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Animation des dispositifs coopératifs : freins et facilitateurs

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description : animer

Ce qui freine

  • Manque de participation.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animateur.
  • Au niveau du projet.
  • Manque de temps.

Ce qui facilite

  • Au niveau des personnes.
  • Au niveau des outils.
  • Au niveau de l'animation.
  • Au niveau des projets.
  • Les neuf lois de la coopération.

1. Ce qui freine


Freins
Eric Grelet - CC By Sa


Principal écueil : manque de participation (situation de non-collaboration).

Au niveau des personnes

  • Manque de temps : pour s'approprier ces outils, pour s'en servir.
  • Peur du regard des autres, du jugement (des pairs), d'être ridicule.
  • Problème d'écrit, de langue.
  • Déconnexion au réel (trop virtuel, quelles personnes et quel(s) projet(s) sont derrière l'outil ?).
  • Difficulté à changer ses pratiques pour s'adapter à celles du groupe (résistance au changement).
  • Problèmes de droits d'auteur, propriété intellectuelle, peur de se faire piller les infos, la perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information.
  • Difficulté d'appropriation des outils, peur de la technique :
    • Peur de la difficulté.
    • Peur des outils internet.
    • Ordinateur = compliqué.
    • Hétérogénéité par rapport à l'appropriation des outils.
  • Accès difficile à internet :
    • Débit lent.
    • Logiciels obsolètes.
  • Difficulté à se loguer :
    • Perte du mot de passe.
    • Perte de l'adresse du site.
  • Manque de motivation par rapport au projet, ne voient pas dans le projet le lien avec leurs intérêts personnels :
    • Peur que les messages soient mal interprétés.
    • Habitude d'un fonctionnement centralisé.
    • Contexte institutionnel.

Au niveau des outils

  • Peur des outils, de la difficulté, interface pas assez ergonomique : l'ordinateur pose problème.
  • Matériel, connexion vétuste.
  • Protection, identification.
  • Pas adaptés aux besoins.
  • Mise en place pas assez progressive, ne prenant pas assez en compte les différentes étapes de la vie du groupe.
  • Difficulté à faire passer par l'écrit tout ce qui relève de l'émotionnel, second degrés.
  • Plusieurs outils pour le même usage.
  • Besoin du support papier, de concret.
  • Des outils trop compliqués.
  • On ne voit pas comment participer.
  • Évolution trop rapide des outils (visuels, fonctionnalités).

Au niveau de l'animateur

  • Trop de sollicitation (Urgent ! à valider, question mal dirigée).
  • Omniprésence ou absence de l'animateur.
  • Messages trop longs, trop d'information, pas clairs.
  • Fondateur = fossoyeur.
  • Salarié : le financement du poste prend le pas sur les objectifs du réseau.
  • Pas assez à l'écoute des besoins du groupe.
  • L'animateur fait au lieu de faire faire.
  • Confusion dans les rôles : animation, leadership, facilitateur.

Au niveau du projet

  • Dérive éthique, risque de rupture.
  • Représentation institutionnelle (perte de pouvoir réelle ou ressentie liée au partage de l'information).
  • Démobilisation : mauvaise appréhension de l'implication.
  • Difficulté à percevoir concrètement le projet, ses résultats.
  • Pertinence du projet.
  • Vocabulaire : niveau de jargon partagé ?
  • Complexification : les participants ne voient plus la globalité.
  • Réseau qui s'institutionnalise.
  • Niveau d'engagement trop élevé.
  • Manque de visibilité : du temps nécessaire, de l'intérêt du projet, de la finalité du projet.
  • Pas de leader.
  • Pas de traces de l'histoire du projet.

Le temps

  • Manque de temps :
    • pour l'appropriation des outils
    • pour participer au projet.
  • Différences de rythme : salariés / bénévoles.

2. Ce qui facilite

Au niveau des personnes

  • Rencontres physiques, convivialité.
  • Évaluation par l'estime, citer tous les contributeurs
  • Mixer les publics (cf. forum).
  • Réduire les risques à participer, permettre la sortie et la multi-appartenance : procédure d'adhésion simplifiée, possibilité de désengagement !
  • Cercle vertueux de la motivation :
    • Projet / action qui a du sens
    • se sentir capable
  • Contrôlabilité :
    • Engagement cognitif.
    • Persévérance.
    • Réussite.
  • Réconcilier intérêt individuel et intérêt collectif.
  • Rendre visible les mécanismes.
  • Stratégie gagnant/gagnant.
  • Questionner les personnes sur leurs objectifs.
  • Accueil des nouveaux, parrainage.
  • Des supports techniques : savoir où se trouve le référent technique, avoir des modes d'emploi, des rubriques d'aides.

Au niveau des outils

  • Des règles de conduite.
  • Nétiquette.
  • Mise en place progressive.
  • Simplifier !!! Masquer des fonctionnalités.
  • Mode d'emploi, rubrique d'aide, formations...

Au niveau de l'animation

visibilite

  • Rendre visible l'activité du groupe : synthèse, reformulation, historique, rendre visible ce qui se passe dans les sous-groupes, actus régulières : résumés (TST)
  • Incitation forte pour faire évoluer les habitudes : mettre uniquement les CR sur wiki, faire des fautes volontaires dans le nom des gens
  • Des animateurs "professionnels" :
    • Métiers émergents.
    • Séparer les fonctions d'animation et de facilitation.
    • Savoir-être plus que savoir-faire.
    • En éveil permanent.
  • Synthétiser, reformuler, jardiner.

Au niveau du projet

  • Proposer un historique, un carnet des événements.
  • Minimiser les besoins de départ : mettre en ligne des productions inachevées.
  • Maîtrise des tâches critiques : compromis entre souplesse et pérennité du système, le projet doit se suffire d'un minimum de contributions.
  • Fonctionner en attention plutôt qu'en intention : laisser émerger des thèmes, des projets, en étant à l'écoute du groupe, définir des objectifs et non les résultats attendus.
  • Analyse du risque : volonté de réussite ou peur d'échouer ?
  • Définition des finalités et du pilotage (Matrice Sagace).
  • Objectifs clairs, charte.
  • Productions : Licences libres pour en faire des biens communs.

Les 9 lois de la coopération

  • Réduire les risques à participer.
  • Abaisser le seuil de passage à l'acte.
  • Biens non consommables et environnement d'abondance.
  • Les communautés qui durent convergent vers la coopération.
  • L'évaluation par l'estime.
  • Minimiser les besoins de départ .
  • Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques.
  • Le temps des opportunités.
  • N'oublier aucune des règles !

Abaisser le seuil de passage à l'acte

Le passage à l'acte chez l'être humain correspond à un basculement brutal

  • Logiciel libre :
    • Donner l'autorisation d'utilisation et de modification a priori grâce à une licence plutôt que d'imposer une demande d'autorisation avant toute action est un autre exemple d'éléments qui facilitent le passage à l'acte. (Jean-Michel Cornu)
  • Tela Botanica :
    • L'inscription est libre, gratuite et facile.
    • Utilisation Forum et Wiki.
  • Incitation à la participation par des exercices simples :
    • Faire une faute volontaire sur un nom de personne pour la faire réagir et l'inciter à corriger par elle-même.

Biens non consommables et environnement d'abondance

  • Tela Botanica : projet Flore de France Métropolitaine.
    • Issu du travail d'une personne : travail de nomenclature et taxonomie sur 75 000 noms.
    • 55 599 fiches modifiées par les membres du réseau.
    • Ajout de 46 794 noms vernaculaires (plusieurs langues).

Les communautés qui durent convergent vers la coopération

convergence

  • S'associer très en amont pour éviter la concurrence en aval.
    • GNU/Linux.
      • GNU et Free Software Foundation : 1985 .
      • Linux : 1991.
    • projet Flore de France Métropolitaine : 2001.

L'évaluation par l'estime

  • Tela : Projet compilation d'articles botaniques (25674 articles).

  • De Boissieu Henri - Un acer hybride nouveau pour la flore française. - 1912 - dendrologie, plante hybride, acer x bormulleri, localité, p. 77-78 - Société Botanique de France, Bulletin de la Société Botanique de France, Bull. Soc. Bot. Fr. (1904), Tome 59 - Fascicule 1 - Saisie : Jean TIMBAL -Art. n°13807.

