de ce système d'évaluation " a priori ". Un des points important est que le titre opérationnel donne la plupart du temps un pouvoir de contrainte sur des " subalternes " que l'on voudrait faire coopérer. Enfin, le nombre de postes disponibles est limité et pour pouvoir donner un titre opérationnel, il faut bien souvent en libérer un.
Première règle : faciliter les mécanismes de contrepartie
L'un des rôles fondamentaux du coordinateur d'un projet est de faire en sorte que chacun trouve son intérêt dans la coopération avec les autres. Pour cela il est important d'être attentif de façon continue pour faciliter l'apprentissage de choses nouvelles et les moments de plaisir surtout si ceux-ci sont collectifs.Le coordinateur doit également être attentif au fait que chacun récolte l'estime qu'il mérite. Faire circuler l'information sur les réalisations de chacun, conserver un historique des réalisations sont des moyens efficaces de faciliter l'autorégulation par l'estime.
Deuxième règle : Permettre à chacun de se voir en construisant par étape
Avant même de réaliser de grandes choses, le membre de la communauté va tester inconsciemment la capacité de la communauté à reconnaître ses résultats.Nous avons vu que plus la taille des groupes était grande et plus il générait d'opportunités. Cela semble aller à l'inverse de la capacité à recevoir de la reconnaissance, les actions étant noyées dans la masse. Pourtant, il est possible d'être visible même dans les grands groupes car c'est le nombre de contributeurs et non le nombre total de personnes qui compte.
Le nombre de contributeurs réguliers est lui limité. Pour permettre à plus de personnes de s'impliquer, il faut alors progressivement segmenter le projet en sous-projets. Tout l'art du coordinateur consiste à faire progresser son projet au bon rythme depuis une idée unifiée jusqu'à la ramification en sous projets, pour permettre à chaque étape à la fois un nombre minimum de contributeurs et que ce nombre ne soit pas un frein à ce que les contributeurs se voient et soient reconnus.
Troisième règle : Ne donnez pas des titres mais des rôles non exclusifs aux participants
La subtilité entre le titre et le rôle est importante. Le titre apporte une concrétisation d'une reconnaissance. Il est souvent exclusif, ce qui bloque la possibilité d'avoir d'autres personnes qui assument le rôle ouvertement si le niveau d'incompétence est atteint. Par ailleurs le titre s'accompagne souvent d'un pouvoir coercitif qui va à l'encontre des mécanismes de régulations par les participants proposés pour les projets coopératifs.Le rôle non exclusif lui, permet d'orienter et d'inciter un membre à contribuer (en particulier au début lorsque le nombre des contributeurs est faible ou nul). Mais le rôle doit se conquérir à chaque moment pour recevoir de l'estime en contrepartie. S'il ne s'accompagne pas d'un pouvoir coercitif, la personne ayant un rôle devra motiver d'autres contributeurs s'il veut démultiplier ses résultats suivant un processus proche de celui de la mise en place d'un projet complet. La distribution d'un rôle non exclusif à une personne est une motivation à s'impliquer et peut mener par la suite à la coordination d'un sous-projet fructueux.
Résumé
Pour que les contributeurs les plus innovants s'impliquent de plus en plus et restent motivés il faut faciliter les mécanismes naturels de contrepartie :- Le développement de savoir-faire
- Le plaisir
- La reconnaissance
Pour cela le coordinateur doit suivre les règles suivantes :
- Faciliter les mécanismes de contrepartie (savoir-faire, plaisir, reconnaissance).
- Permettre à chacun de se voir en construisant le projet par étape.
- Ne pas donner des titres mais des rôles non exclusifs aux participants pour qu'ils s'approprient des morceaux du projet.
Réduire les risques à s'impliquer dans un groupe
Paradoxe : seuls ceux qui ne font rien ont du temps
Sans doute, si vous avez déjà cherché à rassembler des personnes, êtes-vous tombés sur ce curieux paradoxe : Ceux qui pourraient apporter le plus à une communauté sont soit déjà impliqués dans d'autres groupes, soit ils sont en train de monter leur propre projet. Ils n'ont donc pas le temps nécessaire pour s'investir dans votre projet.D'autres encore n'ont pas la sécurité matérielle suffisante pour s'engager.
Il reste une troisième classe de personnes qui participent à de très nombreux projets. Ils se joindront avec joie au votre. Mais s'ils peuvent apporter la richesse des liaisons avec d'autres groupes, ils n'auront ni le temps ni l'intérêt de contribuer fortement à votre projet.
Le paradoxe pourrait s'énoncer ainsi : "Sauf exception, les meilleurs contributeurs n'ont pas le temps de s'investir dans votre projet."
Réduire les risques lors de l'engagement
Ceux qui sont sollicités souvent pour participer aux projets ont pris l'habitude de d'abord dire non et éventuellement de réfléchir ensuite. Pour n'avoir que très mal suivi cette règle, je me suis souvent retrouvé surchargé par de trop nombreux engagements. Cela ne peut se faire qu'au détriment de son implication dans les projets auxquels on participe ou que l'on monte.Cette fois encore, il est nécessaire de faire jouer les mécanismes de régulation. Quelqu'un qui arrive dans un projet ne peut jamais être certain que celui-ci est réellement intéressant pour lui ou même qu'il le restera. Il faut donc minimiser le risque de s'engager dans un nouveau projet.
Pour cela il existe deux critères :
- L'un dépend de la personne elle-même : On peut s'impliquer lorsque l'on a réglé ses besoins de sécurité matérielle.
- L'autre dépend du groupe : L'entrée dans un groupe ne doit pas être un engagement à y contribuer ou même à y rester.
Première Règle : chacun doit disposer d'une sécurité matérielle
Il est nécessaire que chacun ait résolu ses problèmes de sécurité matérielle :- Soit en participant au projet dans le cadre de son travail si l'organisation à laquelle il appartient y voit son intérêt,
- soit en ayant une marge de manoeuvre suffisante pour participer bénévolement.
Le financement direct des personnes pour un projet pose des problèmes d'acceptation par les autres personnes non rémunérées et d'obligation de résultats qui imposent d'autres méthodes de travail. Une personne peut cependant être salariée par une organisation participante au projet. Elle est alors payée pour son rôle de lien avec le projet plutôt que directement pour le travail qu'elle fait dans le cadre du projet.
Les communautés ouvertes et fermées
Un domaine important dans la mise en place des projets coopératifs concerne l'aspect ouvert ou fermé des groupes.Si un coordinateur constitue une communauté d'utilisateurs qui ne peuvent que difficilement faire le choix de sortir de la communauté, alors la communauté est dite fermée. Si au contraire la communauté permet à tout utilisateur de sortir aisément, si les contributions peuvent venir de toute personne, alors la communauté est ouverte. Il semble que quelques règles se détachent pour former un groupe ouvert :
- Chaque membre de la communauté peut sortir de lui-même à tout moment de la communauté. Si un membre perturbe le fonctionnement de la communauté, le coordinateur garde la possibilité de l'exclure. Il n'a cependant pas le pouvoir de maintenir dans la communauté quelqu'un qui veut en sortir.
- Il est possible et même très positif de faire partie de plusieurs communautés. Chacun peut choisir librement les groupes auxquels il souhaite participer.
La mise en place d'une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs est un choix préférable à celui d'une communauté fermée.
Les sectes sont des groupes fermés. L'appartenance à d'autres groupes tout comme la sortie de la secte sont fortement découragés. Le gourou dispose de plus d'un pouvoir de contrainte sur ses membres.
Les critères que nous avons donnés ne concernent pas le mode d'entrée dans la communauté. Il existe des cas où des communautés mettent des freins à l'entrée en utilisant la cooptation ou d'autres mécanismes. Il en existe plusieurs types tels que le noyau de coordination d'un projet lorsqu'il comporte plusieurs personnes ou la communauté des coordinateurs de projet.
Noyau de coordination et groupe de pilotage
Nous avons vu que la grande différence entre les contributeurs et les coordinateurs résidait dans le côté critique ou non critique des tâches exécutées. Ainsi le noyau de coordination d'un projet peut parfois comprendre plusieurs personnes. Dans ce cas, il est préférable de choisir très soigneusement l'équipe de coordination dont chaque membre prendra en charge des tâches critiques. La cooptation est alors le meilleur système. C'est au coordinateur principal de choisir ses partenaires et d'assurer la cohérence de l'équipe.Les utilisateurs ne choisissent pas chaque membre du noyau de coordination mais sanctionnent l'efficacité de l'équipe de coordination en contribuant ou au contraire en sortant de la communauté. L'information dont ils disposent est un critère clé pour éviter les déviations. Paradoxalement, le fonctionnement est similaire à une bourse de valeurs ou d'un marché financier : On "parie" sur une idée, sur une stratégie, sur une équipe et la sanction est l'accroissement de la demande du titre.
Dans tous les cas, il est préférable que le noyau de coordination (et également le nombre de tâches critiques) reste le plus petit possible pour éviter la complexité grandissante imposée par la loi de Brooks. Dans l'idéal, le coordinateur est seul.
Une solution consiste à former un groupe de pilotage. Celui-ci rassemble des membres de la communauté auxquels on a donné des rôles (non exclusifs et non critiques) pour qu'ils prennent en charge des tâches dont aucune n'est vitale pour le projet. Un tel groupe de pilotage non critique permet alors de disposer de contributeurs particulièrement actifs qui peuvent même prendre en charge la coordination d'un sous projet sans que la défaillance de l'un d'eux ne mette le reste du projet en péril.
La communauté des pairs
La communauté des coordinateurs de projets est un cas de communauté par cooptation : les personnes rentrent dans la communauté lorsqu'elles sont reconnues par leurs pairs. Ici, la communauté n'a qu'un but d'échanges. N'ayant rien à produire en commun, il n'y a pas de tâches critiques. Elle sert principalement à apporter des échanges et de la reconnaissance entre ses membres. Une telle communauté fermée est cependant dangereuse si la reconnaissance n'est basée que sur ses membres et non sur une communauté ouverte d'utilisateurs-contributeurs.Ainsi, dans les logiciels libres, il existe deux types de communautés. Les hackers (également appelés hackers éthiques pour les distinguer des autres) : Il s'agit souvent de personnes qui mettent en place des projets coopératifs de développement de logiciels libres. Ils tiennent leur reconnaissance (et donc leur statut de hackers), non seulement de la communauté des hackers, mais également des utilisateurs-contributeurs de leurs communautés ouvertes.
Les communautés d'intérêt comme celles des hackers protègent leur cohérence de l'extérieur par des mécanismes de sélection :
- Le vocabulaire ou le contexte social permet la reconnaissance entre les membres.
- La nécessité d'un temps d'initiation permet d'acquérir des qualités nécessaires pour être reconnu comme membre du groupe (compétences techniques, patience, sens du compromis...). Les secrets doivent être découverts progressivement.
A l'inverse, les " crackers " sont des pirates informatiques qui développent en secret des virus ou piratent des sites Internet. La communauté des crackers est formée des personnes qui se reconnaissent entre eux comme crackers. S'ils ont l'équivalent d'utilisateurs (qui le sont bien malgré eux !), ils n'ont pas de communauté ouverte de contributeurs. La régulation par l'implication des utilisateurs-contributeurs ne peut pas se faire.
Une communauté dont l'entrée n'est pas ouverte n'est donc pas nécessairement une mauvaise chose si elle permet de constituer un noyau de coordination cohérent par cooptation ou permet des échanges entre des personnes ayant une culture commune. Cependant elle doit permettre la sortie et la multi-appartenance pour rester ouverte et elle doit être basée sur d'autres communautés ouvertes pour permettre les mécanismes de régulation de la reconnaissance et ainsi éviter les déviations.
Deuxième règle : Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester
Cette "ouverture" peut apparaître comme un inconvénient, et il semblerait plus intéressant à court terme de rendre ses utilisateurs "captifs". Mais la véritable évaluation du projet passe par l'estime qu'en ont les utilisateurs qui choisissent de contribuer ou au contraire de partir. Les remises en questions imposées par cette évaluation permanente poussent le projet vers un cercle vertueux de qualité. Bien sûr le coordinateur garde cependant le pouvoir d'exclure un membre qui perturberait le fonctionnement d'ensemble.Résumé
Pour que les bons contributeurs ne perçoivent pas la participation à votre projet comme un engagement à risque, il faut à la fois qu'ils aient une certaine sécurité matérielle mais aussi que le groupe soit ouvert.Un groupe ouvert permet à chacun de sortir à tout moment et encourage la multi-appartenance à l'initiative du membre.
Pour minimiser le risque de s'engager dans un projet il faut :
- Disposer d'une sécurité matérielle pour chacun.
- Entrer dans un projet ne doit être un engagement ni à y contribuer ni à y rester.
L'implication : abaisser le seuil de passage à l'acte
Paradoxe : le train est parti
Si vous arrivez juste à temps pour attraper votre train, vous pourrez monter dedans et voyager comme prévu. Si vous arrivez 20 minutes à l'avance, vous avez une marge de sécurité et la durée totale de votre voyage (attentes comprises) sera allongée de 20 minutes. Mais si vous arrivez quelques secondes après le départ du train, alors tout votre voyage est chamboulé car vous avez raté votre train !Nous avons souvent une vision linéaire des choses. Mais de nombreux phénomènes se produisent de façon non linéaire en fonction d'un seuil. Un domaine où l'on rencontre souvent ce genre de seuil et de basculement est la psychologie.
Abaisser le "seuil de passage à l'acte"
Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal. La théorie mathématique du chaos exprime bien le seuil qui fait passer de l'attitude passive à la coopération5. Ce seuil dépend de chaque personne mais aussi de l'environnement.Exemple : inciter à l'action en envoyant un message électronique
Prenons par exemple un message Internet demandant aux utilisateurs de regarder une page spécifique de votre site web. Si l'adresse de la page est dans le message et que l'utilisateur n'a plus qu'à cliquer, vous aurez bien plus de personnes qui iront voir votre page que si vous considérez qu'ils ont déjà l'adresse de votre site et qu'ils peuvent très bien se débrouiller pour la retrouver. L'ennemie dans ce cas est la phrase que l'on entend beaucoup trop dans des projets : "c'est leur problème !".Si le coordinateur propose dans un message à ses utilisateurs de contribuer activement, il doit redonner tous les éléments afin que ceux qui reçoivent son message n'aient pas à rechercher des informations supplémentaires pour contribuer. Sinon il ne pourra que se lamenter du manque de dynamisme de ses utilisateurs. Il en sera pourtant le premier responsable. Réfléchissez un instant aux différentes fois dans votre vie où vous vous êtes impliqués et à celles où finalement vous n'avez rien fait. Votre attitude dépendait de votre intérêt direct pour ce qui est proposé, de la dynamique du groupe, mais aussi de petits détails apparemment insignifiants qui ont facilité ou non votre première action.
Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte.
Première règle : KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)
Un projet trouvera des contributeurs si ceux-ci arrivent à comprendre ce qu'a voulu faire l'initiateur. A chaque étape, les choix doivent être simples et compréhensibles. Ce sont d'ailleurs le plus souvent les solutions simples qui sont les meilleures.Il existe une règle d'or pour faciliter les actions des contributeurs. Elle tient en 4 lettres :
K.I.S.S (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple).
Ne considérez surtout pas que tous les participants à votre projet ont une compréhension aussi bonne que vous qui en êtes au coeur. Il y a plusieurs raisons pour cela :
Les informations que vous communiquez à vos participants doivent probablement être plus facilement compréhensibles avec votre tournure d'esprit qu'avec la leur.
Vos participants n'ont pas eu accès à l'ensemble des informations, en particulier celles qui vous ont semblé suffisamment évidentes pour que vous ne leur transmettiez pas.
Enfin, même si certains contributeurs peuvent être très impliqués, ils le seront toujours moins que vous et donc sélectionnent et assimilent mieux le sous-ensemble des informations qui les concerne dans le projet.
Deuxième règle : Soyez réactif avant tout
A l'opposé, un projet présenté de longue date et qui ne démarre pas laisse le participant potentiel dans une attitude de non-participation qu'il sera difficile de lui faire quitter. Attention donc aux promesses d'actions qui sont retardées. Ces retards au démarrage sont fréquents dans les projets traditionnels basés sur des contraintes (par exemple financières). Ils tuent la motivation et l'opportunité de faire basculer les participants potentiels vers la coopération.Être réactif... Cette règle peut sembler toute simple mais c'est souvent elle qui fait la réussite ou l'échec de l'implication des personnes. Il faut bien comprendre que le mécanisme qui permet d'agir évolue dans le temps. Plus le temps passe et plus il devient difficile d'agir. A chaque instant le seuil se met à remonter.
En gestion du temps, il est toujours recommandé de commencer tout de suite ce que l'on a à faire. Sinon il faudra encore plus de volonté pour le faire plus tard. La "maladie" qui consiste à reporter à plus tard s'appelle la "procrastination".
Si vous souhaitez coordonner un projet, ne cherchez pas à être simplement réactif : cherchez à surprendre vos membres en étant hyper-réactif ! Vous verrez qu'ainsi, non seulement vous habituerez vos contributeurs à être eux-mêmes réactifs, mais également ils se sentiront plus reconnus, si vous réagissez promptement à leurs suggestions et vous sauverez également un temps énorme simplement en réagissant souvent et rapidement.
