Formateur 2.0 : une nouvelle manière de faire de la formation
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Outils-réseaux
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Description :
Nouvelles technologies, numérique : nouveaux enjeux pour la formation
Incontestablement, l'avènement du numérique et d'Internet a offert au secteur de la formation d'innombrables possibilités.
Le changement de méthodes qui en découle va au-delà des apports technologiques, et c'est toute l'organisation de l'information de l'espace, de la distance et de la temporalité qui est modifiée.
Facteurs de changement liés aux nouvelles technologies :
L'accès illimité aux ressources ( ITyPA! ou Internet, Tout Y est Pour Apprendre).
L'interaction multidirectionnelle à distance ; la "présence à distance" où la valorisation de la relation prend toute son importance.
La communication horizontale en réseau.
L'introduction des réalités virtuelles et des micro-mondes.
Les logiques de participation portées par la culture numérique.
Tous ces éléments conduisent à envisager un nouveau modèle d'enseignement :
Ce qui implique :
Notion annexe :
Les opportunités et les défis de TIC pour la formation
Les formateurs du Réseau d'enseignement francophone à distance du Canada
REFAD ont identifié de manière très exhaustive les opportunités et les défis liés aux outils du Web 2.0 :
Les opportunités :
La mobilité et la portabilité et donc une flexibilité accrue pour les usagers, qui y ont accès de partout en tout temps.
Une motivation accrue d'au moins une partie des apprenants, particulièrement les plus jeunes, pouvant mener à une plus grande persévérance.
L'étudiant comme producteur de contenus d'apprentissage , et donc un apprentissage plus visible menant à une amélioration de son appropriation de la matière, de son autonomie et de sa responsabilisation.
Des possibilités multiples de coopération, de socialisation et d'échanges et donc d'apprentissage de la collaboration et du travail d'équipe tant pour les étudiants que pour les formateurs et les institutions.
L'expression sous diverses formes , incluant le multimédia, permettant une personnalisation et un soutien à différents styles d'apprentissage.
La facilité et la rapidité de la dissémination de l'information à des coûts très faibles, indépendants de la distance, augmentant sa portée.
La multiplicité ou l'omniprésence d'outils pouvant supporter tous les aspects de l'expérience éducative.
Un large accès à des contenus, des experts et des formations , constituant un facteur d'égalisation, notamment entre les régions.
De nouvelles possibilités d'organisation de l'information et de création de métadonnées .
Une occasion d'apprentissage de l'utilisation des médias et outils tic et de la littératie numérique , transférable dans d'autres contextes.
Une opportunité d'innovation en enseignement , d'ouverture à de nouvelles façons de faire et d'innovation organisationnelle, entre autres d'apprentissages plus personnalisés et plus contextualisés.
Les défis :
Le besoin pour les enseignants et les institutions de partager leur pouvoir et leur contrôle . Une évolution de l'autorité vers la transparence, de l'expert vers le facilitateur, de la présentation vers la participation.
Le soutien à la motivation et à la participation nécessaire à l'évolution du rôle de l'apprenant d'auditeur passif à intervenant actif et créatif.
Un besoin d'apprentissage de littératies multiples : usage des technologies, compétences informationnelles, gestion de l'identité numérique, etc.
Les questions liées à la propriété intellectuelle et à l'évolution des pratiques de production de contenus et de travaux (assemblages, coopérations, etc.).
La gestion de l'immédiateté des communications et de l'évolution rapide des logiciels sociaux.
Les risques liés à la sécurité des informations sur le web et à la cybercriminalité.
Le choix des outils et de leur intégration , ou non, aux systèmes institutionnels.
Dans : WIKIS, BLOGUES ET WEB 2.0 , Opportunités et impacts pour la formation à distance, 2010
Texte intégral
Les pratiques pédagogiques spécifiques
Les raisons pour adopter les nouvelles technologies sont d'abord pédagogiques, en lien avec les besoins des apprenants.
Elles peuvent donc avoir des impacts importants sur la conception du dispositif et sur les modalités d'encadrement. Voici quelques pistes :
La motivation et le soutien à la participation
La conception des formations doit prévoir des fluctuations importantes dans l'intérêt et la participation et mettre en place des mesures pour la susciter et la maintenir au-delà de l'engouement initial. La seule présence des outils ne suffit pas ; L'objectif ou le sens donné par le scénario pédagogique à leur usage demeure un élément central.
Les médias sociaux jouent un rôle motivateur dans la plupart des expériences éducatives. Ils offrent un sentiment d'habilitation aux apprenants et de nouvelles possibilités de socialisation. Ils sollicitent avantageusement la persévérance de chacun sur les temps de formation plus long.