  • Delahaye Thierry, Henze Gaston, Lequay Arthur - Les orchidées de Monthoux - 1996 - Savoie, Avant-pays, Acéracées, acer monspessulanum, Fabacées, Argyrolobium zanonii, p. 15-19 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°1 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°479.

  • Delahaye Thierry, Lequay Arthur, Prunier Patrice - Les découvertes botaniques de nos sociétaires en 1996 - 1997 - Savoie, violacées, Viola collina, loranthacées, Viscum album, acéracées, acer monspessulanum, joncacées, Juncus arcticus, liliacées, Erythronium dens-canis, p. 31-32 - Départ./Région : 73 - Société Mycologique et Botanique de Chambéry, Bull. de la sté Myco et Bota de la Région Chambérienne, N°2 - Saisie : Sylvie SERVE - Art. n°495.

Minimiser les besoins de départ

  • Linux a commencé par réutiliser le code et les idées de Minix (la totalité du code de Minix a été abandonnée ou réécrite complètement depuis).
  • Exemple "Cathédrale et Bazar" : Fetchmail basé sur popclient et Fetchpop.
  • Tela :
    • Récupération d'un travail de synonymie de M. Kerguelen sur 75 000 noms.
    • Récupération de nombreuses base de données constituées par des amateurs.
  • Mettre en ligne des documents inachevés car ils peuvent être améliorés par des contributeurs. Si on attend l'achèvement du document pour le mettre en ligne, la dynamique de réseau ne va pas s'enclencher.

Minimiser les risques d'échec par la maîtrise des tâches critiques

  • Loi de Brooks : "Le fait d'ajouter des gens à un projet logiciel en retard, le retarde encore d'avantage" : la complexité augmente, quant à elle, comme le nombre d'échanges et donc comme le carré du nombre de personnes.
  • Tela Botanica :
    • L'association contractualise des partenariats et assume les responsabilités.
    • Les salariés fournissent des outils et des services et assurent la permanence.
    • Les membres du réseau montent des projets et donnent du sens au réseau.
    • Le comité de pilotage assure la coordination et valide les décisions.

L'analyse du risque

  • La peur d'échouer fait prendre un minimum de risque. On est alors tenté de tout blinder, c'est d'ailleurs une des caractéristiques actuelles : tout est balisé, verrouillé (notamment juridiquement). Au sein de certaines administrations par exemple, il existe un manque d'ouverture qui est le reflet d'un fonctionnement mental rigide.
  • A l'inverse, vouloir réussir suppose de mettre en oeuvre des moyens pour atteindre le but qu'on s'est fixé. Cette démarche renvoie à un schéma mental beaucoup plus ouvert et dynamique.

Auteurs : Association Outils-Réseaux et tous ses stagiaires
Crédits illustrations sous licence Creative Commons : CC-By Outils-Réseaux - CC-By Éric Grelet - CC-By Ell Brown - CC-By Cea - CC-By Marc Smith

Formateur 2.0 : une nouvelle manière de faire de la formation

Auteur de la fiche : Outils-réseaux
Licence de la fiche : Creative Commons BY-SA
Description :
formateur2zero.jpg

Nouvelles technologies, numérique : nouveaux enjeux pour la formation

Incontestablement, l'avènement du numérique et d'Internet a offert au secteur de la formation d'innombrables possibilités.
Le changement de méthodes qui en découle va au-delà des apports technologiques, et c'est toute l'organisation de l'information de l'espace, de la distance et de la temporalité qui est modifiée.

Facteurs de changement liés aux nouvelles technologies :

  • L'accès illimité aux ressources ( ITyPA! ou Internet, Tout Y est Pour Apprendre).
  • L'interaction multidirectionnelle à distance ; la "présence à distance" où la valorisation de la relation prend toute son importance.
  • La communication horizontale en réseau.
  • L'introduction des réalités virtuelles et des micro-mondes.
  • Les logiques de participation portées par la culture numérique.
Tous ces éléments conduisent à envisager un nouveau modèle d'enseignement :

nouvelmodel


Ce qui implique :

nouvelformation


Notion annexe :

Les opportunités et les défis de TIC pour la formation

Les formateurs du Réseau d'enseignement francophone à distance du Canada REFAD ont identifié de manière très exhaustive les opportunités et les défis liés aux outils du Web 2.0 :

Les opportunités :

  • La mobilité et la portabilité et donc une flexibilité accrue pour les usagers, qui y ont accès de partout en tout temps.
  • Une motivation accrue d'au moins une partie des apprenants, particulièrement les plus jeunes, pouvant mener à une plus grande persévérance.
  • L'étudiant comme producteur de contenus d'apprentissage, et donc un apprentissage plus visible menant à une amélioration de son appropriation de la matière, de son autonomie et de sa responsabilisation.
  • Des possibilités multiples de coopération, de socialisation et d'échanges et donc d'apprentissage de la collaboration et du travail d'équipe tant pour les étudiants que pour les formateurs et les institutions.
  • L'expression sous diverses formes, incluant le multimédia, permettant une personnalisation et un soutien à différents styles d'apprentissage.
  • La facilité et la rapidité de la dissémination de l'information à des coûts très faibles, indépendants de la distance, augmentant sa portée.
  • La multiplicité ou l'omniprésence d'outils pouvant supporter tous les aspects de l'expérience éducative.
  • Un large accès à des contenus, des experts et des formations, constituant un facteur d'égalisation, notamment entre les régions.
  • De nouvelles possibilités d'organisation de l'information et de création de métadonnées.
  • Une occasion d'apprentissage de l'utilisation des médias et outils tic et de la littératie numérique, transférable dans d'autres contextes.
  • Une opportunité d'innovation en enseignement, d'ouverture à de nouvelles façons de faire et d'innovation organisationnelle, entre autres d'apprentissages plus personnalisés et plus contextualisés.

Les défis :

  • Le besoin pour les enseignants et les institutions de partager leur pouvoir et leur contrôle. Une évolution de l'autorité vers la transparence, de l'expert vers le facilitateur, de la présentation vers la participation.
  • Le soutien à la motivation et à la participation nécessaire à l'évolution du rôle de l'apprenant d'auditeur passif à intervenant actif et créatif.
  • Un besoin d'apprentissage de littératies multiples : usage des technologies, compétences informationnelles, gestion de l'identité numérique, etc.
  • Les questions liées à la propriété intellectuelle et à l'évolution des pratiques de production de contenus et de travaux (assemblages, coopérations, etc.).
  • La gestion de l'immédiateté des communications et de l'évolution rapide des logiciels sociaux.
  • Les risques liés à la sécurité des informations sur le web et à la cybercriminalité.
  • Le choix des outils et de leur intégration, ou non, aux systèmes institutionnels.

Dans : WIKIS, BLOGUES ET WEB 2.0 , Opportunités et impacts pour la formation à distance, 2010 Texte intégral

Les pratiques pédagogiques spécifiques

Les raisons pour adopter les nouvelles technologies sont d'abord pédagogiques, en lien avec les besoins des apprenants.
Elles peuvent donc avoir des impacts importants sur la conception du dispositif et sur les modalités d'encadrement. Voici quelques pistes :

La motivation et le soutien à la participation

La conception des formations doit prévoir des fluctuations importantes dans l'intérêt et la participation et mettre en place des mesures pour la susciter et la maintenir au-delà de l'engouement initial. La seule présence des outils ne suffit pas ; L'objectif ou le sens donné par le scénario pédagogique à leur usage demeure un élément central.

Les médias sociaux jouent un rôle motivateur dans la plupart des expériences éducatives. Ils offrent un sentiment d'habilitation aux apprenants et de nouvelles possibilités de socialisation. Ils sollicitent avantageusement la persévérance de chacun sur les temps de formation plus long.

Deux éléments liés à la motivation des stagiaires sont souvent indiqués :
  • l'évaluation de la participation : c'est plus un choix forcé de la participation que délibéré. C'est aussi un risque d'une participation minimale ne visant que l'atteinte des critères d'évaluation. Contrairement aux idées reçues selon lesquelles les élèves ne feront que les travaux qui seront formellement évalués, l'absence de contraintes rigides (relatives au blog par ex.) incite les élèves à bloguer encore plus. Le dosage entre la contrainte et la liberté est à trouver.