Résumé
Outre l'augmentation de la motivation et la minimisation des risques, le secret de l'implication est dans l'abaissement du seuil de passage à l'acte.Deux règles sont indispensables pour abaisser le seuil
- KISS (Keep It Simple and Stupid - Restez bête et simple)
- Le secret : soyez hyper-réactifs
1 François de Closet, "Le système EPM. Et puis merde", Paris, Ed. Grasset
2 Norbert Alter, "Sociologie de l'entreprise et de l'innovation, Paris, PUF, 1996
3 Théorie des files d'attentes (queeing theory) en recherche opérationnelle, voir par exemple http://chronomath.irem.univ-mrs.fr/LudoMath/ro.html "methods of operations research", par P.M. Morse et G.E. Kimball, Chapman et Hall, Londres, 1950
4 Laurence J. Peters & Raymond Hull, "The Peter Principle : why things always go wrong", Morrow William & Co (1969) "in a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." Voir également une interview de Peters sur http://www.reasonmag.com/9710/int.peters.html
5 Voir par exemple sur http://www.ping.be/chaoflight/pageen/bookchaos.htm et en particulier : Ilya Prigogine, "les lois du Chaos", Flammarion, Paris 1997
Source : Jean-Michel Cornu - La coopération, nouvelles approches. [en ligne]. [Consulté le 29 janvier 2014]. Disponible à l’adresse : http://www.cornu.eu.org/texts/cooperation
Crédits photo : Via catalana by SBA73 sur Flickr - CC-BY-SA
La collaboration des entreprises : de la coopétition à la collaboration radicale
Auteur de la fiche :
Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
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Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :
Dans leur ouvrage Vive la co-révolution : pour une société collaborative, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot décrivent la collaboration inter-entreprises en distinguant la coopétition de la collaboration radicale. Pendant deux ans, ils ont promu la Collaboration radicale au sein du réseau Entrepreneurs d'avenir
Lutte contre un ennemi commun plus gros : ainsi Google participe au développement du navigateur Firefox au sein de la fondation Mozilla, alors que c'est un concurrent de son propre navigateur Chrome, afin de déstabiliser Microsoft Internet Explorer, le géant du marché.
La différence entre la coopétition de la compétition radicale se mesure en évaluant la part de d'avantages concurrentiels et d'éléments de propriété intellectuelle "intime" partagés. Dans la collaboration radicale, on partage de la valeur ajoutée hautement différenciante (secret de fabrication, R&D), dans la coopétition, on fait des économies d'échelle. Les participants à la "carte d'infidélité" ne partagent pas leurs recettes et leurs savoir-faire sur le café.
La collaboration radicale favorise les approches d'innovation ouverte, on ne collabore pas ensemble pour la création d'un produit ou d'un service prédéfini mais on développe un écosystème de partage de connaissances et de compétences permettant l'émergence de l'innovation. Cette innovation n'est pas forcément technologique, elle peut aussi être sociale. Et elle émerge aussi bien des collaborateurs de l'entreprise que de ses clients.
Vive la co-révolution : pour une société collaborative de Anne-Sophie Nouvel et Stéphane Riot
Préambule : il ne s'agit pas là d'une recension complète de l'ouvrage mais du résumé sur la partie consacrée à la Collaboration radicaleDans leur ouvrage Vive la co-révolution : pour une société collaborative, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot décrivent la collaboration inter-entreprises en distinguant la coopétition de la collaboration radicale. Pendant deux ans, ils ont promu la Collaboration radicale au sein du réseau Entrepreneurs d'avenir
Intérêt pour les entreprises de coopérer
Le terme compétition vient du latin competere qui signifie chercher ensemble, s'efforcer ensemble, il n'y avait donc pas à l'origine de notion d'adversité ou d'agressivité comme on peut l'entendre maintenant quand on parle de compétition entre entreprises. L'idée n'est pas de la supprimer car elle est aussi un vecteur d'innovation et d'émulation mais de réduire les dégâts causés par une concurrence trop agressive et de la réduire, de manière concertée, là où elle est inutile, voire dangereuse. Dans cette veine, les auteurs notent que le premier avantage retiré de la coopération entre entreprise est la réduction des coûts liés aux conflits inter-entreprises et qu'à lui seul cet intérêt devrait convaincre tous les chefs d'entreprise ! Ces coûts sont en effet estimés à 50 milliards par an en France par le chercheur américain John W. Henke, à partir d'une projection de la situation américaine dans le domaine de l'automobile.Évolution de la coopération entre entreprises
Les théories d'Adam Smith sur l'intérêt de la concurrence puis celles de Joseph Schumpeter sur la destruction créative sont bien implantées dans le monde économique. Mais à partir des années 80, certaines entreprises s'aperçoivent que le fonctionnement en réseau et les alliances stratégiques apportent des avantages relationnels et permettent d'accéder à plus de ressources. Puis, dans les années 90, devant le constat que les coûts de recherche et développement augmentent, parallèlement à l'obsolescence des objets alors que la convergence des technologies permet des économies d'échelle, certaines entreprises décident de collaborer pour développer des produits à la vie plus longues et dont les composants peuvent être réutilisés par plusieurs entreprises.La collaboration permet de résoudre des problèmes communs
Notamment des objectifs liés à l'environnement et au développement durable. Ces objectifs peuvent venir d'une conviction commune des entreprises ou d'obligations réglementaires extérieures.Lutte contre un ennemi commun plus gros : ainsi Google participe au développement du navigateur Firefox au sein de la fondation Mozilla, alors que c'est un concurrent de son propre navigateur Chrome, afin de déstabiliser Microsoft Internet Explorer, le géant du marché.
La Coopétition
Le terme de coopétition a été créé par Ray Noorda, le fondateur de Novell et popularisé par l'ouvrage de Nalebuff, B., Brandenburger, A. La Co-opétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération, Village Mondial, 1996. Il s'agit de l'alliance de la coopération et du marché : on coopère sur certains aspects et on reste concurrents sur d'autres. Pour les auteurs, la coopération entre l'entreprise, ses fournisseurs et ses clients conduit à la fourniture de produits et de services semblables et donc à une expansion potentielle du marché. De plus, cette alliance peut permettre de pénétrer de nouveaux marchés en regroupant les forces. Les conditions pour la mise en place de la coopétition passe par une étude des interdépendances entre les entreprises, la définition d'un objectif précis et un partage concerté de l'effort et des gains.Exemples de coopétition
- Le Prufrock Café à Londres a créé en 2009 une "carte d'infidélité". Les clients doivent aller boire un café chez des concurrents du Prufock et présenter la carte pour qu'elle soit tamponnée. Une fois la carte remplie, les clients reviennent au Prufock Café où on leur offre un café. L'objectif est de fidéliser les clients du Prufock Café en leur prouvant qu'il sert le meilleur café, mais aussi d'obliger les gérants des autres cafés à s'assurer de la qualité de leur café car ils savent être mis en concurrence. Cela a également permit d'apporter à tous un afflux de nouveaux clients. Mais au final, l'objectif principal partagé par tous est d'apporter une réponse créative à l'expansion des cafés de la chaine Starbuck.
- Fiat et PSA ont créé une filiale commune produisant des véhicules utilitaires des deux marques, ce qui permet de réaliser des économies d'échelle en utilisant les même composants.
La Coopération radicale
Le terme de coopération radicale est apparu aux États-Unis en 2009. Trois dirigeants d'entreprises concurrentes dans le secteur des technologies vertes (GenGreen, 3rdWhale et Creative Citizen) ont décidé de mettre en place une "collaboration radicale", ce qui a été facilité par le fait qu'ils partageaient les mêmes valeurs et la même conviction de l'urgence écologique.La différence entre la coopétition de la compétition radicale se mesure en évaluant la part de d'avantages concurrentiels et d'éléments de propriété intellectuelle "intime" partagés. Dans la collaboration radicale, on partage de la valeur ajoutée hautement différenciante (secret de fabrication, R&D), dans la coopétition, on fait des économies d'échelle. Les participants à la "carte d'infidélité" ne partagent pas leurs recettes et leurs savoir-faire sur le café.
La collaboration radicale favorise les approches d'innovation ouverte, on ne collabore pas ensemble pour la création d'un produit ou d'un service prédéfini mais on développe un écosystème de partage de connaissances et de compétences permettant l'émergence de l'innovation. Cette innovation n'est pas forcément technologique, elle peut aussi être sociale. Et elle émerge aussi bien des collaborateurs de l'entreprise que de ses clients.
Exemples de Coopération radicale
- Le domaine de l'environnement est souvent un domaine de convergence. Par exemple, la collaboration de la NASA et de l'ESA (dans un contexte très concurrentiel) sur les points environnementaux : gestion des déchets spatiaux, cycle de vie des satellites et impact des lancements de fusée sur la biodiversité. Cette coopération est née de contraintes extérieures : mise en place d'une réglementation environnementale strictes en Europe, engagement de Barack Obama sur le développement durable aux États-Unis. Cette coopération prend la forme d'échanges entre spécialistes et de la mise au point, en commun, de nouveaux matériaux, plus respectueux de l'environnement (en remplacement de ceux qui allaient être interdits car trop nocifs).
- Green X Change est une plate-forme mise en place par Nike, Creatives Commons et Best Buy pour partager leurs recherches. Toute personne intéressée peut déposer sur cette plate-forme ses innovations, en choisissant une licence inspirée du logiciel libre permettant à d'autres entreprises de bénéficier de l'invention. Cette licence permet aux propriétaires de l'innovation de choisir à qui ils donnent les droits. L'idée est de permettre à des industries de secteurs différents et non concurrents de partager les apports de la R&D de leurs entreprises. Cette plate-forme peine à s'élargir en dehors de ses fondateurs mais les auteurs voient là un potentiel moteur de l'extension de la compétition radicale.
Préconisations des auteurs pour une collaboration radicale
- Expliquer le concept, au delà des représentations que l'on a en français sur les termes "collaboration" et "radical", connotés très différemment en anglais
- Changer ses réflexes et sa vision des concurrents, s'ouvrir pour saisir les opportunités.
- Les quatre piliers de la relation : bienveillance, réciprocité (être aussi bienveillant avec soi-même), clarté et liberté d'innover (éléments repris par les auteurs de l'ouvrage : Juliette Tournand, La stratégie de la bienveillance, Inter Editions, 2007).
- Être sur du temps long, la collaboration met du temps à s'installer et n'a d'effet qu'à long terme.
- Mettre en place un contexte permettant aux participants d'être libres de s'engager de manière spontanée pour élaborer ensemble une solution négociée et consensuelle. Et non répartir les tâches entre les entreprises, comme lors d'un processus coopératif.
- Partager compétences ET connaissances.
- Assurer la complémentarité des apports : relier l'intérêt individuel à l'intérêt collectif.
- Anticiper les responsabilité de chacun : responsabilité de la réussite ou de l'échec, retombées financières, propriété intellectuelle.
- Transparence des échanges durant le projet et communication à tous les membres.
- Plus le processus est simple, plus il a de chance d'être mené à bout.
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage :
- Anne-Sophie Novel : docteur en économie, journaliste spécialisée dans le développement durable, fondatrice du blog collectif Ecolo-Info, membre du réseau des Entrepreneurs d'avenir.
- Stéphane Riot : fondateur de Nove Terra, expert en développement durable et accompagnement du facteur humain dans les organisations, membres de groupes de recherche et de prospective sur les nouvelles formes d'économies et d'organisations (biomimétisme, neuroscience, psychopédagogie, management...).
Référence bibliographique :
Novel Anne-Sophie, Riot Stéphane, Vive la corévolution !: pour une société collaborative, Manifestô, ISSN 2258-9325, 1 vol., Paris, France, Alternatives, 2012.
La convergence
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Jean Michel Cornu
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Description :
La tragédie des biens communs ne prévoit que trois issues possibles à cette situation :
Cette simple différence est lourde de conséquence. Cela veut dire que l'échange conduit à une multiplication de la valeur et que le territoire n'est plus aussi limité qu'avant. Comme le dit très joliment Jean-Claude Guédon, professeur au département de littérature comparée de l'université de Montréal : " Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage".
L'expression " économie du don " ne doit pourtant pas être comprise comme une sorte d'utopie qui pousserait chacun à devenir altruiste même si cela va à l'encontre de son intérêt personnel. Il s'agit plutôt d'un mode d'échange asymétrique. Lorsque monnayer un bien n'a plus de sens car il est abondant et facile à trouver, et lorsque l'on a satisfait ses besoins minimaux de survie, la seule chose que l'on puisse encore rechercher est l'estime de la communauté. Le fait que la contrepartie du don passe par l'ensemble des autres personnes aide à faire converger les intérêts individuels et collectifs.
Dans certaines îles tropicales, la nourriture est abondante. Marcel Mauss a étudié la mise en place du don et ses différentes caractéristiques4.
Plus près de nous, la communauté scientifique a depuis très longtemps une habitude du partage de toutes ses découvertes. Les colloques sont l'occasion de présenter à tous ses résultats et d'en retirer considération et estime.
La communauté des développeurs de logiciels libres a suivi un chemin similaire. Il s'agissait au début de chercheurs travaillant dans divers laboratoires et universités (ils bénéficiaient donc d'une relative sécurité matérielle.) Ils ont appliqué avec succès les mêmes méthodes que les scientifiques dans le domaine apparemment plus industriel du logiciel.
Enfin, la petite communauté des personnes particulièrement riches passe beaucoup de temps à s'investir dans de grandes causes humanitaires pour gagner l'estime de ses contemporains.
Des dérives sont ainsi observées lorsqu'une ou plusieurs des caractéristiques qui forment le don ne sont pas respectées. L'économie du don est simplement régie par des règles propres différentes de celles de l'économie basée sur la consommation.
Si les brevets, les droits de propriété intellectuelle et la mode ont pour objectif de protéger la création, ils doivent cependant être étudiés avec beaucoup de soin pour ne pas devenir une arme contre l'abondance et... la création.
Nous verrons plus loin les règles à respecter pour mettre en place un mécanisme d'évaluation auto-régulé.
Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre de tous de l'altruisme pour mettre en place des projets faisant appel à la coopération. Les donateurs retirent des avantages qui sont simplement plus subtiles à comprendre car ils s'inscrivent dans une logique en deux temps qui apporte des bénéfices dans la durée.
Unité donnée.
Les échanges de bien immatériels conduisent normalement à une multiplication de la valeur et à leur abondance. Il est souvent possible de faire des choix qui poussent vers la pénurie ou vers l'abondance.
Il existe des règles du don qui si elles ne sont pas respectées conduisent à des déviations :
Ce type de situation se rencontre assez fréquemment dans la vie. Ne sachant pas comment va réagir l'autre nous envisageons le cas où il nous trahit (ou plus simplement le cas où il ne coopère pas). Dans ce cas où l'autre ne joue pas le jeu, la situation la moins mauvaise pour nous est de ne pas jouer le jeu nous même. Pourtant, d'un point de vue plus global, le gain est bien plus important pour chacun si les deux coopèrent.
Les simulations qui ont été faites montrent que la solution la plus efficace est de commencer par coopérer puis de calquer son attitude sur les réponses de l'autre : S'il coopère, on coopère également, s'il trahit, on fait de même.
Plus précisément, la stratégie la plus efficace a été découverte en 1974 par le philosophe et psychologue Anatol Rapaport cité par Bernard Werber 7 : il s'agit de la méthode CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon). Dans ce cas, on commence par coopérer, puis en fonction de ce que fait l'autre personne on calque son attitude sur la sienne, et enfin on remet les compteurs à zéro en étant prêt à coopérer de nouveau. Cette façon de faire est la plus efficace pour qu'une personne qui a trahi comprenne à la fois que vous ne vous laisserez pas faire, mais que vous êtes prêt à repartir sur une base de coopération.
Pour permettre à ces différentes interactions de s'opérer, il faut avoir passé suffisamment de temps ensemble. Mettre des personnes ensemble dans la durée et créer entre elles un lien de confiance est la définition même d'une communauté.
De nouveau, en proposant des nouvelles règles du jeu, cela ne veut pas dire que chacun est devenu altruiste. Il existe donc des risques pour les communautés qui peuvent produire un résultat inverse de celui attendu.
Le démarrage d'une communauté est un passage obligé. Les avantages de la communauté ne sont pas encore là , et les étapes multiples qui pourraient permettre de sortir du dilemme du prisonnier n'ont pas encore pu s'opérer.
Les sociologues appellent distance d'horizon 8, la durée pendant laquelle des personnes pensent qu'ils seront ensemble. Cette notion, très subjective, est un facteur clé pour que les acteurs coopèrent ou non. Il y a ainsi nettement moins de vol dans les petits magasins de quartier même lorsque le magasin vient de s'installer, que dans les grandes surfaces anonymes et indifférenciées. Les conséquences perçues d'un acte sont différentes suivant l'histoire que l'on pense avoir par la suite avec les personnes concernées.
Bien sûr, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Tout le monde n'agit pas au mieux de ses intérêts car la méthode CRP n'est pas assimilée par tout le monde. Mais la vision d'un futur commun favorise la coopération alors que le manque d'horizon à long terme favorise les comportements inverses.
Plus les personnes ont eu des expériences positives de coopération en voyant autour d'elles d'autres personnes commençant par coopérer, plus elles assimilent la méthode CRP et plus il est facile de mettre en place une communauté.
Si les expériences passées sont oubliées, le groupe revient à la situation bien plus périlleuse du début de la communauté.
Avec les échanges que nous avons étudiés au chapitre précédant, l'héritage constitue le deuxième fondement d'une société humaine selon Maurice Godelier 9 : "Nos analyses nous amènent à conclure qu'il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines, celui des échanges, quel que soit ce que l'on échange et quelle que soit la forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l'achat, au marché, et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour eux-mêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l'on garde constitue toujours des "réalités" qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l'origine.