Deux éléments liés à la motivation des stagiaires sont souvent indiqués :
l'évaluation de la participation : c'est plus un choix forcé de la participation que délibéré. C'est aussi un risque d'une participation minimale ne visant que l'atteinte des critères d'évaluation. Contrairement aux idées reçues selon lesquelles les élèves ne feront que les travaux qui seront formellement évalués, l'absence de contraintes rigides (relatives au blog par ex.) incite les élèves à bloguer encore plus. Le dosage entre la contrainte et la liberté est à trouver.
la diffusion large des contributions : l'ouverture donne de la visibilité, de la fierté et permet la réutilisation. Elle est donc généralement vue comme un facteur de motivation. Cette pratique est systématiquement utilisée dans les formations Animacoop . Les stagiaires produisent des contenus diffusables. C'est un travail plus contraignant mais plus apprécié également (voir : exemples de productions ).
Des cheminements individuels, collaboratifs ou coopératifs
La multiplicité des outils de communication utilisables et les besoins différents mènent à une offre diversifiée de cheminements. La bonne posture pédagogique serait alors de varier pour donner aux apprenants aux styles d'apprentissages différents les possibilités d'un cheminement plus adapté.
Les activités collaboratives, facilitées par les outils du Web 2.0, ont cependant un intérêt plus particulier : elles sont à la fois "un bon vecteur d'apprentissage" et un moyen "de favoriser le développement de liens sociaux entre les apprenants", elles permettent de "lutter contre les risques d'isolement et de démotivation particulièrement dans l'apprentissage à distance". Elles permettent d'atteindre simultanément divers objectifs :
La réalisation,
le raisonnement de niveau supérieur,
le gain de temps de travail,
le transfert de l'apprentissage,
la motivation à la réussite,
la motivation intrinsèque et continue,
le développement social et cognitif,
l'attraction interpersonnelle,
le soutien social, les amitiés,
la réduction des stéréotypes et des préjugés,
la valorisation des différences,
la santé psychologique, l'estime de soi,
les compétences sociales,
l'intériorisation des valeurs,
la qualité de l'environnement d'apprentissage... et beaucoup d'autres.
Cependant l'arrivée du numérique ne fait que révéler certains blocages d'un travail (apprentissage) collaboratif : échanger des informations essentielles en vue d'un projet commun avec efficacité est une étape supplémentaire que ne franchissent pas bon nombre d'organisations, faute de culture du partage d'une part, et des besoins élémentaires des individus d'autre part. Le travail collaboratif repose, avant tout, sur le volontariat et ne peut être une obligation.
Un apprentissage et un environnement plus personnalisés
La culture et la multiplicité des choix qu'offre le Web 2.0, combinées à ses possibilités de "mise en scène du je", appellent à une plus grande personnalisation des cheminements, tel qu'indiqué ci-dessus, mais aussi des modalités d'expression et des outils. Il peut s'agir d'une personnalisation très limitée : profils et pages personnelles, photos, etc., ajoutés à l'intérieur d'un environnement d'apprentissage institutionnel, centré sur le cours ou le trimestre plutôt que sur l'apprenant. Mais plus couramment, tel qu'évoqué au chapitre précédent, on parle d'une remise en cause plus fondamentale où l'
étudiant construit son environnement d'apprentissage personnel , à partir de son propre choix d'outils, indépendamment des institutions successives qu'il fréquentera et où il constitue à la fois son portfolio, témoignant de sa formation continue comme de son expérience, et de son identité numérique.
Des pédagogies actives et des apprentissages plus contextualisés
Les outils du Web 2.0 favorisent de plus un apprentissage dans l'action, plus authentique ou situé. L'apprenant peut par exemple y construire des ressources utilisables par la communauté. Un exemple :
articles produit par les stagiaires Animacoop sont réutilisés par les formateurs dans la production de nouveaux cours
Des contenus multimédias
Un autre défi que présentent ces outils pour les pédagogues est l'évolution vers des ressources d'apprentissage beaucoup moins textuelles. La vidéo, en particulier, connaît une popularité fulgurante.
L'utilisation du blog : permet de laisser des traces de ses apprentissages et est excellent dans les pratiques d'évaluations formatives.
Le wiki montre les contributions de chacun à un travail collaboratif.
La vidéo et la vidéoconférence permettent d'évaluer l'expression orale ou l'appropriation des contenus. On peut aussi construire à partir des contenus existants; par exemple évaluer ou compléter un article d'un wiki .