  • la diffusion large des contributions : l'ouverture donne de la visibilité, de la fierté et permet la réutilisation. Elle est donc généralement vue comme un facteur de motivation. Cette pratique est systématiquement utilisée dans les formations Animacoop. Les stagiaires produisent des contenus diffusables. C'est un travail plus contraignant mais plus apprécié également (voir : exemples de productions).

Des cheminements individuels, collaboratifs ou coopératifs

La multiplicité des outils de communication utilisables et les besoins différents mènent à une offre diversifiée de cheminements. La bonne posture pédagogique serait alors de varier pour donner aux apprenants aux styles d'apprentissages différents les possibilités d'un cheminement plus adapté.

Les activités collaboratives, facilitées par les outils du Web 2.0, ont cependant un intérêt plus particulier : elles sont à la fois "un bon vecteur d'apprentissage" et un moyen "de favoriser le développement de liens sociaux entre les apprenants", elles permettent de "lutter contre les risques d'isolement et de démotivation particulièrement dans l'apprentissage à distance". Elles permettent d'atteindre simultanément divers objectifs :
  • La réalisation,
  • le raisonnement de niveau supérieur,
  • le gain de temps de travail,
  • le transfert de l'apprentissage,
  • la motivation à la réussite,
  • la motivation intrinsèque et continue,
  • le développement social et cognitif,
  • l'attraction interpersonnelle,
  • le soutien social, les amitiés,
  • la réduction des stéréotypes et des préjugés,
  • la valorisation des différences,
  • la santé psychologique, l'estime de soi,
  • les compétences sociales,
  • l'intériorisation des valeurs,
  • la qualité de l'environnement d'apprentissage... et beaucoup d'autres.

Cependant l'arrivée du numérique ne fait que révéler certains blocages d'un travail (apprentissage) collaboratif : échanger des informations essentielles en vue d'un projet commun avec efficacité est une étape supplémentaire que ne franchissent pas bon nombre d'organisations, faute de culture du partage d'une part, et des besoins élémentaires des individus d'autre part. Le travail collaboratif repose, avant tout, sur le volontariat et ne peut être une obligation.

Un apprentissage et un environnement plus personnalisés

La culture et la multiplicité des choix qu'offre le Web 2.0, combinées à ses possibilités de "mise en scène du je", appellent à une plus grande personnalisation des cheminements, tel qu'indiqué ci-dessus, mais aussi des modalités d'expression et des outils. Il peut s'agir d'une personnalisation très limitée : profils et pages personnelles, photos, etc., ajoutés à l'intérieur d'un environnement d'apprentissage institutionnel, centré sur le cours ou le trimestre plutôt que sur l'apprenant. Mais plus couramment, tel qu'évoqué au chapitre précédent, on parle d'une remise en cause plus fondamentale où l'étudiant construit son environnement d'apprentissage personnel, à partir de son propre choix d'outils, indépendamment des institutions successives qu'il fréquentera et où il constitue à la fois son portfolio, témoignant de sa formation continue comme de son expérience, et de son identité numérique.

Des pédagogies actives et des apprentissages plus contextualisés

Les outils du Web 2.0 favorisent de plus un apprentissage dans l'action, plus authentique ou situé. L'apprenant peut par exemple y construire des ressources utilisables par la communauté. Un exemple : articles produit par les stagiaires Animacoop sont réutilisés par les formateurs dans la production de nouveaux cours

Des contenus multimédias

Un autre défi que présentent ces outils pour les pédagogues est l'évolution vers des ressources d'apprentissage beaucoup moins textuelles. La vidéo, en particulier, connaît une popularité fulgurante.
  • L'utilisation du blog : permet de laisser des traces de ses apprentissages et est excellent dans les pratiques d'évaluations formatives.
  • Le wiki montre les contributions de chacun à un travail collaboratif.
  • La vidéo et la vidéoconférence permettent d'évaluer l'expression orale ou l'appropriation des contenus. On peut aussi construire à partir des contenus existants; par exemple évaluer ou compléter un article d'un wiki.

L'utilisation de l'outil approprié

Placé devant une abondance de types d'outils, le formateur doit pouvoir choisir ceux qui sont les plus pertinents en regard de l'apprentissage souhaité. Souvent, si son institution ne l'a pas fait pour lui, il doit aussi sélectionner les logiciels pour les supporter. Les discussions entre enseignants sur des forumsspécialisés montrent bien leur perplexité devant la multiplicité des outils offerts et la difficulté d'établir lequel est le plus approprié à leur activité pédagogique.
Plus loin nous vous proposons une petite sélection d' outils classés selon leurs usages.

Accompagnement

Pour dépasser le niveau du simple commentaire ou de la mise en forme, pour progresser vers des apprentissages de plus haut niveau, comme le développement de l'argumentation, de la critique et de la synthèse, un accompagnement pédagogique soutenu est essentiel.

L'encadrement de cheminements interactifs comme ceux que permet le Web 2.0 demande donc non seulement plus de temps, mais aussi une disponibilité plus continue. Pour faire face à ce besoin accru de temps et de disponibilité, plusieurs solutions sont avancées.
  • Le besoin d'établir, dès le départ, des plages de disponibilité. de temps de "micro mentors".
  • Le travail collaboratif. L'encadrement était assumé en équipe de quatre professeurs : "Cette façon de faire avantage autant les étudiants, qui reçoivent une réponse dans un délai très court, que les professeurs, qui se partagent la tâche de répondre aux courriels".

Pour aller plus loin : veille partagée

Une limitation cognitive de l'homme porte sur la taille d'un groupe dans lequel il peut sans l'aide d'outils comprendre ce qui se passe. L'être humain est avant tout un animal qui sait faire des alliances, c'est à dire "une union entre personnes, qui est le résultat d'une entente ou d'un pacte1". Si beaucoup d'animaux savent vivre en troupeau ou en meute, très peu peuvent choisir par eux-mêmes de participer à une alliance. Les grands singes et certains cétacés arrivent à faire des alliances jusqu'à trois, et nous les humains, sommes limités à douze2.

Pour en savoir plus : la limite de douze pour les groupes humains

L'anthropologue britannique Robin Dunbar s'est intéressé à la relation entre la taille du néo-cortex de 38 espèces de singes et la taille des groupes respectifs dans lesquels ils
vivaient3. De façon étonnante, il a trouvé une corrélation entre ces deux éléments. Il a ensuite extrapolé cette approche à l'être humain pour en déduire que la limite naturelle de la taille du réseau social d'un humain était de 148, nombre qui, généralement arrondit à 150, est appelé le "nombre de Dunbar". Ce nombre correspond à la taille des villages d'éleveurs-cultivateurs au Néolithique, et se retrouve encore aujourd'hui dans la taille des réseaux sociaux4. Ce nombre - que Dunbar considère malgré tout comme assez approximatif - détermine donc le nombre de personnes avec lesquelles nous pouvons facilement socialiser sans avoir besoin d'un outil (ces outils peuvent être par exemple, la "liste d'amis" sur Facebook, ou simplement notre carnet d'adresses, qui nous permet parfois d'être en contact avec bien plus de personnes que celles dont on se souvient...)5.

La confiance qui permet de créer des alliances nécessite cependant d'avoir non seulement une vue d'ensemble des différents membres du groupe mais aussi des liens entre eux. On parle d'approche holoptique6 (du grec holos, entier et optikós, relatif à la vue) par opposition à l'approche panoptique7 (du grec pan, tout) qui permet de voir toutes les personnes mais pas forcément les liens entre elles.

Ainsi, même si les chimpanzés ont un nombre de Dunbar d'environ 55 qui leur permet de maintenir des bandes de cette taille, ils ne savent faire des alliances qu'au maximum à trois. L'être humain, en plus d'avoir un nombre de Dunbar élevé a également une capacité d'holoptisme qui lui permet de créer des alliances avec une douzaine de personnes. La taille maximale de cette alliance correspond à 144 liens entre les personnes (en prenant en compte à la fois les personnes elles-mêmes et les différences dans le lien entre une première personne et une deuxième, et le lien réciproque de la deuxième vers la première). Ainsi, en plus de sa capacité à constituer un réseau social d'environ 150 personnes (ce qui correspond à la taille des premiers villages d'éleveurs-cultivateurs du néolithique), l'être humain est également capable de constituer une alliance qui lui permet des actions collectives plus complexes jusqu'à environ une douzaine de personnes8.