Nous verrons qu'une des tâches fondamentale du coordinateur est de développer un historique qui capitalise l'héritage commun
Outre les relations de confiances qui s'établissent progressivement au sein de la communauté, la communauté est également basée sur le sentiment d'appartenance. La mise en place de "rites" et de références communes constituent également un socle sur lequel se bâtit l'héritage collectif.
René Girard 10 dépeint un comportement collectif ancré dans les comportements humains qui sauvegarde l'intégrité de la communauté grâce au sacrifice d'un "bouc émissaire". Le cycle mimétique qu'il décrit se passe en plusieurs étapes.
Un conflit commence souvent par un "désir mimétique" qui consiste à vouloir ce que l'autre détient.
Lorsqu'un conflit arrive (et il en arrive bien sûr plus ou moins fréquemment), la personne qui se sent trahie a assez souvent une attitude agressive. Que nous le reconnaissions ou non nous avons une tendance naturelle au mimétisme et nos attitudes se calquent sur celle de l'autre (même si vous ne le reconnaissez pas, les publicitaires l'ont eux, bien compris). Par mimétisme, l'autre personne adopte une attitude agressive et s'engage alors dans ce que les psychologues appellent parfois du "ping-pong verbal" où l'objectif est d'abattre l'entêtement de l'autre avec obstination, chacun pompant l'énergie de l'autre.
La troisième étape est l'extension, toujours par mimétisme, à toute la communauté de l'état d'agressivité et les conflits se multiplient. Ce mécanisme est fort bien décrit et de façon amusante dans la bande dessinée "Astérix et la Zizanie". Au fur et à mesure que les réactions agressives se multiplient, le groupe influence les comportements et produit un effet auto-cumulatif.
Lorsque la tension dans le groupe atteint un niveau dangereux qui met en péril son intégrité, soit il y a scission, chacun prenant parti dans un camp ou un autre, soit le groupe évacue l'ensemble de l'agressivité au travers d'un "bouc émissaire". Celui-ci est choisi de préférence en dehors des multiples conflits qui n'ont d'autres liens entre eux que l'effet mimétique. Il s'agit souvent d'une personne plus faible et surtout différente sur laquelle vont s'acharner de façon irrationnelle toutes les agressivités.
Une fois le trop plein d'agressivité déversé, le bouc émissaire est "diabolisé" comme la source de tous les maux pour justifier la réunification du groupe autour de son anéantissement et oublier les circonstances du "sacrifice". Le groupe réconcilié a sauvegardé son intégrité en sacrifiant un bouc émissaire innocent. L'oubli permet au groupe de reprendre son cours jusqu'au prochain cycle.
René Girard poursuit en montrant que le mécanisme de victimisation qui place les victimes au centre de notre attention est très ancré dans notre civilisation judéo-chrétienne. Nos informations se concentrent fortement sur les conséquences sur les victimes, ce qui n'était pas le cas dans des temps plus reculés. Ce processus à un effet bénéfique car il rend plus difficile l'aveuglement et l'oubli nécessaire au fonctionnement du cycle mimétique.
Rendre visible le mécanisme de "bouc émissaire" permet de casser le cycle mimétique. Il n'empêche cependant pas la montée de la tension et il est nécessaire de trouver une nouvelle soupape de sécurité plus acceptable. Le chapitre sur la résolution des conflits présente quelques réflexions supplémentaires.
Le mimétisme de l'être humain n'a pas que des effets négatifs. Il est aussi possible de le prendre en compte de façon positive, comme par exemple dans la possibilité de disséminer la méthode CRP dans la communauté "par l'exemple".
Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté. Le sentiment d'appartenance et l'existence de particularités spécifiques au groupe sont indispensables pour qu'une communauté existe. Mais elle ne peut s'enrichir qu'en restant ouverte sur l'extérieur.
Il existe cependant deux critères qui favorisent l'ouverture du groupe vers l'extérieur :
Une communauté permet de multiplier les occasions d'expériences et donc de favoriser une convergence vers la coopération.
Il existe des règles pour éviter que la communauté ne dévie:
En effet, lorsque quelqu'un est nommé à un poste et qu'il remplit correctement sa tâche, il est promu à un nouveau poste. Le processus se poursuit, lui permettant de mettre ses compétences au service de tâches toujours plus complexes jusqu'à ce qu'il arrive à un poste où il a atteint son "niveau d'incompétence". Il n'est alors plus capable de remplir aussi bien son rôle et n'est donc plus promu. Il reste alors bloqué au poste où il est le moins compétent.
Ce cas n'est qu'un des multiples paradoxes qui apparaissent lorsque l'on souhaite évaluer le travail humain de façon aussi objective que les faits concrets et scientifiques. De ce point de vue, les travaux de Taylor qui ont rendu la planification plus scientifique sont plus adaptés aux machines qu'aux hommes. A l'époque ou ils ont été publiés, de nombreuses personnes faisaient le travail de machines. Aujourd'hui, les machines se sont perfectionnées suffisamment pour prendre en charge la plupart des travaux répétitifs et planifiables. En contrepartie, les tâches de création, ainsi que celles demandant une très grande adaptabilité et une estimation subjective se développent fortement.
Il ne s'agit absolument pas de refuser toute évaluation mais au contraire de trouver de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les spécificités humaines : subjectivité, motivation ou démotivation, bonne ou mauvaise foi. Ces différents critères ont comme particularité de ne pas être mesurables même si on peut les estimer dans une certaine mesure. Il s'agit donc d'une véritable révolution des systèmes d'évaluation dans un monde basé depuis le XVIIe siècle sur des mesures objectives. Nous verrons cependant que des évaluations mêmes subjectives peuvent produire des phénomènes de régulation et d'autocorrection qui sont leur véritable raison d'être.
Même, dans le cas de l'évaluation finale, il s'agit souvent de juger la réalisation de ce qui a été prévu a priori plutôt que de juger de son utilité et de l'utilisation qui en est faite a posteriori.
L'évaluation pendant le déroulement du projet peut au contraire permettre un mécanisme d'autocorrection après coup pour maximiser l'usage qui est fait des résultats déjà obtenus par le projet. Les contributeurs potentiels s'impliqueront en fonction de leur évaluation personnelle du projet, du coordinateur et de ce qu'ils peuvent en retirer.
Une approche très intéressante a été initiée par le Programme des Nations Unis pour le Développement avec un Indicateur de Développement Humain basé sur plusieurs critères qui se rapprochent au mieux de l'objet que l'on cherche à évaluer.
Ces critères prennent en compte : L'état de santé, l'éducation et l'économique.
Il s'agit probablement de ce que l'on peut faire de mieux aujourd'hui pour évaluer par un indicateur objectif le développement humain dans un pays, mais chaque taux est lui-même une moyenne et seuls les critères objectifs mesurables sont pris en compte. Il est alors possible de mieux scolariser une partie privilégiée de la population ou de scolariser sans recherche de résultats scolaires pour augmenter les indices. Multiplier encore les critères ne fait que rendre la tâche plus subtile pour ceux qui ne s'attachent qu'à adapter leurs résultats pour optimiser la valeurs de chaque critère. Mais cela donne moins de chance de remplir au mieux les critères spécifiques à l'indicateur pour ceux qui s'attachent avant tout aux causes en toute bonne foi.
Les méthodes traditionnelles de mesures objectives issues de l'avancée scientifique du XVIIe siècle nécessitent en elle-même des développements pour aller au delà des simples moyennes : parfois on ajoute aux taux moyens des écarts types (la moyenne des écarts par rapport à la moyenne). Si cela donne une idée de l'ampleur des différences, certains points plus subtils ne sont pas pris en compte tels que par exemple la répartition homogène d'une population ou la répartition en deux ou plusieurs groupes plus ou moins favorisés avec peu de chance de pouvoir passer d'un groupe à l'autre.
Les effets de bord (aux limites extrêmes) peuvent également perturber les lois objectives simples (dans le cas, par exemple, des situations de monopole). Il faut avoir une idée de ce qui se passe loin de l'équilibre et même aux limites et non pas seulement au point d'équilibre.
Le problème vient de l'impossibilité de mesurer de façon objective la bonne foi. Il n'est possible d'obtenir une évaluation objective mesurable qu'a posteriori et avec une marge plus ou moins grande entre le résultat mesuré et les critères d'évaluation.
Accepter de réintroduire une évaluation subjective, telle que celle apportée par l'estime dont jouit un projet, est indispensable. Pour en atténuer les difficultés, il est important qu'elle soit décentralisée et globale en l'obtenant de l'ensemble de la communauté et du monde extérieur.
Dans un projet coopératif, nous cherchons à obtenir la coopération des membres et à coordonner leurs travaux pour obtenir un résultat. Le pouvoir de contrainte (pouvoir hiérarchique ou contractuel), n'est plus au centre de la gestion du projet.
La suppression pure et simple du pouvoir coercitif (du pouvoir de contrainte) peut sembler une hérésie poussant vers le "champ de boue" de la tragédie des biens communs. Nous allons voir au contraire que dans un environnement approprié, celui-ci permet de sortir des paradoxes habituels.
Lorsqu'on ne peut plus "imposer" à personne de "coopérer", chacun s'implique ou utilise les résultats en fonction de l'image qu'il se fait du projet. Si, globalement, le projet jouit d'une grande estime, il se développera de plus en plus. L'évaluation est alors subjective, a posteriori et en continu par l'ensemble de la communauté des contributeurs et celle des utilisateurs. L'ensemble construit un cercle vertueux.
Le pouvoir du coordinateur se limite à la possibilité d'intégrer ou non les modifications proposées par les contributeurs et éventuellement d'exclure une personne de la communauté qu'il a mise en place. Pour le reste, il ne peut qu'inciter les personnes à devenir utilisateur ou contributeur, sans pouvoir les y contraindre.
Les projets coopératifs sont bien adaptés aux projets entre les structures ou les projets inter-services. Le fonctionnement des associations permet parfois de mettre en place des projets non hiérarchisés de ce type.
L'abandon total du pouvoir coercitif donné par le titre hiérarchique ou le contrat d'engagement est remplacé par l'incitation à coopérer par les résultats et l'estime obtenus. Il s'agit d'une différence majeure avec la gestion classique de projets. Il n'est donc pas facile de suivre les deux approches en même temps. Nous verrons dans le chapitre sur le mixage des méthodes que des projets utilisant totalement ou partiellement le pouvoir coercitif peuvent simplement bénéficier de quelques avantages en favorisant le plus possible une évaluation a posteriori, en continue et subjective par la communauté.
Cela peut être obtenu en abandonnant le pourvoir coercitif pour laisser l'estime envers le projet et ses membres faire son travail d'autorégulation.
1 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968/3859), p. 1243‑1248.
2 Raymond Eric S., « Homesteading the noosphere » [en ligne], First Monday 3 (1998/10), disponible sur <http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/viewArticle/621>, (consulté le 30 janvier 2014). Raymond Eric S., « A la conquête de la noosphère », Hors collection (2000), p. 279‑336., (consulté le 30 janvier 2014), également sur Raymond Eric S., « À la conquête de la noosphère » [en ligne], linux-france, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/noosphere/homesteading-fr_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
3 Gary Warner : "Hardin later recognized that much of his characterization of the negative aspects of the commons, which according to his analysis 'remorselessly generates tragedy'... was based on a description, not of a commons regime in which authority over use of the resources resides within the community, but of an open access regime, unregulated by any external authority or social consensus" dans : Warner Gary, « Participatory Management, Popular Knowledge, and Community Empowerment: The Case of Sea Urchin Harvesting in the Vieux-Fort Area of St. Lucia », Human Ecology 25 (1997/1), p. 29‑46., (consulté le 30 janvier 2014).
4 Mauss Marcel, Lévi-strauss Claude, Gurvitch Georges, Sociologie et anthropologie, Quadrige. Grands textes, ISSN 1764-0288, 1 vol., Paris, France, Presses universitaires de France, 2004.
5 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
6 Voir la revue Pour la Science qui publie un article sur le dilemme du prisonnier tous les six mois : « Pour la Science - Le magazine de référence de l’actualité scientifique » [en ligne], disponible sur <http://www.pourlascience.fr/>, (consulté le 30 janvier 2014).
Voir aussi « Le dilemme du prisonnier » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20050302205551/http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
7 Werber Bernard, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1 vol., Paris, France, Albin Michel, 2000.
8 Glance Natalie, Huberman Bernardo, « La dynamique des dilemmes sociaux », Pour la science (1994/199), p. 26‑31., (consulté le 30 janvier 2014).
9 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
10 Girard Ren̩, Je vois Satan tomber comme lՎclair, 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1999.
11 Guyard Jacques, Brard Jean-Pierre, France. assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Les Documents d’information - Assemblée nationale (Texte imprimé), ISSN 1240-831X ; 1999 33, 1 vol., Paris, France, Assemblée nationale, 1999.
12 "In a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." dans Peter Laurence J., Hull Raymond, The Peter principle: why things always go wrong, New York, Bantam, 1969.
Voir également une interview de Peters « The Peters Principles » [en ligne], Reason.com, disponible sur <http://reason.com/archives/1997/10/01/the-peters-principles>, (consulté le 30 janvier 2014).
Source : Cornu Jean-Michel, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], http://www. cornu. eu. org/texts/cooperation (2004), disponible sur <http://fing-unige.viabloga.com/files/cooperation2.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).
Crédit photo : StephanieHobson sur Flickr - CC-BY-SA. Dessins : Éric Grelet CC-BY-SA
Faciliter la convergence par les biens communs et un environnement d'abondance
Le paradoxe de la tragédie des biens communs
Dans un texte devenu célèbre " La tragédie des biens communs " 1, Garret Hardin présente les trois seules solutions pour vivre ensemble avec un ensemble de biens à partager. Il y décrit un champ, propriété collective d'un village. Des paysans y font paître leur bétail. Ce dernier consomme l'herbe et dégrade ce bien commun en laissant derrière lui des portions boueuses. En l'absence d'une politique réellement appliquée, l'intérêt de chaque paysan est de profiter le plus vite possible du champ en y envoyant le maximum de bêtes en retirer le maximum de valeur avant que l'ensemble du champ ne se transforme en mer de boue.La tragédie des biens communs ne prévoit que trois issues possibles à cette situation :
- Le champ devient un immense champ de boue.
- Une personne qui dispose d'un pouvoir de contrainte alloue les ressources au nom du village.
- Le champ est découpé en espaces gérés par chaque paysan disposant alors d'un droit de propriété.
Les limites de la tragédie
Réconcilier l'intérêt individuel et l'intérêt collectif ne semble pas évident dans le cas de figure décrit dans la tragédie des biens communs (sinon, nous vivrions mieux depuis longtemps !). Pourtant, si Hardin conclut dans son ouvrage que les seules solutions à l'absence de responsabilités des hommes sont dans la privatisation des biens communs et/ou dans l'interventionnisme de l'état, il reconnaît plus tard que son postulat de départ n'est pas toujours valide. Son collègue Gary Warner indique : "Hardin a reconnu plus tard que la caractérisation des aspects négatifs des bien communs... était basée sur une description... un régime ouvert, non régulé par une autorité externe ou un consensus social." 3Sans destruction le territoire n'est plus limité
Il existe d'autres cas encore qui mènent à des conclusions différentes : Dans la tragédie des biens communs, le bétail consomme l'herbe et détruit progressivement le champ. Dans le domaine des biens immatériels tels que les logiciels informatiques, les contenus, l'art ou la connaissance, la règle du jeu est intrinsèquement différente : la lecture d'un texte ne le détruit pas, donner une information à quelqu'un ne veut pas dire que l'on n'en dispose plus.Cette simple différence est lourde de conséquence. Cela veut dire que l'échange conduit à une multiplication de la valeur et que le territoire n'est plus aussi limité qu'avant. Comme le dit très joliment Jean-Claude Guédon, professeur au département de littérature comparée de l'université de Montréal : " Un oiseau numérisé ne connaît pas de cage".
Une nouvelle notion de la propriété
La notion de propriété ne disparaît pas pour autant. Par exemple dans le développement de logiciels libres, assez souvent, une personne détient le droit d'intégrer les modifications proposées par tous. Raymond l'appelle le "dictateur bienveillant." Mais tout le monde peut venir utiliser, copier ou redistribuer librement le logiciel produit collectivement. Tout le monde peut circuler librement sur le territoire du propriétaire et c'est justement cela qui lui donne de la valeur.Une nouvelle notion de l'économie
L'économie elle-même a été basée sur les échanges entre deux protagonistes (la transaction), et la consommation in fine par celui que les experts appellent " le destructeur final " (le consommateur.) Si nous voulons comprendre au mieux les règles du domaine des biens immatériels, nous devrons étendre les analyses actuelles pour prendre en compte : les échanges collectifs (avec un équilibrage global et non plus élémentaire) et l'utilisation sans consommation de biens.L'économie du don
Un des exemples d'économie qui ne soit pas basé sur la transaction, ressemble fort a priori à une utopie. Il s'agit de l'économie du don telle qu'on la trouve dans quelques environnements très spécifiques.L'expression " économie du don " ne doit pourtant pas être comprise comme une sorte d'utopie qui pousserait chacun à devenir altruiste même si cela va à l'encontre de son intérêt personnel. Il s'agit plutôt d'un mode d'échange asymétrique. Lorsque monnayer un bien n'a plus de sens car il est abondant et facile à trouver, et lorsque l'on a satisfait ses besoins minimaux de survie, la seule chose que l'on puisse encore rechercher est l'estime de la communauté. Le fait que la contrepartie du don passe par l'ensemble des autres personnes aide à faire converger les intérêts individuels et collectifs.