L'utilisation de l'outil approprié
Placé devant une abondance de types d'outils, le formateur doit pouvoir choisir ceux qui sont les plus pertinents en regard de l'apprentissage souhaité. Souvent, si son institution ne l'a pas fait pour lui, il doit aussi sélectionner les logiciels pour les supporter. Les discussions entre enseignants sur des
forums spécialisés montrent bien leur perplexité devant la multiplicité des outils offerts et la difficulté d'établir lequel est le plus approprié à leur activité pédagogique.
Plus loin nous vous proposons une petite sélection d' outils classés selon leurs usages.
Accompagnement
Pour dépasser le niveau du simple commentaire ou de la mise en forme, pour progresser vers des apprentissages de plus haut niveau, comme le développement de l'argumentation, de la critique et de la synthèse, un accompagnement pédagogique soutenu est essentiel.
L'encadrement de cheminements interactifs comme ceux que permet le Web 2.0 demande donc non seulement plus de temps, mais aussi une disponibilité plus continue. Pour faire face à ce besoin accru de temps et de disponibilité, plusieurs solutions sont avancées.
Le besoin d'établir, dès le départ, des plages de disponibilité. de temps de "micro mentors".
Le travail collaboratif. L'encadrement était assumé en équipe de quatre professeurs : "Cette façon de faire avantage autant les étudiants, qui reçoivent une réponse dans un délai très court, que les professeurs, qui se partagent la tâche de répondre aux courriels".
Pour aller plus loin : veille partagée
Très souvent on anime un groupe avec notre bon sens, en essayant de faire "au mieux". Cela nous permet de comprendre certains aspects du groupe : il manque peut être de la convivialité ou une culture commune, ou bien encore le groupe est trop centré sur lui même. Mais cette capacité à analyser est également, paradoxalement, notre plus grande faiblesse, car elle nous fait oublier tous les autres aspects de notre groupe. C'est ainsi que l'on se focalise sur un aspect du groupe voire deux ou trois, mais en délaissant les autres. Edgar Morin parle "d'aveuglement paradigmatique
1 " :
focalisez-vous sur un problème et tous les autres deviennent masqués !
Nous vous proposons une carte des différentes facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans votre groupe et des différentes compétences qui permettent d'agir pour le faire naître et le développer. Quelques unes de ces facettes sont contre intuitives, nous les présenterons dès le départ. Cette carte n'est pas le fruit d'une seule personne qui par définition, serait elle-même soumise à l'aveuglement paradigmatique. Elle est issue des échanges au départ des 130 membres du groupe Intelligence Collectif de la Fing
2 et s'est enrichie progressivement des travaux ultérieurs. Muni de ces 28 mots clés, de ces 28 outils, vous et même les membres de votre groupe, pourrez mieux comprendre ce qui se passe dans votre groupe et l'aider à se développer et à s'adapter aux différentes situations.
Un premier aspect contre intuitif : le choix a posteriori
Il existe plusieurs stratégies en fonction de l'environnement dans lequel on se situe :
La planification : dans une situation prévisible mais où les ressources sont rares, il faut prévoir pour optimiser les ressources et ne pas les gâcher ;
La négociation : lorsque les ressources sont rares mais que la situation n'est pas prévisible, la négociation permet de faire un choix au présent à défaut de pouvoir le faire à l'avance. C'est le cas par exemple de la fixation du prix dans l'économie de marché ;
Le choix a posteriori : lorsque l'on peut disposer d'une abondance de ressources (un grand groupe, une information abondante) mais que la situation n'est pas prévisible, alors il vaut mieux susciter une abondance de choix et ne choisir qu'a posteriori , parmi toutes les possibilités. C'est cette approche qui constitue la base de la coopération telle que nous allons la découvrir ;
Souvent nous ne choisissons pas notre stratégie mais utilisons celle que nous maîtrisons, quel que soit le contexte. Il est important de s'adapter à notre environnement pour choisir la meilleure stratégie. Parfois, la situation peut être prévisible pour certaines choses et imprévisible pour d'autres, certaines ressources peuvent être abondante et d'autres rares. Dans ce cas, il faut pouvoir s'adapter et même jongler avec les stratégies. Celle qui concerne
la coopération est assez contre intuitive , car elles nous oblige à ne pas faire les choix le plus tôt possible alors que nous baignons dans une culture de la prévision, et elles nous poussent à travailler avec l'abondance là où nous nous focalisons en général sur ce qui est rare.