Nous ne savons donc pas coopérer normalement dans des groupes de plus d'une douzaine de personnes. Pour aller au-delà, nous avons dû développer des stratégies : mettre en place une hiérarchie pour que le chef gère au maximum une douzaine de sous-chefs qui eux-mêmes gérerons une douzaine de personnes9 ; ou bien avoir des représentants (de Dieu ou du peuple) qui nous permettent de nous focaliser sur quelques personnes suivant une structure plus centralisée en étoile ; ou bien encore faire confiance à un seul mécanisme d'échange dans le groupe - la monnaie - plutôt que de devoir connaître chaque personne et chaque interaction entre elles. Mais pourrait-on dépasser la barrière des douze pour bénéficier directement de l'intelligence collective d'un plus grand nombre sans avoir une hiérarchie, des représentants ou des mécanismes monétaires comme intermédiaires ?

L'étonnant principe du 90-9-1 dans les groupes au-delà de douze

Au-delà d'une douzaine de participants, nous ne pouvons plus suivre l'intégralité des interactions dans le groupe. Il devient plus facile donc pour un membre du groupe de ne pas participer sans que cela "se voit". Si dans un petit groupe, la participation est la norme et la non-participation l'exception, dans un grand groupe au contraire, seuls ceux qui décident de participer le font.

Mais ceux qui participent ne sont pas toujours les mêmes. Nous-mêmes, nous nous investissons dans certains groupes et pas dans d'autres, en fonction de l'intérêt que présente le groupe. Si le nombre de personnes qui sont actives nous semble trop faible, nous aurons une certaine tendance naturellement à "prendre la place". Si au contraire, plus de personnes que ce qui semble nécessaire sont déjà à l'oeuvre, nous aurons tendance à rester inactif, voire le devenir si nous étions actifs. Cela explique une règle très contre-intuitive : quelques soient les personnes dans un grand groupe, le pourcentage des personnes actives reste relativement stable, selon le principe du 90-9-110 :
Les "proactifs" qui prennent des initiatives sont entre un et quelques pour cent.
Les "réactifs" qui réagissent lorsqu'on les sollicitent sont entre dix et quelques dizaines de pour cent.
Les autres ne sont pas tous totalement inactifs. Certains sont des "observateurs11" qui suivent les travaux du groupe, les utilisent pour eux, même s'ils ne participent pas. Ainsi, il y a toute une gradation dans les rôles plus ou moins actifs que peut prendre un participant, lui permettant de s'impliquer de plus en plus... ou de moins en moins.

Les pourcentages observés dans les groupes existants corroborent bien le principe du 90-9-1. Cette règle a des implications curieuses. Imaginons un groupe d'une centaine de personnes. Nous aurons donc naturellement au moins une dizaine de personnes réactives. Imaginons que l'animateur, dépité par le fait qu'il y ait des personnes non actives, décide de les exclure pour ne se concentrer que sur le petit groupe de la dizaine d'actifs. Son nouveau groupe conservera non pas les mêmes actifs mais le même pourcentage d'actifs qui passera donc à environ... un. Il se retrouvera bien seul ! A l'inverse, prenons un groupe d'une cinquantaine de personne. Pour dépasser les cinq ou six réactifs, il faut faire pas mal d'efforts. Imaginons que cette fois on y ajoute une cinquantaine d'autres personnes moins concernées et donc qui sont plutôt susceptibles de rester inactives. On observe alors que certaines personnes qui étaient inactives, y compris dans le groupe initial, deviennent plus actives pour conserver le même pourcentage d'actifs dans le groupe. Les réactifs deviennent donc une dizaine... Ces comportements étonnants sont bien vérifiés sur le terrain : nous avons en général une compréhension approximative du nombre de membres du groupe qui permettent à certains de choisir de devenir actifs ou inactifs.

Le nombre de participants structure les groupes

Un groupe fonctionnant normalement aura donc environ 1% de proactifs et 10% de réactifs. Il faudra faire des efforts pour faire passer le pourcentage de réactifs à 20%, voir jusqu'à 40% dans des cas très exceptionnels. Pour qu'un grand groupe puisse produire autant qu'un petit groupe qui comprend jusqu'à une douzaine de personnes sans nécessiter de trop grands efforts, il devra donc avoir au minimum une centaine de participants afin d'avoir au moins une dizaine ou une douzaine de réactifs.

Entre douze et cent participants, nous sommes donc dans le cas d'un groupe intermédiaire : trop grand pour nous permettre de suivre tout ce qui se passe et donc de le gérer de façon contrainte, et trop petit pour faire aussi bien qu'un petit groupe de douze personnes sans nécessiter de grands efforts d'animation. Au-delà de cent participants, nous pouvons avec un investissement raisonnable, "passer à l'échelle" et avoir un groupe dont le nombre d'actifs dépasse la barrière des douze, à condition de prendre en compte les comportements réactifs (au moins 10%) et pas seulement les pro-actifs (au moins 1%). Il existe également une limite haute : au-delà, de un à quelques milliers de personnes, les animateurs et les autres proactifs qui prennent de fait certaines tâches d'animation représentent eux-mêmes un groupe qui lui aussi dépasse la barrière des douze, mettant en difficulté la cohérence du groupe12. Un groupe de plusieurs milliers de personnes semble donc de nouveau plus complexe à animer. Le réseau Tela Botanica des botanistes francophones a mis en place des "membres relais" afin de mieux identifier les proactifs et commencer à constituer un groupe pour développer les échanges entre eux. Au-delà, dans les groupes de plusieurs dizaines de milliers de membres, le nombre des proactifs grimpe encore pour dépasser la centaine et permettre d'autres formes de régulation et une gouvernance décentralisée et collaborative. Il existe ainsi des très grands groupes où même l'animation est gérée de façon non plus contrainte mais par opportunité. C'est le cas par exemple de grands projets en ligne comme plusieurs des versions linguistiques de l'encyclopédie Wikipédia ou encore la cartographie collaborative Open Street Map. La compréhension de ce qui facilite la mise en place et le développement de tels très grands groupes est cependant encore mal connue.

Pour en savoir plus : pour les réactifs, l'Internet est coupé en trois

Lorsque l'on souhaite travailler avec un grand groupe qui reste cependant limité à quelques centaines voire un ou deux milliers de personnes, il faut donc impérativement chercher à travailler avec les réactifs (dix à quelques dizaine de pour cent) et ne pas se limiter aux seuls proactifs (un à quelques pour cent). Sur Internet, la différence se traduit par la notion d'outils push et d'outils pull.

Un outil pull est un outil qui impose d'aller "tirer" l'information là où elle se trouve. C'est le cas par exemple des sites web classiques mais aussi des forums et des principaux outils web 2.0 pour lesquels nous devons être proactifs pour aller chercher l'information sur ces sites. Un outil push au contraire a pour but de d'amener (de "pousser") l'information jusqu'à nous, ou plus précisément jusqu'à l'outil que nous consultons régulièrement. Dans notre vie quotidienne, c'est le cas de notre répondeur téléphonique (dans une démarche pull, ne devrions aller jusqu'à la boite vocale de nos différents amis ou de notre employeur pour voir s'il n'y a pas un message pour nous ou pour tous ... C'est le cas également de notre boite aux lettres près de notre habitation, que nous consultons régulièrement et jusqu'où est acheminé notre courrier. Nous n'avons alors plus qu'à "réagir" à ce que nous avons reçu.

Dans le cas d'Internet, l'application push type est le courrier électronique. Pour travailler à plusieurs par exemple, les listes de discussions permettent d'acheminer les échanges directement dans les boites mail de chacun des participants, sans les obliger à aller de façon proactives sur le site du groupe. Mais il existe maintenant d'autres lieux que nous consultons régulièrement, qui peuvent être Facebook, Twitter, ou d'autres réseaux sociaux. Une des grandes difficultés actuellement pour travailler ensemble avec un grand nombre de personnes est que nous n'arrivons plus à tout consulter systématiquement : notre boite aux lettres chez nous et au travail, les répondeurs téléphoniques de nos téléphones fixes et mobiles, les boites mail éventuellement privées et professionnelles, nos comptes Facebook, Twitter et parfois d'autres réseaux sociaux pour notre travail ou nos projets. De plus en plus de gens ne consultent très régulièrement que leur mail, que Facebook ou que Twitter, parfois deux d'entre eux. En terme d'outils push, et donc de démarche réactive, l'internet se retrouve coupé principalement en trois, même s'il reste possible d'aller de façon proactive chercher l'information sur d'autres canaux que nous utilisons de façon moins régulière.