L'abondance source du don
L'un des éléments clés qui favorise le basculement d'une économie d'échange vers une économie du don est le passage de la pénurie à l'abondance. L'abondance signifie que les acteurs ont résolu leurs besoins de sécurité et qu'ils recherchent autre chose comme par exemple de la reconnaissance. L'abondance peut exister, nous l'avons vu, dans le domaine des biens immatériels et dans le domaine du savoir...Quelques exemples d'économie du don
Il existe différentes communautés qui bénéficient à la fois de la sécurité matérielle et de l'abondance. Dans ces différents cas, ces communautés ont vu émerger naturellement une économie du don.Dans certaines îles tropicales, la nourriture est abondante. Marcel Mauss a étudié la mise en place du don et ses différentes caractéristiques4.
Plus près de nous, la communauté scientifique a depuis très longtemps une habitude du partage de toutes ses découvertes. Les colloques sont l'occasion de présenter à tous ses résultats et d'en retirer considération et estime.
La communauté des développeurs de logiciels libres a suivi un chemin similaire. Il s'agissait au début de chercheurs travaillant dans divers laboratoires et universités (ils bénéficiaient donc d'une relative sécurité matérielle.) Ils ont appliqué avec succès les mêmes méthodes que les scientifiques dans le domaine apparemment plus industriel du logiciel.
Enfin, la petite communauté des personnes particulièrement riches passe beaucoup de temps à s'investir dans de grandes causes humanitaires pour gagner l'estime de ses contemporains.
L'abondance est...abondante
Le champ touché est bien plus vaste qu'on ne peut l'imaginer. Si les biens matériels semblent limités pour une majorité de personnes, il peut en aller autrement avec les biens immatériels. Ainsi le proverbe de Kuan-Tseu " Si tu donnes un poisson à un homme, il se nourrira une fois; si tu lui apprends à pêcher, il se nourrira toute sa vie ". Le poisson est un bien de consommation qui peut être rare s'il vient à manquer ou si peu de personnes pêchent. Apprendre à pêcher est au contraire un savoir qui devient de plus en plus abondant à chaque fois qu'une personne apprend à pêcher à une autre.Les règles du don
Tout n'est pourtant pas rose dans le monde de l'abondance et du don. Le changement des règles du jeu ne fait pas de tout le monde un altruiste.Des dérives sont ainsi observées lorsqu'une ou plusieurs des caractéristiques qui forment le don ne sont pas respectées. L'économie du don est simplement régie par des règles propres différentes de celles de l'économie basée sur la consommation.
Première déviation : entretenir la pénurie
Une des premières déviations consiste à fabriquer artificiellement de la pénurie pour revenir aux règles mieux connues de l'économie de la consommation. Cela est courant sur des biens matériels tels que le pétrole. Il est également possible de rendre "usables" ou plus précisément "obsolètes" des biens immatériels. L'industrie du logiciel y a tellement bien réussit que l'administration fiscale considère en France que la durée d'amortissement d'un logiciel est de 1 an, soit beaucoup moins que le matériel informatique !Si les brevets, les droits de propriété intellectuelle et la mode ont pour objectif de protéger la création, ils doivent cependant être étudiés avec beaucoup de soin pour ne pas devenir une arme contre l'abondance et... la création.
Première règle : l'abondance préservée et bien répartie
Le projet doit porter sur un bien qui peut devenir abondant pour favoriser une économie du don. Cela devrait être le cas des biens immatériels non consommables (la connaissance, les logiciels, les contenus...). Dans ce cas, l'échange conduit à une multiplication de la valeur. Souvent le passage à une économie d'abondance ou de pénurie ne dépend pas seulement de l'abondance du bien au départ mais également des mécanismes de répartition et de protection.Deuxième déviation : Donner pour écraser l'autre
Malgré le sens altruiste que peut sembler avoir " l'économie du don ", il s'agit simplement d'une économie avec des règles ni meilleures ni pires, simplement différentes. Ainsi Maurice Godelier, décrit les règles d'un don particulier : le potlatch. Il s'agit d'un don ou d'une destruction à caractère sacré, constituant un défi à l'autre de faire un don équivalent. " Dans le potlatch, on donne pour écraser l'autre par son don. Pour cela on lui donne plus qu'il ne pourra rendre ou on lui donne beaucoup plus qu'il n'a donné "5.Deuxième règle : L'évaluation est globale et décentralisée
L'autre grand changement réside dans l'évaluation. Elle se fait de façon décentralisée, par tous et sur l'ensemble des dons réalisés. Cela est très différent de l'économie d'échange qui évalue chaque transaction de façon unitaire. Une des conséquences est que l'évaluation est empirique et dépend de chacun. Elle n'est pas mesurable car il n'est pas possible de comparer de façon certaine la reconnaissance obtenue avec une unité donnée.L'exemple des benchmarks
Dans l'économie d'échange, les "benchmarks" (critères communs de référence) sont de plus en plus communs et répandus dans les marchés mondiaux, chacun peut plus ou moins en appréhender l'évolution. Dans l'économie du don chacun a son propre "benchmarking system" en fonction de ses critères subjectifs propres. Mais le phénomène de groupe pourrait générer l'apparition de benchmarks localement reconnus.Nous verrons plus loin les règles à respecter pour mettre en place un mécanisme d'évaluation auto-régulé.
Troisième déviation : réclamer son dû
Une autre déviation est de demander un retour pour son don à la personne qui en a bénéficié ou à sa famille, au lieu d'attendre de le recevoir de l'ensemble de ses pairs. Cette déviation est souvent observée dans les familles africaines qui ont par ailleurs une grande tradition de solidarité et de coopération.Troisième règle : Une contrepartie non demandée-le mécanisme à deux temps
Une troisième chose qui change dans l'économie du don, est ce que gagne le donneur. Dans l'économie basée sur la transaction individuelle, celui qui donne un bien demande en échange un autre bien équivalent ou une représentation de la valeur du bien (de l'argent). Lors d'un don, le donneur n'attend pas de retour de celui qui reçoit et n'attend pas même de retour immédiat. Il reçoit ultérieurement de la reconnaissance par l'ensemble de la communauté qui évalue non pas chaque don mais l'ensemble de ce qu'il a apporté. Cette reconnaissance lui apporte dans un deuxième temps des avantages comme nous le verrons plus loin.Ainsi, il n'est pas nécessaire d'attendre de tous de l'altruisme pour mettre en place des projets faisant appel à la coopération. Les donateurs retirent des avantages qui sont simplement plus subtiles à comprendre car ils s'inscrivent dans une logique en deux temps qui apporte des bénéfices dans la durée.
Unité donnée.
Résumé
Une économie du don émerge lorsque les biens communs sont abondants. Celle-ci implique de nouvelles notions de propriété et d'économie.Les échanges de bien immatériels conduisent normalement à une multiplication de la valeur et à leur abondance. Il est souvent possible de faire des choix qui poussent vers la pénurie ou vers l'abondance.
Il existe des règles du don qui si elles ne sont pas respectées conduisent à des déviations :
- L'abondance doit être préservée et bien répartie pour éviter le retour à une économie de la consommation.
- L'évaluation doit être globale et décentralisée pour ne pas qu'un don particulier serve à écraser l'autre.
- La contrepartie ne doit pas être demandée à celui qui reçoit pour éviter les dettes...
Faciliter la convergence en donnant une vision à long terme
Le dilemme du prisonnier
L'exemple du " dilemme du prisonnier " présente un paradoxe où des personnes peuvent agir à l'encontre de leur propre intérêt. Un malfaiteur et son complice sont pris par la police. Chacun a le choix de trahir ou de ne pas trahir l'autre mais ne connaît pas à l'avance la réaction de son complice. Dans cette situation si les deux s'entendent, ils s'en tireront globalement mieux. Mais l'un peut être tenté de trahir son complice pour ne pas être le seul inculpé pour le cas où l'autre le trahirait. Il peut également dans ce cas bénéficier par sa dénonciation d'une peine allégée. Très souvent, dans le doute, les deux prisonniers se dénoncent l'un l'autre et se retrouvent tous les deux perdants 6.Ce type de situation se rencontre assez fréquemment dans la vie. Ne sachant pas comment va réagir l'autre nous envisageons le cas où il nous trahit (ou plus simplement le cas où il ne coopère pas). Dans ce cas où l'autre ne joue pas le jeu, la situation la moins mauvaise pour nous est de ne pas jouer le jeu nous même. Pourtant, d'un point de vue plus global, le gain est bien plus important pour chacun si les deux coopèrent.
La méthode CRP
Le "dilemme du prisonnier" a été étudié dans le cadre de la théorie des jeux.. En l'absence d'information sur la réaction de l'autre, la réponse individuelle la moins mauvaise va à l'encontre de l'intérêt collectif. Pourtant, les résultats changent lorsqu'il ne s'agit plus d'un événement unique mais de plusieurs itérations. Dans ce cas, chacun peut obtenir au fur et à mesure des informations sur la façon dont l'autre va réagir.Les simulations qui ont été faites montrent que la solution la plus efficace est de commencer par coopérer puis de calquer son attitude sur les réponses de l'autre : S'il coopère, on coopère également, s'il trahit, on fait de même.
Plus précisément, la stratégie la plus efficace a été découverte en 1974 par le philosophe et psychologue Anatol Rapaport cité par Bernard Werber 7 : il s'agit de la méthode CRP (Coopération-Réciprocité-Pardon). Dans ce cas, on commence par coopérer, puis en fonction de ce que fait l'autre personne on calque son attitude sur la sienne, et enfin on remet les compteurs à zéro en étant prêt à coopérer de nouveau. Cette façon de faire est la plus efficace pour qu'une personne qui a trahi comprenne à la fois que vous ne vous laisserez pas faire, mais que vous êtes prêt à repartir sur une base de coopération.
Permettre le maximum d'occasions d'interactions dans la durée
De ces deux exemples, nous pouvons constater que lorsque l'expérience est unique, la tendance est à la trahison, alors qu'après des essais répétés, il devient possible d'avoir une stratégie qui converge vers la coopération.Pour permettre à ces différentes interactions de s'opérer, il faut avoir passé suffisamment de temps ensemble. Mettre des personnes ensemble dans la durée et créer entre elles un lien de confiance est la définition même d'une communauté.
Une communauté pour une coopération dans la durée
Une des façons la plus efficace de faire coopérer des personnes est de créer un esprit de communauté. Cela implique un sentiment d'appartenance et une confiance réciproque entre les membres.De nouveau, en proposant des nouvelles règles du jeu, cela ne veut pas dire que chacun est devenu altruiste. Il existe donc des risques pour les communautés qui peuvent produire un résultat inverse de celui attendu.
Premier danger : La communauté meurt avant d'avoir une histoire
Le démarrage de la communauté est le moment le plus sensible. Lorsque les interactions entre les membres de la communauté se développent, il y a naturellement des trahisons qui conduisent à des conflits.Le démarrage d'une communauté est un passage obligé. Les avantages de la communauté ne sont pas encore là , et les étapes multiples qui pourraient permettre de sortir du dilemme du prisonnier n'ont pas encore pu s'opérer.
Première règle : Donnez aux personnes une vision à long terme
Nous avons vu que la méthode optimum était de commencer à coopérer (quitte à agir ensuite à l'inverse suivant les réactions de l'autre). Il est donc possible de favoriser la coopération entre des personnes qui n'ont pas de passé commun si ces personnes ont la perception qu'il y aura d'autres moments en commun dans le futur.Les sociologues appellent distance d'horizon 8, la durée pendant laquelle des personnes pensent qu'ils seront ensemble. Cette notion, très subjective, est un facteur clé pour que les acteurs coopèrent ou non. Il y a ainsi nettement moins de vol dans les petits magasins de quartier même lorsque le magasin vient de s'installer, que dans les grandes surfaces anonymes et indifférenciées. Les conséquences perçues d'un acte sont différentes suivant l'histoire que l'on pense avoir par la suite avec les personnes concernées.
Bien sûr, il ne s'agit pas d'une règle absolue. Tout le monde n'agit pas au mieux de ses intérêts car la méthode CRP n'est pas assimilée par tout le monde. Mais la vision d'un futur commun favorise la coopération alors que le manque d'horizon à long terme favorise les comportements inverses.
Plus les personnes ont eu des expériences positives de coopération en voyant autour d'elles d'autres personnes commençant par coopérer, plus elles assimilent la méthode CRP et plus il est facile de mettre en place une communauté.
Deuxième danger : Le passé perdu
Lorsque l'on a passé un certain temps avec des personnes, de nombreuses épreuves basées sur le dilemme du prisonnier ont eu lieu. Si le groupe n'est pas mort de ces tribulations, il se renforce au fur et à mesure. Mais l'une des particularités de l'être humain est sa capacité d'oubli. Cette fonction est indispensable pour ne pas encombrer le cerveau de toutes les expériences non utilisées. Mais au fur et à mesure que la coopération s'instaure, la notion de danger s'éloigne et la mémoire considère les souvenirs des différentes épreuves passées comme moins prioritaires.Si les expériences passées sont oubliées, le groupe revient à la situation bien plus périlleuse du début de la communauté.
Deuxième règle : L'histoire est la base du futur
L'héritage du groupe est un élément fondamental pour lui permettre de continuer de bâtir sa cohésion plutôt que de revenir au dangereux point de départ.Avec les échanges que nous avons étudiés au chapitre précédant, l'héritage constitue le deuxième fondement d'une société humaine selon Maurice Godelier 9 : "Nos analyses nous amènent à conclure qu'il ne saurait y avoir de société humaine sans deux domaines, celui des échanges, quel que soit ce que l'on échange et quelle que soit la forme de cet échange, du don au potlatch, du sacrifice à la vente, à l'achat, au marché, et celui où les individus et les groupes conservent précieusement pour eux-mêmes, puis les transmettent à leurs descendants ou à ceux qui partagent la même foi, des choses, des récits, des noms, des formes de pensée. Car ce que l'on garde constitue toujours des "réalités" qui ramènent les individus et les groupes vers un autre temps, qui les remettent face à leurs origines, à l'origine.
Nous verrons qu'une des tâches fondamentale du coordinateur est de développer un historique qui capitalise l'héritage commun
Outre les relations de confiances qui s'établissent progressivement au sein de la communauté, la communauté est également basée sur le sentiment d'appartenance. La mise en place de "rites" et de références communes constituent également un socle sur lequel se bâtit l'héritage collectif.
Troisième danger : le cycle mimétique
Nous avons beaucoup de mal à admettre qu'en plus de nos comportements individuels que nous avons l'impression de contrôler, nous sommes soumis à des comportements collectifs. Les mouvements de foules et les réactions de panique nous sont familières pour ce que nous en avons vu dans les films ou parfois vécut dans nos vies. Mais il nous semble impossible que nous puissions faire nous même des choses qui nous semblent aussi insensées par simple mimétisme.René Girard 10 dépeint un comportement collectif ancré dans les comportements humains qui sauvegarde l'intégrité de la communauté grâce au sacrifice d'un "bouc émissaire". Le cycle mimétique qu'il décrit se passe en plusieurs étapes.
Un conflit commence souvent par un "désir mimétique" qui consiste à vouloir ce que l'autre détient.
Lorsqu'un conflit arrive (et il en arrive bien sûr plus ou moins fréquemment), la personne qui se sent trahie a assez souvent une attitude agressive. Que nous le reconnaissions ou non nous avons une tendance naturelle au mimétisme et nos attitudes se calquent sur celle de l'autre (même si vous ne le reconnaissez pas, les publicitaires l'ont eux, bien compris). Par mimétisme, l'autre personne adopte une attitude agressive et s'engage alors dans ce que les psychologues appellent parfois du "ping-pong verbal" où l'objectif est d'abattre l'entêtement de l'autre avec obstination, chacun pompant l'énergie de l'autre.
La troisième étape est l'extension, toujours par mimétisme, à toute la communauté de l'état d'agressivité et les conflits se multiplient. Ce mécanisme est fort bien décrit et de façon amusante dans la bande dessinée "Astérix et la Zizanie". Au fur et à mesure que les réactions agressives se multiplient, le groupe influence les comportements et produit un effet auto-cumulatif.
Lorsque la tension dans le groupe atteint un niveau dangereux qui met en péril son intégrité, soit il y a scission, chacun prenant parti dans un camp ou un autre, soit le groupe évacue l'ensemble de l'agressivité au travers d'un "bouc émissaire". Celui-ci est choisi de préférence en dehors des multiples conflits qui n'ont d'autres liens entre eux que l'effet mimétique. Il s'agit souvent d'une personne plus faible et surtout différente sur laquelle vont s'acharner de façon irrationnelle toutes les agressivités.
Une fois le trop plein d'agressivité déversé, le bouc émissaire est "diabolisé" comme la source de tous les maux pour justifier la réunification du groupe autour de son anéantissement et oublier les circonstances du "sacrifice". Le groupe réconcilié a sauvegardé son intégrité en sacrifiant un bouc émissaire innocent. L'oubli permet au groupe de reprendre son cours jusqu'au prochain cycle.
Troisième règle : Rendre visible le mécanisme du bouc émissaire
Une des difficultés pour comprendre le mécanisme du cycle mimétique est justement dû au fait qu'il ne peut fonctionner que s'il est inconscient. Les participants à ce cycle ne peuvent accepter ni le mimétisme de leur comportement, ni son paroxysme irrationnel jusqu'au déversement de toute l'agressivité sur un innocent et encore moins le mécanisme d'oubli de cette atrocité.René Girard poursuit en montrant que le mécanisme de victimisation qui place les victimes au centre de notre attention est très ancré dans notre civilisation judéo-chrétienne. Nos informations se concentrent fortement sur les conséquences sur les victimes, ce qui n'était pas le cas dans des temps plus reculés. Ce processus à un effet bénéfique car il rend plus difficile l'aveuglement et l'oubli nécessaire au fonctionnement du cycle mimétique.