La taille des groupes et les rôles des membres
Dès qu'un groupe dépasse le nombre d'une douzaine de membres, chaque personne prend une posture proactive, réactive, d'observateur ou inactive et peut en changer en fonction d'un certain nombre de critères. On observe de façon assez contre-intuitive que
le pourcentage d'actifs reste remarquablement constante 3 : les proactifs sont entre un et quelques pour cent et les réactifs entre dix et quelques dizaines de pour cent.
On peut en déduire
différents types de groupes distingués par le nombre de leurs membres :
Les petits groupes jusqu'à une douzaine de personnes qui peuvent être gérés de façon contrainte (en attendant une action de chacun des différents membres) ;
Les groupes intermédiaires entre une douzaine et une centaine de personnes qui nécessitent plus d'efforts d'animation pour obtenir des réactions ;
Les grands groupes entre une centaine et un ou deux milliers de personnes qui permettent de produire de façon collaborative... à condition de se focaliser sur les réactifs ;
Les très grands groupes intermédiaires de plusieurs milliers de personnes où le groupe que forme les membres proactifs devient plus difficilement cohérent ;
Les très grands groupes au-delà de quelques dizaines de milliers où les proactifs sont suffisamment nombreux pour rendre l'animation moins contrainte ;
Convergence et conflit
On considère souvent implicitement que chacun devrait agir dans l'intérêt du groupe en oubliant son intérêt propre. C'est la définition même de l'altruisme. Bien qu'il existe dans le monde animal et chez l'homme et permette même des avantages de survie dans certaines conditions, il n'est pas aisé à développer dans toutes les situations.
La coopération utilise une approche différente de celle de l'altruisme : elle cherche les conditions qui vont faire converger l'intérêt individuel et l'intérêt collectif. Il existe des cas où naturellement chacun va aller plutôt dans le sens de l'intérêt collectif : dans
un environnement d'abondance se développe une économie du don, différente de l'économie de rareté ; en donnant
une vision à long terme au groupe, les comportements deviennent plus coopératifs ;
les mécanismes d'estime (une forme de reconnaissance attribuée de façon dynamique par l'ensemble du groupe contrairement au prestige) forme un système de régulation qui incite à agir dans le sens de l'intérêt collectif.
Mais
trop de convergence peut transformer le groupe en un troupeau de mouton... Il est bon d'y ajouter
un peu de divergence (d'autres idées voire des façons différentes de poser les questions)
et même un soupçon d'opposition pour permettre une remise en question du groupe. Le rôle du coordinateur est de percevoir l'équilibre entre convergence, divergence et opposition et de pousser l'un ou l'autre pour obtenir un groupe qui avance tout en s'enrichissant de sa diversité.
S'il n'y a que de la convergence et de l'opposition, un conflit apparaît. Une crise est un moment difficile du groupe mais très utile : plusieurs approches obligent à une remise en question. Mais
un conflit contrairement à une crise ne va que dans deux directions : pour ou contre, chacun restant sur ses positions. Pour gérer un conflit, il faut donc le
retransformer en crise en suscitant une troisième position voire plus.
Cartographier les différentes idées des membres en les poussant à y ajouter de nouvelles est une méthode particulièrement utile dans ce cas.
Les trois types d'influence dans un groupe
Les trois premier aspects présentés auparavant illustrent bien
trois grandes dimensions constitutives de tous les groupes : ceux-ci sont influencés par leurs membres bien sûr, mais par l'organisation du groupe et son histoire ainsi que par ses relations avec l'environnement :
La convergence et le conflit illustrent bien l'influence des personnes sur le groupe
La taille du groupe est une donnée spécifique au groupe, indépendamment des particularités de ses membres
L'imprévisibilité et l'abondance qui poussent à faire des choix a posteriori dépendent souvent de l'environnement.
Les facettes suivantes sont rassemblées suivant ces trois grandes dimensions . Celles qui décrivent l'influence des personnes sont accompagnées d'un aspect plus difficile à traiter, même s'il n'est pas toujours négatif (comme le conflit, associé à la convergence, qui permet une remise en question). La facette suivante l'implication, avec son pendant la désimplication, est le quatrième aspect contre intuitif. Les suivants feront bien souvent appel à notre simple bon sens.
Implication et désimplication
On confond souvent la mobilisation et l'implication. Mais si on mobilise des personnes - souvent en les payant - pour qu'elle fassent ce que l'on veut, il faut qu'elle s'impliquent elles-mêmes pour prendre le risque de faire ce qu'elles estiment bonne. En effet, le coordinateur n'est pas toujours sur tous les terrains. Les personnes qui s'impliquent peuvent prendre des initiatives en fonction des informations qu'elles ont et que n'a pas toujours le coordinateur. L'implication est absolument nécessaire dans un environnement imprévisible qui change en permanence, par exemple dans le domaine de l'innovation ou encore lorsque l'on travaille avec des personnes plutôt que des machines ou des objets.