Dans le cas des entreprises, il existe souvent un canal privilégié. Par exemple l'usage du mail est imposé et il est ainsi possible de "pousser" des informations directement jusqu'aux différents employés. Dans ce cas, pour ne pas frustrer les proactifs qui bien que dix fois moins nombreux que les réactifs représentent les personnes les plus motivées, il peut être intéressant de permettre des démarches push aussi bien que pull. Il est possible par exemple d'associer un forum et le mail pour avoir les avantages d'une liste de discussion et des outils pull : lorsqu'un nouveau sujet est proposé sur le forum, la plupart des participants le reçoivent par mail. Il leur suffit alors de faire une réponse au courrier électronique pour que celle-ci se retrouve placée en réponse dans le forum. Ceux qui souhaitent adopter une démarche proactive tout en évitant d'encombrer leur boite de réception peuvent aller directement sur le forum pour lire les sujets, les contributions des autres et contribuer à leur tour. Suivant le nombre de participants, et pour éviter de noyer ceux qui reçoivent les informations par mail sous un trop grand nombre de messages, il est possible d'adopter pour la majorité du groupe une démarche réactive sur tous les messages (pour des groupes limités à quelques centaines de personnes)13 ; ou de ne recevoir par mail que les questions initiales, une sélection de contribution préparée par les animateurs et les synthèses des discussions pour les groupes plus grands. Ceux qui souhaitent le détail de toutes les contributions doivent alors aller chercher l'information de façon proactive sur le forum14. Dans l'idéal, le choix de recevoir toutes les contributions de façon push dans son mail ou seulement les mails importants (questions, synthèses, invitations...) devrait pouvoir rester le choix des participants, quelque soit la taille du groupe15.

Dans le cas de grands groupes rassemblant des personnes venant d'horizons différents (particuliers, diverses organisations...), lorsque l'on choisit un outil push, par exemple le mail ou au contraire Facebook, on exclut une partie des participants potentiels. Pour éviter cela, il faut pouvoir recevoir l'information et contribuer depuis le canal que l'on consulte régulièrement. Il reste à ce jour à développer l'outil qui permettra de recevoir au choix tous les échanges ou seulement les questions initiales et les synthèses, sur le canal de son choix (mail, Facebook, Twitter) et de contribuer directement depuis cet outil par une simple réponse. Cet outil doit également permettre pour ceux qui le souhaitent, d'aller chercher de façon proactive les contributions sur un outil de type forum et même de contribuer depuis cet endroit.

L'importance des grands groupes de 100 à 1000, basés sur les réactifs

Une façon d'inciter à donner est d'en développer la motivation. Non pas la motivation extrinsèque comme nous l'avons vu (contre-don, reconnaissance sociale), mais plutôt une motivation intrinsèque qui n'attend rien de l'extérieur (estime de soi, réalisation de soi). Il ne s'agit donc pas d'un don gratuit mais plutôt d'un don désintéressé, au sens où il n'y a pas d'intéressement (un "intérêt à...") mais plutôt un "intérêt pour..."1. Cependant, dans la théorie de l'autodétermination, cette distinction intrinsèque/extrinsèque est vue plutôt comme un continuum2.

Les motivations intrinsèques "déterminées par le plaisir et le sentiment d'autonomie 3" intéressent beaucoup l'économie moderne. Parmi elles, l'estime de soi est un des moteurs de la charité (avec la reconnaissance sociale qui est elle, une motivation extrinsèque). Beaucoup de donneurs anonymes le font en considérant qu'ils ont de la chance d'être dans leur situation et qu'il est bien d'en faire profiter ceux qui n'ont pas eu cette chance, se mettant ainsi en accord avec leurs propres valeurs. Celles-ci peuvent être personnelles ou culturelles. Il est donc possible de jouer sur les valeurs du groupe où l'on souhaite mettre en place un système de don. La construction d'un système de valeurs se fait cependant progressivement et peut se heurter ponctuellement aux valeurs individuelles de certaines personnes, différentes de celles du groupe. À l'inverse, le système de valeurs est également constitutif du groupe4, incitant ceux qui s'y reconnaissent à intégrer le groupe et rejetant parfois ceux qui ont des valeurs différentes. L'autre type de motivation intrinsèque est la "réalisation de soi". Les travaux en psychologie positive ont montré que l'on atteint un état de bonheur, nommé "état de flow", lorsque l'on est totalement absorbé dans ce que l'on fait. Pourrait-on s'immerger dans le don à l'autre et y trouver un grand bonheur ?

Pour en savoir plus : l'état de flow 5

Mihaly Csikszentmihalyi, une des figures de proue de la psychologie positive6, s'est intéressée, dès les années 70, aux personnes qui consacraient beaucoup de temps et d'énergie à des activités diverses, pour le simple plaisir de les faire, sans attendre en retour des gratifications sous forme d'argent ou de reconnaissance sociale (joueurs d'échec, alpinistes, danseurs, par exemple). Ses observations l'ont amené à conclure que le bonheur, c'est lorsque nous "donnons le meilleur de nous même". Il décrit un principe d'expérience optimale, un état de flow, où nous sommes complètement absorbés dans ce que nous faisons. Cela peut être une activité très valorisante, comme écrire un livre, gravir une montagne ou une simple activité de la vie quotidienne dans laquelle nous aurons su trouver de l'intérêt pour nous investir pleinement. Cela peut même parfois s'appliquer à ce qui est habituellement perçu comme une corvée (vaisselle, repassage, etc.). Grâce aux témoignages recueillis et aux expériences réalisées, Csikszentmihalyi a identifié différentes particularités décrivant l'état de flow7.
1 - Haut degré de concentration sur un champ limité de conscience (hyperfocus), absence de distraction ;
2 - Une perte du sentiment de conscience de soi, disparition de la distance entre le sujet et l'objet ;
3 - Distorsion de la perception du temps ;
4 - Rétroaction directe et immédiate. Les réussites et difficultés au cours du processus sont immédiatement repérées et le comportement ajusté en fonction ;
5 - Sensation de contrôle de soi et de l'environnement.

Michael Norton, professeur associé à la Harvard Business School montre comment le bonheur peut être associé au fait de donner, y compris de l'argent8. Il a réalisé une étude sur le campus de l'Université de Colombie Britannique à Vancouver en demandant à des étudiants à quel point ils étaient heureux et en leur donnant une enveloppe. Elle contenait de l'argent, 5$ ou 20$ suivant les étudiants et également un mot indiquant pour la moitié des étudiants : "d'ici 17h aujourd'hui dépensez cet argent pour vous-même" et pour l'autre moitié "d'ici 17h aujourd'hui, dépensez cet argent pour quelqu'un d'autre". A la fin de la journée, les chercheurs ont interrogé les étudiants en leur demandant à quoi ils avaient dépensé leur argent et à quel point ils se sentaient heureux maintenant. Les chercheurs ont constaté que les personnes qui avaient dépensé l'argent pour les autres étaient plus heureux que ceux qui l'avaient utilisé pour eux-mêmes, et cela indépendamment de la somme d'argent dépensée. Michael Norton a réalisé une expérience similaire en Ouganda et à constaté que la situation était la même. Pour étendre cette recherche, il a ensuite fait appel à l'institut de sondage Gallup pour poser deux questions : "avez-vous donné de l'argent à un organisme caritatif récemment ?" et "à quel point êtes-vous heureux de votre vie en général". Dans la très grande majorité des pays les deux réponses sont corrélées positivement : donner rend plus heureux.

Mais il existe une difficulté pour atteindre le bonheur et l'état de flow. Nous avons tendance à privilégier les activités passives (comme regarder la télévision...) qui nous apportent une satisfaction très partielle mais immédiate plutôt que des activités actives qui vont nous rendre plus heureux mais qui demandent un effort au départ. Comment dépasser cette "barrière de l'effort"? Celui qui prend du plaisir dans le footing a d'abord souffert les premières fois; le musicien a dû s'entraîner parfois de longues années avant de pouvoir s'immerger dans une oeuvre, voire composer lui-même; Simplement le fait de passer de bons moments entre amis nécessite de sortir de chez soi... Tout au moins, il est important de vivre une première fois une expérience avant de se rendre compte qu'elle nous apporte du plaisir.