Rendre visible le mécanisme de "bouc émissaire" permet de casser le cycle mimétique. Il n'empêche cependant pas la montée de la tension et il est nécessaire de trouver une nouvelle soupape de sécurité plus acceptable. Le chapitre sur la résolution des conflits présente quelques réflexions supplémentaires.
Le mimétisme de l'être humain n'a pas que des effets négatifs. Il est aussi possible de le prendre en compte de façon positive, comme par exemple dans la possibilité de disséminer la méthode CRP dans la communauté "par l'exemple".
Quatrième danger : la communauté fermée
Le quatrième danger qui guette une communauté est de se refermer sur elle-même. Le groupe peut continuer sa progression mais en se coupant de l'extérieur, il risque d'adopter des comportements sectaires préjudiciables à ses membres.Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y avoir de frontière entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté. Le sentiment d'appartenance et l'existence de particularités spécifiques au groupe sont indispensables pour qu'une communauté existe. Mais elle ne peut s'enrichir qu'en restant ouverte sur l'extérieur.
Quatrième règle : Permettre la sortie et la multi-appartenance
Il n'est pas toujours facile de trouver des critères objectifs pour qualifier un groupe d'ouvert ou de fermé. Le rapport parlementaire français sur les sectes 11 propose de faire un contrôle fiscal sur les mouvements suspects car ils ont souvent pour but d'apporter richesses et pouvoir à un présumé gourou.Il existe cependant deux critères qui favorisent l'ouverture du groupe vers l'extérieur :
- Chaque participant doit pouvoir en sortir à tout moment.
- L'appartenance à d'autres groupes doit être autorisée et même encouragée pour enrichir le groupe au travers de ces liaisons informelles.
Résumé
Si la stratégie dominante dans le cas d'une rencontre unique est souvent la trahison, c'est la méthode CRP (Coopération, Réciprocité, Pardon) qui est la plus efficace lorsqu'il y a de nombreuses expériences itératives communes.Une communauté permet de multiplier les occasions d'expériences et donc de favoriser une convergence vers la coopération.
Il existe des règles pour éviter que la communauté ne dévie:
- Donner à chacun une vision à long terme.
- Pour permettre le développement de comportements du type CRP.
- Développer un historique pour préserver l'héritage commun.
- Pour éviter les "retours à zéro".
- Rendre visible le mécanisme du cycle mimétique et trouver une autre soupape.
- Pour briser la focalisation sur un "bouc émissaire".
- Permettre à tous de sortir à tout moment et encourager l'appartenance à d'autres groupes.
- Pour éviter la sectarisation d'un groupe fermé.
Faciliter la convergence par la mise en place de mécanismes d'estime
Le principe de Peter
Laurence J. Peter a étudié les paradoxes qui poussent une organisation à toujours aller de plus en plus mal. Son principe le plus connu indique que "Dans une hiérarchie, toute personne tend à s'élever jusqu'à atteindre son niveau d'incompétence" 12En effet, lorsque quelqu'un est nommé à un poste et qu'il remplit correctement sa tâche, il est promu à un nouveau poste. Le processus se poursuit, lui permettant de mettre ses compétences au service de tâches toujours plus complexes jusqu'à ce qu'il arrive à un poste où il a atteint son "niveau d'incompétence". Il n'est alors plus capable de remplir aussi bien son rôle et n'est donc plus promu. Il reste alors bloqué au poste où il est le moins compétent.
Ce cas n'est qu'un des multiples paradoxes qui apparaissent lorsque l'on souhaite évaluer le travail humain de façon aussi objective que les faits concrets et scientifiques. De ce point de vue, les travaux de Taylor qui ont rendu la planification plus scientifique sont plus adaptés aux machines qu'aux hommes. A l'époque ou ils ont été publiés, de nombreuses personnes faisaient le travail de machines. Aujourd'hui, les machines se sont perfectionnées suffisamment pour prendre en charge la plupart des travaux répétitifs et planifiables. En contrepartie, les tâches de création, ainsi que celles demandant une très grande adaptabilité et une estimation subjective se développent fortement.
Il ne s'agit absolument pas de refuser toute évaluation mais au contraire de trouver de nouvelles méthodes qui prennent mieux en compte les spécificités humaines : subjectivité, motivation ou démotivation, bonne ou mauvaise foi. Ces différents critères ont comme particularité de ne pas être mesurables même si on peut les estimer dans une certaine mesure. Il s'agit donc d'une véritable révolution des systèmes d'évaluation dans un monde basé depuis le XVIIe siècle sur des mesures objectives. Nous verrons cependant que des évaluations mêmes subjectives peuvent produire des phénomènes de régulation et d'autocorrection qui sont leur véritable raison d'être.
L'évaluation dans les projets classiques
Le but de l'évaluation dans une gestion classique de projet est triple :- Savoir à l'avance si un projet peut être confié à quelqu'un ou à une équipe.
- Faire en sorte de corriger le projet pendant son déroulement pour améliorer ses résultats.
- Juger après le projet s'il s'est déroulé correctement.
Première Déviation : l'Évaluation a priori
Souvent, pour attirer des contributeurs, on leur propose un "titre" au sein du projet. Celui-ci sert bien souvent à motiver la personne en lui apportant dès le départ des éléments de reconnaissance. Attention cependant, les titres présentent trois dangers :- Il s'agit d'une reconnaissance a priori : qui nous replace dans le principe de Peter.
- Ils donnent souvent un pouvoir hiérarchique coercitif.
- Ils présentent un danger lorsqu'ils sont opérationnels car ils bloquent un rôle qui ne peut être repris facilement par un autre si nécessaire.
Première règle : Évaluer a posteriori
Faisons l'hypothèse qu'un projet s'applique dans un milieu d'abondance, que les besoins minimums nécessaires à sa survie soient remplis et qu'il y ait suffisamment de temps pour permettre au groupe mis en place de mûrir à son rythme. Dans ce cas, l'évaluation a priori prend beaucoup moins d'importance (sauf peut être pour le porteur du projet qui doit décider ou non de le lancer). Il est dans ce cas plus utile d'apporter des corrections par itérations successives.Même, dans le cas de l'évaluation finale, il s'agit souvent de juger la réalisation de ce qui a été prévu a priori plutôt que de juger de son utilité et de l'utilisation qui en est faite a posteriori.
L'évaluation pendant le déroulement du projet peut au contraire permettre un mécanisme d'autocorrection après coup pour maximiser l'usage qui est fait des résultats déjà obtenus par le projet. Les contributeurs potentiels s'impliqueront en fonction de leur évaluation personnelle du projet, du coordinateur et de ce qu'ils peuvent en retirer.
Deuxième déviation : L'évaluation ponctuelle
L'évaluation se fait habituellement à des moments précis, telle une photographie du projet, parfois même seulement avant et après le projet. Dans ce cas, elle prend mal en compte les évolutions humaines qui même petites au début peuvent enfler rapidement pour basculer ensuite brutalement vers la coopération ou la trahison. Elle ne permet pas non plus de saisir les opportunités suffisamment tôt à la source.Deuxième règle : l'évaluation en continu
En permettant une évaluation en continu, il devient possible de "voir apparaître" les cercles vicieux ou vertueux" qui prendront de l'ampleur jusqu'au basculement brutal des changements de comportement. Suivant la perspicacité des observateurs (et nous verrons dans le point suivant que plusieurs personnes valent mieux qu'une dans ce cas de figure), les divergences peuvent être détectées suffisamment tôt pour agir en conséquence.Troisième déviation : L'évaluation par un nombre réduit de personnes
Souvent, le projet est évalué par des mandataires pour savoir si leur argent est bien placé. L'évaluation se fait par une personne extérieure (un mandataire) qu'il "suffit" de convaincre avec un rapport bien présenté sur ce qui sera fait ou bien à quoi serviront les résultats. Bien sûr en cours et à la fin du projet, les résultats concrets obtenus entrent également dans la balance mais de façon indirecte.Troisième règle : L'évaluation par l'ensemble de la communauté
L'évaluation des projets coopératifs ne doit pas être faite par celui qui en facilite le démarrage, mais par l'ensemble de la communauté qui va se focaliser tout naturellement vers les projets utiles, bien réalisés et présentés de façon compréhensible. Si le projet a été initié ou soutenu par un mandataire, il pourra connaître la valeur du projet en fonction de son utilisation de plus en plus grande par la communauté ciblée.Quatrième déviation : L'évaluation objective
Un autre danger d'une évaluation traditionnelle est de devoir définir des critères d'évaluation objectifs qui par définition cherchent à s'approcher de ce que l'on désire sans jamais l'atteindre. Seuls les éléments objectifs sont pris en compte correctement. Les éléments subjectifs non mesurables tels que la bonne foi ou bien la motivation pendant le cours du projet sont négligés, ou pire, ils sont soumis à une accumulation de règles objectives de plus en plus complexes qui favorisent l'effet inverse.Exemple de l'évaluation des pays : Les indicateurs de rating
Beaucoup d'évaluations sont faites pour les pays sur des moyennes financières (les indicateurs de rating) telles que le Produit Intérieur Brut. La tentation est grande pour les décideurs de tenter d'agir directement sur les critères évalués plutôt que sur leurs causes. Le PIB ne montrera pas par exemple la différence entre un pays où la majorité des richesses est entre les mains d'un petit groupe de dirigeants et un pays où les richesses sont mieux réparties. On cherche alors à rajouter toujours plus de critères financiers "correctifs", mais sans jamais pousser réellement les dirigeants évalués à agir sur les causes et non sur les critères évalués.Une approche très intéressante a été initiée par le Programme des Nations Unis pour le Développement avec un Indicateur de Développement Humain basé sur plusieurs critères qui se rapprochent au mieux de l'objet que l'on cherche à évaluer.
Ces critères prennent en compte : L'état de santé, l'éducation et l'économique.
Il s'agit probablement de ce que l'on peut faire de mieux aujourd'hui pour évaluer par un indicateur objectif le développement humain dans un pays, mais chaque taux est lui-même une moyenne et seuls les critères objectifs mesurables sont pris en compte. Il est alors possible de mieux scolariser une partie privilégiée de la population ou de scolariser sans recherche de résultats scolaires pour augmenter les indices. Multiplier encore les critères ne fait que rendre la tâche plus subtile pour ceux qui ne s'attachent qu'à adapter leurs résultats pour optimiser la valeurs de chaque critère. Mais cela donne moins de chance de remplir au mieux les critères spécifiques à l'indicateur pour ceux qui s'attachent avant tout aux causes en toute bonne foi.
Les méthodes traditionnelles de mesures objectives issues de l'avancée scientifique du XVIIe siècle nécessitent en elle-même des développements pour aller au delà des simples moyennes : parfois on ajoute aux taux moyens des écarts types (la moyenne des écarts par rapport à la moyenne). Si cela donne une idée de l'ampleur des différences, certains points plus subtils ne sont pas pris en compte tels que par exemple la répartition homogène d'une population ou la répartition en deux ou plusieurs groupes plus ou moins favorisés avec peu de chance de pouvoir passer d'un groupe à l'autre.
Les effets de bord (aux limites extrêmes) peuvent également perturber les lois objectives simples (dans le cas, par exemple, des situations de monopole). Il faut avoir une idée de ce qui se passe loin de l'équilibre et même aux limites et non pas seulement au point d'équilibre.
Quatrième règle : Réintroduire l'évaluation subjective
Si les critères d'évaluation sont indispensables, en particulier lorsque des personnes extérieures doivent analyser objectivement des résultats, ils sont cependant insuffisants. A contrario, l'évaluation collective dans la durée permet de favoriser directement l'expansion d'un projet en attirant chaque jour de nouveaux utilisateurs contributeurs mais est mal adaptée à une évaluation objective.Le problème vient de l'impossibilité de mesurer de façon objective la bonne foi. Il n'est possible d'obtenir une évaluation objective mesurable qu'a posteriori et avec une marge plus ou moins grande entre le résultat mesuré et les critères d'évaluation.
Accepter de réintroduire une évaluation subjective, telle que celle apportée par l'estime dont jouit un projet, est indispensable. Pour en atténuer les difficultés, il est important qu'elle soit décentralisée et globale en l'obtenant de l'ensemble de la communauté et du monde extérieur.
La fin du pouvoir de contrainte permet une évaluation auto-régulée
Bien sûr, la mise en place d'une évaluation a posteriori, en continu, subjective par l'ensemble de la communauté semble insoluble si on conserve une approche traditionnelle de l'évaluation. Pour sortir des paradoxes apparemment insolubles de Peter, il nous faudra, comme dans les précédents chapitres, proposer un environnement différent qui n'impose plus les mêmes limites.Dans un projet coopératif, nous cherchons à obtenir la coopération des membres et à coordonner leurs travaux pour obtenir un résultat. Le pouvoir de contrainte (pouvoir hiérarchique ou contractuel), n'est plus au centre de la gestion du projet.
La suppression pure et simple du pouvoir coercitif (du pouvoir de contrainte) peut sembler une hérésie poussant vers le "champ de boue" de la tragédie des biens communs. Nous allons voir au contraire que dans un environnement approprié, celui-ci permet de sortir des paradoxes habituels.
Lorsqu'on ne peut plus "imposer" à personne de "coopérer", chacun s'implique ou utilise les résultats en fonction de l'image qu'il se fait du projet. Si, globalement, le projet jouit d'une grande estime, il se développera de plus en plus. L'évaluation est alors subjective, a posteriori et en continu par l'ensemble de la communauté des contributeurs et celle des utilisateurs. L'ensemble construit un cercle vertueux.
Le pouvoir du coordinateur se limite à la possibilité d'intégrer ou non les modifications proposées par les contributeurs et éventuellement d'exclure une personne de la communauté qu'il a mise en place. Pour le reste, il ne peut qu'inciter les personnes à devenir utilisateur ou contributeur, sans pouvoir les y contraindre.
Les projets coopératifs sont bien adaptés aux projets entre les structures ou les projets inter-services. Le fonctionnement des associations permet parfois de mettre en place des projets non hiérarchisés de ce type.
D'autres approches
Une des difficultés de l'abandon du pouvoir de contrainte est qu'il nécessite des projets demandant un très faible investissement de départ, un milieu d'abondance et pas de délais contraints ni d'attente d'un résultat particulier. Il s'agit là justement des critères qui permettent la mise en place d'un projet coopératif, comme nous avons commencé à le voir.L'abandon total du pouvoir coercitif donné par le titre hiérarchique ou le contrat d'engagement est remplacé par l'incitation à coopérer par les résultats et l'estime obtenus. Il s'agit d'une différence majeure avec la gestion classique de projets. Il n'est donc pas facile de suivre les deux approches en même temps. Nous verrons dans le chapitre sur le mixage des méthodes que des projets utilisant totalement ou partiellement le pouvoir coercitif peuvent simplement bénéficier de quelques avantages en favorisant le plus possible une évaluation a posteriori, en continue et subjective par la communauté.
Résumé
L'évaluation d'un projet doit se faire :- A posteriori
- En continu
- En prenant en compte le subjectif
- Par l'ensemble de la communauté des contributeurs et des utilisateurs
Cela peut être obtenu en abandonnant le pourvoir coercitif pour laisser l'estime envers le projet et ses membres faire son travail d'autorégulation.
1 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science 162 (1968/3859), p. 1243‑1248.
2 Raymond Eric S., « Homesteading the noosphere » [en ligne], First Monday 3 (1998/10), disponible sur <http://firstmonday.org/ojs/index.php/fm/article/viewArticle/621>, (consulté le 30 janvier 2014). Raymond Eric S., « A la conquête de la noosphère », Hors collection (2000), p. 279‑336., (consulté le 30 janvier 2014), également sur Raymond Eric S., « À la conquête de la noosphère » [en ligne], linux-france, disponible sur <http://www.linux-france.org/article/these/noosphere/homesteading-fr_monoblock.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
3 Gary Warner : "Hardin later recognized that much of his characterization of the negative aspects of the commons, which according to his analysis 'remorselessly generates tragedy'... was based on a description, not of a commons regime in which authority over use of the resources resides within the community, but of an open access regime, unregulated by any external authority or social consensus" dans : Warner Gary, « Participatory Management, Popular Knowledge, and Community Empowerment: The Case of Sea Urchin Harvesting in the Vieux-Fort Area of St. Lucia », Human Ecology 25 (1997/1), p. 29‑46., (consulté le 30 janvier 2014).
4 Mauss Marcel, Lévi-strauss Claude, Gurvitch Georges, Sociologie et anthropologie, Quadrige. Grands textes, ISSN 1764-0288, 1 vol., Paris, France, Presses universitaires de France, 2004.
5 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
6 Voir la revue Pour la Science qui publie un article sur le dilemme du prisonnier tous les six mois : « Pour la Science - Le magazine de référence de l’actualité scientifique » [en ligne], disponible sur <http://www.pourlascience.fr/>, (consulté le 30 janvier 2014).
Voir aussi « Le dilemme du prisonnier » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20050302205551/http://www.apprendre-en-ligne.net/jeux/dilemme/home.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
7 Werber Bernard, L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, 1 vol., Paris, France, Albin Michel, 2000.
8 Glance Natalie, Huberman Bernardo, « La dynamique des dilemmes sociaux », Pour la science (1994/199), p. 26‑31., (consulté le 30 janvier 2014).