Trois choses influencent le niveau d'implication des personnes :
La motivation (l'estime, le plaisir, apprendre des choses nouvelles...)
Les freins (le manque de confiance, une sécurité personnelle précaire, la crainte de ne pas pouvoir se désengager...)
Le niveau du seuil de passage à l'acte (un projet simple à comprendre, des animateurs réactifs...)
Il faut rester vigilant sur la désimplication qui est une maladie contagieuse dans le groupe. Deux expressions permettent de nous alerter :
" Et puis merde !" (identifié par François de Closet sur les problèmes de l'ORTF, la télévision française à ses débuts)
" C'est pas mon problème !" (on reste mobilisé mais on ne s'implique plus...)
Les autres aspects de l'influence des personnes sur le groupe
Nous avons vu la convergence des idées et des intérêts (et le conflit lorsqu'il n'y a que des pour et des contres) ainsi que l'implication et la désimplication.
Deux autres aspects concernent les personnes : le niveau de conscience de ce qui se passe et les différentes tâches de coordination.
Le niveau de conscience de ce qui se passe dans le groupe est variable. Il est possible que
personne ne soit conscient d'un phénomène particulier. Cela n'empêche pas malgré tout la coopération. Ainsi, la stigmergie est une forme d'auto-organisation utilisée en particulier par les insectes sociaux comme les fourmis ou les termites pour lesquels la communication se fait par les traces que l'on laisse, sans forcément en être conscient.
Si l'animateur devient conscient de ce qui se passe dans le groupe, alors il peut agir pour favoriser certains équilibres (convergence/divergence, taille du groupe, niveau d'implication...). Mais
si les membres eux-mêmes deviennent conscients de ce qui se joue, alors ils peuvent agir sur bien plus de petites choses que ne peuvent le faire le ou les animateurs. L'idéal est d'arriver à un niveau de
conscience collective, c'est à dire que non seulement les membres sont conscients de ce qui se passe mais ils peuvent également en discuter entre eux (contrairement aux "non dits"). Aucun groupe n'est pleinement conscient et il reste même toujours des phénomènes dont personne n'a pris conscience. Mais le but du coordinateur est de favoriser le maximum de prise de conscience individuelle et collective. A l'inverse
toute agression, volontaire ou non, consciente ou non, ouverte ou cachée, provoque la peur ou la colère et
nous ramène à un niveau très bas de conscience. Le travail du coordinateur doit être un combat permanent pour ramener plus de conscience dans le groupe, en réduisant au maximum ses peurs et ses colères pour ne pas devenir lui-même inconscient.
Il existe de multiples tâches de coordination. Certaines sont tournées vers les personnes (faciliter l'implication, faire converger ou diverger, relancer les échanges...), d'autres vers le groupe lui-même (définir les objectifs, conserver l'histoire du groupe, identifier les tâches à faire et les tâches critiques, donner aux membres une vision d'ensemble du groupe et de la diversité des idées...) et d'autres encore sont en direction de l'environnement (valoriser ce qui a été fait...). Certaines tâches peuvent être faites de façon centralisées par le coordinateur ou un groupe de personnes désignées ou bien de façon décentralisées. Cela dépend de chaque groupe et de son niveau de développement (la définition des objectifs, est une des premières tâches qui peut se décentraliser). Mais dans tous les cas, les outils de coordination doivent rester au service des coordinateurs et non les remplacer pour éviter qu'ils ne se défaussent de leur responsabilité.
Très souvent, on cherche Ã
piloter le groupe avec une intention précise. Si cela peut être pertinent pour les aspects spécifiques au groupe lui-même (taille, vocation...), cela ne l'est plus lorsque l'on souhaite que les membres s'impliquent et prennent des initiatives. Cela n'est pas judicieux non plus très souvent pour gérer l'impact qu'à l'environnement sur le groupe car nous n'avons pas toujours de grandes possibilités d'actions.
Dans ces cas il faut piloter le groupe non plus en intention mais en attention . Cela veut dire que nous devons rester vigilant à ce qui se passe et savoir nous adapter en saisissant les opportunités. Il faut même
accepter une petite dose d'incohérence pour permettre au groupe de résoudre des problèmes autrement insolubles...
Les autres aspects spécifiques au groupe
Nous avons vu l'influence de la taille sur les groupes. Il faut y ajouter trois autres aspects spécifiques au groupe lui-même : sa vocation, son niveau de maturité et ses communs.
