Beaucoup de stratégies prennent en compte l'égoïsme de l'homme : par exemple les systèmes qui le contraignent à oeuvrer pour une cause commune ou bien l'économie qui permet de négocier un prix d'échange en fonction de l'offre et de la demande avec des "agents" individualistes et rationnels.
Pour ma part, je me suis intéressé aux stratégies de coopération en partant du même présupposé : si l'homme a un côté égoïste et un coté altruiste, il faut avant tout chercher à faire converger son intérêt et l'intérêt collectif. Pire : quelqu'un qui serait altruiste, en cas de conflit d'intérêt, agirait pour l'intérêt des autres, au détriment de son propre intérêt. Il aurait donc un désavantage au sens darwinien...

Altruisme
Eric Grelet - CC By Sa


Pourtant trois informations dont j'ai eu récemment connaissance montrent que l'homme (tout comme certains animaux) peut faire des choses qui vont apparemment à l'encontre de ses intérêts pour obtenir quelque chose de vital : pouvoir s'allier avec d'autres.

Même les animaux sont parfois altruistes

Les cratéropes sont des oiseaux qui nourrissent les nichées des autres membres du groupe, se protègent mutuellement. Beaucoup d'autres espèces ont des membres qui acceptent d'être des sentinelles pour les autres. Ils montrent ainsi aux autres leur utilité à être intégrés dans une coalition.

L'homme-qui-dit-tout-ce-qu'il-sait face aux profiteurs

L'homme aussi fait des choses qui semblent aller à l'encontre de son intérêt. Jean-Louis Dessalles de Telecom Paris, dans une très intéressante conférence appelée "le langage humain, un paradoxe de l'évolution", montre que le langage devrait normalement désavantager celui qui l'utilise : celui qui parle partage ses infos alors que celui qui écoute dispose à la fois de ses propres information et de celles des autres.
Pourtant nous descendons d'un homme qui parle. Cette invention fondamentale qui a eu lieu il y a 100 ou 200 000 ans est même pour Jacques Monod dans "le hasard et la nécessité" la cause de notre intelligence. Quel avantage darwinien la nature peut-elle bien donner à celui qui parle et donne ses informations aux autres ?

Deux tentatives d'explication

On ne peut pas invoquer simplement l'avantage collectif pour l'espèce car cet argument ne fait pas le poids face à l'inconvénient pour l'individu de donner sans attendre de retour.
Autre tentative d'explication : dans l'approche de l'évolution par la théorie du jeu, développée par John Miller Smith, il est possible de faire quelque chose (par exemple donner une information) pour obtenir quelque chose de l'autre (approche "donnant/donnant"). Cela nécessite de s'adresser de préférence à ceux que l'on pense capable de "jouer le jeu", mais aussi d'avoir un système de détection des tricheurs (une approche développée par W.D. Halmilton).
Mais la théorie des "barbes vertes" met en image la difficulté des altruistes de se reconnaître entre eux :
"supposons que les altruistes portent, pourquoi pas, une barbe verte pour s'identifier les uns les autres. Les quelques égoïstes de la même espèce qui portent également des barbes vertes auront la possibilité de tricher... Et réussiront encore une fois aux dépens des altruistes !".
Pourtant, des chercheurs du laboratoire d'écologie de l'Université Pierre et Marie Curie (ENS-CNRS) et du Royal Holloway College (Londres, Royaume-Uni) ont pu démontrer récemment que les altruistes pouvaient garder une longueur d'avance sur les "tricheurs" en "modifiant régulièrement la couleur de leur barbe". Les simulations montrent que dans ce cas, les altruistes peuvent gagner un avantage concurrentiel non seulement face aux égoïstes mais même face aux égoïstes tricheurs...
Malgré tout : l'approche donnant/donnant, si elle permet de comprendre certains comportement altruistes, ne fonctionne pas cependant avec le langage car on s'adresse très souvent à un ensemble de personnes.

Le sage montre la Lune et le fou regarde le doigt

Jean-Louis Dessalles propose une troisième hypothèse très séduisante. Il constate que le petit d'homme, même avant qu'il ne sache parler, à tendance à montrer du doigt, c'est-à-dire à partager ses informations. Ce n'est pas le cas des animaux en général.
Une expérience illustre cela :
Lorsque l'on met de la nourriture sous un bol retourné et rien sous un autre : montrer le bon bol ne provoque rien chez un chimpanzé alors que le mouvement d'aller prendre le bon bol provoque la réaction de l'animal pour aller chercher la nourriture. L'enfant au contraire comprendra l'information simplement en montrant un bol du doigt.
La différence est que l'animal n'intègre pas en général dans sa communication l'information donnée sans attente de retour. La communication sert à montrer sa force physique, son attrait sexuel mais pas des choses qui ne vont pas être utiles à celui qui communique.
L'homme communique également comme cela, mais il va également y ajouter des informations qu'il donnera sans attendre d'autres informations en retour. En faisant cela, il va montrer aux autres des qualités qui le rendent à même d'être intégré dans le groupe (abnégation, altruisme, sincérité...).

L'avantage en terme de survie

Si l'homme passe environ 20% de son temps éveillé à communiquer avec les autres en leur donnant des informations "à fond perdu", c'est sans doute parce qu'il en tire un avantage crucial. Celui-ci doit compenser l'inconvénient qu'il y a de se retrouver parfois à faire des actions pour l'intérêt du groupe mais à son propre détriment.
L'être humain a peu de chances de survivre seul. Mais contrairement à d'autres animaux, il s'unit moins naturellement aux autres (en dehors des membres de sa famille). Il pourrait alors avoir développé une capacité de langage élaboré afin de pouvoir donner des informations et ainsi montrer qu'il peut être accepté dans le groupe.
Les chimpanzés ne savent monter des coalitions qu'à deux ou trois (à ne pas confondre avec la meute ou le troupeau : dans une coalition, les individus se sont choisis entre eux). L'homme, probablement grâce au langage, est capable de faire des alliances avec plus de personnes. Dans un petit groupe, c'est le choix force individuelle qui apporte le plus à l'ensemble ; dans un grand groupe c'est le nombre qui donne la force et donc la capacité des membres à coopérer ensemble.

Le conflit d'intérêt et la présomption d'altruisme

Cette approche pourrait expliquer une particularité des groupes : en cas de conflit d'intérêt, il y a une croyance inconsciente que la personne va défendre l'intérêt du groupe à son détriment. Bien sûr, lorsque l'on en discute en pleine consciente on se rend compte que ce n'est pas forcément le cas.
Cela a une conséquence fâcheuse : lorsque quelqu'un se retrouve en conflit d'intérêt, il ne peut pas dire aux autres "j'ai un problème, je ne peux pas agir dans l'intérêt du groupe". Pourtant, en parler permettrait dans la plupart des cas de trouver une troisième voie qui permettrait de réconcilier les intérêts individuels et collectifs ; mais cela signifierait que l'on n'a pas uniquement une position altruiste, contrairement à ce que nous avons montré inconsciemment par notre communication pour être accueilli dans le groupe.
Ainsi, un des problèmes qui rend le plus difficile la cohabitation des hommes entre eux est qu'en cas de conflit d'intérêt, il n'est pas possible d'en parler. Nous restons dans le non-dit et même parfois dans l'inconscience (par exemple avec des réactions de colère que nous cherchons à justifier par des causes objectives alors qu'elles sont le résultat d'autres causes dont nous ne sommes pas pleinement conscient...). Ce non-dit nous rend difficile la résolution des inévitables problèmes de la vie en groupe. Il semble venir de ce qui nous permet justement de nous réunir : notre faculté à donner des informations gratuitement pour montrer notre capacité à être choisi pour participer à une coalition !

Hume et la partialité de l'homme

Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique1" : focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !

Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 1. Introduction

La présentation "La coopération en 28 mots-clés" est disponible en ligne : http://prezi.com/x9zpkjggl85j/?utm_campaign=share&utm_medium=copy&rc=ex0share

Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori

Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
  • La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
  • La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
  • Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori, parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;

Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne la coopération est assez contre intuitive, car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.

La taille des groupes et les rôles des membres

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;


Convergence et conflit

On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations. La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ; les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.

Mais trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions) et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.

S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus. Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.


Les trois types d'influence dans un groupe

Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :
  • La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
  • La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
  • L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.

Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions. Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.


Implication et désimplication

On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.

Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
  • La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
  • Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
  • Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)

Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
  • " Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
  • " C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)


Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe

Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication. Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.

Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient. Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.

Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.

Très souvent, on cherche à piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions. Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention. Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...


Les autres aspects spécifiques au groupe

Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.

Il existe trois types de vocation pour un groupe : un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres, une communauté crée avant tout une identité collective et un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement. Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.

Un groupe progresse suivant différents niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy5" qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur), le groupe devient adolescent. Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante, le groupe devient adulte. Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois le groupe devient sénile. Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.

Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (Web...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante6) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu7). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich8).


Les autres aspects qui dépendent de l'environnement

Outre la notion de choix a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.

L'environnement peut apporter des contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir. Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.

La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve trois grandes étapes(enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité, le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes. Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.

L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses échanges avec l'extérieur. Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de leur quantité, de leur qualité et de leur diversité, afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 10. Influence de l'environnement

#contraintes28 #legitimite28 #echanges28

Les compétences de la coopération

Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.

Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent à savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...), se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité"(la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).

Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).

Les compétences tournées vers l'environnement consistent à savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes10), organiser des événements ouverts sur l'extérieur, documenter ce que le groupe sait faire11 et enfin passer à l'échelle. Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"12.

Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y être exposé en assistant à un événement, puis on peut avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste à comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'innover dans ce domaine.

Pour en savoir plus


JM Cornu - La Coopération en 28 mots-clés - 11. Les compétences de la coopération

Cartographier pour donner une vision d'ensemble
Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes
Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire (sur le site d'Imagination for People)
#integrer28 #comporter28 #infobesite28 #positionnement28 #demarrer28 #faire_vivre28 #cartographier28 #autoevaluer28 #produire28 #evenement28 #documenter28 #echelle28

La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?

La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre13. Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.

Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire. Il est possible de s'aider d'outils. Ainsi, un auto-questionnaire14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.

S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe. Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les "conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)15.




Mots clés :

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Coopération ou collaboration : quelles différences ?

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Entre la coopération et la collaboration, la différence est nuancée.
F. Henri et K. Lundgren-Cayrol analysent de manière très éclairante la différence entre ces deux notions.
La présentation qui suit reprend largement cette analyse.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

De manière générale, les groupes collaboratifs et coopératifs travaillent ensemble sur un but commun ou partagé.
C'est dans la manière de partager le travail que la différence est la plus visible :

En coopérant

cooperatio




Le groupe est divisé en équipes spécialisées qui réalisent une partie de tâche. Les membres de chaque équipe ont des responsabilités spécifiques. L'ensemble est réalisé seulement quand tous les membres ont fait leur part de travail.

La première différence : comment partage-t-on le travail ?

En collaborant


cooperatio



Les membres du groupe travaillent pour un but commun. Mais chacun, individuellement, cherche à atteindre par lui-même le but consensuel. Deux productions se font en parallèle : une production collective et les productions individuelles de chaque participant.

Autres différences

De cette manière de réaliser la tâche commune, découlent d'autres différences :
  • La maturité des groupes
  • Les interactions entre les personnes
  • La manière de considérer le but

La maturité des groupes

  • La démarche coopérative est plus structurée et encadrante. L'animateur organise et "contrôle" le travail. Ce type de travail convient davantage au "groupe-enfant";
  • La démarche collaborative est plus souple et les membres du groupe disposent de plus de liberté, Elle convient davantage au "groupe-adulte".

maturité groupe

On peut voir la démarche coopérative comme une méthode d'initiation et de préparation à une réelle collaboration.

Les interactions entre les personnes

Les interactions entre les membre des groupes jouent un rôle central :
  • En coopérant la complémentarité des tâches crée un sentiment de dépendance réciproque, les interactions sont de ce fait très fortes mais "hiérarchisées".
  • En collaborant c'est la mise en commun des idées qui priment, les interactions ont plutôt un caractère "associatif", elles sont donc plus riches et plus intenses.

La manière de considérer le but

Pourquoi travaillons-nous ensemble ?

coop



En coopérant, chaque membre est responsable d'une action ou sous-tâche. Le but est une production collective, c'est le groupe en tant qu'entité qui atteint un but.

coll



Dans les démarches collaboratives chacun utilise l'ensemble des ressources dans le groupe.

En conclusion

Une façon d'inciter à donner est d'en développer la motivation. Non pas la motivation extrinsèque comme nous l'avons vu (contre-don, reconnaissance sociale), mais plutôt une motivation intrinsèque qui n'attend rien de l'extérieur (estime de soi, réalisation de soi). Il ne s'agit donc pas d'un don gratuit mais plutôt d'un don désintéressé, au sens où il n'y a pas d'intéressement (un "intérêt à...") mais plutôt un "intérêt pour..."1. Cependant, dans la théorie de l'autodétermination, cette distinction intrinsèque/extrinsèque est vue plutôt comme un continuum2.

Les motivations intrinsèques "déterminées par le plaisir et le sentiment d'autonomie 3" intéressent beaucoup l'économie moderne. Parmi elles, l'estime de soi est un des moteurs de la charité (avec la reconnaissance sociale qui est elle, une motivation extrinsèque). Beaucoup de donneurs anonymes le font en considérant qu'ils ont de la chance d'être dans leur situation et qu'il est bien d'en faire profiter ceux qui n'ont pas eu cette chance, se mettant ainsi en accord avec leurs propres valeurs. Celles-ci peuvent être personnelles ou culturelles. Il est donc possible de jouer sur les valeurs du groupe où l'on souhaite mettre en place un système de don. La construction d'un système de valeurs se fait cependant progressivement et peut se heurter ponctuellement aux valeurs individuelles de certaines personnes, différentes de celles du groupe. À l'inverse, le système de valeurs est également constitutif du groupe4, incitant ceux qui s'y reconnaissent à intégrer le groupe et rejetant parfois ceux qui ont des valeurs différentes. L'autre type de motivation intrinsèque est la "réalisation de soi". Les travaux en psychologie positive ont montré que l'on atteint un état de bonheur, nommé "état de flow", lorsque l'on est totalement absorbé dans ce que l'on fait. Pourrait-on s'immerger dans le don à l'autre et y trouver un grand bonheur ?

Pour en savoir plus : l'état de flow 5

Mihaly Csikszentmihalyi, une des figures de proue de la psychologie positive6, s'est intéressée, dès les années 70, aux personnes qui consacraient beaucoup de temps et d'énergie à des activités diverses, pour le simple plaisir de les faire, sans attendre en retour des gratifications sous forme d'argent ou de reconnaissance sociale (joueurs d'échec, alpinistes, danseurs, par exemple). Ses observations l'ont amené à conclure que le bonheur, c'est lorsque nous "donnons le meilleur de nous même". Il décrit un principe d'expérience optimale, un état de flow, où nous sommes complètement absorbés dans ce que nous faisons. Cela peut être une activité très valorisante, comme écrire un livre, gravir une montagne ou une simple activité de la vie quotidienne dans laquelle nous aurons su trouver de l'intérêt pour nous investir pleinement. Cela peut même parfois s'appliquer à ce qui est habituellement perçu comme une corvée (vaisselle, repassage, etc.). Grâce aux témoignages recueillis et aux expériences réalisées, Csikszentmihalyi a identifié différentes particularités décrivant l'état de flow7.
1 - Haut degré de concentration sur un champ limité de conscience (hyperfocus), absence de distraction ;
2 - Une perte du sentiment de conscience de soi, disparition de la distance entre le sujet et l'objet ;
3 - Distorsion de la perception du temps ;
4 - Rétroaction directe et immédiate. Les réussites et difficultés au cours du processus sont immédiatement repérées et le comportement ajusté en fonction ;
5 - Sensation de contrôle de soi et de l'environnement.

Michael Norton, professeur associé à la Harvard Business School montre comment le bonheur peut être associé au fait de donner, y compris de l'argent8. Il a réalisé une étude sur le campus de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver en demandant à des étudiants à quel point ils étaient heureux et en leur donnant une enveloppe. Elle contenait de l'argent, 5$ ou 20$ suivant les étudiants et également un mot indiquant pour la moitié des étudiants : "d'ici 17h aujourd'hui dépensez cet argent pour vous-même" et pour l'autre moitié "d'ici 17h aujourd'hui, dépensez cet argent pour quelqu'un d'autre". A la fin de la journée, les chercheurs ont interrogé les étudiants en leur demandant à quoi ils avaient dépensé leur argent et à quel point ils se sentaient heureux maintenant. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui avaient dépensé l'argent pour les autres étaient plus heureux que ceux qui l'avaient utilisé pour eux-mêmes, et cela indépendamment de la somme d'argent dépensée. Michael Norton a réalisé une expérience similaire en Ouganda et à constaté que la situation était la même. Pour étendre cette recherche, il a ensuite fait appel à l'institut de sondage Gallup pour poser deux questions : "avez-vous donné de l'argent à un organisme caritatif récemment ?" et "à quel point êtes-vous heureux de votre vie en général". Dans la très grande majorité des pays les deux réponses sont corrélées positivement : donner rend plus heureux.