Vivre une petite expérience irréversible

Pour dépasser cette "barrière de l'effort" et trouver le bonheur dans un état de flow, il peut être nécessaire que nous visions une "petite expérience irréversible9", celle qui changera profondément notre façon de voir en nous ouvrant des perspectives qui nous semblaient impossibles. Nipun Mehta, le fondateur de ServiceSpace.org, un incubateur de projets à l'intersection du bénévolat, de la technologie et de l'économie du don, cite une histoire vraie qui s'est déroulée le jour de Noël à Mexico. Elle illustre bien cette différence entre l'idée que nous nous faisons d'une situation et le bonheur qu'elle peut nous apporter10. "Un père et son fils sont assis près d'un sapin. Un gamin des bidonvilles passe par là. Le père se tourne vers son fils et lui dit de lui donner un de ses jouets. Le fils est réticent bien sûr mais quand il se rend compte que son père est sérieux, il prend l'un de ses jouets, celui qu'il aime le moins, et se prépare à le donner. Mais son père lui dit : "mon fils, donne ton jouet favori". L'enfant bien que réticent au départ, fini par le faire. Quand il revient, le père se dit qu'il doit féliciter son geste et reconnaître le grand sacrifice que son fils a fait. Mais de façon surprenant, l'enfant à son retour saute de joie, regarde son père et lui dit : "Papa, c'était incroyable ! Est-ce que je peux le faire encore ?".

Les actes que nous faisons sont souvent dictés par la façon dont nous percevons les choses et cette perception, indépendamment de la réalité dépend de l'environnement, de ce que nous entendons autour de nous sur le sujet, etc. L'économie expérimentale s'intéresse aux comportements individuels et collectifs. Nous en avons déjà vu un exemple avec la théorie cumulative des perspectives11 qui montre notre aversion au risque. Jacques Lecomte12, professeur de psychologie à l'Université de Nanterre et à l'Institut Catholique de Paris en propose d'autres avec en particulier une expérience de prophétie auto-réalisatrice, une affirmation qui modifie les comportements par le simple fait d'être diffusée et ainsi devient vrai. Dans une expérience, un expérimentateur donne les mêmes règles du jeu à tous les participants mais annonce à la moitié du groupe qu'ils vont participer au "jeu de Wall Street" et à l'autre moitié au "jeu de la communauté". Les sujets sont deux fois plus nombreux à coopérer dans le deuxième cas ! Ainsi, nous sommes prédisposés à la fois à la coopération et à la compétition. Mais il y a une subtilité que relève Jacques Lecomte : nous sommes prédisposés et non pas prédestinés à l'un ou à l'autre. C'est le contexte qui nous fait basculer dans un mode ou dans l'autre. Les mécanismes de mimétismes fortement développés chez l'homme, aident à propager les prophéties auto-réalisatrices, qu'elles soient altruiste ou égoïstes...

Il existe d'autres mécanismes encore pour vivre des premières expériences de don. Dans l'exemple du "Pay-it forward" que nous avons vu au chapitre précédent, l'engagement du bénéficiaire d'un don à donner à son tour à d'autres personnes "en avant" n'est pas une garantie qu'il le fera. Mais cette promesse augmente les chances que de nouveaux dons soient faits. Dans sa présentation à TEDx13, Nipun Mehta présente le "Karma kitchen" à Washington DC. Il s'agit d'un établissement tout à fait normal où vous pouvez venir manger, mais il est tenu par des bénévoles et surtout à la fin de votre repas, vous recevez une note de 0$ expliquant : "dans un esprit de générosité, quelqu'un qui est venu avant vous a fait un don pour ce repas. Nous espérons que vous continuerez la chaîne en donnant à votre tour ! Pour payer pour un futur invité vous pouvez laisser une contribution anonyme dans cette enveloppe. Merci !". Nous sommes ici typiquement dans une approche de type Pay-it forward"14. La plupart des personnes acceptent de faire un don et même si quelques uns sont des "passagers clandestins", le fait que l'on donne plus volontiers pour les autres que pour soi-même a permis à ce restaurant de vivre depuis 3 ans. Aujourd'hui, d'autres restaurants de ce type ouvrent. L'initiative d'une ancienne bénévole du Karma restaurant, Minah Jung a même permis d'évaluer combien nous donnons en plus pour les autres par rapport à ce que nous sommes prêt à donner pour nous même15. Elle s'est associée au professeur Leif Nelson de la Haas Business School à Berkeley pour faire une expérimentation dans un musée où l'entrée est généralement facturée 1 $. Dans une première expérience ils ont installé une boite où les visiteurs pouvaient laisser ce qu'ils voulaient. La somme moyenne était alors de 1,33 $, supérieure au prix d'entrée habituel. Lorsqu'ils ont mis une personne pour recevoir le prix que les visiteurs voulaient payer, le montant moyen est passé à 2 $. Mais surtout, lorsqu'on disait aux visiteurs que le musée était gratuit pour eux mais qu'ils payaient pour la personne d'après, alors la moyenne des dons était de 3 $ soit trois fois le prix d'entrée habituel ! Nous sommes plus généreux pour les autres que pour nous même...

La piste de l'ocytocine pour favoriser notre penchant à la coopération ?

Depuis quelques temps, une hormone provoque un grand intérêt chez ceux qui voudraient développer la coopération et le don : l'ocytocine (ou oxytocine). Cette petite chaîne de 9 acides aminés semble parée de toute les vertus16. Elle intervient dans le développement des relations mère-enfant, dans la fidélité dans le couple, et dans de nombreux comportements sociaux tels que la confiance, le développement de l'empathie, la coopération ou l'altruisme. Le neuroéconomiste Paul Zak l'a même surnommée la "molécule morale17". Nous produisons de l'ocytocine lorsque nous touchons une personne (comme à l'occasion d'une poignée de main) et bien plus encore lors d'un baiser. Cette hormone, contrairement à beaucoup d'autres, n'a pas de dispositif régulateur et sa production peut donc culminer par des pics importants, en particulier lors de l'orgasme. Mais cette molécule a d'autres effets18. Elle peut provoquer du favoritisme envers les personnes de son groupe contre ceux qui n'en font pas partie19 et peut même pousser à désirer et se réjouir du malheur des autres20. L'ocytocine est-elle l'hormone qui facilite le don ou le rejet ? Il va nous falloir aller un peu plus loin pour le comprendre. A bien des égards cette molécule se distingue des autres hormones. Contrairement aux autres, elle ne se limite pas à deux ou trois effets, mais agit dans de nombreux cas. C'est elle qui permet les contractions du col de l'utérus lors de la naissance, elle provoque la sécrétion de lait pour permettre l'allaitement, elle provoque l'érection chez l'homme (le Viagra agit sur la sécrétion d'ocytocine) et provoque un état de plaisir dans de nombreux cas : orgasme mais aussi de façon plus réduite lorsque l'on agit de façon coopérative. Tous ces effets peuvent apparaître hétéroclites voire contradictoires. Pour leur trouver une cohérence, il faut remarquer comme le fait le chimiste Marcel Hibert21, que contrairement aux autres hormones qui aident à la survie de l'individu, l'ocytocine aide à la survie de l'espèce22. Elle nous aide à nous reproduire, à prendre soin de nos petits, à coopérer avec les membres de notre alliance, mais également à bien distinguer ceux qui sont à l'intérieur ou à l'extérieur de notre groupe. L'action de l'Ocytocine dépend donc du contexte et une des pistes pour expliquer son fonctionnement serait qu'elle focalise notre attention sur les signaux sociaux23. En prenant ces réserves en compte, nous pourrions imaginer malgré tout de développer le don par l'ocytocine comme le proposent certains. Mais si une simple poignée de main aide à produire de l'ocytocine, il n'est pas toujours facile d'avoir un long baiser entre les acteurs pour provoquer un pic de sécrétion de l'hormone ! Il est possible d'utiliser un spray intranasal et des études ont montré qu'il développait la confiance24 Mais comme le dit Marcel Hibert, allez donc mettre un spray dans le fond du nez de votre banquier ! Bien plus important, le fait que l'on puisse avoir un seul des acteurs qui respire de l'ocytocine et pas l'autre ouvre la porte à de nombreuses dérives et pose des questions éthiques. Pour développer notre propension à donner, il vaut mieux s'en tenir à la production naturelle et réciproque d'ocytocine : la simple rencontre, la poignée de main, le contact, voire pourquoi pas la danse. C'est également le cas pour les "câlins gratuits25" (en anglais Free Hugs, un mouvement qui s'est développé dans le monde entier à partir de 2004 où des personnes proposent des accolades aux gens dans un lieu public). Le "câlin gratuit" nous fait générer de l'ocytocine et nous rend heureux et de plus il est symétrique : on ne peut donner une accolade sans la recevoir également...

