Ce que nous avons appris de CoopTic


Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d' excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.

Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Coop-Tic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.

La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.

La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Coop-tic et Animacoop, son équivalant français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des « amateurs -experts » actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.

Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :
  • formateur "expert" : il est le rĂ©fĂ©rent sur les sujets traitĂ©s, il transfert les connaissances.
  • accompagnateur ; il structure et accompagne la progression du groupe dans un environnement d'apprentissage fondĂ© sur la communication et l'Ă©change.
  • tuteur : il Ă©tablit un lien individualisĂ© avec chaque apprenant en aidant Ă  surmonter l'effet d'isolement que les formations Ă  distance induit.
  • "technicien" : il est garant du fonctionnement des dispositifs techniques.

Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :
  • re-considĂ©rer la "distance" comme un espace-temps de possibles interactions et apprentissages. On peut apprendre, crĂ©er des liens, travailler ensemble, produire une ressource dans des configurations multiples :
    • Ă  distance asynchrone en contribuant selon ses disponibilitĂ© sur un espace d'Ă©criture, en partageant des ressources.. en Ă©changeant par mail ou forum,
    • Ă  distance synchrones durant des confĂ©rences vidĂ©o, ou Ă©changes de pratique entre les groupes,
    • en prĂ©sence et Ă  distance Ă  la fois... il est possible d'organiser des cours en visio-confĂ©rence avec deux groupes en parallèle sur deux sites diffĂ©rents.
  • rendre la relation plus horizontale entre les formateurs, les stagiaires et le savoir. Dans les flux des informations et des Ă©changes, le formateur est un Ă©lĂ©ment parmi d'autres.
  • adopter la mĂ©thode "surf "1 ....accepter les incertitudes et oser expĂ©rimenter durant le processus. Le formateur est garant de la mĂ©thodologie : il crĂ©e des conditions d'Ă©quilibre et ne maĂ®trise pas nĂ©cessairement la forme des rĂ©sultats de co-production.

Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération

Ce que Coop-tic innove L'effet sur la formation L'effet sur l'apprentissage de la coopération
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net.
Un espace collectif et des espaces individuels La plate-forme wiki permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel).
Contenus ouverts Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges.
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours La mise en ligne des cours « libère » du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. Acquisition des savoirs-faire : « apprendre à apprendre » et « apprendre à faire avec les autres ».
Structure modulaire Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. La construction d'un parcours plus personnel est possible.
Approche systémique Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs.
Pluralité des parcours structurés Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours « projet professionnel » (environnement collaboratif). Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif.
Changement progressif des tailles des groupes de travail Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle).
Mise en réseaux et échange des pratiques L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir.Le formateur est garant de la méthodologie. Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi.
Coproduction des contenus Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. Posture active face au savoir. Sentiment de créer un « bien commun ».
Notion de « présence » à distance Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement « à distance » est systématisé (points fixes avec le formateur). L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures.



Pour en savoir plus : les communautés épistémiques


Les communautĂ©s Ă©pistĂ©miques peuvent ĂŞtre dĂ©finies comme un [petit] groupe de reprĂ©sentants partageant un objectif cognitif commun de crĂ©ation de connaissance et une structure commune permettant une comprĂ©hension partagĂ©e. C'est un groupe hĂ©tĂ©rogène. Par consĂ©quent, l’une des premières tâches de ses membres consiste Ă  crĂ©er un codebook, une sorte de « code de conduite », qui dĂ©finit les objectifs de la communautĂ© et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractĂ©rise une communautĂ© Ă©pistĂ©mique est avant tout l'autoritĂ© procĂ©durale, qui est garante du progrès vers le but fixĂ© tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est rĂ©alise Ă  partir des synergies des particularitĂ©s individuelles. Cela nĂ©cessite que la connaissance qui circule au sein de la communautĂ© soit explicitĂ©e. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communautĂ© Ă©pistĂ©mique sont unis par leurs responsabilitĂ©s Ă  mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L’objet de l’Ă©valuation concerne donc la contribution individuelle Ă  l’effort vers le but collectif Ă  atteindre, et la validation de l'activitĂ© cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixĂ©s par l'autoritĂ© procĂ©durale. Il en est de mĂŞme avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles prĂ©Ă©tablies relatives au potentiel d'un membre Ă  rĂ©aliser le but de la communautĂ©.

Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux. Revue française de gestion, n° 146, 99-121.


  • 1 Rosnay, JoĂ«l. Surfer la vie : vers la sociĂ©tĂ© fluide. Paris : Les liens qui libèrent, 2012

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