Mais il existe une difficulté pour atteindre le bonheur et l'état de flow. Nous avons tendance à privilégier les activités passives (comme regarder la télévision...) qui nous apportent une satisfaction très partielle mais immédiate plutôt que des activités actives qui vont nous rendre plus heureux mais qui demandent un effort au départ. Comment dépasser cette "barrière de l'effort"? Celui qui prend du plaisir dans le footing a d'abord souffert les premières fois; le musicien a dû s'entraîner parfois de longues années avant de pouvoir s'immerger dans une oeuvre, voire composer lui-même; Simplement le fait de passer de bons moments entre amis nécessite de sortir de chez soi... Tout au moins, il est important de vivre une première fois une expérience avant de se rendre compte qu'elle nous apporte du plaisir.

Vivre une petite expérience irréversible

Pour dépasser cette "barrière de l'effort" et trouver le bonheur dans un état de flow, il peut être nécessaire que nous visions une "petite expérience irréversible9", celle qui changera profondément notre façon de voir en nous ouvrant des perspectives qui nous semblaient impossibles. Nipun Mehta, le fondateur de ServiceSpace.org, un incubateur de projets à l'intersection du bénévolat, de la technologie et de l'économie du don, cite une histoire vraie qui s'est déroulée le jour de Noël à Mexico. Elle illustre bien cette différence entre l'idée que nous nous faisons d'une situation et le bonheur qu'elle peut nous apporter10. "Un père et son fils sont assis près d'un sapin. Un gamin des bidonvilles passe par là. Le père se tourne vers son fils et lui dit de lui donner un de ses jouets. Le fils est réticent bien sûr mais quand il se rend compte que son père est sérieux, il prend l'un de ses jouets, celui qu'il aime le moins, et se prépare à le donner. Mais son père lui dit : "mon fils, donne ton jouet favori". L'enfant bien que réticent au départ, fini par le faire. Quand il revient, le père se dit qu'il doit féliciter son geste et reconnaître le grand sacrifice que son fils a fait. Mais de façon surprenant, l'enfant à son retour saute de joie, regarde son père et lui dit : "Papa, c'était incroyable ! Est-ce que je peux le faire encore ?".

Les actes que nous faisons sont souvent dictés par la façon dont nous percevons les choses et cette perception, indépendamment de la réalité dépend de l'environnement, de ce que nous entendons autour de nous sur le sujet, etc. L'économie expérimentale s'intéresse aux comportements individuels et collectifs. Nous en avons déjà vu un exemple avec la théorie cumulative des perspectives11 qui montre notre aversion au risque. Jacques Lecomte12, professeur de psychologie à l'Université de Nanterre et à l'Institut Catholique de Paris en propose d'autres avec en particulier une expérience de prophétie auto-réalisatrice, une affirmation qui modifie les comportements par le simple fait d'être diffusée et ainsi devient vrai. Dans une expérience, un expérimentateur donne les mêmes règles du jeu à tous les participants mais annonce à la moitié du groupe qu'ils vont participer au "jeu de Wall Street" et à l'autre moitié au "jeu de la communauté". Les sujets sont deux fois plus nombreux à coopérer dans le deuxième cas ! Ainsi, nous sommes prédisposés à la fois à la coopération et à la compétition. Mais il y a une subtilité que relève Jacques Lecomte : nous sommes prédisposés et non pas prédestinés à l'un ou à l'autre. C'est le contexte qui nous fait basculer dans un mode ou dans l'autre. Les mécanismes de mimétismes fortement développés chez l'homme, aident à propager les prophéties auto-réalisatrices, qu'elles soient altruiste ou égoïstes...

Il existe d'autres mécanismes encore pour vivre des premières expériences de don. Dans l'exemple du "Pay-it forward" que nous avons vu au chapitre précédent, l'engagement du bénéficiaire d'un don à donner à son tour à d'autres personnes "en avant" n'est pas une garantie qu'il le fera. Mais cette promesse augmente les chances que de nouveaux dons soient faits. Dans sa présentation à TEDx13, Nipun Mehta présente le "Karma kitchen" à Washington DC. Il s'agit d'un établissement tout à fait normal où vous pouvez venir manger, mais il est tenu par des bénévoles et surtout à la fin de votre repas, vous recevez une note de 0$ expliquant : "dans un esprit de générosité, quelqu'un qui est venu avant vous a fait un don pour ce repas. Nous espérons que vous continuerez la chaîne en donnant à votre tour ! Pour payer pour un futur invité vous pouvez laisser une contribution anonyme dans cette enveloppe. Merci !". Nous sommes ici typiquement dans une approche de type Pay-it forward"14. La plupart des personnes acceptent de faire un don et même si quelques uns sont des "passagers clandestins", le fait que l'on donne plus volontiers pour les autres que pour soi-même a permis à ce restaurant de vivre depuis 3 ans. Aujourd'hui, d'autres restaurants de ce type ouvrent. L'initiative d'une ancienne bénévole du Karma restaurant, Minah Jung a même permis d'évaluer combien nous donnons en plus pour les autres par rapport à ce que nous sommes prêt à donner pour nous même15. Elle s'est associée au professeur Leif Nelson de la Haas Business School à Berkeley pour faire une expérimentation dans un musée où l'entrée est généralement facturée 1 $. Dans une première expérience ils ont installé une boite où les visiteurs pouvaient laisser ce qu'ils voulaient. La somme moyenne était alors de 1,33 $, supérieure au prix d'entrée habituel. Lorsqu'ils ont mis une personne pour recevoir le prix que les visiteurs voulaient payer, le montant moyen est passé à 2 $. Mais surtout, lorsqu'on disait aux visiteurs que le musée était gratuit pour eux mais qu'ils payaient pour la personne d'après, alors la moyenne des dons était de 3 $ soit trois fois le prix d'entrée habituel ! Nous sommes plus généreux pour les autres que pour nous même...

La piste de l'ocytocine pour favoriser notre penchant à la coopération ?

Une limitation cognitive de l'homme porte sur la taille d'un groupe dans lequel il peut sans l'aide d'outils comprendre ce qui se passe. L'être humain est avant tout un animal qui sait faire des alliances, c'est à dire "une union entre personnes, qui est le résultat d'une entente ou d'un pacte1". Si beaucoup d'animaux savent vivre en troupeau ou en meute, très peu peuvent choisir par eux-mêmes de participer à une alliance. Les grands singes et certains cétacés arrivent à faire des alliances jusqu'à trois, et nous les humains, sommes limités à douze2.

Pour en savoir plus : la limite de douze pour les groupes humains

L'anthropologue britannique Robin Dunbar s'est intéressé à la relation entre la taille du néo-cortex de 38 espèces de singes et la taille des groupes respectifs dans lesquels ils
vivaient3. De façon étonnante, il a trouvé une corrélation entre ces deux éléments. Il a ensuite extrapolé cette approche à l'être humain pour en déduire que la limite naturelle de la taille du réseau social d'un humain était de 148, nombre qui, généralement arrondit à 150, est appelé le "nombre de Dunbar". Ce nombre correspond à la taille des villages d'éleveurs-cultivateurs au Néolithique, et se retrouve encore aujourd'hui dans la taille des réseaux sociaux4. Ce nombre - que Dunbar considère malgré tout comme assez approximatif - détermine donc le nombre de personnes avec lesquelles nous pouvons facilement socialiser sans avoir besoin d'un outil (ces outils peuvent être par exemple, la "liste d'amis" sur Facebook, ou simplement notre carnet d'adresses, qui nous permet parfois d'être en contact avec bien plus de personnes que celles dont on se souvient...)5.

La confiance qui permet de créer des alliances nécessite cependant d'avoir non seulement une vue d'ensemble des différents membres du groupe mais aussi des liens entre eux. On parle d'approche holoptique6 (du grec holos, entier et optikós, relatif à la vue) par opposition à l'approche panoptique7 (du grec pan, tout) qui permet de voir toutes les personnes mais pas forcément les liens entre elles.

Ainsi, même si les chimpanzés ont un nombre de Dunbar d'environ 55 qui leur permet de maintenir des bandes de cette taille, ils ne savent faire des alliances qu'au maximum à trois. L'être humain, en plus d'avoir un nombre de Dunbar élevé a également une capacité d'holoptisme qui lui permet de créer des alliances avec une douzaine de personnes. La taille maximale de cette alliance correspond à 144 liens entre les personnes (en prenant en compte à la fois les personnes elles-mêmes et les différences dans le lien entre une première personne et une deuxième, et le lien réciproque de la deuxième vers la première). Ainsi, en plus de sa capacité à constituer un réseau social d'environ 150 personnes (ce qui correspond à la taille des premiers villages d'éleveurs-cultivateurs du néolithique), l'être humain est également capable de constituer une alliance qui lui permet des actions collectives plus complexes jusqu'à environ une douzaine de personnes8.