Cet article est extrait de l'ouvrage : Cornu Jean-Michel, Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie [en ligne], Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
(mais cet article est lui sous licence CC-BY-SA)


1 Cornu Jean-Michel, « De quel don parle-t-on ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
2 Deci Edward L., Ryan Richard M. (éd.), Handbook of self-determination research, 1 vol., Rochester, Royaume-Uni, The University of Rochester Press, 2004.
3 « Motivation » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Motivation>, (consulté le 30 janvier 2014).
4 Voir en particulier les travaux d'Elinor Omstrom, "prix Nobel" d'économie 2009 pour ses travaux sur la gouvernance des biens communs par les communautés elles-mêmes : Eychenne Fabien, « Notions de base - Annexe 7 - E. Ostrom : la gouvernance des biens communs » [en ligne], Réseau social de la Fing, disponible sur <http://www.reseaufing.org/pg/blog/fabien/read/83725/notions-de-base-annexe-7-e-ostrom-la-gouvernance-des-biens-communs>, (consulté le 30 janvier 2014).
5 Cornu Jean-Michel, La monnaie, et après ? guides des nouveaux échanges pour le XXIe siècle, Limoges, FYP éd., 2012.
6 Csíkszentmihályi Mihály, Servan-schreiber David, Vivre: la psychologie du bonheur, trad. Bouffard Léandre Éditeur scientifique, Pocket. Évolution, ISSN 1639-5727Presses pocket (Paris), ISSN 0244-6405 12335, 1 vol., Paris, France, Pocket, 2005.
7 « Flow (psychologie) » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Flow_(psychologie)>, (consulté le 30 janvier 2014).
8 « Michael Norton : Comment acheter le bonheur | Video on TED.com » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://www.ted.com/talks/lang/fr/michael_norton_how_to_buy_happiness.html>, (consulté le 30 janvier 2014).
9 Le terme est de Laurent Marseault de Outils Réseaux
10 « Pay it forward: Nipun Mehta @ TEDxGoldenGateED » [en ligne], Ted : Ideas worth spreading, disponible sur <http://blog.tedx.com/post/17375163362/pay-it-forward-nipun-mehta-tedxgoldengateed>, (consulté le 30 janvier 2014).
11 Cornu Jean-Michel, « Le taux de satisfaction des besoins réels identifiés » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
12 Lecomte Jacques, La bonté humaine: altruisme, empathie, générosité, 1 vol., Paris, France, O. Jacob, 2012.
Lecomte, Jacques. La bonté humaine : altruisme, empathie, générosité. O. Jacob, 2012. 398 p.
13 « TEDxBerkeley - Nipun Mehta - Designing For Generosity » [en ligne], YouTube?, disponible sur <http://www.youtube.com/watch?v=kpyc84kamhw&feature=youtu.be>, (consulté le 30 janvier 2014).
14 Cornu Jean-Michel, « Le don plus efficace que l’échange ? » [en ligne], in Tirer bénéfice du don, pour soi, pour la société, pour l’économie, Stimulo, ISSN 2265-7754, 1 vol., Limoges, France, FYP, 2013, disponible sur <http://www.cornu.eu.org/news/donner-une-capacite-naturelle-mais-limitee>.
15 Nipun Mehta, « Research On Pay Forward Phenomena » [en ligne], ServiceSpace?, disponible sur <http://www.servicespace.org/blog/view.php?id=10053>, (consulté le 30 janvier 2014).
16 Dvorsky George, « 10 Reasons Why Oxytocin Is The Most Amazing Molecule In The World » [en ligne], io9, disponible sur <http://io9.com/5925206/10-reasons-why-oxytocin-is-the-most-amazing-molecule-in-the-world>, (consulté le 30 janvier 2014).
17 Zak Paul J., The moral molecule: The source of love and prosperityRandom House, 2012.
18 Yong Ed, « Non, l’ocytocine n’est pas la molécule de l’amour et de la morale » [en ligne], slate, trad. Gallaire Fabienne, disponible sur <http://www.slate.fr/story/59785/ocytocine-hormone-calin>, (consulté le 30 janvier 2014).
19 Dreu Carsten KW De, Greer Lindred L., Kleef Gerben A. Van, et al., « Oxytocin promotes human ethnocentrism », Proceedings of the National Academy of Sciences 108 (2011/4), p. 1262‑1266., (consulté le 30 janvier 2014).
20 Shamay-tsoory Simone G., Fischer Meytal, Dvash Jonathan, et al., « Intranasal administration of oxytocin increases envy and schadenfreude (gloating) », Biological psychiatry 66 (2009/9), p. 864‑870., (consulté le 30 janvier 2014).
21 Voir en particulier le podcast audio dis de Marcel Hibert sur Canal U : « La chimie de l’amour - Marcel Hibert - Université de tous les savoirs - Vidéo - Canal-U » [en ligne], disponible sur <http://web.archive.org/web/20120707042548/http://www.canal-u.tv/video/universite_de_tous_les_savoirs/dl.1/podcast.1/la_chimie_de_l_amour_marcel_hibert.7042>, (consulté le 30 janvier 2014).
22 Une autre hormone, la vasopressine, a également largement contribué à la survie de l'espèce mais avec une stratégie opposée à l'ocytocine. La vasopressine contrôle le système de lutte ou de fuite alors que l'ocytocine contrôle celui de type calme et contact. Le premier diminue le niveau de conscience alors que le second pourrait développer l'attention aux signaux sociaux.
23 Bartz Jennifer A., Zaki Jamil, Bolger Niall, et al., « Social effects of oxytocin in humans: context and person matter », Trends in cognitive sciences 15 (2011/7), p. 301‑309., (consulté le 30 janvier 2014).
24 Kosfeld Michael, Heinrichs Markus, Zak Paul J., et al., « Oxytocin increases trust in humans », Nature 435 (2005/7042), p. 673‑676., (consulté le 30 janvier 2014).
25 « Official Home of the Free Hugs Campaign » [en ligne], disponible sur <http://freehugscampaign.org/>, (consulté le 30 janvier 2014).

Règles du pédagogue

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Description : Nous notons ici quelques principes auxquels il faut penser en construisant son action de formation.

Comment apprend-on ?

L'acquisition de la nouvelle compétence suit une progression à quatre étapes :

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La personne peut déclencher les mécanismes d'apprentissage à partir du constat d'un manque.
En situation de formation, cette logique peut correspondre aux activités proposées :
  • activité qui déstabilise, questionne (incompétence consciente),
  • suivi d'une activité qui stabilise, apporte des savoirs et savoir-faire nécessaires (compétence consciente)
  • activité qui donne une possibilité d'appliquer (en voie d'une compétence inconsciente).

10 règles d'apprentissage d'adulte

  • L'adulte n'est pas un enfant. Il n'obéit pas à des parents-formateurs.
  • L'adulte n'est pas là pour s'amuser. Il se sent responsable et demande à ce qu'on reconnaisse en lui, ce sens de la responsabilité.
  • L'adulte possède une expérience humaine, familiale, sociale et professionnelle sur laquelle le formateur doit s'appuyer.
  • L'adulte travaille en équipe, même si parfois, il doit aussi travailler seul.
  • L'adulte conjugue toujours théorie et pratique dans sa formation.
  • L'adulte comprend très bien la logique de l'échange symbolique : donner-recevoir-rendre. Il fournira d'autant plus d'effort qu'il sentira que le formateur n'épargne pas son temps et son énergie. Il n'hésitera pas à partager son savoir spécifique avec d'autres.
  • L'adulte a besoin d'espaces de convivialité et de temps pour assimiler.
  • L'adulte évalue toujours l'intérêt de son temps de formation.
  • L'adulte sait et peut continuer à apprendre, même à un âge avancé.
  • L'adulte respecte le savoir, mais encore plus la relation humaine.
  • L'adulte n'est pas "une boite à fiches"... et le savoir purement académique ne l'intéresse pas.
  • L'adulte est ouvert à une approche pluridisciplinaire des problèmes. Il considère souvent une question comme "un problème à résoudre" concrètement.