Il existe
trois types de vocation pour un groupe :
un réseau a pour objectif de mettre en relation ses membres,
une communauté crée avant tout une identité collective et
un groupe de travail a pour but de produire - des documents, des événements... - pour le reste de l'environnement au-delà des membres. On retrouve ici les trois dimensions : personnes, groupe, environnement.
Le ou les coordinateurs doivent identifier la vocation première du groupe sans pour autant négliger les autres.
Un groupe progresse suivant différents
niveau de maturité. Lorsque le groupe est enfant, c'est avant tout le coordinateur qui prend les initiatives (on parle alors de "dictateur bienveillant"). Au bout de 18 mois à deux ans (parfois plus pour des groupes "Tanguy
5 " qui restent très longtemps dans le giron du coordinateur),
le groupe devient adolescent . Certains cherchent alors à prendre des initiatives et cela se fait au début contre le coordinateur. Ils adoptent alors un rôle de "
leader négatif". Cette période parfois dure à vivre comme pour les humains, est fondamentale car elle ouvre la porte à l'appropriation du groupe par ses membres. Pendant cette période, il est difficile souvent pour le coordinateur de se justifier voire de protéger le groupe d'un
leader négatif qui en allant trop loin, met en péril le groupe. Dans la phase suivante,
le groupe devient adulte . Suffisamment de membres se sont appropriés le groupe et sont même prêts à le défendre. Il ne sert à rien de griller les étapes, pour un groupe comme pour un humain, il faut passer par les différentes étapes. Vouloir constituer un groupe adulte de toute pièce dès le départ pourrait s'appeler le "syndrome de Frankenstein"... Parfois
le groupe devient sénile . Il peut alors mourir mais peut-être a-t-il essaimé en donnant naissance ou en inspirant d'autres groupes, s'assurant ainsi une descendance.
Qu'est-ce que partage un groupe ? Il dispose tout d'abord d'
une culture commune (une histoire, du vécut commun, parfois du vocabulaire qui lui est propre...). Mais cette culture est-elle accessible à tous y compris aux nouveaux ? Le groupe a-t-il trouvé un bon équilibre entre son identité collective et l'identité personnelle de ses membres ? Un deuxième aspect à partager est absolument fondamental. Il s'agit
des communs (les informations définissant le groupe, son fonctionnement, ses règles et ses productions, les outils et méthodes utilisés par le groupe...). Sont-ils accessibles à tous facilement, y compris aux personnes à l'extérieur du groupe ? Outre la mise à disposition dans un endroit accessible (
Web ...), il est important que ces communs respectent quelques règles de partage : des licences
Creatives Commons pour les documents (en particulier cc -by -sa qui permet un véritable partage et une amélioration constante
6 ) et des logiciels libres pour les applications (en particulier la licence Gnu
7 ). Les outils et méthodes utilisées dans le groupe doivent permettre à chacun de développer son autonomie personnelle et son rayon d'action sans susciter des maîtres et des esclaves (voir en particulier les règles de Ivan Illich
8 ).
Les autres aspects qui dépendent de l'environnement
Outre la notion de choix
a posteriori qui fonde la coopération lorsque l'environnement est à la fois imprévisible et abondant, il existe trois autres aspects qui dépendent de l'environnement : les contraintes externes, la légitimité et les échanges.
L'environnement peut apporter des
contraintes externes : les attentes sur ce que va produire le groupe, les demandes de la hiérarchie lorsque le groupe est inclus dans une organisation... Mais il y a deux façons de percevoir ces contraintes : elles peuvent paralyser ou au contraire stimuler et pousser le groupe à aboutir à un résultat (sans date limite, il est parfois difficile de terminer une tâche). Il faut donc voir s'il est possible d'organiser le groupe pour que de telles contraintes soient stimulantes plutôt que paralysantes, s'il existe un espace de liberté et s'il faut l'élargir.
Une des plus grandes difficultés est la différence de rythme entre les attentes extérieures et celui de la production dans un groupe. Un autre aspect est de savoir si on cours derrière les demandes externes et les autres groupes qui font des choses proches ou bien si au contraire on a l'impression de
courir devant, laissant les autres nous suivre, ce qui est bien plus confortable.