Nous ne savons donc pas coopérer normalement dans des groupes de plus d'une douzaine de personnes. Pour aller au-delà, nous avons dû développer des stratégies : mettre en place une hiérarchie pour que le chef gère au maximum une douzaine de sous-chefs qui eux-mêmes gérerons une douzaine de personnes9 ; ou bien avoir des représentants (de Dieu ou du peuple) qui nous permettent de nous focaliser sur quelques personnes suivant une structure plus centralisée en étoile ; ou bien encore faire confiance à un seul mécanisme d'échange dans le groupe - la monnaie - plutôt que de devoir connaître chaque personne et chaque interaction entre elles. Mais pourrait-on dépasser la barrière des douze pour bénéficier directement de l'intelligence collective d'un plus grand nombre sans avoir une hiérarchie, des représentants ou des mécanismes monétaires comme intermédiaires ?

L'étonnant principe du 90-9-1 dans les groupes au-delà de douze

Au-delà d'une douzaine de participants, nous ne pouvons plus suivre l'intégralité des interactions dans le groupe. Il devient plus facile donc pour un membre du groupe de ne pas participer sans que cela "se voit". Si dans un petit groupe, la participation est la norme et la non-participation l'exception, dans un grand groupe au contraire, seuls ceux qui décident de participer le font.

Mais ceux qui participent ne sont pas toujours les mêmes. Nous-mêmes, nous nous investissons dans certains groupes et pas dans d'autres, en fonction de l'intérêt que présente le groupe. Si le nombre de personnes qui sont actives nous semble trop faible, nous aurons une certaine tendance naturellement à "prendre la place". Si au contraire, plus de personnes que ce qui semble nécessaire sont déjà à l'oeuvre, nous aurons tendance à rester inactif, voire le devenir si nous étions actifs. Cela explique une règle très contre-intuitive : quelques soient les personnes dans un grand groupe, le pourcentage des personnes actives reste relativement stable, selon le principe du 90-9-110 :
Les "proactifs" qui prennent des initiatives sont entre un et quelques pour cent.
Les "réactifs" qui réagissent lorsqu'on les sollicitent sont entre dix et quelques dizaines de pour cent.
Les autres ne sont pas tous totalement inactifs. Certains sont des "observateurs11" qui suivent les travaux du groupe, les utilisent pour eux, même s'ils ne participent pas. Ainsi, il y a toute une gradation dans les rôles plus ou moins actifs que peut prendre un participant, lui permettant de s'impliquer de plus en plus... ou de moins en moins.

Les pourcentages observés dans les groupes existants corroborent bien le principe du 90-9-1. Cette règle a des implications curieuses. Imaginons un groupe d'une centaine de personnes. Nous aurons donc naturellement au moins une dizaine de personnes réactives. Imaginons que l'animateur, dépité par le fait qu'il y ait des personnes non actives, décide de les exclure pour ne se concentrer que sur le petit groupe de la dizaine d'actifs. Son nouveau groupe conservera non pas les mêmes actifs mais le même pourcentage d'actifs qui passera donc à environ... un. Il se retrouvera bien seul ! A l'inverse, prenons un groupe d'une cinquantaine de personne. Pour dépasser les cinq ou six réactifs, il faut faire pas mal d'efforts. Imaginons que cette fois on y ajoute une cinquantaine d'autres personnes moins concernées et donc qui sont plutôt susceptibles de rester inactives. On observe alors que certaines personnes qui étaient inactives, y compris dans le groupe initial, deviennent plus actives pour conserver le même pourcentage d'actifs dans le groupe. Les réactifs deviennent donc une dizaine... Ces comportements étonnants sont bien vérifiés sur le terrain : nous avons en général une compréhension approximative du nombre de membres du groupe qui permettent à certains de choisir de devenir actifs ou inactifs.

Le nombre de participants structure les groupes

Un groupe fonctionnant normalement aura donc environ 1% de proactifs et 10% de réactifs. Il faudra faire des efforts pour faire passer le pourcentage de réactifs à 20%, voir jusqu'à 40% dans des cas très exceptionnels. Pour qu'un grand groupe puisse produire autant qu'un petit groupe qui comprend jusqu'à une douzaine de personnes sans nécessiter de trop grands efforts, il devra donc avoir au minimum une centaine de participants afin d'avoir au moins une dizaine ou une douzaine de réactifs.

Entre douze et cent participants, nous sommes donc dans le cas d'un groupe intermédiaire : trop grand pour nous permettre de suivre tout ce qui se passe et donc de le gérer de façon contrainte, et trop petit pour faire aussi bien qu'un petit groupe de douze personnes sans nécessiter de grands efforts d'animation. Au-delà de cent participants, nous pouvons avec un investissement raisonnable, "passer à l'échelle" et avoir un groupe dont le nombre d'actifs dépasse la barrière des douze, à condition de prendre en compte les comportements réactifs (au moins 10%) et pas seulement les pro-actifs (au moins 1%). Il existe également une limite haute : au-delà, de un à quelques milliers de personnes, les animateurs et les autres proactifs qui prennent de fait certaines tâches d'animation représentent eux-mêmes un groupe qui lui aussi dépasse la barrière des douze, mettant en difficulté la cohérence du groupe12. Un groupe de plusieurs milliers de personnes semble donc de nouveau plus complexe à animer. Le réseau Tela Botanica des botanistes francophones a mis en place des "membres relais" afin de mieux identifier les proactifs et commencer à constituer un groupe pour développer les échanges entre eux. Au-delà, dans les groupes de plusieurs dizaines de milliers de membres, le nombre des proactifs grimpe encore pour dépasser la centaine et permettre d'autres formes de régulation et une gouvernance décentralisée et collaborative. Il existe ainsi des très grands groupes où même l'animation est gérée de façon non plus contrainte mais par opportunité. C'est le cas par exemple de grands projets en ligne comme plusieurs des versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia ou encore la cartographie collaborative Open Street Map. La compréhension de ce qui facilite la mise en place et le développement de tels très grands groupes est cependant encore mal connue.

Pour en savoir plus : pour les réactifs, l'Internet est coupé en trois

Lorsque l'on souhaite travailler avec un grand groupe qui reste cependant limité à quelques centaines voire un ou deux milliers de personnes, il faut donc impérativement chercher à travailler avec les réactifs (dix à quelques dizaine de pour cent) et ne pas se limiter aux seuls proactifs (un à quelques pour cent). Sur Internet, la différence se traduit par la notion d'outils push et d'outils pull.

Un outil pull est un outil qui impose d'aller "tirer" l'information là où elle se trouve. C'est le cas par exemple des sites web classiques mais aussi des forums et des principaux outils web 2.0 pour lesquels nous devons être proactifs pour aller chercher l'information sur ces sites. Un outil push au contraire a pour but de d'amener (de "pousser") l'information jusqu'à nous, ou plus précisément jusqu'à l'outil que nous consultons régulièrement. Dans notre vie quotidienne, c'est le cas de notre répondeur téléphonique (dans une démarche pull, ne devrions aller jusqu'à la boite vocale de nos différents amis ou de notre employeur pour voir s'il n'y a pas un message pour nous ou pour tous ... C'est le cas également de notre boite aux lettres près de notre habitation, que nous consultons régulièrement et jusqu'où est acheminé notre courrier. Nous n'avons alors plus qu'à "réagir" à ce que nous avons reçu.

Dans le cas d'Internet, l'application push type est le courrier électronique. Pour travailler à plusieurs par exemple, les listes de discussions permettent d'acheminer les échanges directement dans les boites mail de chacun des participants, sans les obliger à aller de façon proactives sur le site du groupe. Mais il existe maintenant d'autres lieux que nous consultons régulièrement, qui peuvent être Facebook, Twitter, ou d'autres réseaux sociaux. Une des grandes difficultés actuellement pour travailler ensemble avec un grand nombre de personnes est que nous n'arrivons plus à tout consulter systématiquement : notre boite aux lettres chez nous et au travail, les répondeurs téléphoniques de nos téléphones fixes et mobiles, les boites mail éventuellement privées et professionnelles, nos comptes Facebook, Twitter et parfois d'autres réseaux sociaux pour notre travail ou nos projets. De plus en plus de gens ne consultent très régulièrement que leur mail, que Facebook ou que Twitter, parfois deux d'entre eux. En terme d'outils push, et donc de démarche réactive, l'internet se retrouve coupé principalement en trois, même s'il reste possible d'aller de façon proactive chercher l'information sur d'autres canaux que nous utilisons de façon moins régulière.