Rythme de la journée

Des nombreuse études montrent que le niveau de productivité et d'attention change au fur et à mesure de la journée. Sur la journée "normale" de travail (9h-18h), on observe les phénomènes suivants :
  • matinée : est plus propice au travail intellectuel que l'après midi.
Alors on privilégie une activité démonstrative le matin et exercices d'application l'après midi.
  • les périodes d'hypoglycémie : 11H30-12H30 et 17h00-18h00 environ : possible fatigue et irritabilité. A éviter les activités d'incompétence consciente, privilégier les travaux en petits groupe ou binôme.
  • la période de digestion forte : 14H-15h30 environ : passivité, l'endormissement et dissipation. Les exercices d'application, de découverte sont à privilégier.
  • la durée optimale d'une journée de formation : 7h L'effort de concentration est difficilement soutenu plus longtemps.

Comment retient-on l'information ?

A penser en préparant les support des cours. Nous retenons :
  • 10% de ce que nous lisons.
  • 20 % de ce que nous écoutons.
  • 30 % de ce que nous voyons.
  • 50 % de ce que nous voyons et entendons en même temps.
  • 80 % de ce que nous disons.
  • 90 % de ce que nous disons en faisant en étant impliqués.

Courants, démarches, méthodes, savoirs... De quoi parle-t-on ?

Un mini guide pédagogique pour connaître les concepts de bases.
Guide réalisé par www.foad-spirit.net

Pour aller plus loin

Les cours en lien :
Courants pédagogiques et TIC
Mots clés :

Ce que nous avons appris de Cooptic


Les formations hybrides, liant les "enseignements" en présence et à distance, sont d'excellents outils de développement professionnel tout au long de la vie.

Cependant, plusieurs conditions sont nécessaires pour que ce type de dispositifs de formation devienne un réel écosystème d'apprentissage.
L'expérience de Cooptic a renforcé nos convictions sur quelques conditions de réussite des formations à l'ère numérique.

La formation n'est plus une transmission pyramidale des savoirs, où celui qui sait passe l'information à celui qui apprend. C'est une co-construction des connaissances à partir de la mise en réseaux des informations disponibles, sélectionnées par le formateurs, des connaissances et des expériences individuelles enrichies collectivement par les échanges réflexifs. Le processus formatif est explicité par le formateur pour que la formation permette d'apprendre à apprendre.

La personne est au centre de l'apprentissage. Mais cette personne est facilement connectée au monde et aux autres, grâce à des nouvelles technologies disponibles.
Dans la formation Cooptic et Animacoop, son équivalent français, nous expérimentons la construction des communautés apprenantes dont le fonctionnement est proche des communautés épistémiques (cf. supra). Les stagiaires publient des articles, créent des parcours de formation en devenant progressivement des "amateurs -experts" actifs. Cette nouvelle qualité des personnes en formation conjugue d'authentiques ambitions intellectuelles, pédagogiques, voire démocratiques, et ouvre largement la place au plaisir d'apprendre.

Le travail de formateur change car il assure plusieurs fonctions en parallèle :

Ces nouvelles "fonctions" assurées par un ou plusieurs formateurs nécessitent des changement profonds :

Les éléments d'innovation et ses effets sur le dispositif de formation et l'apprentissage de la coopération

Ce que Cooptic innove L'effet sur la formation L'effet sur l'apprentissage de la coopération.
Le choix d'un wiki comme plate-forme de formation Dispositif technique très facile d'utilisation avec une ergonomie intuitive, un graphisme soigné. Le formateur veille à diminuer les éventuelles contraintes techniques. Diminue la contrainte de participation. Met en confiance face aux outils. Crée le sentiment de plaisir. Incite à publier sur le Net.
Un espace collectif et des espaces individuels La plate-forme wiki/ permet de créer des espaces personnels liés facilement aux supports collectifs. L'appartenance au groupe apprenant est naturelle (espaces communs). L'apprentissage individualisé est possible (espace personnel).
Contenus ouverts Les cours sont mis en ligne et accessibles à tous et au-delà de la formation. Liberté de revenir sur les cours à tout moment. Plus de disponibilité pour les activités et les échanges.
Contenus d'apprentissage plus larges que les cours La mise en ligne des cours "libère" du temps pour l'accompagnement dans l'acquisition des compétences. Acquisition des savoirs-faire : "apprendre à apprendre" et "apprendre à faire avec les autres".
Structure modulaire Des contenus sont divisés en unités (granularisation). Le parcours global est prédéfini, mais il peut être modifié pendant la formation. La construction d'un parcours plus personnel est possible.
Approche systémique Les contenus sont choisis pour correspondre à l'ensemble de l'activité, du réseau collaboratif et aux différents niveaux (individu, groupe, environnement). Acquisition de grilles de lecture globale. Étude relativement complète des processus collaboratifs.
Pluralité des parcours structurés Parcours modulaires des cours (vie d'un réseau). Parcours activité de groupes (communauté apprenante). Parcours "projet professionnel" (environnement collaboratif). Multiples occasions de traiter les questions de coopération et de collaboration ; les pratiquer, les animer. Analyse du process collaboratif.
Changement progressif des tailles des groupes de travail Les activités sont programmées sur la logique de progression : exercice individuel, en binôme, en groupe de 4-8 Pratique des communautés épistémiques. L'exercice de groupes éphémères (changement d'échelle).
Mise en réseaux et échange des pratiques L'activité est pensée comme un agrégateur de savoir. Le formateur est garant de la méthodologie. Valorisation de ses expériences comme une source de connaissance (praticien réflexif). Forme particulière de professionnalisation (à partir des expériences des autres). Renforcement de l'estime de soi.
Coproduction des contenus Une plate-forme évolutive : l'ajout de pages, de rubriques est possible par tous. Le formateur accompagne le processus, il est garant de sa cohérence. Posture active face au savoir. Sentiment de créer un "bien commun".
Notion de "présence" à distance Une articulation affinée des temps présence-distance. L'effort d'accompagnement est mis sur les interactions entre les participants. L'accompagnement "à distance" est systématisé (points fixes avec le formateur). L'effet de distance est diminué voir transformé. Se dégagent les méthodes de proximité de projets, de cultures.



Pour en savoir plus : les communautés épistémiques


Les communautés épistémiques peuvent être définies comme un [petit] groupe de représentants partageant un objectif cognitif commun de création de connaissance et une structure commune permettant une compréhension partagée. C'est un groupe hétérogène. Par conséquent, l'une des premières tâches de ses membres consiste à créer un codebook, une sorte de "code de conduite", qui définit les objectifs de la communauté et les moyens de les atteindre ainsi que les règles de comportements collectifs. Donc ce qui caractérise une communauté épistémique est avant tout l'autorité procédurale, qui est garante du progrès vers le but fixé tout en laissant aux participants une certaine autonomie.
La production de la connaissance s'est réalise à partir des synergies des particularités individuelles. Cela nécessite que la connaissance qui circule au sein de la communauté soit explicitée. Cette explicitation se fait par la conversion de connaissances tacites individuelles en connaissances explicites et collectives : les membres de la communauté épistémique sont unis par leurs responsabilités à mettre en valeur un ensemble particulier de connaissances. L'objet de l'évaluation concerne donc la contribution individuelle à l'effort vers le but collectif à atteindre, et la validation de l'activité cognitive (production de la connaissance) de chaque membre se fait par les pairs selon les critères fixés par l'autorité procédurale. Il en est de même avec le recrutement de nouveaux membres dans ce type de groupes : il se fait par des pairs, selon des règles préétablies relatives au potentiel d'un membre à réaliser le but de la communauté.

Bibliographie
Cohendet, P., Créplet, F. et Dupouët, O., (2003), Innovation organisationnelle, communautés de pratique et communautés épistémiques : le cas de Linux.
Revue française de gestion, n° 146, 99-121.


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