9 Godelier Maurice, L’énigme du don, 1 vol., Paris, France, Fayard, impr. 1997, 1997. (p. 79, cité p.143 dans Blondeau-Coulet Olivier, Latrive Florent (éd.), Libres enfants du savoir numérique: une anthologie du « Libre », Premier secours. - Perreux : L’Eclat, 1 vol., Paris, France, Ed. de l’Eclat, impr. 2000, 2000.) Barbrook Richard, « L’économie du don High Tech » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20090917124333/http://www.freescape.eu.org/eclat/2partie/Barbrook/barbrook2.html>, (consulté le 30 janvier 2014). Il s'agit d'une critique du texte de référence de Marcel Mauss "Essai sur le don" (1923) souvent cité par les situationnistes.
10 Girard Ren̩, Je vois Satan tomber comme lՎclair, 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1999.
11 Guyard Jacques, Brard Jean-Pierre, France. assemblée nationale, Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur la situation financière, patrimoniale et fiscale des sectes, ainsi que sur leurs activités économiques et leurs relations avec les milieux économiques et financiers, Les Documents d’information - Assemblée nationale (Texte imprimé), ISSN 1240-831X ; 1999 33, 1 vol., Paris, France, Assemblée nationale, 1999.
12 "In a hierarchy, every employee tends to rise to his level of incompetence." dans Peter Laurence J., Hull Raymond, The Peter principle: why things always go wrong, New York, Bantam, 1969.
Voir également une interview de Peters « The Peters Principles » [en ligne], Reason.com, disponible sur <http://reason.com/archives/1997/10/01/the-peters-principles>, (consulté le 30 janvier 2014).
Source : Cornu Jean-Michel, « La coopération, nouvelles approches » [en ligne], http://www. cornu. eu. org/texts/cooperation (2004), disponible sur <http://fing-unige.viabloga.com/files/cooperation2.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).
Crédit photo : StephanieHobson sur Flickr - CC-BY-SA. Dessins : Éric Grelet CC-BY-SA
La coopération en 28 mots-clés
Auteur de la fiche :
Jean-Michel Cornu
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction
La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 2. Un premier aspect contre-intuitif
Le choix a posteriori
#taille28
On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 3. La taille des groupes et le rôle des membres
La taille des groupes et le rôle des membres
Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.
S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 4. Convergence et conflit
La convergence
L'implication
Et si nous n'étions pas si individualistes
Cartographier pour donner une vision d'ensemble
#convergence28 #conflit28
Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 5. Les trois types d'influence dans un groupe : personne, structure des groupes, environnement
Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 6. Implication et désimplication
L'implication
Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs
#implication28 #desimplication28
Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.
Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.
Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 7. Niveau de conscience et agression
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 8. Tâches de coordination et incohérence
La stigmergie
La tragédie des 3C
#conscience28 #coordination28
Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.
Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.
Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 9. Influence de la structure du groupe
Introduction aux biens communs
Les réseaux qui durent sont sous licence CC-BY-SA
Coopération fermée et/ou ouverte
Les oeuvres libres
#vocation28 #maturite28 #communs28
L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.
La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.
L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement
#contraintes28 #legitimite28 #echanges28
Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).
Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).
Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.
Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération
Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28
Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.
S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 12. Conclusion
Autoquestionnaire : comprendre par vous-même ce qui se passe dans votre groupe
Coopérer, entre efficience et résilience
Historique de l'approche francophone de la coopération
La coopération expliquée à mon beauf'
Le Flow, quand la coopération rend heureux
Une coopération à multiple facettes
Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique1" : focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction
La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share
Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori
Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :- La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
- La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
- Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 2. Un premier aspect contre-intuitif
Le choix a posteriori
#taille28
La taille des groupes et les rôles des membres
Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
- Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
- Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
- Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
- Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
- Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 3. La taille des groupes et le rôle des membres
La taille des groupes et le rôle des membres
Convergence et conflit
On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations. La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ; les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.
S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 4. Convergence et conflit
La convergence
L'implication
Et si nous n'étions pas si individualistes
Cartographier pour donner une vision d'ensemble
#convergence28 #conflit28
Les trois types d'influence dans un groupe
Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :- La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
- La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
- L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.
Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.
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JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 5. Les trois types d'influence dans un groupe : personne, structure des groupes, environnement
Implication et désimplication
On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
- La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
- Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
- Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)
Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
- " Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
- " C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)
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JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 6. Implication et désimplication
L'implication
Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs
#implication28 #desimplication28
Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe
Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication. Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.
Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.
Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 7. Niveau de conscience et agression
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 8. Tâches de coordination et incohérence
La stigmergie
La tragédie des 3C
#conscience28 #coordination28
Les autres aspects spécifiques au groupe
Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.
Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.
Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 9. Influence de la structure du groupe
Introduction aux biens communs
Les réseaux qui durent sont sous licence CC-BY-SA
Coopération fermée et/ou ouverte
Les oeuvres libres
#vocation28 #maturite28 #communs28
Les autres aspects qui dépendent de l'environnement
Outre la notion de choix a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.
La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.
L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement
#contraintes28 #legitimite28 #echanges28
Les compétences de la coopération
Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).
Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).
Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.
Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération
Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28
La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?
La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre13. Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.
S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.
Pour en savoir plus
JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 12. Conclusion
Autoquestionnaire : comprendre par vous-même ce qui se passe dans votre groupe
Coopérer, entre efficience et résilience
Historique de l'approche francophone de la coopération
La coopération expliquée à mon beauf'
Le Flow, quand la coopération rend heureux
- 1 Morin Edgar, « Les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion » [en ligne], in Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, 1 vol., Paris, France, UNESCO, 1999, p. 5‑14, disponible sur <http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf>, (consulté le 27 janvier 2014).
- 2 « Le groupe Intelligence Collective de la Fing » [en ligne], disponible sur <http://ic.fing.org/>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 3« Règle du 1 % » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_du_1_%25>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 4 Closets François de, Le système E.P.M., 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1980.
- 5 Tanguy est un film d'Etienne Chatilliez relatant l'histoire d'un jeune homme de 28 ans, gagnant bien sa vie mais préférant continuer de vivre chez ses parents, malgré leurs efforts pour qu'il s'installe ailleurs (On parle depuis de "Phénomène Tanguy"). « Phénomène Tanguy) » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Ph%C3%A9nom%C3%A8ne_Tanguy)>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 6 « Creative Commons — Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France — CC BY-SA 3.0 FR » [en ligne], disponible sur <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/fr/>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 7 « Licences - Projet GNU - Free Software Foundation » [en ligne], disponible sur <http://www.gnu.org/licenses/licenses.fr.html>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 8 Illich Ivan, La Convivialité, Points Essais, Paris, Éditions du Seuil, 2003. et « Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 9 Voir : "Cartographier pour donner une vision d'ensemble"
- 10 Voir : "Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes"
- 11 Voir : « Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire » [en ligne], Imagination For People, disponible sur <http://imaginationforpeople.org/wiki/workgroup/animfr/les-recettes-libres>, (consulté le 29 janvier 2014).
- 12 Voir : Gladwell Malcolm, The tipping point: how little things can make a big difference, 1 vol., New-York, Etats-Unis, Back Bay Books, 2002. et traduction française : Gladwell Malcolm, Le point de bascule: comment faire une grande différence avec de très petites choses, trad. Charron Danielle, 1 vol., Montréal, Canada, Éd. Transcontinental, 2003.
- 13 Voir : "La coopération expliquée à mon beauf'"
- 14 Voir le questionnaire : "Comprendre par vous-même ce qui se passe dans votre groupe"
- 15 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.
La coopération expliquée à mon beauf'
Auteur de la fiche :
Gatien Bataille
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Par un dimanche ensoleillé de juin
- C'est OK pour vous ? Lance ma belle soeur en s'adressant à moi et à son mari
- Oui oui on est prêt. Amenez la viande, les braises sont à point !
- Ton séminaire à Sète sur la coopération s'est bien passé ?
- Oui ce fut plutôt sympa. J'ai pu de nouveau goûter à la puissance de l'intelligence collective.
- Tu m'excuseras mais ça reste encore un peu flou pour moi, cette "coopération".
- Oui, je comprends... Même pour moi ce n'est pas évident d'en parler simplement. Faut dire qu'on est en pleine phase d'émergence et qu'elle ne peut encore s'appuyer sur rien de grande ampleur... Mais ça bouillonne chaque jour un peu plus.
- Pour moi coopérer, ça veut dire faire des choses ensemble mais ça me parait tellement loin du fonctionnement de notre société. J'ai des doutes quant au fait que ça concerne beaucoup de monde...
- Détrompe-toi, il y a vraiment beaucoup d'initiatives qui naissent. Même les entreprises s'y mettent !
- Les entreprises sont devenues altruistes maintenant ?
- En fait pas vraiment ! L'altruisme c'est quand on oublie son intérêt personnel pour l'intérêt collectif. Ça a des avantages bien connus dans le monde animal par exemple mais c'est vrai qu'au niveau économique c'est moins connu ! Enfin de toute façon, il est tout à fait possible de coopérer sans être altruiste.
- Ah bon.
- Ben oui, il suffit de faire converger ton intérêt personnel avec l'intérêt collectif.
- En français s'il te plaît.
- Ben pas compliqué. En général l'intérêt collectif rejoint souvent ton intérêt personnel quand on le regarde à long terme. Mais en étant astucieux, on peut aussi organiser les choses pour que notre intérêt rejoigne l'intérêt des autres à court terme cette fois. Par exemple, là on a tous les deux intérêt à ne pas laisser griller les saucisses...
- Sympa ta théorie mais je demande à voir au niveau économique.
- Et bien c'est pas si rare, de plus en plus d'entreprises se lancent dans la collaboration radicale ou la coopétition, l'idée étant de s'associer entre concurrents pour développer certains aspects des produits de demain et prendre ainsi de l'avance sur la concurrence ou sur des législations à venir. Comme on dit : y a plus dans deux têtes que dans une...
- Facile à dire, faire converger intérêt collectif et individuel, je vois pas trop comment en fait...
- Pas trop compliqué en fait, on a les clés mais il reste à les généraliser. Par exemple, partager une vision à long terme aide beaucoup à l'émergence de la coopération, travailler sur de l'abondance est aussi un facteur facilitant.
- Sur l'abondance, on est plutôt en crise non? Moi je ressens plutôt la rareté là !
- Oui c'est le cas pour les biens matériels mais si tu y regardes mieux, il y a une quantité de plus en plus grande de biens non matériels autour de toi, ces biens que l'on nomme non rivaux tendent d'ailleurs à exploser avec la généralisation d'internet, des ordinateurs et même des imprimantes 3D qui permettent à partir de plans numériques de produire des biens matériels.
- Oui facile en effet mais on fait quoi si les plans sont sous copyright ?
- Là tu mets le doigt sur une des autres conditions qui facilitent la coopération. Quand ce n'est pas ouvert, libre d'usage, c'est plus compliqué mais l'arrivée des licences ouvertes facilite grandement le travail.
- Et ça marche ?
- Plutôt oui, regarde thegreenxchange par exemple. C'est une plate forme internet où des entreprises parfois concurrentes échangent et partagent leurs avancées... étonnant mais bien réel !
- Ouaip, j'ai du mal à croire...
- Tu sais la question n'est plus de savoir si on va y aller car on y est ! Le monde actuel est trop complexe pour être abordé sans l'intelligence collective. Les entreprises et bien d'autres l'ont compris. Et ceux qui ne l'ont pas compris se cassent les dents. Regarde les majors de la musique qui pleurent derrière les copies illégales et les bénefs d'Itunes qui vend des morceaux dématérialisés !
- Oui d'accord mais...
- Mais c'est encore naissant, c'est vrai... et on sent bien que ce qui reste à inventer autour de cette coopération c'est tout un ensemble de modèles économiques qui lui correspondent. La planification tout comme l'économie qui ne s'intéressent qu'à la rareté ne suffisent plus, Il faut qu'on se tourne vers un modèle qui fait aussi ressortir la valeur de l'abondance et pas seulement de la rareté.
- Et en attendant ?
- En attendant ? ça innove, et ça marche... Regarde dans le monde de l'internet et de l'informatique Linux ou les modèles Freemium du web2 qui libèrent les contenus pour se financer sur le service ou encore Sésamath qui produit des livres de math à partir de cours collectifs... L'étape cruciale à franchir maintenant est le passage à l'échelle.
- Et tu crois vraiment que tout le monde a le temps d'apprendre ces trucs nouveaux ?
- C'est comme pour le reste, la coopération ça prend du temps ou bien au contraire ça t'en fait gagner si tu sais mutualiser. Et en plus si tu n'apprends pas à coopérer tu n'as plus qu'à courir derrière ceux qui savent l'utiliser pour défendre leur intérêt en passant par celui des autres, trouver des modèles économiques qui créent de la valeur par l'abondance et gagnent du temps en mutualisant...
- Et les mecs c'est cuit là ? lance ma femme !
- Oui c'est parfait, on arrive ! répond mon beauf.
- Bon allez à table ! De toute façon, la coopération ça commence toujours par un moment de convivialité !
Le débat mouvant - cas pratique
Auteur de la fiche :
Gatien Bataille
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Témoignage :
Votre échevin vous propose de mettre en place au sein de la commune un organe de participation et de consultation large de la population sur tous les sujets environnementaux du territoire communal. L'implantation prochaine du parc éolien lui semble être un bon premier sujet à mettre sur la table, qui plus est un sujet d'actualité !
Il vous accorde un peu de budget (pas énorme mais correct) pour mettre en place cet organe de participation. Vous avez quelques semaines pour convoquer la première séance (ce qui vous laisse de quoi vous organiser sans trop de précipitation).
Situation 2
Ayant saisi l'opportunité proposée par votre échevin, vous avez fait connaître largement et partout l'arrivée prochaine de cette première réunion participative. Vous ne vous faites pourtant pas trop d'illusions. En général, aux réunions, on se retrouve à 10-15, 30 personnes maximum...
Vous êtes agréablement surpris lorsque le soir venu, vous voyez arriver plus de 100 personnes. Il faut vite ajouter des chaises mais tout le monde trouvera une place.
Votre animation de réunion s'en trouve un peu chamboulée.
Situation 3
Malgré le nombre de personnes et les nombreux échanges, vous parvenez à réaliser un compte rendu à peu près complet de la réunion. Vous le diffusez auprès des personnes ayant laissé leurs coordonnées lors de la réunion.
D'autres, qui n'ont pu être présentes lors de cette réunion, vous sollicitent pour obtenir le compte-rendu.
Situation 4
Après quelques séances, le groupe se restreint considérablement : un bon tiers des inscrits ne réagit plus aux mails et ne vient plus aux réunions. Vous tentez une relance par mail pour solliciter l'implication de tous mais sans grand succès.
Situation 5
Ce travail d'animation demande du temps. Votre échevin, bien que satisfait de votre travail, vous demande de participer à l'un ou l'autre appel à candidatures pour décrocher un peu d'argent. Cela soulagerait agréablement le budget communal et permettrait de pérenniser votre poste d'animateur de réseau.
Situation 6
Le réseau s'est pas mal structuré. Mine de rien, il a produit pas mal de choses. Ces productions font un peu votre fierté et ont contribué à votre notoriété dans la région. Mais voilà que vous apprenez fortuitement que certains membres du réseau, qui sont aussi membres d'autres réseaux proches, y diffusent les productions de votre réseau.
Situation 7
Votre échevin a le bras long. Il est parvenu à décrocher un subside permettant à une boîte de communication de vous livrer un outil "clé sur porte" pour gérer votre réseau. Tout y est, c'est l'outil le plus complet du marché ! Voilà de quoi centraliser vos données et "professionnaliser" le réseau.
Méthodologie
Objectif
L'objectif est de soumettre des situations aux participants et de proposer deux hypothèses de travail en lien avec les situations proposées. Les participants devront faire le choix d'une hypothèse et être capables d'argumenter leur choix pour convaincre les autres de les rejoindre.Règles de fonctionnement
- 1. L'animateur présente une situation.
- 2. Il propose au groupe deux hypothèses en lien avec la situation présentée.
- 3. Il demande au groupe de choisir et de se déplacer à sa droite pour telle hypothèse ou à sa gauche pour la deuxième hypothèse.
- 4. Chaque groupe doit argumenter pour convaincre les membres de l'autre groupe de les rejoindre dans leur choix.
- 5. Lorsque les groupes sont "stabilisés", l'animateur présente la situation suivante et le processus recommence.
L'animateur du débat mouvant devrait
- 1. Rédiger 5 ou 6 situations et pour chaque situation deux hypothèses claires et opposées qui permettent un choix.
- 2. Présenter les situations avec le plus de clarté et de précision possible.
- 3. Veiller à ce que le débat ne se transforme pas en cacophonie et permette l'expression des arguments de chacun de façon équilibrée.
- 4. Veiller à passer à la situation suivante lorsque les groupes sont "stabilisés".Â
Exemple de débat mouvant vécu lors de la formation
Situation 1Votre échevin vous propose de mettre en place au sein de la commune un organe de participation et de consultation large de la population sur tous les sujets environnementaux du territoire communal. L'implantation prochaine du parc éolien lui semble être un bon premier sujet à mettre sur la table, qui plus est un sujet d'actualité !
Il vous accorde un peu de budget (pas énorme mais correct) pour mettre en place cet organe de participation. Vous avez quelques semaines pour convoquer la première séance (ce qui vous laisse de quoi vous organiser sans trop de précipitation).
- Vous acceptez sans hésiter, super idée ! Vous allez enfin pouvoir mettre en place l'organe de participation dont vous rêviez.
- Vous doutez un peu de l'intérêt de lancer cet organe de participation maintenant.