Dans le cas des entreprises, il existe souvent un canal privilégié. Par exemple l'usage du mail est imposé et il est ainsi possible de "pousser" des informations directement jusqu'aux différents employés. Dans ce cas, pour ne pas frustrer les proactifs qui bien que dix fois moins nombreux que les réactifs représentent les personnes les plus motivées, il peut être intéressant de permettre des démarches push aussi bien que pull. Il est possible par exemple d'associer un forum et le mail pour avoir les avantages d'une liste de discussion et des outils pull : lorsqu'un nouveau sujet est proposé sur le forum, la plupart des participants le reçoivent par mail. Il leur suffit alors de faire une réponse au courrier électronique pour que celle-ci se retrouve placée en réponse dans le forum. Ceux qui souhaitent adopter une démarche proactive tout en évitant d'encombrer leur boite de réception peuvent aller directement sur le forum pour lire les sujets, les contributions des autres et contribuer à leur tour. Suivant le nombre de participants, et pour éviter de noyer ceux qui reçoivent les informations par mail sous un trop grand nombre de messages, il est possible d'adopter pour la majorité du groupe une démarche réactive sur tous les messages (pour des groupes limités à quelques centaines de personnes)13 ; ou de ne recevoir par mail que les questions initiales, une sélection de contribution préparée par les animateurs et les synthèses des discussions pour les groupes plus grands. Ceux qui souhaitent le détail de toutes les contributions doivent alors aller chercher l'information de façon proactive sur le forum14. Dans l'idéal, le choix de recevoir toutes les contributions de façon push dans son mail ou seulement les mails importants (questions, synthèses, invitations...) devrait pouvoir rester le choix des participants, quelque soit la taille du groupe15.

Dans le cas de grands groupes rassemblant des personnes venant d'horizons différents (particuliers, diverses organisations...), lorsque l'on choisit un outil push, par exemple le mail ou au contraire Facebook, on exclut une partie des participants potentiels. Pour éviter cela, il faut pouvoir recevoir l'information et contribuer depuis le canal que l'on consulte régulièrement. Il reste à ce jour à développer l'outil qui permettra de recevoir au choix tous les échanges ou seulement les questions initiales et les synthèses, sur le canal de son choix (mail, Facebook, Twitter) et de contribuer directement depuis cet outil par une simple réponse. Cet outil doit également permettre pour ceux qui le souhaitent, d'aller chercher de façon proactive les contributions sur un outil de type forum et même de contribuer depuis cet endroit.

L'importance des grands groupes de 100 à 1000, basés sur les réactifs

Même si les très grands groupes représentent aujourd'hui un horizon nouveau qui montre qu'il est possible de collaborer avec des milliers de personnes et peut être plus, les grands groupes entre cent et mille personnes présentent un intérêt particulier pour deux raisons.

Avant de devenir pour certains des très grands groupes avec plusieurs milliers voire plusieurs dizaines ou centaines de milliers de personnes, les groupes commencent par avoir quelques centaines de membres. Il est donc important de bien comprendre le fonctionnement des grands groupes pour permettre l'émergence des très grands groupes. Par ailleurs, beaucoup de sujets n'ont pas pour vocation de réunir des milliers de personnes. Même s'il peut être nécessaire de faire grossir - parfois un peu artificiellement - des groupes de plusieurs dizaines de personnes pour dépasser la centaine de membres, il n'est pas toujours possible de faire grossir tous les groupes au-delà de quelques centaines ou milliers de personnes. Les groupes de travail de l'Internet Engineering Task Force (IETF) qui chacun développent des standards de l'internet sont typiquement de quelques centaines de personnes. Il en va de même pour les différents groupes auxquels le projet Imagination for People apporte un soutien comme partenaire et qui s'intéressent à repérer et soutenir les projets pour une facette particulière de l'innovation sociale (Fab labs, tiers lieux, monnaies, innovation au Sud, énergie, animation de groupes...).

Ces grands groupes nécessitent cependant de prendre en compte tout particulièrement les réactifs et pas seulement ceux qui ont adopté une démarche proactive qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.

Résumé

Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que le pourcentage d'actifs reste remarquablement constant (principe du 90-9-1) : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.

On peut en déduire différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
  • Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
  • Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
  • Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
  • Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
  • Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;

Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes présentent un intérêt particulier : ils sont un passage obligé pour les groupes qui ont vocation à devenir très grand, et surtout ils représentent une taille qui correspond bien au nombre de personnes que l'on peut rassembler sur beaucoup de thèmes assez précis. Ils nécessitent cependant de bien prendre en compte les membres qui ont adoptés une attitude réactive (que l'on peut atteindre dans les système en ligne par des outils push comme le mail, Facebook ou Twitter plutôt que par des outils pull comme le web ou les forums) et pas seulement les proactifs qui dans ce cas ne sont pas assez nombreux.


Mot clé : #taille28

1« Alliance » [en ligne], Wiktionnaire, disponible sur <http://fr.wiktionary.org/wiki/alliance>, (consulté le 30 janvier 2014).
2Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
3Dunbar Robin, « Theory of mind and the evolution of language », Approaches to the Evolution of Language (1998), p. 92‑110.
4Goncalves Bruno, Perra Nicola, Vespignani Alessandro, « Validation of Dunbar’s number in Twitter conversations » [en ligne], arXiv preprint arXiv:1105.5170 (2011), disponible sur <http://arxiv.org/abs/1105.5170>, (consulté le 30 janvier 2014).
5extrait de Cornu Jean-Michel, « Donner : une capacité naturelle mais limitée » [en ligne], in Tirer bénéfice du don: pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
6Noubel Jean-François, « Intelligence collective, la révolution invisible » [en ligne], TheTransitioner?, 2007, disponible sur <http://thetransitioner.org/Intelligence_Collective_Revolution_Invisible_JFNoubel.pdf>, (consulté le 30 janvier 2014).
7Bentham Jeremy, Panopticon; or, The inspection-house: containing the idea of a new principle of construction applicable to any sort of establishment, in which persons of any description are to be kept under inspection: and in particular to penitentiary-houses, prisons, houses of industry ... and schools: with a plan of management adapted to the principle: in a series of letters, written in the year 1787, from Crecheff in white Russia. To a friend in England, Gloucester, Royaume-Uni, Dodo Press, 2008.
8Cela correspond environ à la taille maximale d'une famille humaine, à la taille des groupes humains avant la constitution des villages au Néolithique ou encore à la taille maximale des petits orchestres de jazz qui n'ont pas de chef d'orchestre pour en assurer la direction, contrairement aux "big bands"...
9Dans les milieux très contraints comme les pompiers en intervention, on ajoute un niveau hiérarchique dès que le niveau n-2 dépasse 12 personnes (et non le niveau n-1 immédiatement en dessous comme dans les autres cas). Lors d'un incendie de forêt par exemple, les camions de 4 personnes comportent chacun un chef. Lorsqu'il est nécessaire de mobiliser 4 camions (16 personnes dont 4 chefs) un chef de niveau supérieur est mis en place.
10« Règle du 1 % » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_du_1_%25>, (consulté le 30 janvier 2014).
11« Les observateurs dans les groupes » [en ligne], Fing : groupe intelligence collective, disponible sur <http://ic.fing.org/news/les-observateurs-dans-les-groupes>, (consulté le 30 janvier 2014).
12Ce phénomène ne se passe pas avec les réactifs qui réagissent aux propositions des animateurs ou des autres réactifs mais interagissent moins entre eux et ne constituent donc pas un sous-groupe en tant que tel mais seulement une partie du groupe principal.
13La Fondation Internet Nouvelle Génération à ainsi développé en 2012 un outil permettant de contribuer par mail (démarche push) sur les forums installé sur son réseau social (démarche pull) dans le cas de ses travaux collectifs tels que Question Numérique ou Digiworks qui rassemblent entre cent et trois cent participants : « Réseau social de la Fing » [en ligne], Réseau FING, disponible sur <http://www.reseaufing.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).
14Le groupe Adeo (13 enseignes de bricolage dans le monde : Leroy Merlin, Weldom...) a testé en 2013 l'association d'un forum et du mail pour n'envoyer à tous les membres que les questions, sélections de contributions et synthèses aux 1500 membres de la société participant aux échanges sur la définition de la stratégie du groupe. Dans ce cas, tout le monde reçoit la même information (limitée) par mail et seuls les proactifs vont chercher s'ils le souhaitent, le détail sur le forum (outil pull).
15Le groupe de prospective numérique de Franche Comté, utilise une liste de discussion pour ses échanges, mais certains des membres ont choisi de ne pas recevoir les mails de la liste (tout en y étant inscrit pour pouvoir y poster des contributions). Ils sont alors mis en copie -actuellement de façon manuelle - des mails importants : synthèses et invitations.