La légitimité est un peu le pendant vers l'environnement du niveau de maturité qui lui, est interne au groupe. Comme pour celui-ci, on trouve
trois grandes étapes (enfance, adolescence et maturité) : dans un premier temps
le groupe est peu visible de l'extérieur. Dans un second temps il a
tendance a chercher à faire sa place en se positionnant souvent contre les autres groupes qui font des choses similaires. Une fois arrivé à maturité,
le groupe et ses membres sont perçus comme légitimes . Cela devient alors une force pour attirer de nouveaux membres. Certains groupes ont du mal à sortir d'un positionnement "contre", parfois du fait même des objectifs du groupe. Mais se battre contre l'extérieur peut conduire à finir par se battre... contre l'intérieur, et certains de ces groupes vont jusqu'à la désagrégation. Pour assurer une longévité, il peut être important de savoir réorienter ses objectifs et transformer une culture du contre en une culture constructive.
L'équilibre du groupe tient beaucoup à ses
échanges avec l'extérieur . Un groupe échange des idées, des informations mais aussi des personnes (qui entrent mais aussi qui sortent du groupe, certaines pouvant également participer simultanément à plusieurs groupes). Pour que le groupe adopte un "régime équilibré", il faut se poser la question de la
régularité de ces échanges (le groupe est-il resté longtemps sans intégrer de nouveaux membres ?), mais aussi de
leur quantité, de leur qualité et de leur diversité , afin de trouver une harmonie entre l'identité propre au groupe et son renouvellement.
Les compétences de la coopération
Après avoir vu les 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, il nous reste à voir
les 12 compétences qui permettent de mieux agir dans un groupe.
Les compétences liées aux personnes sont utiles non seulement pour les coordinateurs mais également pour les participants. Elles consistent Ã
savoir intégrer des personnes dans un groupe (et s'intégrer soi-même...),
se comporter de façon collaborative, gérer "l'infobésité" (la surinformation qui est inhérente à un environnement d'abondance et de transparence) et
connaître son positionnement (y compris être conscient d'être un simple observateur ou même d'agir en
leader négatif, tout en comprenant qu'il ne s'agit que d'un rôle et quel est sa place dans le groupe).
Les compétences spécifiques au groupe comprennent : comment
démarrer un groupe, le faire vivre, cartographier les idées et les positions 9 (pour produire de l'intelligence collective ou gérer les conflits) et savoir
auto-évaluer le groupe pour comprendre ce qui s'y passe et en débattre avec les autres membres du groupe autant que possible (cette dernière compétence peut être particulièrement utile, au delà des coordinateurs, à transmettre aux membres du groupe eux-mêmes).
Les compétences tournées vers l'environnement consistent Ã
savoir produire (un document peut être produit de façon coopérative - en se répartissant des parties - , ou de façon collaborative - en travaillant sur le même texte - . Il est même possible de produire ainsi à plusieurs centaines de personnes
10 ),
organiser des événements ouverts sur l'extérieur,
documenter ce que le groupe sait faire 11 et enfin
passer à l'échelle . Cette dernière compétence est encore peu répandue mais elle est fondamentale pour démultiplier les résultats de la coopération en touchant le plus grand nombre, y compris les "non militants"
12 .
Pour chacune de ces compétences, il existe plusieurs niveaux que l'on peut parcourir progressivement. Cela peut être facilement illustré avec la capacité à organiser un événement. Au début on peut y
être exposé en assistant à un événement, puis on peut
avoir participé à l'organisation. L'étape d'après consiste Ã
comprendre et savoir expliquer l'organisation d'un événement. On peut ensuite développer une
habilité à faire et même au stade utile être en capacité d'
innover dans ce domaine.
La coopération en 28 mots clés, que faut-il retenir ?
La coopération est parfois mal comprise et donc rejetée comme quelque chose d'utopique ou bien ne pouvant pas être mis en place pour des contraintes de temps ou d'argent. Mais
la coopération c'est avant tout faire converger l'intérêt individuel et collectif. Elle peut faire gagner du temps et de l'argent... ou en perdre 13 . Suivant le contexte (recherche d'innovation, recherche de l'implication des personnes...) et suivant comment elle est mise en place, elle peut s'avérer dans certains domaines bien plus efficace que les autres stratégies.
Il n'est pas aisé de se rappeler les 28 mots clés sans en oublier. Mais heureusement, cela n'est pas nécessaire.
Il est possible de s'aider d'outils . Ainsi,
un auto-questionnaire 14 reprend chacune des 16 facettes qui permettent de comprendre ce qui se passe dans un groupe, sous la forme de questions à se poser. Plutôt que de chercher à l'extérieur du groupe les réponses, il est bien plus efficace de se poser les bonnes questions (y compris avec les autres membres du groupe) car les meilleures réponses dépendent avant tout d'une grande compréhension des spécificité du groupe concerné... et de choix enrichis par une diversité de points de vue.