Situation 2
Ayant saisi l'opportunité proposée par votre échevin, vous avez fait connaître largement et partout l'arrivée prochaine de cette première réunion participative. Vous ne vous faites pourtant pas trop d'illusions. En général, aux réunions, on se retrouve à 10-15, 30 personnes maximum...
Vous êtes agréablement surpris lorsque le soir venu, vous voyez arriver plus de 100 personnes. Il faut vite ajouter des chaises mais tout le monde trouvera une place.
Votre animation de réunion s'en trouve un peu chamboulée.
- Vous laissez tomber le tour de table car il y a bien trop de monde... On verra bien par après comment collecter les coordonnées des participants.
- Vous maintenez votre tour de table, peut-être un peu "adapté", quitte à ce qu'on ne puisse pas aller beaucoup plus loin dans l'ordre du jour de la réunion.
Situation 3
Malgré le nombre de personnes et les nombreux échanges, vous parvenez à réaliser un compte rendu à peu près complet de la réunion. Vous le diffusez auprès des personnes ayant laissé leurs coordonnées lors de la réunion.
D'autres, qui n'ont pu être présentes lors de cette réunion, vous sollicitent pour obtenir le compte-rendu.
- Vous le leur envoyez pour information.
- Vous le leur envoyez et les invitez à y apporter leurs contributions et remarques.
Situation 4
Après quelques séances, le groupe se restreint considérablement : un bon tiers des inscrits ne réagit plus aux mails et ne vient plus aux réunions. Vous tentez une relance par mail pour solliciter l'implication de tous mais sans grand succès.
- Après deux autres mails sans réponses, vous décidez de ne plus envoyer les comptes-rendus "pour rien" à ceux qui n'ont plus réagi à vos 5 derniers courriers (mails).
- Vous vous dites que ça ne mange pas de pain et gardez tous les inscrits dans votre mailing list.
Situation 5
Ce travail d'animation demande du temps. Votre échevin, bien que satisfait de votre travail, vous demande de participer à l'un ou l'autre appel à candidatures pour décrocher un peu d'argent. Cela soulagerait agréablement le budget communal et permettrait de pérenniser votre poste d'animateur de réseau.
- Vous détectez ça et là quelques fonds à solliciter, dont certains collent à peu près avec la dynamique de votre réseau. Vous vous mettez à rédiger des dossiers de candidature... Il vous faut cet argent !
- Vous craignez de dévier pas mal de la dynamique en place dans le réseau. Vous sollicitez auprès de l'échevin un peu de temps pour étudier d'autres pistes.
Situation 6
Le réseau s'est pas mal structuré. Mine de rien, il a produit pas mal de choses. Ces productions font un peu votre fierté et ont contribué à votre notoriété dans la région. Mais voilà que vous apprenez fortuitement que certains membres du réseau, qui sont aussi membres d'autres réseaux proches, y diffusent les productions de votre réseau.
- Vous n'êtes pas très satisfait de cette situation et vous promettez d'y mettre un terme lors d'une discussion franche à la prochaine réunion.
- Vous vous en réjouissez et espérez que cet échange se fera rapidement dans l'autre sens.
Situation 7
Votre échevin a le bras long. Il est parvenu à décrocher un subside permettant à une boîte de communication de vous livrer un outil "clé sur porte" pour gérer votre réseau. Tout y est, c'est l'outil le plus complet du marché ! Voilà de quoi centraliser vos données et "professionnaliser" le réseau.
- Génial, enfin l'outil complet ! Il va considérablement changer les habitudes de travail et risque d'embarrasser les moins geeks. Mais quelle avancée en terme d'ergonomie !
- Vous remerciez l'échevin pour ce subside. Vous promettez de jeter un oeil sur l'outil et de le soumettre au réseau qui décidera de son adoption (ou pas)
Lien internet :
http://criemouscron.be/cooptic1/wakka.php?wiki=DebatMouvant
Organiser un événement participatif
Auteur de la fiche :
Outils-réseaux Vincent Tardieu
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Pratiquer le dialogue démocratique et la démocratie participative (DP), ça s'apprend !
Rien n'est inné, ni donné par avance, pour les faire bien vivre en groupe. Même au sein de groupes sensibilisés à ces thématiques.
D'une façon générale, pour bien pratiquer ensemble, la démocratie participative demande un vrai investissement en amont des réunions collectives, de prendre en compte l'avant-réunion comme une étape aussi importante que celle de la réunion elle-même, et de l'après-réunion.
L'objectif de cette initiation est aussi de ne pas limiter la DP aux étapes préalable et postérieure à la réunion proprement dite, durant laquelle les organisateurs ne prendront pas le temps pour la faire vivre et assurer l'implication du plus grand nombre. Source de frustration évidente...
Accepter de prendre le temps et l'énergie à toutes ses étapes et procédure du débat collectif, n'équivaut pas à "perdre son temps" mais à en gagner pour la réflexion collective.
Enfin, trop souvent nous utilisons ces démarches participatives pour nous confronter à des sujets "bouillants" alors que nous n'en avons pas fait l'apprentissage. La participation et la coopération demandent une éducation spécifique qu'il conviendra de disjoindre de son utilisation opérationnelle au risque d'entendre "Je vous avais bien dit que la participation ça ne fonctionnait pas"...
On peut commencer cette initiation à la DP en demandant à chaque personne s'inscrivant quelques questions supplémentaires à ses coordonnées. Du genre :
En cas d'absence de site internet dédié à ce séminaire, on peut tout à fait initier cette DP en faisant un tour de table en commençant ce séminaire avec ces mêmes questions. Cela constituera ainsi une présentation à la fois plus originale que "je m'appelle M . XX, et je fais ci ou ça dans la vie...". Et surtout, cette présentation permet d'emblée de rentrer dans le vif du sujet avec une implication de chacun.
Cela permet aussi, par ce référentiel collectif en cours d'élaboration, ou par cette bibliographie, que l'on peut créer du bien collectif, utile à tous et libre d'accès.
Pour cela, très simple : on procédera de la même façon sur internet qu'avec le petit questionnaire de présentation personnalisé, en proposant à chaque personne s'inscrivant de cocher sur une carte administrative française ou autre (fonds de carte disponibles en ligne), selon la nature de la réunion, son lieu de vie ou / et de travail.
En cas d'absence de site internet dédié au séminaire, on pourra trouver une carte IGN ou Michelin et l'afficher à l'entrée du lieu du séminaire, avec d'une part des punaises colorées qui permettront à chacun de se localiser, mais aussi des bandes de papiers où chacun pourra accrocher son nom (et un n° de téléphone et une adresse e-mail). Ceux qui auront exiger une photo d'identité aux inscrits pourront même la reproduire en petit et l'accrocher avec la punaise de localisation...
On pourra pousser l'exercice un peu plus loin en permettant, sur internet comme sur le tableau physique, de pouvoir ajouter une note brève, des coordonnées, qui compléteront son positionnement.
Un petit dispositif astucieux de fiche internet (déclinable très simplement sur une fiche cartonnée affichée au mur) permettra, au-dessous de la question ou demande posée, d'afficher, à la vue de tous, les réponses obtenues (avec les coordonnées des auteurs des réponses). Cela participe à la réflexion collective et permet, en outre, à chaque personne ayant déposé un "avis de recherches" de repartir du séminaire avec sa fiche et les coordonnées des personnes avec lesquelles elle pourra poursuivre l'échange.
Il serait de bon aloi de demander à chaque auteur d'un "avis de recherches" de restituer au groupe, sous forme de synthèse en direct en fin de séminaire ou via internet quelques jours plus tard, les réponses obtenues.
Quel que soit le contenu de ces cartes et tableaux, les organisateurs du séminaire prendront soin de reporter sur la carte ou tableau, physique, qui sera accroché à l'entrée de la réunion, les points de localisation, de géothématisation, les avis de recherche, etc. déjà entrés sur internet par certains.
Ces outils en ligne (questionnaires, agenda, etc.) sont modulables dans leur fonctionnement, et notamment dans leur gestion et les accès aux paramètres permettant de les formater et de les modifier. Une discussion préalable sur ces accès est donc nécessaire collectivement.
Donc, c'est clair : d'entrée de jeu, il faut prévoir le temps et l'espace pour que se noue ce dialogue entre les participants, et lui permettre de se poursuivre au-delà de la réunion.
L'animateur de la réunion aura tout intérêt à se saisir du "matériel" de commentaires et questions obtenus dans cette phase préparatoire pour nourrir, engager les travaux et la discussion du groupe, éviter d'ouvrir les discussions face à une grand tableau vide, ne pas hésiter à placer ne serait-ce que quelques mots clés, même provocants... Excellent pour susciter les prises de paroles !
De même, et d'une façon générale, deux procédures favorisent l'éveil participatif de chacun durant tout le séminaire, en dehors des jets d'eau froides, des insultes et des coups de pied au cul, bien entendu !
Ce travail de synthèse pourra aussi être assumé par des tiers, surtout en cas d'ateliers, par des prises de notes (ou via Freemind), afin qu'une restitution puisse vraiment être discutée avant sa présentation au cours d'une nouvelle séance plénière. Ce travail de synthèse peut être facilité par la distribution aux personnes qui s'y collent de formulaires organisés à cette fin (conçu par l'animateur et les organisateurs).
Ce travail de synthèse suppose une discussion préalable sur les focus que les organisateurs attendent des sessions et des ateliers. Et au lieu de préparer par avance synthèses et conclusions, avant même que le séminaire ait lieu - un grand classique dans les colloques internationaux ! -, on aura tout intérêt à discuter des focus par sessions et ateliers durant la phase préparatoire au séminaire entre organisateurs et animateur. Ces focus pourront être d'ailleurs proposés, par avance, aux participants inscrits à ce séminaire, donc mis en ligne avant le séminaire. Ils pourront ainsi être amendés par les participants avant et en cours de séminaire.
Cette procédure :
Cet exercice peut être particulièrement apprécié par les organisateurs d'un séminaire ou l'organisation invitante, qui prendront ainsi la mesure du travail accompli. Ce procédé de l'avant et de l'après, peut se faire aussi sur le site internet du séminaire. Il peut être décliné de mille manières et permettre d'acter certaines avancées collectives.
On peut, dans le même esprit, répartir des réponses aux questions posées en ligne pour les compléter et les reformuler en direct, tous ensemble. Ce qui assure une continuité des phases de déroulement du séminaire, et justifie l'effort consenti par ceux qui ont pris la peine de se prêter au jeu en ligne.
Afin de favoriser l'expression des opinions et des questions, même lorsqu'on n'est pas une grand gueule et que l'on n'a pas l'habitude de prendre la parole en public, on proposera l'usage de "cartons question ou commentaire" (en quelques lignes).
Ils seront distribués en entrée de séminaire, en plusieurs exemplaires. Complétés, ils pourront être glissés dans une boîte prévue à cet effet tout au long du séminaire (à charge aux organisateurs d'aller relever cette boîte aux questions et commentaires régulièrement) ou transmis à l'animateur au cours d'une session.
Ce dernier pourra regrouper plusieurs questions et commentaires avant leur restitution, afin d'obtenir une réponse en direct.
Au cas où le temps manquerait, ces questions et commentaires seront mis en ligne et la discussion pourra ainsi se prolonger, malgré la fin du séminaire. La création de Forums de discussion peut être initiée de cette manière...
Une autre formule possible, l'animateur réunit questions et commentaires par thème, puis il va voir une personne-ressource et les lui transmet : cette personne-ressource prend le temps d'y répondre publiquement ou sur le site internet.
On peut aussi imaginer que cette personne donne ses réponses à l'animateur qui en fait la restitution en séance publique ou sur le site internet. Cette formule via l'animateur offre l'avantage de rester synthétique - là où un "spécialiste" aura tendance à délayer un peu trop sa réponse - mais elle multiplie les intermédiaires... et donc le risque de pertes d'information et de qualité de celle-ci.
Le développement de jeux de rôles. Nous les mentionnons juste ici, mais ils devraient faire l'objet de bien plus longs développements ultérieurement. Ces jeux peuvent être un excellent moyen pour faire sortir certaines idées, réflexions, comportements, et dépasser des conflits, exposer des non-dits, etc. Un grand nombre de techniques et de jeux de rôle existent à cet effet. Ils ont beaucoup de vertu à la condition qu'ils soient réellement maîtrisés et coordonnés par l'animateur, qui devra ensuite en faire une analyse et une synthèse publique dans la foulée.
Aujourd'hui, une large réflexion s'est engagée dans différents milieux sur l'accès libre à l'information sous toutes ses formes. Et la définition de différents statuts d'accès (licence) est proposée sous le concept de Creative Commons auquel nous adhérons. Ces différentes licences font d'une information un bien commun, un bien privé, un bien privé mais collectif, un bien commun sous conditions (être cité, utilisable seulement en lecture, utilisable en lecture et modifiable, utilisable commercialement mais sans appropriation possible, etc.) Pour plus d'information, le site http://fr.creativecommons.org/
En résumé, les données, informations et des documents présentés au cours de cette réunion peuvent être diffusés à l'extérieur, notamment via le site internet du séminaire de plusieurs manières :
Auteurs : Association Outils-Réseaux, Vincent Tardieu
Crédits illustrations sous licence creativecommons : by Moustic 2011 - by Ultimcodex - by Moustic 2011 - by Outils-Réseaux - by Zerojay
Des animations pour mieux faire vivre la participation et la coopération en présence
Pratiquer le dialogue démocratique et la démocratie participative (DP), ça s'apprend !
Rien n'est inné, ni donné par avance, pour les faire bien vivre en groupe. Même au sein de groupes sensibilisés à ces thématiques.
D'une façon générale, pour bien pratiquer ensemble, la démocratie participative demande un vrai investissement en amont des réunions collectives, de prendre en compte l'avant-réunion comme une étape aussi importante que celle de la réunion elle-même, et de l'après-réunion.
L'objectif de cette initiation est aussi de ne pas limiter la DP aux étapes préalable et postérieure à la réunion proprement dite, durant laquelle les organisateurs ne prendront pas le temps pour la faire vivre et assurer l'implication du plus grand nombre. Source de frustration évidente...
Accepter de prendre le temps et l'énergie à toutes ses étapes et procédure du débat collectif, n'équivaut pas à "perdre son temps" mais à en gagner pour la réflexion collective.
Enfin, trop souvent nous utilisons ces démarches participatives pour nous confronter à des sujets "bouillants" alors que nous n'en avons pas fait l'apprentissage. La participation et la coopération demandent une éducation spécifique qu'il conviendra de disjoindre de son utilisation opérationnelle au risque d'entendre "Je vous avais bien dit que la participation ça ne fonctionnait pas"...
1. Avant même de nous réunir...
Il est judicieux de commencer cette "éducation" à la DP par une simple initiation, d'une façon pas trop "engageante" - dérangeante. Juste un coup, pour voir... Une bonne façon de goûter au bonheur et aux exigences de la DP, et de ne plus vouloir s'en passer et revenir en arrière, à des pratiques sans grande démocratie. Nous allons travailler à faire vivre de "petites expériences irréversibles".Ex.1 Les gouttes d'eau font les grands fleuves
Imaginons le cadre d'un séminaire d'une journée sur "la préservation de la biodiversité dans les pratiques agricoles", pour lequel chaque participant potentiel pourra se référer à un site web présentant l'organisme organisateur de la réunion, les objectifs globaux de cette réunion, ses dates et lieux, etc.On peut commencer cette initiation à la DP en demandant à chaque personne s'inscrivant quelques questions supplémentaires à ses coordonnées. Du genre :
- Les trois mots-clés que vous associez au terme d'agriculture (libre ou sur une mini liste),
- idem pour le terme de biodiversité,
- les deux références bibliographiques que vous recommandez sur cette double thématique,
- etc...
En cas d'absence de site internet dédié à ce séminaire, on peut tout à fait initier cette DP en faisant un tour de table en commençant ce séminaire avec ces mêmes questions. Cela constituera ainsi une présentation à la fois plus originale que "je m'appelle M . XX, et je fais ci ou ça dans la vie...". Et surtout, cette présentation permet d'emblée de rentrer dans le vif du sujet avec une implication de chacun.
Cela permet aussi, par ce référentiel collectif en cours d'élaboration, ou par cette bibliographie, que l'on peut créer du bien collectif, utile à tous et libre d'accès.
Ex.2 Vous êtes fichés
- Il est particulièrement intéressant, pour mieux impliquer les participants à une réunion que chacun puisse aussi se géoréférencer, et découvrir alors des lieux communs, des amis ou connaissances communs, etc. Surtout lorsqu'on est sur un séminaire avec plusieurs dizaines de personnes et que les gens se connaissent peu.
Pour cela, très simple : on procédera de la même façon sur internet qu'avec le petit questionnaire de présentation personnalisé, en proposant à chaque personne s'inscrivant de cocher sur une carte administrative française ou autre (fonds de carte disponibles en ligne), selon la nature de la réunion, son lieu de vie ou / et de travail.
En cas d'absence de site internet dédié au séminaire, on pourra trouver une carte IGN ou Michelin et l'afficher à l'entrée du lieu du séminaire, avec d'une part des punaises colorées qui permettront à chacun de se localiser, mais aussi des bandes de papiers où chacun pourra accrocher son nom (et un n° de téléphone et une adresse e-mail). Ceux qui auront exiger une photo d'identité aux inscrits pourront même la reproduire en petit et l'accrocher avec la punaise de localisation...