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La collaboration des entreprises : de la coopétition à la collaboration radicale

Auteur de la fiche : Hélène Laxenaire - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Idées développées par l'auteur dans le domaine de la coopération dans ce livre, cette conférence :

Vive la co-révolution : pour une société collaborative de Anne-Sophie Nouvel et Stéphane Riot

Préambule : il ne s'agit pas là d'une recension complète de l'ouvrage mais du résumé sur la partie consacrée à la Collaboration radicale

Dans leur ouvrage Vive la co-révolution : pour une société collaborative, Anne-Sophie Novel et Stéphane Riot décrivent la collaboration inter-entreprises en distinguant la coopétition de la collaboration radicale. Pendant deux ans, ils ont promu la Collaboration radicale au sein du réseau Entrepreneurs d'avenir

Intérêt pour les entreprises de coopérer

Le terme compétition vient du latin competere qui signifie chercher ensemble, s'efforcer ensemble, il n'y avait donc pas à l'origine de notion d'adversité ou d'agressivité comme on peut l'entendre maintenant quand on parle de compétition entre entreprises. L'idée n'est pas de la supprimer car elle est aussi un vecteur d'innovation et d'émulation mais de réduire les dégâts causés par une concurrence trop agressive et de la réduire, de manière concertée, là où elle est inutile, voire dangereuse. Dans cette veine, les auteurs notent que le premier avantage retiré de la coopération entre entreprise est la réduction des coûts liés aux conflits inter-entreprises et qu'à lui seul cet intérêt devrait convaincre tous les chefs d'entreprise ! Ces coûts sont en effet estimés à 50 milliards par an en France par le chercheur américain John W. Henke, à partir d'une projection de la situation américaine dans le domaine de l'automobile.

Évolution de la coopération entre entreprises

Les théories d'Adam Smith sur l'intérêt de la concurrence puis celles de Joseph Schumpeter sur la destruction créative sont bien implantées dans le monde économique. Mais à partir des années 80, certaines entreprises s'aperçoivent que le fonctionnement en réseau et les alliances stratégiques apportent des avantages relationnels et permettent d'accéder à plus de ressources. Puis, dans les années 90, devant le constat que les coûts de recherche et développement augmentent, parallèlement à l'obsolescence des objets alors que la convergence des technologies permet des économies d'échelle, certaines entreprises décident de collaborer pour développer des produits à la vie plus longues et dont les composants peuvent être réutilisés par plusieurs entreprises.

La collaboration permet de résoudre des problèmes communs

Notamment des objectifs liés à l'environnement et au développement durable. Ces objectifs peuvent venir d'une conviction commune des entreprises ou d'obligations réglementaires extérieures.
Lutte contre un ennemi commun plus gros : ainsi Google participe au développement du navigateur Firefox au sein de la fondation Mozilla, alors que c'est un concurrent de son propre navigateur Chrome, afin de déstabiliser Microsoft Internet Explorer, le géant du marché.

La Coopétition

Le terme de coopétition a été créé par Ray Noorda, le fondateur de Novell et popularisé par l'ouvrage de Nalebuff, B., Brandenburger, A. La Co-opétition, une révolution dans la manière de jouer concurrence et coopération, Village Mondial, 1996. Il s'agit de l'alliance de la coopération et du marché : on coopère sur certains aspects et on reste concurrents sur d'autres. Pour les auteurs, la coopération entre l'entreprise, ses fournisseurs et ses clients conduit à la fourniture de produits et de services semblables et donc à une expansion potentielle du marché. De plus, cette alliance peut permettre de pénétrer de nouveaux marchés en regroupant les forces. Les conditions pour la mise en place de la coopétition passe par une étude des interdépendances entre les entreprises, la définition d'un objectif précis et un partage concerté de l'effort et des gains.

Exemples de coopétition

  • Le Prufrock Café à Londres a créé en 2009 une "carte d'infidélité". Les clients doivent aller boire un café chez des concurrents du Prufock et présenter la carte pour qu'elle soit tamponnée. Une fois la carte remplie, les clients reviennent au Prufock Café où on leur offre un café. L'objectif est de fidéliser les clients du Prufock Café en leur prouvant qu'il sert le meilleur café, mais aussi d'obliger les gérants des autres cafés à s'assurer de la qualité de leur café car ils savent être mis en concurrence. Cela a également permit d'apporter à tous un afflux de nouveaux clients. Mais au final, l'objectif principal partagé par tous est d'apporter une réponse créative à l'expansion des cafés de la chaine Starbuck.
  • Fiat et PSA ont créé une filiale commune produisant des véhicules utilitaires des deux marques, ce qui permet de réaliser des économies d'échelle en utilisant les même composants.

La Coopération radicale

Le terme de coopération radicale est apparu aux États-Unis en 2009. Trois dirigeants d'entreprises concurrentes dans le secteur des technologies vertes (GenGreen, 3rdWhale et Creative Citizen) ont décidé de mettre en place une "collaboration radicale", ce qui a été facilité par le fait qu'ils partageaient les mêmes valeurs et la même conviction de l'urgence écologique.
La différence entre la coopétition de la compétition radicale se mesure en évaluant la part de d'avantages concurrentiels et d'éléments de propriété intellectuelle "intime" partagés. Dans la collaboration radicale, on partage de la valeur ajoutée hautement différenciante (secret de fabrication, R&D), dans la coopétition, on fait des économies d'échelle. Les participants à la "carte d'infidélité" ne partagent pas leurs recettes et leurs savoir-faire sur le café.
La collaboration radicale favorise les approches d'innovation ouverte, on ne collabore pas ensemble pour la création d'un produit ou d'un service prédéfini mais on développe un écosystème de partage de connaissances et de compétences permettant l'émergence de l'innovation. Cette innovation n'est pas forcément technologique, elle peut aussi être sociale. Et elle émerge aussi bien des collaborateurs de l'entreprise que de ses clients.

Exemples de Coopération radicale

  • Le domaine de l'environnement est souvent un domaine de convergence. Par exemple, la collaboration de la NASA et de l'ESA (dans un contexte très concurrentiel) sur les points environnementaux : gestion des déchets spatiaux, cycle de vie des satellites et impact des lancements de fusée sur la biodiversité. Cette coopération est née de contraintes extérieures : mise en place d'une réglementation environnementale strictes en Europe, engagement de Barack Obama sur le développement durable aux États-Unis. Cette coopération prend la forme d'échanges entre spécialistes et de la mise au point, en commun, de nouveaux matériaux, plus respectueux de l'environnement (en remplacement de ceux qui allaient être interdits car trop nocifs).
  • Green X Change est une plate-forme mise en place par Nike, Creatives Commons et Best Buy pour partager leurs recherches. Toute personne intéressée peut déposer sur cette plate-forme ses innovations, en choisissant une licence inspirée du logiciel libre permettant à d'autres entreprises de bénéficier de l'invention. Cette licence permet aux propriétaires de l'innovation de choisir à qui ils donnent les droits. L'idée est de permettre à des industries de secteurs différents et non concurrents de partager les apports de la R&D de leurs entreprises. Cette plate-forme peine à s'élargir en dehors de ses fondateurs mais les auteurs voient là un potentiel moteur de l'extension de la compétition radicale.

Préconisations des auteurs pour une collaboration radicale

  • Expliquer le concept, au delà des représentations que l'on a en français sur les termes "collaboration" et "radical", connotés très différemment en anglais
  • Changer ses réflexes et sa vision des concurrents, s'ouvrir pour saisir les opportunités.
  • Les quatre piliers de la relation : bienveillance, réciprocité (être aussi bienveillant avec soi-même), clarté et liberté d'innover (éléments repris par les auteurs de l'ouvrage : Juliette Tournand, La stratégie de la bienveillance, Inter Editions, 2007).
  • Être sur du temps long, la collaboration met du temps à s'installer et n'a d'effet qu'à long terme.
  • Mettre en place un contexte permettant aux participants d'être libres de s'engager de manière spontanée pour élaborer ensemble une solution négociée et consensuelle. Et non répartir les tâches entre les entreprises, comme lors d'un processus coopératif.
  • Partager compétences ET connaissances.
  • Assurer la complémentarité des apports : relier l'intérêt individuel à l'intérêt collectif.
  • Anticiper les responsabilité de chacun : responsabilité de la réussite ou de l'échec, retombées financières, propriété intellectuelle.
  • Transparence des échanges durant le projet et communication à tous les membres.
  • Plus le processus est simple, plus il a de chance d'être mené à bout.
Présentation rapide de l'auteur de l'ouvrage :
  • Anne-Sophie Novel : docteur en économie, journaliste spécialisée dans le développement durable, fondatrice du blog collectif Ecolo-Info, membre du réseau des Entrepreneurs d'avenir.
  • Stéphane Riot : fondateur de Nove Terra, expert en développement durable et accompagnement du facteur humain dans les organisations, membres de groupes de recherche et de prospective sur les nouvelles formes d'économies et d'organisations (biomimétisme, neuroscience, psychopédagogie, management...).
Référence bibliographique : Novel Anne-Sophie, Riot Stéphane, Vive la corévolution !: pour une société collaborative, Manifestô, ISSN 2258-9325, 1 vol., Paris, France, Alternatives, 2012.

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Changement de posture pour les association : tournez vous vers la coopération

Auteur de la fiche : Corinne Lamarche et Claire Herrgott - SupAgro Florac
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Témoignage : Mise en place d'une formation d'une journée sur l'animation de réseau, à destination d'associations locales.

Pourquoi CoopLoc ?