S'il est utile de disposer d'outils pour retrouver les 28 aspects qui permettent de comprendre la coopération, il est également indispensable de
pouvoir conserver à l'esprit certaines bases dont l'observation doit devenir un véritable réflexe . Les aspects à intégrer sont au nombre de trois. Ils constituent les
"conditions ICE" (Implication, Communs, Echanges) :
- 1. L'implication de quelques personnes : pas tout le monde car, comme nous l'avons vu, les observateurs et les inactifs constituent la majorité dans les groupes dès que l'on dépasse une douzaine de personnes. Cependant, il est indispensable de s'assurer qu'au moins une ou quelques personnes s'investissent dans le groupe et y adoptent une attitude proactive. Se réfugier derrière les outils qui feraient apparaître de la coopération comme par miracle est une utopie pour les groupes en dessous de plusieurs milliers voire dizaine de milliers.
- 2. Des communs accessibles : les fondamentaux du groupe (objectifs, règles de fonctionnement, outils et méthodes utilisés...) sont-ils accessibles à tous y compris les nouveaux ? Les productions du groupe sont elles facilement accessibles et réutilisables y compris en dehors du groupe ?
- 3. Des moyens d'échange : il est important de disposer de plusieurs outils et règles d'échange pour assurer la communication entre les participants qui permettront de faire converger le groupe : en présentiel et à distance, lors de moments synchrones (réunions) et en asynchrone (échanges en ligne par exemple), lors d'échanges organisés et de rapports informels (la "machine à café")...
Ces trois conditions doivent être
mises en place de façon efficace mais également diversifiée (Robert Ulanowicz a montré que la durabilité maximale d'un système dépendait de l'équilibre entre deux aspects antagonistes : 1/3 d'efficacité et 2/3 de résilience par la diversification)
15 .
1 Morin Edgar, « Les cécités de la connaissance : l’erreur et l’illusion » [en ligne], in Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, 1 vol., Paris, France, UNESCO, 1999, p. 5‑14, disponible sur <http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001177/117740fo.pdf >, (consulté le 27 janvier 2014).
2 « Le groupe Intelligence Collective de la Fing » [en ligne], disponible sur <http://ic.fing.org/ >, (consulté le 29 janvier 2014).
3 « Règle du 1 % » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A8gle_du_1_%25 >, (consulté le 29 janvier 2014).
4 Closets François de, Le système E.P.M., 1 vol., Paris, France, B. Grasset, 1980.
5 Tanguy est un film d'Etienne Chatilliez relatant l'histoire d'un jeune homme de 28 ans, gagnant bien sa vie mais préférant continuer de vivre chez ses parents, malgré leurs efforts pour qu'il s'installe ailleurs (On parle depuis de "Phénomène Tanguy"). « Phénomène Tanguy) » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Ph%C3%A9nom%C3%A8ne_Tanguy) >, (consulté le 29 janvier 2014).
6 « Creative Commons — Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France — CC BY-SA 3.0 FR » [en ligne], disponible sur <http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/fr/ >, (consulté le 29 janvier 2014).
7 « Licences - Projet GNU - Free Software Foundation » [en ligne], disponible sur <http://www.gnu.org/licenses/licenses.fr.html >, (consulté le 29 janvier 2014).
8 Illich Ivan, La Convivialité, Points Essais, Paris, Éditions du Seuil, 2003. et « Outil convivial » [en ligne], Wikipédia, disponible sur <http://fr.wikipedia.org/wiki/Outil_convivial >, (consulté le 29 janvier 2014).
9 Voir : "Cartographier pour donner une vision d'ensemble"
10 Voir : "Comment produire un document à plusieurs centaines de personnes"
11 Voir : « Des recettes libres pour documenter nos savoir-faire » [en ligne], Imagination For People, disponible sur <http://imaginationforpeople.org/wiki/workgroup/animfr/les-recettes-libres >, (consulté le 29 janvier 2014).
12 Voir : Gladwell Malcolm, The tipping point: how little things can make a big difference, 1 vol., New-York, Etats-Unis, Back Bay Books, 2002. et traduction française : Gladwell Malcolm, Le point de bascule: comment faire une grande différence avec de très petites choses, trad. Charron Danielle, 1 vol., Montréal, Canada, Éd. Transcontinental, 2003.
13 Voir : "La coopération expliquée à mon beauf'"
14 Voir le questionnaire : "Comprendre par vous-même ce qui se passe dans votre groupe"
15 Ulanowicz Robert E., A third window: natural life beyond Newton and Darwin, West Conshohocken, Pa., Templeton Foundation Press, 2009.