- On peut, selon la réunion, faire la même chose avec une carte des structures et des organisations présentes, ce qui permet à chacun de savoir qui est là et pas là , les structures des directions d'organisation présentes, etc... On peut ajouter une feuille à côté de cette carte où chaque sigle d'organisme sera explicité pour les autres...
- On peut enfin, ajouter à ce géoréférencement une géothématisation. Par exemple, sur le thème du séminaire indiqué plus haut, on proposera un tableau où des questions et mots clé de réflexion seront soumis à la discussion collective. Chacun pourra en cliquant sur l'un ou/et l'autre indiquer aux autres les sujets et questions qui lui tiennent à coeur. On veillera aussi à laisser une ou plusieurs cases vides afin de donner la possibilité à chacun d'ajouter d'autres thèmes et questions auxquels les organisateurs n'ont pas songé. Cette géothématisation (ou mapping) peut se décliner à la fois par internet, avant le séminaire, et en entrée de séminaire sur un tableau physique accroché au mur.
On pourra pousser l'exercice un peu plus loin en permettant, sur internet comme sur le tableau physique, de pouvoir ajouter une note brève, des coordonnées, qui compléteront son positionnement.
- Même idée avec un "avis de recherches" : un tableau sur internet, puis reproduit et accroché à l'entrée du séminaire, où chacun peut indiquer "je suis à la recherche d'infos sur les performances des techniques de BRF (Bois Raméal Fragmenté) pour le maintien de la biodiversité des organismes du sol", ou sur "je me demande si les MAE (Mesures Agro-Environnementales) discutées dans le cadre de la nouvelle PAC (Politique Agricole Commune) intègrent la mise en oeuvre de jachères apicoles ?", etc. Chacun ajoutera à sa question ou à sa recherche ses coordonnées téléphoniques et e-mail afin qu'avant et après le séminaire d'autres puissent (continuer à ) lui répondre.
Un petit dispositif astucieux de fiche internet (déclinable très simplement sur une fiche cartonnée affichée au mur) permettra, au-dessous de la question ou demande posée, d'afficher, à la vue de tous, les réponses obtenues (avec les coordonnées des auteurs des réponses). Cela participe à la réflexion collective et permet, en outre, à chaque personne ayant déposé un "avis de recherches" de repartir du séminaire avec sa fiche et les coordonnées des personnes avec lesquelles elle pourra poursuivre l'échange.
Il serait de bon aloi de demander à chaque auteur d'un "avis de recherches" de restituer au groupe, sous forme de synthèse en direct en fin de séminaire ou via internet quelques jours plus tard, les réponses obtenues.
Ex. 3 De l'usage des outils coopératifs
On peut insérer, dans le cadre d'un réseau internet organisant des réunions et des échanges d'infos, une série d'outils très simples et bien utiles, comme un agenda partagé qui permet à chacun de visualiser les activités et réunion du groupe, permet de proposer une initiative dans un créneau disponible, éviter de faire se chevaucher plusieurs RV et d'exclure certains de la possibilité d'y participer.Quel que soit le contenu de ces cartes et tableaux, les organisateurs du séminaire prendront soin de reporter sur la carte ou tableau, physique, qui sera accroché à l'entrée de la réunion, les points de localisation, de géothématisation, les avis de recherche, etc. déjà entrés sur internet par certains.
Ces outils en ligne (questionnaires, agenda, etc.) sont modulables dans leur fonctionnement, et notamment dans leur gestion et les accès aux paramètres permettant de les formater et de les modifier. Une discussion préalable sur ces accès est donc nécessaire collectivement.
Donc, c'est clair : d'entrée de jeu, il faut prévoir le temps et l'espace pour que se noue ce dialogue entre les participants, et lui permettre de se poursuivre au-delà de la réunion.
2. Au cours de la réunion...
Les préliminaires décrits, entrons dans le vif de la DP !L'animateur de la réunion aura tout intérêt à se saisir du "matériel" de commentaires et questions obtenus dans cette phase préparatoire pour nourrir, engager les travaux et la discussion du groupe, éviter d'ouvrir les discussions face à une grand tableau vide, ne pas hésiter à placer ne serait-ce que quelques mots clés, même provocants... Excellent pour susciter les prises de paroles !
De même, et d'une façon générale, deux procédures favorisent l'éveil participatif de chacun durant tout le séminaire, en dehors des jets d'eau froides, des insultes et des coups de pied au cul, bien entendu !
- 1. Prévenir les participants que l'ensemble des présentations (voir Point 3), Powerpoint et autres, seront mises en ligne sur le site quelques jours à quelques semaines après le séminaire. Cela pour éviter que les gens passent leur temps à gratter comme des malades durant les présentations et... n'écoutent plus le contenu !
- 2. L'animateur effectuera des synthèses le plus régulièrement possible au cours du séminaire, quasiment en direct selon la nature des débats, leur complexité, et les moyens informatiques (rétroprojecteur avec logiciel Freemind, par ex.), afin que là encore, les gens s'attachent davantage. À écouter, à réfléchir et à débattre, plutôt qu'à fixer par écrit les paroles d'autrui.
Ce travail de synthèse pourra aussi être assumé par des tiers, surtout en cas d'ateliers, par des prises de notes (ou via Freemind), afin qu'une restitution puisse vraiment être discutée avant sa présentation au cours d'une nouvelle séance plénière. Ce travail de synthèse peut être facilité par la distribution aux personnes qui s'y collent de formulaires organisés à cette fin (conçu par l'animateur et les organisateurs).
Ce travail de synthèse suppose une discussion préalable sur les focus que les organisateurs attendent des sessions et des ateliers. Et au lieu de préparer par avance synthèses et conclusions, avant même que le séminaire ait lieu - un grand classique dans les colloques internationaux ! -, on aura tout intérêt à discuter des focus par sessions et ateliers durant la phase préparatoire au séminaire entre organisateurs et animateur. Ces focus pourront être d'ailleurs proposés, par avance, aux participants inscrits à ce séminaire, donc mis en ligne avant le séminaire. Ils pourront ainsi être amendés par les participants avant et en cours de séminaire.
Cette procédure :
- facilitera grandement les synthèses globales à faire sur l'ensemble du séminaire,
- favorisera une élaboration plus démocratique qu'à l'ordinaire,
- et garantira un rythme raisonnable pour leur diffusion ultérieure.
Cet exercice peut être particulièrement apprécié par les organisateurs d'un séminaire ou l'organisation invitante, qui prendront ainsi la mesure du travail accompli. Ce procédé de l'avant et de l'après, peut se faire aussi sur le site internet du séminaire. Il peut être décliné de mille manières et permettre d'acter certaines avancées collectives.
On peut, dans le même esprit, répartir des réponses aux questions posées en ligne pour les compléter et les reformuler en direct, tous ensemble. Ce qui assure une continuité des phases de déroulement du séminaire, et justifie l'effort consenti par ceux qui ont pris la peine de se prêter au jeu en ligne.
Afin de favoriser l'expression des opinions et des questions, même lorsqu'on n'est pas une grand gueule et que l'on n'a pas l'habitude de prendre la parole en public, on proposera l'usage de "cartons question ou commentaire" (en quelques lignes).
Ils seront distribués en entrée de séminaire, en plusieurs exemplaires. Complétés, ils pourront être glissés dans une boîte prévue à cet effet tout au long du séminaire (à charge aux organisateurs d'aller relever cette boîte aux questions et commentaires régulièrement) ou transmis à l'animateur au cours d'une session.
Ce dernier pourra regrouper plusieurs questions et commentaires avant leur restitution, afin d'obtenir une réponse en direct.
Au cas où le temps manquerait, ces questions et commentaires seront mis en ligne et la discussion pourra ainsi se prolonger, malgré la fin du séminaire. La création de Forums de discussion peut être initiée de cette manière...
Une autre formule possible, l'animateur réunit questions et commentaires par thème, puis il va voir une personne-ressource et les lui transmet : cette personne-ressource prend le temps d'y répondre publiquement ou sur le site internet.
On peut aussi imaginer que cette personne donne ses réponses à l'animateur qui en fait la restitution en séance publique ou sur le site internet. Cette formule via l'animateur offre l'avantage de rester synthétique - là où un "spécialiste" aura tendance à délayer un peu trop sa réponse - mais elle multiplie les intermédiaires... et donc le risque de pertes d'information et de qualité de celle-ci.
Le développement de jeux de rôles. Nous les mentionnons juste ici, mais ils devraient faire l'objet de bien plus longs développements ultérieurement. Ces jeux peuvent être un excellent moyen pour faire sortir certaines idées, réflexions, comportements, et dépasser des conflits, exposer des non-dits, etc. Un grand nombre de techniques et de jeux de rôle existent à cet effet. Ils ont beaucoup de vertu à la condition qu'ils soient réellement maîtrisés et coordonnés par l'animateur, qui devra ensuite en faire une analyse et une synthèse publique dans la foulée.
3. Après la réunion, les discussions continuent !
L'une des premières discussions que l'animateur aura avec les organisateurs dudit séminaire - et ceux-ci avec les intervenants - concerne le statut des documents et des présentations (PP ou autres) des intervenants invités. Et plus exactement leur niveau de diffusion avant et après le séminaire. Ce point, très important, fait référence à la question de l'accès et de la diffusion des informations et des données contenues dans ces présentations.Aujourd'hui, une large réflexion s'est engagée dans différents milieux sur l'accès libre à l'information sous toutes ses formes. Et la définition de différents statuts d'accès (licence) est proposée sous le concept de Creative Commons auquel nous adhérons. Ces différentes licences font d'une information un bien commun, un bien privé, un bien privé mais collectif, un bien commun sous conditions (être cité, utilisable seulement en lecture, utilisable en lecture et modifiable, utilisable commercialement mais sans appropriation possible, etc.) Pour plus d'information, le site http://fr.creativecommons.org/
En résumé, les données, informations et des documents présentés au cours de cette réunion peuvent être diffusés à l'extérieur, notamment via le site internet du séminaire de plusieurs manières :
- Les intervenants en publient une synthèse ou une présentation dédiée spécialement à cette diffusion publique (présentation revue voire édulcorée de certains éléments jugés confidentiels) ;
- ils acceptent une publication en ligne exclusivement à destination des participants au séminaire (l'accès à celle-ci se fait alors que par un système de login et de mot de passe fournis aux seuls inscrits) ;
- ils acceptent une diffusion en ligne accessible à tous, participants au séminaire comme simples consultants du site ;
- ils refusent toute mise en ligne de leur présentation. Dans ce cas, deux options : soit les organisateurs qui ont discuté auparavant avec chaque intervenant sur une règle du jeu de diffusion, ne le gardent pas comme intervenant ; soit ils subissent sa décision avec le sourire...
Auteurs : Association Outils-Réseaux, Vincent Tardieu
Crédits illustrations sous licence creativecommons : by Moustic 2011 - by Ultimcodex - by Moustic 2011 - by Outils-Réseaux - by Zerojay
Outils conviviaux
Auteur de la fiche :
Laurent Marseault
Licence de la fiche :
Creative Commons BY-SA
Description :
Mais quel outil utiliser ? Quel est l'outil idéal ? Avez-vous des modèles de cahiers des charges d'outils coopératifs parfaits ?
Ces questions nous sont très souvent posées.
Il nous semble que la notion d'outils conviviaux nous aide à penser un peu plus la question fondamentale de l'outil.
Cette notion est proposée par Ivan Illich, penseur de l'écologie politique. Pour lui, les outils (compris au sens large, incluant moyens techniques, institutions) aliènent les individus et les privent d'autonomie. Leurs utilisations généralisées pouvant aller jusqu'à la contre-productivité.
Ces trois conditions appliquées aux organisations et aux moyens techniques redonnent place aux individus, leurs permettent d'être acteurs dans des systèmes sur lesquels ils ont prise. Les humains en ont besoin, l'humanité en a besoin.
N.B. Les outils libres ne sont pas forcément conviviaux
« Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 3 février 2014).
Crédits photos : outils en chocolat JanneM sur Flickr - CC-BY-SA
Ces questions nous sont très souvent posées.
Il nous semble que la notion d'outils conviviaux nous aide à penser un peu plus la question fondamentale de l'outil.
Cette notion est proposée par Ivan Illich, penseur de l'écologie politique. Pour lui, les outils (compris au sens large, incluant moyens techniques, institutions) aliènent les individus et les privent d'autonomie. Leurs utilisations généralisées pouvant aller jusqu'à la contre-productivité.
3 conditions pour des outils conviviaux
Illich propose alors un cahier des charges simple et clair à ce qu'il nomme outil-convivial :- Il doit être générateur d'efficience sans dégrader l'autonomie personnelle.
- Il ne doit susciter ni esclaves ni maîtres.
- Il doit élargir le rayon d'action personnel.
Ces trois conditions appliquées aux organisations et aux moyens techniques redonnent place aux individus, leurs permettent d'être acteurs dans des systèmes sur lesquels ils ont prise. Les humains en ont besoin, l'humanité en a besoin.
La bibliothèque anxiogène
Dans une bibliothèque du Sud de la France, les salariés ont maintenant comme poste de travail un "client léger", il s'agit d'un terminal, connecté à un serveur central. Toutes les nuits, l'ordinateur est remis à neuf, seuls sont sauvegardés les dossiers personnels. Les logiciels installés par les utilisateurs (quand cela est possible) sont effacés dans la nuit, toutes personnalisations sont effacées... Ce système estimé très efficace par la direction des services informatiques est vécu comme insupportable par les bibliothécaires, générant une souffrance psychique palpable. Les tentatives d'évolution vers plus de convivialité ont été systématiquement rejetées provoquant la dés-implication de ceux qui, sans compter, amélioraient leur institution pour le bien des usagers.La carte qui donne des idées
Freeplane est un petit logiciel de carte mentale ou carte heuristique. Utilisé devant un groupe pour l'aider à synthétiser la richesse de ses échanges, il permet de rendre visible les idées et leurs complémentarités. Il donne assez systématiquement des envies et idées d'utilisations auprès des personnes qui en ont vécu l'expérience. Logiciel libre facile à prendre en main, il est simple de se l'approprier et de le détourner pour de nouveaux usages. Il est proche de l'outil convivial par excellence.Coopération, réseaux et convivialité
Un réseau, un groupe qui coopère s'inscrit dans un processus qui devra s'outiller et faire évoluer son outillage en fonction des étapes de son processus. Garder en tête les conditions des outils conviviaux lors de l'élaboration organisations et outils pour les servir permettra d'élaborer un système vivant, évolutif et apprenant. Le réseau, groupe coopératif ou collaboratif deviendront des lieux d'apprentissages, d'innovations et d'émancipations.N.B. Les outils libres ne sont pas forcément conviviaux
Pour aller plus loin :
Illich Ivan, La convivialité [en ligne], Points (Paris), ISSN 0768-0481 ; 65 Points. Civilisation, Paris, Éd. du Seuil, 1990« Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial>, (consulté le 3 février 2014).
Crédits photos : outils en chocolat JanneM sur Flickr - CC-BY-SA
Ce que nous avons appris de Cooptic
Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d'excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.
Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.
La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.
La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.
Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :
- Formateur "expert" : il est le référent sur les sujets traités, il transfert les connaissances.
- Accompagnateur : il structure et accompagne la progression du groupe dans un environnement d'apprentissage fondé sur la communication et l'échange.
- Tuteur : il établit un lien individualisé avec chaque apprenant en aidant à surmonter l'effet d'isolement que les formations à distance induit.
- "Technicien" : il est garant du fonctionnement des dispositifs techniques.
Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :
- Reconsidérer la "distance" comme un espace-temps de possibles interactions et apprentissages. On peut apprendre, créer des liens, travailler ensemble, produire une ressource dans des configurations multiples :
- À distance asynchrone en contribuant selon ses disponibilité sur un espace d'écriture, en partageant des ressources... En échangeant par mail ou forum,
- À distance synchrones durant des conférences vidéo, ou échanges de pratique entre les groupes,
- En présence et à distance à la fois... Il est possible d'organiser des cours en visio-conférence avec deux groupes en parallèle sur deux sites différents.
- Rendre la relation plus horizontale entre les formateurs, les stagiaires et le savoir. Dans les flux des informations et des échanges, le formateur est un élément parmi d'autres.
- Adopter la méthode "surf "1 ....accepter les incertitudes et oser expérimenter durant le processus. Le formateur est garant de la méthodologie : il crée des conditions d'équilibre et ne maîtrise pas nécessairement la forme des résultats de coproduction.
Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération
Ce que Cooptic innove | L'effet sur la formation | L'effet sur l'apprentissage de la coopération. |
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation | Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. | Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net. |
Un espace collectif et des espaces individuels | La plate-forme wiki/ permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. | L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel). |
Contenus ouverts | Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. | Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges. |
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours | La mise en ligne des cours "libère" du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. | Acquisition des savoirs-faire : "apprendre à apprendre" et "apprendre à faire avec les autres". |
Structure modulaire | Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. | La construction d'un parcours plus personnel est possible. |
Approche systémique | Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). | Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs. |
Pluralité des parcours structurés | Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours "projet professionnel" (environnement collaboratif). | Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif. |
Changement progressif des tailles des groupes de travail | Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 | Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle). |
Mise en réseaux et échange des pratiques | L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir. Le formateur est garant de la méthodologie. | Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi. |
Coproduction des contenus | Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. | Posture active face au savoir. Sentiment de créer un "bien commun". |
Notion de "présence" à distance | Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement "à distance" est systématisé (points fixes avec le formateur). | L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures. |
Pour en savoir plus : les communautés épistémiques
Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.
Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux. Revue française de gestion, n° 146, 99-121.
- 1 Rosnay, Joël. Surfer la vie : vers la société fluide. Paris : Les liens qui libèrent, 2012