Suite à la formation CoopTic, nous devions transmettre ce que nous avions appris à une quinzaine d'animateurs, ce qui fut nommé "phase de démultiplication". Habitantes de Lozère où le tissu associatif est dense, nous souhaitions partager nos expériences avec les associations locales. Nous entendions souvent : on retrouve les mêmes personnes dans les différentes associations, les gens ne participent pas,...alors comment faire pour favoriser la participation ? comment "outiller" les salariés ou les bénévoles pour optimiser leur façon d'animer ces réseaux associatifs ?

La formalisation du projet

Au départ, nous nous interrogions sur la durée de la formation, sur le nombre de participants, sur le contenu ; nous voulions aborder tellement de choses entendues et vécues à Cooptic.
Lors des Rencontres Moustic, nous nous sommes inscrites à l'atelier sur la méthode Accélérateur de projet. En quarante cinq minutes, nous avions enfin notre trame et des réponses à notre question "Concevoir un dispositif de formation sur 6 heures pour 15 personnes avec 3 objectifs : vivre une expérience irréversible de coopération, découvrir des outils collaboratifs, et appréhender un changement de posture pour faciliter la participation des membres à un réseau ou une association".
Grâce à cette méthode, une dizaine de personnes a débroussaillé le terrain et nous a ouvert des pistes d'action.

Quels outils pour l'organisation?

Selon les tâches à réaliser, les outils utilisés étaient différents:
  • Un wiki : dans lequel, nous avons créé une rubrique Organisation (ruban pédagogique, questionnaire), une rubrique Formation (une page participants où chacun pouvait se présenter, une page déroulé de la journée , une page pique-nique pour l'organisation d'un pique nique collaboratif), une rubrique Ressources (des liens sur des réseaux et des formations d'animateur, des sites, des articles, des outils, une bibliographie)
  • Un dossier partagé sur Google drive : un formulaire pour l'inscription des participants, un pour le bilan envoyé une semaine après; un fichier texte pour écrire à deux le courrier à envoyer aux participants; un fichier texte pour rédiger, suite à la formation, l'article de presse sur lequel les participants pouvaient contribuer ;
  • Un pad : pour l'écriture collaborative pendant la journée ;
  • Un freeplane : un pour une présentation synthétique du programme de la journée, avec des liens internet ; et un autre rempli, en direct, en fin de journée, rendant compte des remarques des stagiaires ;
  • Un doodle : pour l'organisation du pique-nique, envoyé à chaque participant pour susciter un peu de partage
  • Une dropbox : pour y stocker des documents finalisés (le courrier finalisé en pdf, le freeplane, le modèle de la feuille d'émargement, le tableau pour le déroulé des barcamps).

Le fait d'avoir mutualiser sur la plate-forme CoopTic des ressources, pendant notre propre formation, nous a permis de récupérer certaines parties de cours, (notamment le cours de Jean-Michel Cornu sur La coopération en 28 mots clés)

Au sein de l'établissement, il a été demandé de remplir un tableau, en ligne, sur les différentes associations connues de chacun, avec mail, adresse, pour élargir notre offre.

L'utilisation de ces outils permet de réduire le nombre de réunions, de pouvoir travailler sur des documents en ligne, voire à distance, à plusieurs (d'en améliorer le contenu), et d'impliquer les stagiaires en amont de la formation, ainsi qu'en aval.

Trucs et astuces pour démarrer un réseau coopératif

Auteur de la fiche : Outils-Réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : Outils-Réseaux accompagne des réseaux et groupes depuis 2003 pour qu'ils s'approprient méthodes et outils coopératifs. Nous avons ainsi pu identifier des éléments facilitant ou au contraire des freins à la coopération et à la participation.
Les outils ne sont pas collaboratifs par nature, ils le deviennent lorsqu'ils sont utilisés à bon escient et dans un contexte favorable.
Les "trucs et astuces" listés ci-dessous ne demandent pas de grandes compétences techniques ni un budget conséquent. Une technique d'animation, l'usage d'un outil mis en place en 2 clics ou une posture appropriée de l'animateur de réseau peuvent faire bien plus que l'installation d'usines à gaz sur-dimensionnées, qui peuvent coûter très cher (au sens propre comme au sens figuré).

Cette liste s'appuie sur cette expérience mais ne demande qu'à être enrichie !

Coopérateur humanum est

La coopération est une singularité de l'espèce humaine, notre moteur principal, outil de survie. Trois siècles de concurrence ne doivent pas faire oublier que nous sommes issus de plusieurs millénaires de coopération et de collaboration.

Trois chantiers

Notre époque devra relever trois défis en matière de coopération :
  • Apprendre à coopérer entre êtres humains : pays du sud / pays du nord, riches / pauvres, entre religions, hommes / femmes...
  • Faire en sorte que l'humanité coopère avec son environnement : moins de pollution, de nuisances, ...
  • Permettre à chaque individu de mieux coopérer avec lui-même : réconcilier humanité et animalité, côté féminin et masculin...

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Disjoindre l'apprentissage de la coopération...

...de son utilisation sur des sujets brûlants !
Il est judicieux d'éviter les sujets polémiques pour s'initier à la coopération. Il vaut mieux tester méthodes et outils coopératifs sur de petits projets avec peu d'enjeux que sur des chantiers vitaux pour le réseau.

Par exemple, la mise en commun de fiches pédagogiques pour un réseau d'éducation à l'environnement, alors que ce qui est vital pour les membres du réseau c'est de trouver des moyens de se financer. Quand les membres du réseau auront acquis un peu d'expérience en matière de pratiques coopératives et auront développé un vécu commun, un chantier sur la mutualisation des moyens pourra être envisagé.

Faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération

Un grand voyage commence par de tous petits pas.
Même s'il semble que la coopération soit une composante majeure de l'animal humain, quelques siècles de "saine concurrence", de "il ne faut pas copier", de "pour exister, ne doit rien à personne"... handicapent les humains qui s'y frottent. Il convient donc de, petit à petit, ré-instiller la dimension coopérative.
Tout changement est un processus de rupture qui demande un basculement dans les représentations, les idées, les méthodes des individus.
Pour qu'un réseau se mette à coopérer, il faut provoquer ces ruptures, ces basculements qui sont souvent irréversibles : nous proposons pour cela de faire vivre de petites expériences irréversibles de coopération :
  • Lever un menhir, 340 bonshommes qui tirent dans des sens différents mais pas trop fort : super comme expérience mais il faut avoir l'occasion.
  • Prendre des notes à plusieurs en même temps et sur une même page (avec Etherpad, Google doc ou Gobby : outils qui permettent de co-rédiger en ligne un texte), plus simple que lever un menhir mais bien efficace.
  • Animer un débat en utilisant des cartes heuristiques (Freeplane, Freemind, Xmind...) vidéo-projetées en direct, technique qui permet de visualiser d'un coup d'oeil toutes les idées du groupe et on passe d'une logique linéaire à une navigation par idées qui peut s'adapter au public (on peut facilement ajouter de nouvelles idées).
  • Faire faire et valoriser la rédaction de synthèses de listes de discussions (par exemple, au sein du réseau Tela Botanica, les membres du réseau discutent parfois sur les listes et forums de sujets très pointus. Celui qui a initié la discussion doit réaliser la synthèse. Il y a un classement des synthèses des listes de discussion suivant qu'il s'agit d'un simple copié-collé, ou d'une rédaction plus organisée).
  • Mettre du contenu imparfait, à corriger : n'écoutant que leur bravoure pour défendre la pureté de la Langue, ceux qui hier encore freinaient des quatre fers à l'idée de participer sur un outil informatique passent la barrière technique et corrige les fautes ! (cette astuce est encore plus efficace quand la faute porte sur le nom d'une personne : au souci de l'orthographe irréprochable, s'ajoute l'aiguillon de l'ego...).
  • Faire des jeux coopératifs : par exemple le jeu du Tao, ou jeux coopératifs en animation collective sur un site sur la non-violence.
    • ...

Commencer en présence

Lorsqu'on parle "réseau coopératif" on envisage une communauté qui n'est pas toujours sur le même espace-temps : il y a du travail à distance, des échanges synchrones et asynchrones. A l'inverse, rares sont les communautés virtuelles qui fonctionnent uniquement à distance : les regroupements, les rencontres sont des temps forts de la dynamique de réseau.
Lorsqu'on démarre un réseau, il est judicieux d'exploiter ce temps "en présence" pour tester et expérimenter des outils et méthodes qui pourront perdurer à distance : mettre en oeuvre en présence ce que l'on veut mettre en oeuvre à distance.
Ceci permettra de se familiariser, de se former et d'assurer une continuité entre présence et distance.
Par exemple, lors d'une rencontre d'un réseau, l'un des membres pose une question à l'assemblée. Tout le monde peut proposer une ou plusieurs réponses sur des petits papiers et en indiquant bien ses coordonnées. Les réponses sont synthétisées et rendues visibles à tous. Puis la personne qui a posé la question récupère les contacts des personnes ayant répondu et créée une liste de discussion pour continuer à échanger à distance.
Par exemple, on peut mettre en place des outils pour travailler à distance qui vont du coup soulever des questions sur les modes de fonctionnement en présence : les règles de prise de parole, de prise de décisions, car souvent ces éléments sont implicites. Dans un groupe, la rédaction des compte-rendus de réunion est souvent assumée par une personne. Si on met en place un outil de co-rédaction pour prendre des notes, du coup cela soulève des questions : tout le monde peut écrire ? qui valide ? On voit bien que ce n'est pas l'outil qui pose des problèmes, il soulève juste les questions.

Commencer par soi même

Charité bien ordonnée commence par soi-même. ou Pour changer le monde, il faut commencer par se changer soi-même.
Beaucoup de structures ont le projet de faire coopérer un groupe, un réseau. Mais avant toute chose, il faut commencer par pratiquer méthodes et outils coopératifs : il s'agit de s'appliquer en interne ce que l'on souhaite mettre en place en externe.
cf. la stratégie ITPTS, "Interactions Transformation Personnelle, Transformation Sociale" : ne pas opposer les volontés de changer le monde et le travail sur soi, les deux sont liés et doivent s'articuler.
Un constat : une structure qui ne coopère pas en son sein et n'utilise pas les outils qui vont avec peinera à faire coopérer autour d'elle.
Mais comment faire lorsqu'on est dans un contexte très figé, très contraint difficilement perméable à ce type de pratiques ? Il faut partir du plus petit lieu sur lequel on a prise pour coopérer, quelques collègues de confiance, un petit groupe de travail audacieux... On trouvera toujours deux ou trois personnes prêtes à jouer le jeu !

Commencer simple

Proposer des outils faciles à prendre en main par les utilisateurs
Lorsqu'on aborde l'utilisation d'outils informatiques, la première marche est la plus importante à passer. Si la première manipulation est simple, les contributeurs, rassurés auront envie de s'investir un peu plus et d'accepter qu'il y ait besoin d'un petit temps de formation ou de prise en main.
On peut même envisager de cacher des fonctionnalités dans un premier temps et attendre que le groupe grandisse en maturité avant d'ajouter des briques progressivement. Ou attendre que la demande soit exprimée et faire évoluer le dispositif technique en fonction des propositions du groupe.

Être pragmatique

Utiliser des outils facile à installer, configurer, sans compétence technique
Plutôt que d'attendre d'avoir les moyens nécessaires pour créer un dispositif sur-mesure, il vaut mieux commencer dès que la dynamique de réseau frémit à installer quelques outils clés en main, faciles à installer et à utiliser : bricoler en assemblant des outils peu onéreux mais qui permettent de commencer à proposer des démarches coopératives (Google doc, Netvibes...).
Bien sûr c'est imparfait : il serait préférable d'avoir son propre dispositif tout en logiciel libre. Et certains seront peut-être hostiles à l'utilisation de services en ligne gratuits qui stockent vos données avec le risque d'une réutilisation à des fins commerciales. Certes, mais l'animateur de réseau se doit d'être pragmatique. Ces outils sont à utiliser en connaissance de cause et pour ce qu'ils sont : des services en ligne gratuits, et non des outils avec lesquels on peut-être autonome, cependant par leur simplicité d'emploi ils peuvent servir à faire émerger la dynamique coopérative.
On attendra de voir de vrais usages se mettre en place avant de passer à du développement spécifique si nécessaire.

Piloter à l'usage

Piloter en attention plutôt qu'en intention :
  • Gérer un projet "en intention" : le coordonnateur prévoit dès le début les objectifs, le déroulement du projet, le calendrier, le budget... < c'est la méthodologie de projet traditionnelle >
  • Gérer un projet "en attention" : l'animateur crée des situations coopératives (faire se rencontrer les personnes, faire en sorte qu'elles se présentent, qu'elles puissent échanger...), être ensuite à l’affût et réactif (proposer des supports pour que ce qui a émergé de la situation coopérative puisse déboucher sur des projets, des actions, du travail coopératif...). < méthodologie de projet coopératif >
L'animateur doit donc s'astreindre à se taire, à mettre ses idées de côté et plutôt privilégier une attitude d'écoute et d'observation.
Par ailleurs, il doit mettre en place les conditions favorables pour faire émerger des besoins collectifs : par exemple un questionnaire dont les résultats sont partagés collectivement. Google Formulaire est parfait pour ça car il permet de traiter statistiquement les réponses et de créer des graphiques. Donner à tous en temps réel les résultats permet à l'animateur de ne pas garder le monopole de la vision globale : le groupe est rendu visible au groupe.

Du beau, du beau, du...

Contrairement à ce que pourrait penser, l'aspect esthétique, graphique est très important : il a un pouvoir motivant pour les membres du groupe et il valorise les productions collectives.
On pourra même aller jusqu'à utiliser du Bling-Bling très apprécié par certains :
  • Animations en flash,
  • Effets au survol et fonctionnalités de glissé-déposé avec des technologies Jquery, ou Mootools, - Rolex...

Miroir, beau miroir

Mettre en place des processus pour que le groupe se représente collectivement
Rendre le groupe visible au groupe est un étape fondamentale pour engager la coopération entre les membres. C'est le concept d'"holoptisme", décrit par Jean-François Noubel.
On peut utiliser différentes techniques et outils :
  • Cartographier les membres : pour représenter la communauté et qu'elle prenne corps, qu'elle soit moins virtuelle en prenant une dimension géographique.
  • Réaliser un inventaire des compétences (en identifiant le point fort de chacun et en le mettant en évidence sur une carte heuristique, par exemple), de ce que l'on est prêt à partager (quelles sont les ressources des membres du groupe qu'ils peuvent partager avec les autres membres ?)
  • Partager les problèmes et points de blocages des uns et des autres, ce en quoi les autres peuvent m'aider.

Encourager les contributions

Pour initier une dynamique coopérative (et même la prolonger) qui s'appuie sur des participations volontaires, il est important de valoriser la moindre contribution. Par exemple citer tous les contributeurs du projet, même ceux qui n'ont eu qu'une participation très minime (apologie du renforcement positif).
Il n'y a pas de mal à se faire plaisir !
Par ailleurs, il peut être très utile pour un animateur de réseau de bien connaître les contributeurs éventuels pour repérer le chemin entre leurs préoccupations et le projet.

Clarifier les conditions d'utilisations

Lorsqu'on envisage un réseau coopératif, il est fort probable que les échanges fasse émerger des productions collectives communes.
Pour éviter tout problème ou malentendu, il vaut mieux envisager et discuter dès le début de la dynamique des conditions d'utilisations, et des droits qui s'appliquent aux productions communes :
  • Qui est propriétaire du contenu élaboré collectivement ?
  • Ce contenu pourra-t-il être vendu ?
  • Pourra-t-il être transformé ? ...
Les licences Créatives Commons (contrat flexible de droit d'auteur pour libérer ses oeuvres) permettront d'aider à réfléchir sur le sujet et à donner un cadre juridique à la création de biens communs.

S'entourer de bon "suiveurs"

"Il est commun de dire que c'est de la qualité de l'animation que dépend la vie d'une communauté. C'est bien entendu en partie vraie. Mais dans cette courte vidéo récréative, il est expliqué avec talent que le leadership est indispensable pour initier la chose, mais que sans suiveurs eux-aussi impliqués dans l'action, il n'en serait rien."



(article repris du blog 362point0.org)

Faire bosser, faire produire, faire coopérer

Produire et faire produire du bien commun.

A vous de jouer !

Ce que nous avons appris de Cooptic


Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d'excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.

Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.

La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.

La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.

Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :

Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :

Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération

Ce que Cooptic innove L'effet sur la formation L'effet sur l'apprentissage de la coopération.
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net.
Un espace collectif et des espaces individuels La plate-forme wiki/ permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel).
Contenus ouverts Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges.
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours La mise en ligne des cours "libère" du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. Acquisition des savoirs-faire : "apprendre à apprendre" et "apprendre à faire avec les autres".
Structure modulaire Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. La construction d'un parcours plus personnel est possible.
Approche systémique Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs.
Pluralité des parcours structurés Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours "projet professionnel" (environnement collaboratif). Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif.
Changement progressif des tailles des groupes de travail Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle).
Mise en réseaux et échange des pratiques L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir. Le formateur est garant de la méthodologie. Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi.
Coproduction des contenus Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. Posture active face au savoir. Sentiment de créer un "bien commun".
Notion de "présence" à distance Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement "à distance" est systématisé (points fixes avec le formateur). L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures.



Pour en savoir plus : les communautés épistémiques


Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.

Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux.
Revue française de gestion, n° 146, 99-121.